Argentine : comment les contrefaçons du trotskysme capitulent devant le péronisme bourgeois

Refusant d’affronter la bureaucratie syndicale (CGT, CTA) liée à des partis de la bourgeoisie argentine qui gardent une implantation populaire (PJ…), les organisations centristes (dont la plupart sont regroupées dans le FIT-U aux élections) entravent la classe ouvrière, tant pour se défendre contre les flics que pour trouver le chemin pour vaincre le président réactionnaire et prosioniste Milei. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur l’orientation que des deux principales organisations pseudo-trotskystes : le PTS pabliste-moréniste (repris mot à mot par sa succursale en France, RP) et le PO loriste-lambertiste veulent seulement plus de journées d’action.

La ligne du PTS

D’abord, le PTS confond volontairement la journée de grève du 9 mai appelée par les directions syndicales avec la grève générale. Pour le PTS, la grève limitée du 24 janvier, puis celle du 9 mai sont des « grèves générales ». Pour le PTS, ces journées de grèves sont une « réussite ». Mais en quoi la classe ouvrière a-t-elle satisfaction ? Pour le PTS, il en faut une nouvelle ; mais plus longue : une prétendue « grève générale » de 36 h ! Le PTS fait tout pour éviter de dire qu’il faut la grève générale jusqu’au retrait des plans de Milei, tout pour dévoyer la recherche de la grève générale par les secteurs des travailleurs les plus avancés dans cette nouvelle impasse.

Argentine. Le succès de la grève générale du 9 mai montre qu’il est possible de faire reculer Milei

La réussite de la journée de grève générale ce 9 mai en Argentine a montré qu’il existe une force énorme pour faire reculer Milei et ses projets ultralibéraux. Mais alors que les directions syndicales ont confirmé leur stratégie de pression, une grève active avec une mobilisation massive doit être imposée par en bas. […]

Et maintenant ? Si le gouvernement de Javier Milei a tout fait hier (le 9 mai) pour surjouer une tranquillité face à la journée de grève générale, il a eu bien plus de mal que le 24 janvier dernier à montrer des rues bondées et des petits magasins ouverts. Et pour cause, à la différence du 24 janvier dernier, la grève de ce jeudi a été appelée dès minuit et pour 24 heures, dans l’écrasante majorité des transports en commun. Pas un avion en vol, des bus à l’arrêt : la ministre de la Sécurité, Patricia Bullrich, figure d’ultra-droite du gouvernement, s’est ridiculisé en cherchant un des seuls bus en circulation pour montrer que le pays continuait à travailler.

Malgré une telle réussite, c’est la question de l’après qui se pose désormais. Si Milei fait face à sa seconde journée de grande grève générale en 6 mois de gouvernement, il a bénéficié jusqu’ici d’une attitude conciliatrice du péronisme (qui a cherché à maintenir l’opposition à la portion congrue du parlementarisme et des négociations partielles) et des bureaucraties syndicales. Hier, les deux principales figures des directions syndicales, Moyano et Daer, ont annoncé une prochaine journée de mobilisation sans grève tout en insistant sur le besoin de négocier avec le gouvernement. Une attitude de conciliation absurde, étant donné que les mesures proposées par Milei iraient dans le sens d’une restriction importante du pouvoir des organisations syndicales et de leur financement. En d’autres termes, malgré les discours pseudo-combattifs des directions syndicales, leur stratégie reste celle d’une négociation des attaques austéritaires massives qu’est en train d’organiser le gouvernement, main dans la main avec le FMI et les patrons.

De son côté, l’extrême gauche organisée au sein du Front de Gauche et des Travailleurs – Unité ainsi que le Plénier du Syndicalisme Combattif (qui organise de nombreux secteurs de travailleurs indépendants des directions syndicales) ont salué la force de la mobilisation d’hier. Sans se méprendre sur les intentions des directions syndicales, la façon dont les travailleurs ont adhéré massivement à la grève montre la disponibilité à combattre qui existe dans la classe ouvrière. Les dernières mobilisations comme celle du 23 avril, où le mouvement étudiant était présent de manière massive dans la rue contre l’austérité dans les facs, ont été une démonstration que l’humeur est en train de changer.

