Aux États-Unis, républicains et démocrates tuent à la frontière
Aux États-Unis, les premières attaques contre le droit d’asile sont menées par Obama (Parti démocrate) dont les prédécesseurs Bush (Parti républicain) et Clinton (Parti démocrate) s’étaient chargés quant à eux de militariser la frontière avec le Mexique. Trump (Parti républicain) impose en 2019 l’obligation de rester côté mexicain pour attendre le traitement de sa demande par rendez-vous dans des centres de gestion à la frontière, limitant de fait le traitement des demandes quotidiennes. Une demande d’asile prend ainsi en moyenne quatre ans pour aboutir. La crise du Covid permet à Trump de faire adopter en mars 2020 le Titre 42 permettant de refouler tous les migrants y compris les demandeurs d’asile, d’expulser immédiatement les contrevenants. De 2020 à 2022, le Titre 42 a été utilisé 2,8 millions de fois avant sa levée le 11 mai 2023. En conséquence, 660 000 migrants se sont entassés côté mexicain. L’administration Biden a laissé le Titre 42 aller jusqu’à son échéance et a déployé 1 500 militaires supplémentaires à la frontière. Contrairement à son prédécesseur, il a cherché un accord avec le gouvernement mexicain de Lopez Obrador, celui-ci acceptant dorénavant de récupérer les migrants non mexicains.
Le gouvernement du Parti démocrate, bien que fortement critiqué sur sa gestion migratoire par le Parti républicain, Trump et De Santis en tête, déploie pourtant une stratégie répressive à l’égard des migrants. La loi de 1980 sur les demandes d’asile, déjà restrictive, est à nouveau détricotée, Biden entend rendre inéligible au droit d’asile toute personne étant rentrée sur le territoire illégalement et celles n’ayant pas fait de demande dans d’autres États au préalable, des mesures que Trump n’était pas parvenu à mettre en place.
Ces différentes mesures n’ont pas d’incidence sur le nombre de franchissements illégaux de la frontière. En revanche, en forçant les migrants clandestins à emprunter des chemins de plus en plus dangereux, elles ont augmenté le nombre de morts. En 2022, les chiffres officiels à la frontière établissaient un record à 853 décès, un nombre minimisé ne prenant pas en compte les nombreux disparus, ni les décès liés à l’entassement des migrants à la frontière mexicaine.
L’administration Biden n’a en rien limité la politique répressive envers les migrants, 104 000 d’entre eux croupissent en prison après des audiences de quelques minutes et pour seul motif d’avoir traversé la frontière.
Le gouvernement Biden cherche à multiplier les accords avec les États d’Amérique latine afin de limiter le flot d’arrivants et de faciliter les expulsions. Ainsi, le 18 octobre, il reprend les expulsions vers le Venezuela de Maduro, suite à un accord signé le 5. L’État cubain a lui aussi accepté en avril dernier de récupérer les refoulés sur son territoire après deux ans sans accord d’extradition.
Comme d’autres partis bourgeois traditionnels dans le monde, le PR sombre dans la xénophobie. Le gouverneur républicain du Texas a lancé la construction d’un mur de barbelés entre son État et le Nouveau-Mexique voisin. Depuis février, le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, organise des transports de migrants des États républicains vers des États démocrates.
Une surexploitation à l’échelle mondiale
Les accords passés par les pays impérialistes avec d’autres États pour contenir les migrants permettent aux bourgeoisies locales de disposer d’une main-d’œuvre corvéable et bon marché en s’affranchissant des obligations légales concernant les travailleurs locaux et avec la bienveillance des gouvernements et des polices sur place. C’est le cas au Mexique, en Turquie, en Tunisie, en Lybie…
Au Mexique, les migrants bloqués à la frontière viennent grossir les rangs des maquiladoras, ces zones franches du nord du pays où les entreprises américaines peuvent jouir d’exonérations de charge, des salaires limités et de la non-syndicalisation des ouvriers.
Et lorsque les conditions économiques rendent inutile cette main-d’œuvre étrangère, la bourgeoisie sur place surenchérit dans la xénophobie pour accuser les migrants d’être la source des malheurs de la population. Ainsi, le gouvernement Erdogan confronté à une explosion de l’inflation depuis la crise sanitaire (plus de 64 % fin 2022) expulse de force les réfugiés syriens, les livrant à la répression du régime d’Assad en violation du droit international sans que cela émeuve une seule seconde les gouvernements « démocratiques » européens.
