Front unique ouvrier pour interdire les licenciements ! Expropriation de Mulliez-Auchan, de Michelin !

Le capital a tendance autant à accroitre la population qui travaille qu’à transformer constamment une partie de celle-ci en population superflue. (Karl Marx, Manuscrits, 1857-1858, t. 1, p. 338)

La loi du profit passe par le droit de licencier

Lors du 2e trimestre, 6,317 millions contrats de travail ont été conclus dans le secteur privé et dans la même période 6,343 se sont achevés (DARES, 17 octobre). Depuis, le 5 novembre, Michelin, 2e groupe mondial de pneumatiques annonce 1 254 suppressions d’emplois et la fermeture des usines de Cholet et Vannes. Le même jour, Auchan, 5e groupe français de la grande distribution, annonce 2 389 suppressions d’emplois, la cession de plusieurs supermarchés et la fermeture de plusieurs rayons dans les autres.

Carte des licenciements collectifs / CGT, 17 Octobre 2024

Le droit européen et le droit français encadrent les licenciements collectifs. En France, depuis un an, près de 200 ont été annoncés (150 000 suppressions de postes au total), notamment chez Forvia (ex-Faurecia, 10 000 en Europe), Milee (10 000), Casino (3 000), Valeo (1 500), Sanofi (330), Stellantis (250), Vencorex (500), MaFrance (480), General Electric (360). Si le ralentissement de la croissance mondiale en cours devient une véritable récession, le pire est à venir.

En cas de surproduction de marchandises ou d’une productivité trop faible, les patrons ne s’embarrassent pas. Les sites les moins rentables sont fermés ou déplacés (au sein du même État ou dans un autre). S’ils ne le font pas, l’entreprise risque de disparaitre face à la concurrence.

Soit les conditions de travail et les salaires sont dégradés pour améliorer la rentabilité, soit les travailleurs sont collectivement licenciés. C’est déjà le cas du commerce de détail et de l’industrie automobile, sur fond de ralentissement de la croissance économique mondiale.

DARES, 25 octobre 2024

Le taux de chômage officiel est actuellement à 7,3% de la population active. Il risque d’augmenter.

Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories A, B, C augmente de 0,2 % sur ce trimestre et de 0,9 % sur un an. (DARES, Demandeurs d’emploi inscrits à France Travail au 3e trimestre 2024, 25 octobre)

Le chômage, en tant qu’armée économique de réserve, permet à l’ensemble des capitalistes d’exercer une pression sur les salaires et sur les conditions de travail.

Moratoire provisoire ou interdiction des licenciements collectifs ?

Malgré ces attaques, aucune riposte globale pour interdire les fermetures n’est organisée par les directions syndicales ni les partis prétendant défendre les travailleurs. Les partis « réformistes » (LFI, PS, PCF) font croire qu’un parlement où ils sont ultra minoritaires pourrait améliorer la situation des travailleurs. Les appareils syndicaux continuent à siéger dans les conseils d’administration ou les conseils de surveillance des groupes capitalistes.

Il n’est pas étonnant que la direction de la CGT se contenterait d’un « moratoire sur les licenciements », c’est-à-dire d’attendre un peu.

Nous demandons du temps supplémentaire aux entreprises en difficulté pour que les équipes syndicales, les pouvoirs publics, puissent travailler des projets pour maintenir l’activité sur le territoire. (Sophie Binet, France info, 12 novembre)

Elle se conforme à l’avis du premier ministre du gouvernement LR-EPR.

Nous saurons nous montrer solidaires, en exigeant du groupe Michelin comme du groupe Auchan de travailler avec le tissu local, les élus locaux, les syndicats, le patronat local, les chambres de commerce et d’industrie, et de déployer tous les outils à disposition pour accompagner individuellement chaque salarié et les territoires concernés dans les différentes reconversions possibles. (Michel Barnier, 5 novembre)

Collaboration de classe chez Auchan-Mulliez

Comme Michelin, le GIE Mulliez (qui détient Auchan, Décathlon, Leroy-Merlin, Norauto, Boulanger, Kiabi…) a reçu des centaines de millions d’aides de l’État. Cela l’a aidé à racheter 60 magasins Casino qui a conclu un plan de 3 000 suppressions de postes de travail en 2023. Mais les profits d’Auchan ne seront garantis qu’avec un nouveau plan social en 2025 (après ceux de 2019 et 2022). Le 5 novembre, les directions syndicales font mine de découvrir le danger.