Face à cette situation, la gauche révolutionnaire défend l’urgence de formuler un programme qui cherche à unifier l’ensemble du monde du travail, contre la casse de l’éducation, des services publics, pour les salaires, en lutte contre les privatisations massives, ainsi qu’un rejet total de la loi « Bases ». De plus, elle défend le besoin d’un plan de bataille et d’une stratégie réelle pour imposer une défaite au gouvernement. Plutôt que de maintenir un plan de journées de grèves isolées, l’heure est à la construction d’un véritable mouvement d’ensemble qui s’appuie sur la disposition à lutter du mouvement ouvrier. C’est dans cette perspective et pour la préparation de la généralisation de la grève, qu’il s’agit d’imposer par en bas un appel à une grève de 36 heures, contre Milei, avec manifestation, lors du passage de la loi « Bases » au Sénat. Les éléments d’auto-organisation comme les assemblées de quartier et les syndicats combattifs pourraient s’armer de ce plan de bataille pour construire cette perspective dans les masses ouvrières. (PTS, Site Révolution permanente, 10 mai)

La ligne du PO

PO est fondamentalement sur la même orientation contre la grève générale, pour les soupapes de sureté de la bureaucratie péroniste. PO soutient les journées d’action de la direction de la CGT, évoque la grève générale comme une perspective lointaine, et se prononce aujourd’hui, comme le PTS, pour une journée d’action… de 36 h :

C’est nous qui avons mis en place une action de lutte indépendante le 1er mai et lutté activement pour la grève générale du 9 mai, qui a été d’une force ouvrière énorme, et là nous avons exigé la poursuite avec 36 heures…

Nous luttons pour l’unité stratégique des employés, des chômeurs et des précaires qui répond non seulement pour affronter d’urgence la faim, mais pour unir toute la classe ouvrière avec les assemblées populaires et toute la population exploitée dans la perspective de la grève générale qui met fin non seulement au plan Milei mais à tout le régime du FMI et des grands capitalistes…

Nous exigeons une grève active et une mobilisation nationale de la CGT et de la CTA le jour où la loi sera discutée au Sénat. Que le plan de lutte se poursuive avec une grève de 36 heures avec mobilisation nationale… (PO, Résolution de la rencontre nationale des travailleurs, 25 mai)

Front unique ouvrier pour battre Milei, grève générale jusqu’au retrait de ses projets !


Cahier révolution communiste n° 21

Pour l’Internationale communiste (1919-1924) et pour la 4e Internationale (1933-1949), la grève générale du prolétariat n’avait rien à voir avec une grève limitée et inoffensive des appareils.

La grève générale est la réponse du prolétariat qui ne veut pas et ne peut pas accepter que la banqueroute du capitalisme… C’est en cela que consiste l’importance fondamentale de la grève générale : elle pose nettement la question du pouvoir. La véritable victoire de la grève générale ne peut se réaliser qu’au moyen de la prise du pouvoir par le prolétariat et l’instauration de sa dictature. (Trotsky, « Préface à l’édition français de Où va l’Angleterre ? », 1925, Europe et Amérique, Anthropos, p. 10, 14)

Ce ne sont pas des grèves corporatives, ce ne sont même pas des grèves. C’est la grève. C’est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, c’est le début classique de la révolution. (Trotsky, « La révolution française a commencé », juin 1936, La Grève générale en France, GMI, p. 25)

Dans les syndicats CGT ou CTA, les réunions de travailleurs et d’étudiants, il faut s’organiser, malgré et contre la bureaucratie syndicale péroniste, pour vaincre le gouvernement Milei, pour la grève générale, tous ensemble, jusqu’au retrait de la loi Bases et du DNU.

  • Retrait des projets de loi anti-ouvriers, abrogation des décrets déjà promulgués !
  • Grève générale illimitée pour le retrait des deux lois, pour les augmentations salariales et l’indexation, contre les licenciements !
  • La démocratie dans les syndicats ! Lutte dans les syndicats ouvriers, les organisations étudiantes, les organisations de quartier, les organisations de femmes, etc., pour la rupture avec le gouvernement et la grève générale illimitée jusqu’à la défaite de Milei !
  • Protection des grèves, des manifestations, des organisations ouvrières contre les flics, les fascistes et les mafieux !
  • Expropriation des grandes entreprises nationales et étrangères (agricoles, industrielles, bancaires, commerciales, etc.) sous contrôle ouvrier !
  • Des comités de lutte (de tous les travailleurs, employés, chômeurs, étudiants, travailleurs du secteur informel, paysans pauvres…) pour se mobiliser dans les syndicats, les entreprises, les administrations, les quartiers, les universités, pour une grève générale illimitée, contre Milei ! Centralisation locale et nationale des comités de lutte !
  • Gouvernement ouvrier basé sur les comités de lutte !
  • Fédération socialiste d’Amérique latine !

28 mai 2024