Mais tout cela n’est qu’un théâtre. Au premier acte, ces projets de budgets sont amendés à tour de bras par tous les groupes parlementaires, selon parfois des alliances de circonstances effaçant toutes frontières de classe. LFI vote avec le RN, le PS avec les macronistes, etc. Le décalage de la loi Borne sur les retraites, proposée par le gouvernement en échange de la mansuétude du PS, est adoptée en première lecture. Ici on vote le doublement de la taxe sur les géants américains du numériques (GAFAM) censée rapporter au moins 25 milliards d’euros. Là, on rétablit l’indexation des retraites et des prestations sociales, on vote une nouvelle taxe sur les bénéfices des grandes entreprises, on rallonge de 870 millions le budget des hôpitaux, on rétablit l’indexation du barème des impôts et l’abattement forfaitaire de 10 % sur les revenus des retraités, etc., etc.
Hier soir nous avons obtenu du premier ministre le dégel des pensions de retraites et des prestations sociales, soit 3,6 milliards que n’auront pas à subir les familles, également un engagement encore trop flou sur le budget de l’hôpital et 2,5 milliards supplémentaires via la CSG sur le patrimoine financier. (Olivier Faure, LCP, 31octobre)
Il semblerait donc que, par la vertu des discussions parlementaires, nombre des attaques contre la classe ouvrière prévues initialement sauteraient les unes après les autres. Pure illusion !
Le 8 novembre, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la partie recettes du budget de la Sécurité sociale (dont la réduction du cout des heures supplémentaires pour les patrons), grâce aux voix du PS et à l’abstention de députés du PCF, au motif de permettre ainsi à la discussion de se poursuivre sur la partie dépenses. C’est la couverture honteuse de la politique du gouvernement.
LFI a beau jeu de dénoncer la complicité du PS avec le gouvernement. Hélas, ce n’est que concurrence entre réformistes. Ils sont d’accord pour faire croire au théâtre parlementaire, pour garder la Nouvelle-Calédonie, pour renforcer l’armée française. Son représentant en commission des finances explique pourquoi les députés LFI voteront contre les crédits militaires de 57,2 milliards d’euros parce qu’ils sont insuffisants, malgré leur augmentation de 7 milliards, pour développer l’armée de l’impérialisme français
Les crédits de la mission Défense atteindront 66,7 milliards d’euros en 2026, ce qui représente une hausse de 11,3 %. Cette augmentation se décompose en une marche de 3,2 milliards prévue par la LPM et en une surmarche de 3,5 milliards. Je redoute donc pour ma part que la surmarche ne serve qu’à absorber la surchauffe budgétaire du ministère plutôt qu’à développer de nouvelles capacités militaires. J’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission défense. (Bastien Lachaud, 5 novembre)
Au deuxième acte, tout cela sera reformaté au Sénat pour revenir à la copie initiale, voire pire ! Déjà la majorité sénatoriale composée de macronistes et de LR a annoncé qu’elle allait « nettoyer et décaper », « éradiquer tous les impôts » sur les entreprises et les plus fortunés, rétablir l’application de la loi Borne, le gel des retraites, sauf pour les plus modestes…
Au troisième acte, une fois épurés par les sénateurs et la commission mixte paritaire de tout ce que les députés se vantent d’avoir obtenu, les projets de budgets seront de retour devant l’Assemblée nationale. Le gouvernement, qui a peu de chance alors d’obtenir un compromis acceptable par ses oppositions, profitera des limites constitutionnelles de 50 jours de débats pour le budget de la Sécurité sociale et 70 jours pour le budget de l’État pour siffler la fin du jeu et faire passer ses budgets par ordonnances. Évidemment, le gouvernement reste sous la menace hypothétique d’une motion de censure brandie par LFI comme par le RN, qui, pour être majoritaire, devrait rassembler aussi bien les voix du PS, du PCF et de LFI que celles du RN…
Les partis réformistes PS, PCF et LFI demandent à la classe ouvrière de les laisser faire, ils l’enserrent dans les illusions parlementaristes, soit en lui faisant miroiter des avancées obtenues à coup d’amendements, soit en la renvoyant au vote d’une motion de censure. En réalité, la discussion budgétaire ne changera rien à la nature profondément réactionnaire des budgets de l’État et de la Sécurité sociale et la motion de censure, nécessairement en alliance avec le RN pour être majoritaire, ne ferait qu’ouvrir grand les portes à Le Pen ou Bardella pour accéder au pouvoir.
Les dirigeants syndicaux leur emboitent le pas. La CGT, la FSU et Solidaires décrètent une journée d’action le 2 décembre.
Rien n’est encore joué, car le débat budgétaire durera jusqu’à mi-décembre. C’est le moment d’amplifier nos mobilisations de la rentrée pour mettre la pression pour obtenir la justice sociale, fiscale et environnementale dans ce budget. (Tract intersyndical, 6 novembre)
Voilà les travailleurs invités à faire pression sur les débats parlementaires. Quel est le bilan des appels aux journées d’action du 18 septembre, du 2 octobre, sinon d’avoir laissé le gouvernement développer son calendrier sans crainte alors qu’il est si affaibli ? C’est la même diversion que l’intersyndicale avait utilisée en 2023 et qui a permis la mise en application de la loi Borne contre nos retraites.
Ensemble, imposons une autre répartition des richesses, au national en mettant la pression sur le vote du budget et dans nos entreprises et services en gagnant des augmentations de salaires. (Tract CGT pour le 2 décembre)
Si les budgets du gouvernement passent, cela signifiera une aggravation importante de la situation des travailleurs, des étudiants, des retraités, des migrants et des sans-papiers, pendant que les crédits pour l’armée et la police seront renforcés. Pour leur barrer la route, il n’y a pas d’autre voie que la mobilisation de la classe ouvrière pour affronter le gouvernement et le vaincre, préparer la grève générale.
Unité de toutes les organisations ouvrières pour manifester à l’Assemblée nationale pour interdire le vote des budgets réactionnaires ou leur passage par ordonnances !
Les dirigeants syndicaux appellent à la tenue d’assemblées générales sur les lieux de travail pour préparer le 2 décembre. Utilisons-les pour imposer la volonté des travailleurs en faisant voter pour la rupture de toute collaboration avec le gouvernement Macron-Lecornu, la manifestation centrale à Paris, contre le gouvernement et ses budgets !

