Lettre ouverte aux militants et aux organisations révolutionnaires du monde sur la question argentine

(Allemand / Deutsch)

Il faut dire aux masses l’amère vérité, clairement, sans ambages. (Vladimir Lénine, « Sur l’infantilisme de gauche », 5 mai 1918, Œuvres t. 27, Progrès, 1974, p. 345)

En novembre 2023, Javier Milei est élu président au second tour avec 55,6 % des suffrages ; deux ans plus tard, son parti l’emporte aux élections législatives d’octobre 2025 avec presque 41 % des voix. Comment l’expliquer ? La classe ouvrière est, depuis presque un siècle, prisonnière d’un mouvement nationaliste bourgeois. Le moment est venu de l’en débarrasser !

1941-1945, les partis réformistes facilitent l’ascension du bonapartiste Perón

Depuis la 1re guerre mondiale, le PS joue tantôt une aile de la bourgeoisie, tantôt une autre.

Le PCA fait de même depuis le milieu des années 1930. En 1942, la direction de la CGT, le PS et le PCA condamnent les grèves et s’activent pour que l’Argentine entre en guerre aux côtés des États-Unis (alliés alors de l’URSS) alors que la majorité de la bourgeoisie et de l’état-major de l’armée jouent la carte de la neutralité.

En 1943, l’armée prend le pouvoir. En 1945, le PS et le PCA forment un bloc (Union démocratique) avec le parti bourgeois UCR contre le colonel Juan Perón qui l’emporte à la présidentielle. Le Parti justicialiste conquiert une base de masse et prend même le contrôle de la CGT [voir Tavernier & Laurent (Chesnais), Argentine, pour un bilan du péronisme, septembre 1976].

1951, le mouvement « trotskyste » victime de la maladie sénile du front uni antiimpérialiste

La 4e Internationale avait été lancée en 1933 contre ce genre de trahisons des partis socialistes et communistes dégénérés, contre toute subordination à la bourgeoisie, y compris dans les pays dominés.

Nous sommes perpétuellement en compétition avec le bourgeoisie nationale… Dans tous les cas affronte directement les impérialistes étrangers ou leurs agents fascistes, nous lui donnons notre plein soutien révolutionnaire, tout en conservant l’entière indépendance de notre organisation… à condition que notre organisation ne participe pas à l’APRA [Pérou], au GMD [Chine] ou au PRM [Mexique]. (Lev Trotsky, Discussion sur l’Amérique latine », 4 novembre 1938)

Pourtant, après la seconde guerre mondiale, les partisans argentins de la 4e Internationale capitulent à leur tour devant une fraction « nationale », « antiimpérialiste » de leur bourgeoisie. Dans un premier temps, l’impulsion vient de la direction pabliste de la 4e Internationale (Pablo, Mandel, Frank, Maitan…) qui révise de 1949 à 1951 son programme, avec la caution du SWP américain, sous deux angles : redresser la bureaucratie stalinienne et entrer dans les mouvements nationalistes bourgeois en particulier en Amérique latine où il s’agit de rejoindre l’APRA au Pérou, le MNR de Bolivie, l’AD du Venezuela, le PTB au Brésil, « les ouvriers péronistes » en Argentine… (Les Congrès de la 4e Internationale, t. 4, La Brèche, 1989, p. 184-185, p. 288-289).

Palabra Obrera (Parole ouvrière), 19 janvier 1961, de Moreno se présente comme « organe du péronisme ouvrier révolutionnaire sous la discipline du général Péron »

Puis, en retour, l’Amérique latine a elle-même fourni des chefs révisionnistes qui répandirent leur opportunisme et leur révisionnisme à l’échelle continentale voire mondiale :

  • en Bolivie, Guillermo Lora (1922-2009)
  • en Argentine, Juan Posadas (1912-1981) et Nahuel Moreno (1924-1987).