Dans d’autres régions du globe, la surexploitation des travailleurs étrangers confine au travail forcé, voire à l’esclavage. Par exemple, dans les monarchies du Golfe, avec la kafala (un dispositif de la charia), les immigrés dépendent d’un tuteur local qui a le pouvoir d’autoriser le changement d’emploi, le départ du pays, etc. Les travailleurs sont recrutés dans leur pays d’origine par des négriers qui les vendent à des sociétés de recrutement locales qui les louent à leur tour à des entreprises. Chaque intermédiaire prélève sa part sur le salaire. Les ouvriers étrangers sans droit sont parqués dans des logements insalubres et sont surexploités sans possibilité de résistance. Ils forment souvent la plus grande partie du prolétariat local. Ainsi, en 2020 en Arabie Saoudite, sur les 13,35 millions de salariés que compte le pays, seuls 3,25 millions étaient saoudiens soit plus de 75 % de travailleurs étrangers. Au total, dans les 6 monarchies pétrolières (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), 80 % de l’emploi privé est occupé par des travailleurs étrangers, principalement arabes, venus du sous-continent indien ou d’Asie de l’Est.
Mais faire dépendre la présence des ouvriers sur le territoire de la seule volonté de son patron n’est pas limité aux monarchies absolues du golfe Arabo-persique, nombre de pays impérialistes « démocratiques » recourent au permis de travail lié à l’employeur, limitant de fait les possibilités du salarié de faire jouer la concurrence entre employeurs. C’est le cas de l’Australie, de la Belgique, du Canada, du Japon…
Israël fait aussi appel à des ouvriers étrangers, 30 000 Thaïlandais travaillent ainsi dans des exploitations agricoles, certains dans la zone rouge entourant Gaza. Ils sont souvent contraints par leurs patrons à rester travailler, y compris dans les kibboutz « socialistes », malgré les tirs de roquette et l’absence d’abri. Certains souhaitant retourner en Thaïlande sont retenus de force par leurs employeurs qui bloquent leurs salaires.
En Israël, des ouvriers thaïlandais qui souhaitent rentrer chez eux voient leurs salaires retenus par leurs employeurs, une façon de les obliger à rester travailler dans les zones dangereuses. (« Guerre Israël-Hamas : des ouvriers thaïlandais forcés de rester en Israël », RFI, 27 octobre 2023)
Partout la barbarie
Le délitement du capitalisme mondial augmentant la misère dans nombre d’économies dominées, les mouvements de population ne s’arrêteront pas. La crise climatique et ses conséquences délétères en matière de conditions de vie, de conditions sanitaires (des températures dépassant le seuil tolérable par le corps) et alimentaires (baisse de la production agricole locale), va amplifier les migrations contraintes. La Banque mondiale estime que 216 millions de personnes pourraient être réfugiées climatiques en 2050, avec comme cause principale le manque d’eau potable et l’élévation du niveau des mers.
Les tensions inter-impérialistes et les conflits armés dans les pays dominés provoquent déjà un peu partout dans le monde des mouvements de population auxquels les États capitalistes répondent par la répression.
Le 21 aout, l’ONG Human Rights Watch accuse les gardes-frontières de l’Arabie saoudite d’avoir abattu des centaines de migrants, voire des milliers, à la frontière avec le Yémen.
Ce que nous avons documenté, ce sont essentiellement des massacres… Les gens ont décrit des sites qui ressemblent à des champs d’extermination avec des corps éparpillés sur les flancs des collines. (BBC, 21 aout 2023)
Tant que le capitalisme perdurera ses frontières constitueront un frein à la survie d’une partie grandissante de l’humanité. Dans chaque État, la bourgeoisie profite du travail de prolétaires en situation irrégulière, moins chers et plus corvéables et, dans le même temps, son personnel politique mise sur la dénonciation des migrants pour dévier la colère populaire avec l’aide des partis sociaux-chauvins. Des pogromes menés par des fascistes et des racistes frappent les immigrés (Grèce, Tunisie, Chili, Afrique du sud, Chypre, Russie, Turquie…).
Les organisations d’origine ouvrière et les syndicats de travailleurs doivent défendre ensemble les travailleurs quelle que soit leur origine ou leur statut et exiger :
- La régularisation de tous les travailleurs et étudiants étrangers,
- Les mêmes droits pour tous les travailleurs,
- La fermeture des centres de rétention,
- La liberté de circulation et d’installation de tous les travailleurs et étudiants étrangers.
La satisfaction de ces revendications comme la résolution de l’ensemble des problèmes de l’humanité ne saurait être obtenue sans le renversement du capitalisme à l’échelle mondiale.