Il va falloir que l’entreprise fasse des efforts très importants pour accompagner ses salariés. (Gilles Martin, CFDT, 5 novembre)

La CGT Auchan (5e syndicat de l’entreprise, 13 %) appelle le 7 novembre à la grève illimitée mais elle n’est pas suivie. Les quatre premiers syndicats du groupe (CFTC, CFDT, FO, CGE-CGC) ne bougent pas. La CFTC (33,6 %) « veut s’assurer de l’engagement de l’entreprise dans le reclassement de tous » (cftc-auchan.fr, 5 novembre) et la CFDT (21,6 %) demande « qu’une passerelle soit créée entre Auchan et les 130 entreprises de Mulliez afin de reclasser tous les salariés » (15 novembre). Dans ces conditions, le patron discute avec les responsables syndicaux son « plan de sauvegarde de l’emploi » le 28 novembre.

Collaboration de classe chez Michelin

En 2019, le groupe Michelin ferme l’usine de pneus poids lourds de La Roche sur Yon après de nombreuses concertations avec les représentants syndicaux. Dès 2021, le conseil d’administration de Michelin prévoit un « plan de simplification et de compétitivité » et demande un « accord-cadre de trois ans » pour arriver à 2 300 suppressions de postes en France. Un responsable de la CGT prétend qu’« il y aura des négociations, mais c’est comme un plan de sauvegarde de l’emploi, sans licenciements » (Le Monde, 6 janvier 2021).

Le 26 juin dernier, une intersyndicale CGT-FO-CGC-SUD admet que les concertations « n’ont pas permis d’éclairer les élus quant à la continuité d’exploitation des usines de Cholet, Joué-lès-Tours, Vannes » (cgtmichelin.fr, 3 juillet). Les directions syndicales n’engagent aucune mobilisation à l’échelle du groupe.

L’intersyndicale avait demandé la tenue d’une réunion d’urgence avec les directions industrielles des sites concernés afin d’échanger sur les conclusions du rapport d’expertise, les pistes évoquées par l’expert et les scénarios envisagés par l’entreprise. (Intersyndicale CGT-FO-CGC-SUD, 16 octobre)

Le 3 novembre sur France 3, Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, annonce en avant-première la fermeture des usines à Vannes et Cholet. Il se plaint de « délocalisations d’usines dans l’union européenne » en tentant, comme le RN, de dévier la responsabilité du capitalisme français vers les travailleurs étrangers.

Le 7 novembre, les salariés des sites ciblés se mobilisent et certains se mettent en grève. Le 8, le ministre de l’industrie, Marc Ferracci est pris à partie par les grévistes à Cholet. Le même jour, à l’usine de Vannes, la secrétaire générale de la CGT défend « un moratoire sur les licenciements ». Aux côtés de Lucie Castets (la haute fonctionnaire proposée comme première ministre à Macron par le Nouveau Front populaire), d’Aurélie Trouvé (LFI) et Clémentine Autain (EELV), Sophie Binet défend, non l’ensemble des travailleurs exploités par Michelin mais « la France » et la « préférence nationale ».

Nos fleurons comme Michelin n’en ont plus rien à faire de la France. Michelin, sur 130 000 emplois, n’en a plus que 15 000 en France. (Sophie Binet, 8 novembre)

Pour toute perspective, il s’agit de « multiplier les luttes » et « pour les salariés concernés par les plans de licenciements » « converger » dans une journée d’action prévue le 12 décembre Les plans de licenciements ne concerneraient pas les autres travailleurs de Michelin, d’Auchan, etc. Tout sauf une grève générale des groupes capitalistes !

Les partis réformistes ne remettent pas en question les subventions aux grandes entreprises, du moment qu’elles soient françaises comme Michelin.

Le déclin de notre industrie manufacturière se poursuit… Michelin annonce aujourd’hui la fermeture de deux usines… Le PCF ne laissera pas faire cette saignée et appelle à un moratoire sur les plans de licenciement ! Garantir les activités et les productions existantes est nécessaire pour disposer de points d’appui à une nouvelle industrialisation. (Fabien Roussel, 5 novembre)

Le Premier ministre Michel Barnier lui-même a indiqué vouloir savoir ce que le groupe Michelin a fait de l’argent public qu’on leur a donné. En conséquence les députés du groupe la France insoumise – NFP déposent ce jeudi 7 novembre une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics par l’entreprise Michelin. (Députés LFI, 8 novembre)

Pas question d’exproprier !