Le posadisme (le Bureau latino-américain de la « 4e Internationale » puis la « 4e Internationale » de Posadas) et le morénisme (le Secrétariat latino-américain du « trotskysme orthodoxe », puis la FB au sein de la « 4e Internationale » de Mandel, Hansen et Moreno, et pour finir la LIT « 4e Internationale » de Moreno) furent des caméléons, tour à tour maoïste, péroniste, castriste, socialiste…

Du PRT-PST-MAS argentin de feu Moreno sont issus le PTS, le MST, le NMAS, l’IS, le NPST, la COR, la DO, le PCO, etc.

Le POR bolivien de Lora influence en 1966 la naissance en Argentine du groupe la Politica Obrera (la PO de Jorge Altamira) qui s’oppose positivement aux procastristes du PRT-PST de Moreno (alors membres de la « 4e Internationale » pabliste de Mandel et Hansen). La Politica Obrera (POa) se lie, dans les années 1970, comme son mentor le POR de Lora, à l’OCI lambertiste française, qui mélangeait orthodoxie formelle et réformisme pratique. Dans les années 1980, le Partido Obrero (le PO, nouveau nom de la POa) sombre, plus rien ne le distingue de l’opportunisme moréniste. Telle est l’origine du PO, de la POa, du POR argentins actuels.

Un héritage empoisonné des révisionnistes est le rétablissement d’une étape démocratique de la révolution (d’où le recours au mot d’ordre d’assemblée constituante même dans des pays de démocratie bourgeoise, où il devient totalement réactionnaire). Un autre est l’incapacité à distinguer le mouvement ouvrier du nationalisme bourgeois.

Nous reconstruirons l’unité du mouvement ouvrier… Nous socialistes reconnaissons que le soutien généralisé et organique à Perón a donné forme, pendant des années, à l’unité politique des travailleurs contre les gorilles [réactionnaires partisans des coups d’État contre Perón, son PJ et ses gouvernements]. La crise du péronisme a entrainé la disparition de cette unité des travailleurs… C’est pourquoi le MAS appelle les travailleurs, les militants et les dirigeants ouvriers du péronisme… à établir l’unité politique de notre classe en créant le grand Parti des travailleurs. (MAS, Programa, juillet 1985, p. 25)

Le centrisme est incapable d’analyser concrètement la situation concrète. Il cherche à justifier ses errements et ses revirements au fil des évènements. Cela va de la variante sophistiquée qui remplace Moreno par Gramsci (PTS) jusqu’au tiers-mondisme hystérique d’un gourou manipulateur (DO), en passant par la dispute de l’héritage de Moreno qui a pris tant de positions diverses et opposées qu’on a que l’embarras du choix pour justifier son propre opportunisme ou fustiger celui des rivaux (NMAS, IS, MST…).

La plupart des chefs opportunistes inventent, pour camoufler aux yeux de leur base leur réformisme pratique avec une phraséologie révolutionnaire, un monde imaginaire où la crise économique mondiale s’approfondit depuis… 1929.

Des crises permanentes, ça n’existe pas. (Karl Marx, Théories sur la plus-value, 1861-1863)

Dans ce radicalisme de façade, toute crise politique est « sans précédent » et « sans issue ». Pour la plupart des organisations à prétention « trotskyste », la Chine est toujours un État ouvrier, les islamistes mènent des révolutions, Trump et Milei n’ont aucune base populaire… Les problèmes à résoudre pour le prolétariat disparaissent par la magie du verbe.

Des révolutionnaires s’efforcent parfois de démontrer que cette crise est absolument sans issue. C’est une erreur. Il n’existe pas de situation absolument sans issue… Il faut « démontrer » maintenant, par l’action pratique des partis révolutionnaires, qu’ils possèdent suffisamment de conscience, d’organisation, de liens avec les masses exploitées, d’esprit de décision et de savoir‑faire pour exploiter cette crise au profit d’une révolution victorieuse. (Vladimir Lénine, Rapport sur la situation internationale et les tâches fondamentales de l’Internationale communiste, 19 juillet 1920)

Sauf le PRS-PCO, aucune organisation n’a tiré les leçons de l’expérience de 2001-2002. Mais il est resté à mi-chemin en rompant avec le Collectif révolution permanente.

