Pour 5,7 millions de fonctionnaires, le gouvernement gère l’État capitaliste en patron. Après plus de 10 ans de gel des salaires entre 2010 et 2022, la hausse de 3,5 % en 2022 puis 1,5 % en 2023 du point d’indice (qui calcule le salaire) ne compense pas l’inflation. S’appuyant sur la loi de transformation de la fonction publique de 2019, Macron s’attaque au statut et salaires des fonctionnaires. En mars 2022, l’ancien secrétaire de la CGT banques, Jean-Dominique Simonpoli remet, avec Paul Peny, un rapport proposant une « rémunération socle » pour le salaire de base et des « accélérateurs » pour les plus méritants. Au printemps 2023, les directions syndicales « attendent une véritable négociation, précédée par un accord de méthode » (Intersyndicale fonction publique, 11 mai 2023). S’en suivent des mois de rencontres et de « groupes de travail » en vue d’un projet de loi.
Emmanuel Macron a annoncé que « le principal critère d’avancement et de rémunération » des fonctionnaires « devra être, à côté de l’ancienneté également, le mérite, en tout cas bien davantage qu’aujourd’hui ». (Le Monde, 18 janvier)
En 2021, ces primes représentent plus de 23 % des revenus brut et le mérite est déjà un critère d’avancement dans la carrière. Mais cela ne suffit pas. En dehors de la police, de l’armée et des ministres, toujours protégés, les salariés de l’État doivent être plus flexibles et mis en concurrence : 18 % des fonctionnaires sont en CDD et l’écart de salaire hommes-femmes est de 14 %. Renommé au gouvernement, Guerini propose « des plans d’intéressement collectifs au mérite dans la fonction publique » et attaque : « S’il y a une réelle insuffisance professionnelle, ça semble logique de pouvoir licencier un agent » (France inter, 11 février). Sa méthode reste d’associer les directions syndicales.
Il n’y aura pas de mesure cachée, je mettrai tout sur la table, et on va tout concerter. (Stanislas Guerini, France inter, 11 février 2024)
Celles-ci sont toutes soumises et veulent « ouvrir sans délai des négociations pour améliorer les carrières » (Intersyndicale fonction publique, 28 février). Après l’âge de la retraite à 64 ans, les travailleurs ne peuvent attendre que des coups du pouvoir en place. Les représentants syndicaux n’ont rien à faire dans ces « concertations ». Ne siégez pas !
Depuis fin février, en Seine-Saint-Denis, le ras-le-bol saisit enseignants et parents devant le manque de moyens et d’enseignants et le tri social programmé par le « choc des savoirs » (groupe de niveaux, sélection pour entrer au lycée…). Le 7 mars, la grève est majoritaire dans le 93 et plus de 4 000 manifestants sont au ministère. Cette lutte ne doit pas rester isolée. Les conditions dégradées et les revenus au mérite des « pactes » enseignants (travailler plus pour gagner plus) sont déjà une réalité. La responsabilité des directions syndicales de l’éducation est de préparer et d’appeler à la grève générale du secteur pour abroger le « choc des savoirs », annuler les suppressions de postes, arracher des moyens pour le droit aux études. Pour y parvenir, les travailleurs de l’éducation doivent se réunir partout en assemblées générales et chercher à coordonner la lutte nationalement par l’élection de délégués pour diriger leur lutte. C’est la seule voie pour être solidaire de la lutte de Seine-Saint-Denis et gagner.
Le retrait du projet Macron-Guerini passe par la rupture des concertations avec le gouvernement. Pour le rattrapage du pouvoir d’achat, les 400 euros pour tous, l’indexation les salaires sur l’inflation, pour titulariser les précaires, les travailleurs ne peuvent pas être menés en bateau par des journées d’action impuissantes comme lors du printemps dernier. Seule la préparation sérieuse d’une grève totale jusqu’à satisfaction ouvre une perspective pour vaincre le gouvernement et son projet de loi.