8 novembre : Sophie Binet (CGT) défend un moratoire des licenciements avec les NFP drapées du drapeau tricolore

Collaboration de classe partout

Tous les bureaucrates donnent des conseils aux manageurs des groupes capitalistes ou à l’État bourgeois, acceptent de fait les licenciements collectifs en discutant site par site des soi-disant plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Malgré des luttes parfois acharnées de milliers d’ouvriers, le refus par les dirigeants syndicaux de la grève générale de tout le groupe a conduit aux licenciements collectifs et aux fermetures des usines Continental de Clairoix (2009), PSA-Stellantis d’Aulnay-sous-Bois (2012), Goodyear d’Amiens (2013), Bridgestone de Béthune (2020), etc.

Fin septembre, l’usine du groupe chimique Vencorex est mis en « liquidation judiciaire ». Là aussi, les délégués syndicaux s’associent à la recherche de « repreneurs ». Les 460 salariés menacés font grève depuis le 24 octobre. Alors que le secteur (avec l’entreprise publique Arkema) est concerné par des menaces en cascade, les directions syndicales n’étendent pas la grève à toute la branche, très interdépendante. L’isolement des grévistes est la règle.

Nous voulons négocier un plan social digne de ce nom. (Séverine Dejoux, CGT, 27 octobre)

La secrétaire générale de la CGT poursuit sa tournée des sites menacés de fermeture par le grand capital. À Vencorex, la concurrence étrangère sert à dédouaner la cupidité des capitalistes français.

L’entreprise allait très bien jusqu’en 2022 et une politique de concurrence déloyale d’entreprises chinoises. On voit là le résultat de la grande naïveté des dirigeants français et européens qui laissent rentrer le loup dans la bergerie et qui n’ont aucune stratégie industrielle. (Sophie Binet, 7 novembre)

La direction de la CGT est prête à conseiller l’UE et son État bourgeois français pour qu’ils aient une « stratégie industrielle » qui ferait, bien sûr, le bonheur du prolétariat français. Les formulations des directions CGT et CFDT, de SUD et de FO, de la CFTC et de l’UNSA diffèrent mais leur point commun reste de collaborer avec les patrons français et de prolonger la propriété privée des moyens de production.

Mme Binet souhaite, en outre, « qu’une entreprise ne puisse pas toucher d’aides de l’État si l’avis des représentants du personnel est défavorable ». Un point sur lequel Mme Léon, son homologue de la CFDT, est d’accord. (Le Monde, 12 novembre)

Voilà le véritable contenu du « moratoire des licenciements » : illusions semées dans le gouvernement du capital, isolement des usines ou supermarchés menacés, négociation des PSE. Face aux licenciements, le rôle du syndicat n’est pas de travailler avec les patrons et l’État pour trouver « d’autres projets », mais d’organiser la mobilisation à l’échelle du groupe pour empêcher tout licenciement !

Exproprier les capitalistes !

13 novembre, siège de Michelin à Clermont / photo Julien Boscq

La solidarité doit être effective entre les salariés ciblés et ceux pour qui le tour viendra plus tard. Contre la fermeture d’un service, dressons la lutte de tous les travailleurs du site ! Face à l’annonce de la suppression d’un site ou d’une attaque contre une catégorie, dressons la lutte de tous les travailleurs de l’entreprise ! Contre la baisse des salaires et la menace de délocalisation, dressons la lutte des travailleurs de tout le groupe !

Imposons des assemblées générales pour organiser la riposte de tous les travailleurs et travailleuses. Organisons-nous pour interdire les licenciements et exproprier les licencieurs ! Des comités de lutte s’appuyant sur les AG peuvent voir le jour dans toutes les entreprises et y intégrer les chômeurs et les chômeuses. En se centralisant nationalement, ils poseront la question du contrôle ouvrier sur les embauches, sur l’investissement et la production. La grève totale de l’entreprise ou de la branche, l’organisation en assemblées générales et en comités de grève élus et révocables pour interdire tout licenciement, déboucheront sur la mise en question du droit de la minorité exploiteuse et richissime de décider du sort des travailleurs et de continuer à délabrer la planète.

Pas un licenciement ! Les syndicats, hors des conseils d’administration des groupes capitalistes ! Nationalisation sans indemnité ni rachat des groupes capitalistes français Auchan-Mulliez, Michelin et autres licencieurs !

Baisse du temps de travail sans baisse de salaire ! Contrôle ouvrier sur l’effectif, la production et l’investissement ! Plan massif de construction de logements collectifs de qualité et bon marché ! Ouverture des classes et des services hospitaliers qui manquent ! Embauche des enseignants et des soignants nécessaires dans l’enseignement public et la santé publique !

Gouvernement ouvrier ! Etats-Unis socialistes d’Europe !

17 novembre 2024