2001 une crise révolutionnaire laissée sans programme

En 2001, une crise économique se transformant en crise révolutionnaire a ébranlé le capitalisme argentin. Aucune solution révolutionnaire n’a émergé. Les partis réformistes (PS, PCA, PCR…) et prétendument « trotskystes » (PTS, PO…) sont restés dans le cadre du populisme (« Qu’ils s’en aillent tous » et casserolades) et de l’État bourgeois (mot d’ordre d’assemblée constituante baptisée pour la circonstance « révolutionnaire »).

Décembre 2021, dans un pays de démocratie bourgeoise, le PTS et le PO ont pour axe l’assemblée constituante

Comme les péronistes bourgeois, le PCA poststalinien, les maoïstes, les guévaristes et les bakouninistes, plusieurs organisations « trotskystes » ont depuis la crise révolutionnaire de 2001 leur propre organisation de « piqueteros » qui est financée par l’État bourgeois et qui redistribue l’aide sociale à ses membres.

Autre conséquence de la crise révolutionnaire de 2001, le PO et le PTS, les deux principales organisations issues de la dégénérescence de la 4e Internationale, se renforcent et obtiennent de bons résultats électoraux. À cause des contraintes juridiques introduites par l’État, elles constituent en 2011 un front électoral, le Front de la gauche (sic) et des travailleurs (FIT) qui comporte aujourd’hui le PTS, le PO, le MST et l’IS.

Loin de résoudre la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat, ces partis se divisent en permanence sur des questions secondaires. Aucun n’est de type du Parti bolchevik de 1907-1921. Sur l’essentiel, le PTS, le PO, le MST et l’IS partagent avec les partis traitres issu de la sociale-démocratie (PS) ou du stalinisme (PCA, PCR) le légalisme, le pacifisme, le parlementarisme et le suivisme envers un secteur de la bourgeoisie présenté comme « un moindre mal ».

Tout cela implique l’acceptation des lois du capitalisme dans leur ensemble. C’est pourquoi, dans un pays où la sous-nutrition et la malnutrition chroniques chez les enfants existent depuis des décennies –bien qu’il soit l’un des plus grands exportateurs mondiaux de céréales et de viande– le FIT ne remet en question la propriété privée des grands domaines agricoles, ni n’envisage le désarmement des propriétaires fonciers et des forces de police répressives qui les défendent. Mais ceci, combiné au monopole du commerce extérieur, permettrait aux travailleurs de contrôler la production, les prix et la distribution des produits alimentaires de base en fonction des besoins sociaux.

Les communistes sont le parti de l’armement du prolétariat et des paysans pauvres, le parti de l’insurrection quand le moment est venu.

Les réformistes inculquent systématiquement aux ouvriers l’idée que la sacrosainte démocratie est assurée au mieux lorsque la bourgeoisie est armée jusqu’aux dents et les ouvriers désarmés. Le devoir de la 4e Internationale est d’en finir, une fois pour toutes, avec cette politique servile. (QI, L’Agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, septembre 1938)

Le FIT, dont toutes les composantes se réclament frauduleusement du fondateur de l’Armée rouge, refuse de se prononcer pour l’autodéfense. Le NMAS ne fait pas mieux.

Malgré plus d’un million de voix, des manifestations et des meetings de milliers de personnes, on cherche en vain la tendance syndicale du FIT-U contre les bureaucraties corrompues.

2002, la remise en selle du péronisme

Le Partido Justicialista Nacional de la República Argentina (Parti justicialiste, PJ), principal parti traditionnel de la bourgeoisie, qui a hérité d’une base populaire depuis l’accession au pouvoir en 1944 d’un bonaparte issu de l’armée, Perón, réussit à reprendre les rênes, en s’appuyant sur la bureaucratie syndicale, en émiettant et en intégrant le puissant mouvement de chômeurs (piqueteros) qui avait surgi.

