Trump et Mamdani : une épreuve décisive pour le mouvement MAGA (GKK/Autriche)

(Allemand / Deutsch)

« Pensez-vous toujours que le président Trump est un fasciste ? », demande une journaliste au nouveau maire de New York, Zohran Mamdani. « J’en ai déjà parlé… », commence-t-il, visiblement prêt à esquiver la question, lorsque Trump lui tape l’épaule en riant : « C’est bon, allez-y… ça m’est égal ! » Mamdani semble interloqué. « Très bien », répond-il. (AFP, 21 novembre)

La rencontre du 21 novembre entre Donald Trump et Zohran Mamdani a fait sensation dans les grands médias nord-américains. Mais au-delà de l’image, elle révèle une dynamique plus profonde : la classe dominante des États-Unis est confrontée à une crise sociale qui s’aggrave, et cherche à désamorcer la pression d’en bas par des manœuvres contrôlées.

Le mouvement MAGA se fissure

Le pouvoir politique de Trump s’appuie traditionnellement sur une alliance hétérogène : fractions du petit capital ruiné, appareils policiers et militaires, milieux conservateurs et segments de la classe ouvrière. Aujourd’hui, des fissures deviennent visibles. Une partie de sa base se détourne de lui : les scandales moraux frappent sa base religieuse, la dégradation des conditions de vie atteint les travailleurs.

Le noyau économique du mécontentement est l’explosion du le cout de la vie, surtout des prix alimentaires. La politique agressive de droits de douane agit comme un impôt déguisé. Environ 75 % des importations alimentaires sont aujourd’hui touchées par des droits de 10 à 30 %. Des études évaluent l’augmentation des prix alimentaires entre 2,5 et 3 % en moyenne, rien qu’à cause de ces tarifs. Les produits dont les États-Unis dépendent structurellement sont les plus touchés :

  • Café : +20 % sur un an,
  • Bœuf (steaks) : +16,6 %,
  • Agrumes et fruits de mer : augmentations à deux chiffres…

Pour des millions de travailleurs, la pression devient insupportable, comme en témoigne la hausse de la demande auprès des banques alimentaires.

Trump : davantage un Brüning autoritaire qu’un Hitler

Dans les organisations du mouvement ouvrier, Trump est souvent présenté comme un fasciste. Certes, ses déclarations trahissent parfois des fantasmes autoritaires d’inspiration fasciste. Mais pour la majorité de la bourgeoisie américaine, l’instauration d’une dictature fasciste —destruction complète des organisations ouvrières, liquidation des libertés démocratiques, contrôle totalitaire des médias— n’est pas aujourd’hui une option nécessaire.

Trump incarne le pôle autoritaire du pouvoir bourgeois, mais il ne s’appuie ni sur une milice de masse centralisée, ni sur un appareil fasciste unifié et il doit manœuvrer avec des fractions de la bourgeoisie plutôt que les dominer.

Cela ne signifie pas qu’un secteur autoritaire du capital américain ne puisse pousser à une « solution » fasciste si la colère sociale des travailleurs salariés, de la jeunesse et de la petite paysannerie endettée s’intensifie. La résistance physique —encore désarmée— aux raids de l’ICE contre les migrants inquiète profondément la bourgeoisie, y compris celle du Parti démocrate.

Quiconque évoque la République de Weimar ne peut ignorer l’ère Brüning : entre 1930 et 1932, la chancelier Brüning gouverna de manière autoritaire par décrets d’urgence. La direction du SPD l’avait soutenu pour « éviter pire ». Le KPD et la 3e Internationale commirent alors l’erreur catastrophique de qualifier Brüning de « fasciste », plaçant Hitler sur le même plan, un cours gauchiste aux conséquences tragiques.

Le fascisme : pas nécessaire pour l’instant, mais prêt à l’emploi

La bourgeoisie américaine n’a pas aujourd’hui besoin d’un régime fasciste, mais d’un exécutif fort à l’intérieur des formes démocratiques afin de gérer la crise. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la vidéo dans laquelle six parlementaires démocrates —tous anciens militaires ou agents du renseignement— ont appelé le 18 novembre les forces armées et les services secrets à ne pas exécuter d’ordres illégaux.

Trump a réagi en parlant de « trahison » et de « rébellion », brandissant même la menace de la peine de mort, qui révèle plus son état psychologique que de la position réelle de la bourgeoisie. Les dirigeants démocrates l’ont répété : ils ne s’opposent pas à la répression des grèves ou des protestations sociales, tant que cela reste dans le cadre des lois existantes.

La volteface de Trump

Face à cette situation, la bourgeoisie cherche à canaliser le mécontentement sans toucher aux causes structurelles. Mamdani, « socialiste démocrate », parle des conditions de vie (logement, transports, infrastructures publiques, santé) qui deviennent insupportables pour les travailleurs. Ses propositions restent dans les limites institutionnelles et ne menacent pas la bourgeoisie comme classe.

La rencontre à la Maison blanche a permis à Trump de jouer deux rôles : celui du dirigeant qui «sait écouter » et celui du politicien expérimenté capable de modérer ses outrances. Ce n’est pas un tournant stratégique vers les intérêts de la classe ouvrière, mais une manœuvre classique d’une figure politique de la classe dominante en période d’instabilité.

Trump et Mamdani ont tous deux insisté sur la question de la « vie abordable ». Lors de l’élection présidentielle de 2024, Trump a progressé à New York : dans le Bronx, il était passé de 16 % à 27 % ; dans le Queens, de 21,8 % à 38 %. Cela reflètait la perte de confiance des couches populaires envers le Parti démocrate.

Mamdani a réussi à reconquérir une partie de cet électoral. Trump, politique aguerri, a répondu par une soudaine offensive sociale-démagogique. Des mesures sociales à New York sont donc possibles, mais elles seraient tactiques, non l’expression d’un véritable changement des rapports de force.

À l’époque du capitalisme pourrissant, la bourgeoisie reprend chaque fois de la main droite le double de ce qu’elle a donné de la main gauche : impôts, droits de douane, inflation, déflation, vie chère, chômage, règlementation policière des grèves, etc. (4e Internationale, L’Agonie du capitalisme et les tâches de la 4e Internationale, 1938)

Mamdani : aucune raison de se réjouir

Pour Mamdani et ses soutiens, la situation comporte des risques. Trump pourrait se retourner, selon la conjoncture et selon l’évolution du noyau dur de sa base, notamment après l’affaire Epstein et son éloignement du discours isolationniste.

Sans avant-garde organisée, aucune politique favorable aux travailleurs ne pourra s’imposer durablement. L’histoire est pleine d’exemples où des forces réformistes ont été utilisées pour gérer la crise, en désarmant politiquement leur propre base.

La rencontre Trump–Mamdani est un symptôme d’une crise plus profonde de représentation politique de l’impérialisme américain. La classe dominante tente de contrôler les contradictions à travers des concessions symboliques et limitées.

La classe ouvrière ne doit se faire aucune illusion dans les manœuvres du régime bourgeois. Il lui faut construire une organisation de classe politique, indépendante et de masse.

La rupture avec la bourgeoisie américaine et avec ses deux partis est la condition pour que le prolétariat des États-Unis puisse conquérir un avenir socialiste.

22 novembre 2025