Les gouvernements successifs de Duhalde (coalition PJ-UCR) et des Kirchner (coalitions autour du PJ), en raison de leurs étroits liens de subordination économique et politique avec les pays impérialistes, ils ne veulent ni ne peuvent sortir le pays de la dépendance économique, ce qui n’est possible que par la mobilisation du prolétariat et l’extension continentale de la révolution. Comme la plupart des pays d’Amérique latine, l’Argentine s’enfonce dans la spécialisation dans l’exportation minière, énergétique et agricole. Le seul changement est que la Chine commence à y prendre pied au détriment des États-Unis, avec la complaisance des gouvernements péronistes

Quand une nouvelle crise économique frappe en 2023 (le PIB baisse de 1,6 % en 2023 et de 1,7 % en 2024), accompagnée d’une inflation galopante (l’indice des prix augmente de 135,4 % en 2023 et de 219 % en 2024), l’élection présidentielle rebat les cartes, mais pour une solution bourgeoise qui s’inscrit dans la vague réactionnaire mondiale. Il n’y a pas de projet socialiste porté par un parti ouvrier du type du Parti bolchevik pour tracer une alternative au capitalisme et au péronisme discrédité.

2022, l’attentat contre Kirchner dévoile l’opportunisme du PTS et du PO

https://www.eldiarioar.com/politica/ausencias-legisladores-portenos-repudiaron-asesinato-vicepresidenta_1_9287650.html

Face à l’attentat en 2022 d’un désaxé contre Kirchner (alors vice-présidente), les députés FIT-U du parlement de la province de Buenos Aires (des dirigeants nationaux du PTS et le principal dirigeant du PO, Solano) votent la motion des partis bourgeois péronistes.

Cette abjection est camouflée par RP, l’organisation sœur du PTS qui scissionne au même moment du NPA en expliquant que les Gilets jaunes marquent le début d’une « nouvelle période », évidemment de montée des luttes.

2023, le candidat « anticaste » l’emporte

Un démagogue bourgeois resté jusque-là en marge du jeu des grands partis bourgeois, Javier Milei, se présente comme candidat de LLA (son parti « libertarien ». Milei est un économiste de l’aile la plus réactionnaire de la « science économique » bourgeoisie (les néoclassiques de l’école de Menger et Hayek) qui prône même l’abolition des banques centrales pour laisser libre cours à la concurrence des monnaies privées des banques privées.

En guise de liberté, Milei veut élargir celle du capital à exploiter, escroquer, empoisonner, polluer… Il veut restreindre celles des exploités. Milei et LLA sont opposés aux libertés démocratiques, nostalgiques de la dictature militaire. Le démagogue fait campagne contre « la caste » des gouvernements antérieurs (des Kirchner et de Macri).

Face à l’appareil répressif, cœur de l’État bourgeois, le FIT-U supplie que la police n’ait « pas la gâchette facile »
https://www.laizquierdadiario.com/Plataforma-2023-conoce-todas-las-medidas-urgentes-de-Bregman-y-Del-Cano-para-estas-elecciones

En 2023, au premier tour de l’élection présidentielle, la candidate du FIT-U (Bregman, PTS) n’a rien à dire sur le remplacement de l’armée de métier par l’armement du peuple (qui faisait partie du programme minimum de tous les partis soutenus par Marx et Engels à la fin du 19e siècle), ni sur la destruction de l’État bourgeois (une partie décisive du programme de l’Internationale communiste), ni sur l’autodéfense des masses contre la police et les bandes fascistes (qui constitue l’axe du programme transitoire de la 4e Internationale).

Les réformistes inculquent systématiquement aux travailleurs l’idée que la sacrosainte démocratie est assurée au mieux lorsque la bourgeoisie est armée jusqu’aux dents et les travailleurs désarmés. (L’Agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, 1938)

Par contre, la candidate du FIT-U revendique une assemblée constituante (qui n’avait de sens, pour la 4e Internationale que dans des pays comme l’Inde et la Chine des années 1930 et qui vient de montrer sa nocivité dans les pays où il y a déjà des élections comme la Tunisie ou le Chili).

Le second tour de la présidentielle oppose deux candidats bourgeois (Milei de LLA et Massa du PJ). Ni le NMAS, ni le FIT-U ne se prononcent pour le boycott. Le PO appelle à un vote en blanc. Le PTS appelle à « ne pas voter pour Milei », « sans cautionner Massa ». L’IS, le MST et NMAS appellent à « voter contre Milei », donc pour Massa.

Milei est largement élu au second tour en novembre 2023 malgré le soutien ouvert du mouvement ouvrier (directions confédérales, PS, PCR, PCE, IS) au candidat bourgeois concurrent (PJ).

2024, attaques étatiques contre les masses, soutien au génocide sioniste, ouverture au capital étranger

Une fois au pouvoir avec la Pro et l’UCR (qui avaient pourtant fait partie de « la caste »), Milei réprime systématiquement les manifestations. Il s’en prend aux travailleurs immigrés. Il entreprend de démanteler les concessions sociales arrachées lors les montées révolutionnaires précédentes.

En octobre 2024, le gouvernement met en place un régime d’incitation aux grands investissements (RIGI).

Le gouvernement restreint le droit à la contraception et à l’avortement. Milei appuie sans réserve le génocide israélien à Gaza.

Les bureaucraties syndicales de la CGT et des CTA, comme partout, ont décrété quelques journées d’action et, comme souvent, ont dévié le mécontentement vers la pression sur le parlement, où les partis bourgeois dominent largement, ou sur l’attente du retour d’un gouvernement péroniste issu de futures élections. À chaque fois, leurs diversions ont bénéficié de la complicité des partis réformistes (PSA, PCA, PCR) ou semi-réformiste (FIT-U, etc.).

Des grèves ont eu lieu mais elles sont restées éclatées, sans pouvoir remettre en cause le pouvoir exécutif. Les grèves diminuent en 2024 et en 2025 : en juin 2025, le nombre de grévistes avait baissé en un an de 34 % et le nombre de journées de grève de 28 % (selon le ministère du capital humain, 1 juillet).

2024, le FIT et le NMAS sont aspirés par le péronisme

Toutes ces organisations soutiennent en 2024 les cessations de travail limitées décrétées par la bureaucratie syndicale de la CGT et des CTA (qu’elles font passer, comme les bureaucrates péronistes eux-mêmes, pour une « grève générale »), au lieu de se battre pour la véritable grève générale jusqu’au retrait des attaques de Milei (coupes budgétaires, décret de nécessité d’urgence DNU, loi Omnibus…).

Il s’agit d’organiser par en bas, en impulsant des assemblées dans les lieux de travail pour imposer à la CGT et aux CTA l’appel à une grève nationale active de 36 heures. (PTS, 22 mai 2025)

Exiger de la CGT une grève de 36 heures et un plan de lutte national. (IS, 11 septembre 2025)

L’exigence d’une grève de 36 heures et d’un plan de lutte. (PO, 1 octobre 2025)

En quoi consiste le « plan de lutte » confié aux bureaucrates ? En tout cas, une grève bornée à l’avance à 36 heures n’a pas grand-chose à voir avec ce que Luxemburg appelait « grève de masse » et Trotsky « grève générale ».

La grève générale est la réponse du prolétariat qui ne veut pas et ne peut pas accepter que la banqueroute du capitalisme… C’est en cela que consiste l’importance fondamentale de la grève générale : elle pose nettement la question du pouvoir. La véritable victoire de la grève générale ne peut se réaliser qu’au moyen de la prise du pouvoir par le prolétariat et l’instauration de sa dictature. (Lev Trotsky, Préface à l’édition française de Où va l’Angleterre ?, 6 mai 1926)

Ce ne sont pas des grèves corporatives, ce ne sont même pas des grèves. C’est la grève. C’est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, c’est le début classique de la révolution. (Lev Trotsky, La Révolution française a commencé, juin 1936)

https://www.parlamentario.com/2025/04/11/con-nuevos-interbloques-fueron-designados-los-integrantes-de-la-comision-investigadora-del-caso-libra/

Le 11 avril, sous prétexte d’enquêter sur Milei, des députés du FIT-U (dont le principal dirigeant du PTS, Castillo) font un bloc avec des éléments de la coalition péroniste à la Chambre des députés. Cela est soigneusement dissimulé aux travailleuses et aux travailleurs français par RP.

Le 10 juin, la Cour suprême confirme les jugements de 2022 (quand Milei n’était que député) et de 2024 contre Kirchner (dite « CFK ») : condamnation à 6 ans de prison et interdiction de toute candidature.

Les opportunistes assimilent l’affaire à la persécution d’une organisation ouvrière par un État bourgeois. Pourtant, ce n’est pas une nouvelle affaire Dreyfus. D’ailleurs, aucun ne met en cause les lois qui interdisent le vol des fonds publics par des dirigeants politiques, ni les faits établis par le tribunal, c’est-à-dire l’enrichissement personnel de Kirchner et de sa famille durant 12 ans sur le dos du peuple argentin.

Nous avons là deux grandes bandes de politiciens spéculateurs, qui se relaient pour prendre possession du pouvoir d’État et l’exploitent avec les moyens les plus corrompus et pour les fins les plus éhontées. (Friedrich Engels, Introduction à La guerre civile en France, 1891)

La justice accepte que Kirchner reste à son domicile. Pour le NMAS, cette concession ne suffit pas. Les lois ne doivent pas s’appliquer au PJ. Il presse le parti bourgeois corrompude passer outre le jugement.

Le rejet de l’interdiction devait s’accompagner de l’exigence que le péronisme et CFK refusent de se plier à l’interdiction, slogan que le Nouveau MAS a seul défendu, au sein de la gauche. (Izquierda Web, 26 juin 2025)

10 juin 2025, siège du PJ, les dirigeants du PTS (à droite de la photo : Cristian Castillo, Nicolás del Caño, Myriam Bregman…) et du MST (à gauche de la photo : Alejandro Bodart, Celeste Fierro…) apportent leur soutien au parti bourgeois
https://www.minutouno.com/politica/dirigentes-izquierda-se-movilizaron-al-pj-apoyo-cristina-kirchner-el-fallo-la-corte-suprema-n6155283

Le MST et le PTS envoient une délégation commune le 10 juin au siège du PJ. Les chefs du PTS se rendent même chez elle le 12 pour lui apporter leur réconfort.

18 juin, Buenos-Aires, Plaza de Mayo, le NMAS, le PO et le PTS manifestent à l’appel du PJ

Le 18 juin, le PTS, le PO et le NMAS manifestent à Buenos Aires avec le parti bourgeois de Kirchner pour protester contre le jugement qui l’empêche d’être candidate.

Ces ralliements honteux à un parti bourgeois sont soigneusement cachés par le PCdL en Italie, la RIO en Allemagne, par LI et la CTR en Espagne, par RP et SoB en France, qui camouflent aussi que leurs homologues étatsuniens sont immergés dans l’aile de la social-démocratie américaine (Sanders, Ocasio-Cortez, Mamdani…) qui tente de ranimer le Parti démocrate.

Le résultat des élections législatives et sénatoriales du 26 octobre

Wikipédia, consulté le 31 octobre

Le parlement reste à 99 % aux mains des divers partis bourgeois. Le président et ses listes LLA (intégrant cette fois-ci la Pro) bénéficient d’une amélioration de la conjoncture économique (5,2 % de croissance attendue en 2025, ralentissement de l’inflation qui s’établirait à 36,6 %). Le gouvernement est conforté par la consultation électorale de mi-mandat pour renouveler la moitié des députés et le tiers des sénateurs.

Le PJ est aussi déstabilisé que le Parti démocrate aux États-Unis ou LR post-gaullistes en France. LLA obtient près de 41 % des voix aux législatives, soit 7 % de plus que la coalition bourgeoise FP dirigée par le PJ péroniste ; 42 % aux sénatoriales, soit presque 4,3 % de plus que la FP. Ainsi, le parti présidentiel obtient 55 sièges supplémentaires à la Chambre des députés (passant à 93) et 13 sénateurs de plus (passant à 19). Avec ses alliés de la Proposition républicaine (Pro) et de l’Union civique radicale (UCR), il peut désormais compter sur 110 députés (sur un total de 257) et 28 sénateurs (sur 72).

Le PS et le PCR maoïste ont appelé à voter pour le bloc électoral FP bourgeois dirigé par le PJ péroniste. Le PCA a présenté quelques candidats et ailleurs à voter FP.

Lors des précédentes élections, le FIT-U annonçait ses candidatures lors d’une conférence de presse et présentait un programme (de contenu quasi-réformiste). Cette fois-ci, le FIT-U a fait campagne sans se doter du moindre programme national. Il obtient 3,9 % des suffrages exprimés aux législatives et 2,7 % aux sénatoriales, il a perdu un siège de député.

Nuevo MAS https://izquierdaweb.com/manifiesto-anticapitalista-para-la-argentina/

Deux autres organisations opportunistes (la POa, le NMAS) ont aussi présenté quelques candidats sur une ligne convergente avec le FIT, combinant pacifisme à la Gandhi et illusions parlementaristes à la Boric.

Assez de policiers dans les mobilisations. Quand il n’y a pas de police, il n’y a pas de répression, pas de blessés, pas d’emprisonnées ni d’emprisonnés. Défense inconditionnelle du droit de protester socialement et des droits de l’homme… Assemblée constituante souveraine pour proposer une Argentine anticapitaliste. (NMAS, Un manifeste anticapitaliste pour l’Argentine, 17 septembre 2025)

La candidate du NMAS dans la province de Buenos-Aires n’a obtenu que 0,56 % des voix tandis que les deux candidats du FIT-U totalisaient 5,04 %.

Bien que le vote soit formellement obligatoire, un tiers des inscrits n’a voté ni pour les partis bourgeois (LLA, FP, PU, IF…), ni pour la coalition « trotskyste » FIT-U, c’est le taux d’abstention le plus élevé depuis 1983. Cela montre le détachement conjoncturel d’une fraction importante des masses vis-à-vis des partis bourgeois et des élections. Mais cela n’a rien, en soi, de radical ou de progressiste.

Avant tout, un programme, une stratégie, un parti !

Assez de blocs purement électoralistes ! Assez de formules creuses (« la gauche », « plan de lutte », « assemblée constituante souveraine ») ! Assez de capitulation devant le péronisme ! En Argentine comme aux États-Unis, il faut saisir l’occasion de se démarquer du parti bourgeois pourri qui s’est discrédité, qui a servi de tremplin aux populistes réactionnaires. Il faut lancer le mot d’ordre de rupture des syndicats et des organisations d’opprimés, afin de former un parti ouvrier de masse sur un programme de lutte de classe.

Renforcé momentanément par les résultats des élections et par un soutien financier d’urgence très important reçu de Trump, le gouvernement Milei va essayer de redoubler les coups contre la classe ouvrière.

En même temps, l’État impérialiste américain veut reprendre le contrôle colonial de Cuba qui s’oriente déjà vers le rétablissement complet du capitalisme sous l’égide de son propre gouvernement et soumettre toute l’Amérique (actuellement, il menace militairement le Venezuela, le Mexique et la Colombie, et fait pression sur le Canada pour le faire rentrer dans les EU et le Danemark pour s’emparer du Groenland) pour se renforcer et préparer la confrontation avec l’État impérialiste chinois.

Il est urgent que les militants révolutionnaires des organisations du trotskysme édulcoré, du post-maoïsme néo-réformiste, du guévarisme sans guérilla paysanne… rompent avec l’opportunisme et le sectarisme, avec le pacifisme et la subordination au péronisme bourgeois, qu’ils s’engagent dans la construction d’un parti de type bolchevik sur les lieux de travail et d’études, dans les quartiers populaires et les campagnes, contre les bureaucrates péronistes des syndicats, des organisations de femmes et d’étudiants. Ce parti ne peut émerger que dans le cadre d’une nouvelle internationale communiste.

L’internationale n’a ni ne peut avoir place dans aucun des fronts populaires. Elle s’oppose irréductiblement à tous les groupements politiques liés à la bourgeoisie. Sa tâche, c’est de renverser la domination du capital. Son but, c’est le socialisme. Sa méthode, c’est la révolution prolétarienne. (QI, L’Agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, septembre 1938)

2 décembre 2025