Il faut dire aux masses l’amère vérité, clairement, sans ambages. (Lénine, 5 mai 1918)
Comment expliquer l’ascension de Milei ?
En 2001, une crise économique se transformant en crise révolutionnaire a ébranlé le capitalisme argentin. Aucune solution révolutionnaire n’a émergé. Les partis réformistes (PS, PCA, PCR…) et prétendument « trotskystes » (PTS, PO…) sont restés dans le cadre du populisme (« Qu’ils s’en aillent tous » et casserolades) et de l’État bourgeois (mot d’ordre d’assemblée constituante). Le PJ, principal parti traditionnel de la bourgeoisie, qui a hérité d’une base populaire depuis l’accession au pouvoir en 1944 d’un bonaparte issu de l’armée, Perón, réussit à reprendre les rênes, en s’appuyant sur la bureaucratie syndicale, en émiettant et en intégrant le puissant mouvement de chômeurs (piqueteros) qui avait surgi.
Les gouvernements successifs des Kirchner sont évidemment incapables de sortir le pays de la dépendance économique, ce qui n’est possible que par la mobilisation du prolétariat et l’extension continentale de la révolution. Comme la plupart des pays d’Amérique latine, l’Argentine s’enfonce dans la spécialisation dans l’exportation minière, énergétique et agricole. Le seul changement est que la Chine commence à y prendre pied au détriment des États-Unis, avec la complaisance des gouvernements péronistes
Quand une nouvelle crise économique frappe en 2023 (le PIB baisse de 1,6 % en 2023 et de 1,7 % en 2024), accompagnée d’une inflation galopante (l’indice des prix augmente de 135,4 % en 2023 et de 219 % en 2024), l’élection présidentielle rebat les cartes, mais pour une solution bourgeoise qui s’inscrit dans la vague réactionnaire mondiale. Il n’y a pas de projet socialiste porté par un parti ouvrier du type du Parti bolchevik pour tracer une alternative au capitalisme et au péronisme discrédité.
Les partis réformistes facilitent l’ascension du bonapartiste Perón
Depuis la 1re guerre mondiale, le PS joue tantôt une aile de la bourgeoisie, tantôt une autre.
Depuis l’adoption de la même politique sous le nom de Frente popular, le PCA fait de même depuis le milieu des années 1930. En 1942, la direction de la CGT, le PS et le PCA condamnent les grèves et s’activent pour que l’Argentine entre en guerre aux côtés des États-Unis (alliés alors de l’URSS) alors que la majorité de la bourgeoisie et de l’état-major de l’armée jouent la carte de la neutralité.
En 1943, l’armée prend le pouvoir. En 1945, le PS et le PCA forment un bloc (Union démocratique) avec le parti bourgeois UCR contre le colonel Juan Perón qui l’emporte à la présidentielle. Le Parti justicialiste conquiert une base de masse et prend même le contrôle de la CGT [voir Tavernier & Laurent (Chesnais), Argentine, pour un bilan du péronisme, septembre 1976].
Le mouvement « troskyste » victime de la maladie sénile du front uni antiimpérialiste
La 4e Internationale avait été lancée en 1933 contre ce genre de trahisons des partis socialistes et communistes dégénérés, contre toute alliance avec la bourgeoisie. Après la seconde guerre mondiale, ses partisans argentins capitulent à leur tour devant une fraction « nationale », « antiimpérialiste » de leur bourgeoisie. Dans un premier temps, l’impulsion vient de la direction pabliste de la 4e Internationale (Pablo, Mandel, Frank, Maitan…) qui révise de 1949 à 1951 son programme, avec la caution du SWP américain, sous deux angles : redresser la bureaucratie stalinienne et entrer dans les mouvements nationalistes bourgeois (en particulier en Amérique latine).

Puis, en retour, l’Amérique latine a fourni des chefs révisionnistes qui répandirent leur opportunisme et leur révisionnisme à l’échelle continentale voire mondiale : en Bolivie, Guillermo Llora et, en Argentine, Juan Posadas (1912-1981) et Nahuel Moreno (1924-1987). Le posadisme (le Bureau latino-américain de la « 4e Internationale » puis la « 4e Internationale » de Posadas) et le morénisme (le Secrétariat latino-américain du « trotskysme orthodoxe », puis la FB de la « 4e Internationale » de Mandel, Hansen et Moreno, et pour finir la LIT « 4e Internationale » de Moreno) furent des caméléons, tour à tour maoïste, péroniste, castriste, socialiste… Du PST-MAS argentin de feu Moreno sont issus le PTS, le MST, le NMAS, l’IS, la COR, DO, etc.
Llora a influencé la naissance en Argentine du groupe la Politica Obrera (la PO) qui, apparu en 1966, s’opposait positivement aux procastristes de Moreno alors membres de la « 4e Internationale » pabliste de Mandel et Hansen. La PO de Jorge Altamira se lie, dans les années 1970, comme son mentor le POR de Bolivie, à l’OCI lambertiste française, qui mélangeait orthodoxie formelle et réformisme pratique. Mais, dans les années 1980, plus rien ne distingue le Partido Obrero (le PO, nouveau nom de la PO) de l’opportunisme des morénistes. C’est l’origine du PO, de la PO, du POR argentins actuels.
Un des héritages empoisonnés du révisionnisme, variante Posadas ou Moreno, fut de rétablir une étape démocratique de la révolution (d’où le recours au mot d’ordre d’assemblée constituante même dans des pays de démocratie bourgeoise où il est tout à fait réactionnaire). Un autre, leur incapacité de distinguer le mouvement ouvrier du nationalisme bourgeois.
Nous reconstruirons l’unité du mouvement ouvrier… Nous socialistes reconnaissons que le soutien généralisé et organique à Perón a donné forme, pendant des années, à l’unité politique des travailleurs contre les gorilles [réactionnaires partisans des coups d’État contre Perón, son PJ et ses gouvernements]. La crise du péronisme a entrainé la disparition de cette unité des travailleurs… C’est pourquoi le MAS appelle les travailleurs, les militants et les dirigeants ouvriers du péronisme… à établir l’unité politique de notre classe en créant le grand Parti des travailleurs. (MAS, Programa, juillet 1985, p. 25)
Après 2001, la division du mouvement des chômeurs et l’unité électorale du FIT
Comme les péronistes bourgeois, les réformistes, les maoïstes, les guévaristes et les bakouninistes, plusieurs organisations « trotskystes » ont depuis la crise révolutionnaire de 2001 leur propre organisation de « piqueteros » qui est financée par l’État bourgeois et qui redistribue l’aide sociale à ses membres.
Autre conséquence de la crise révolutionnaire de 2001, le PO et le PTS, les deux principales organisations issues de la dégénérescence de la 4e Internationale, se renforcent et obtiennent de bons résultats électoraux. À cause des contraintes juridiques introduites par l’État, elles constituent en 2011 un front électoral, le Front de la gauche (sic) et des travailleurs (FIT) qui comporte aujourd’hui le PTS, le PO, le MST et l’IS.
Loin de résoudre la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat, ces partis se divisent en permanence sur des questions secondaires. Sur l’essentiel, elles partagent avec les partis traitres issu de la sociale-démocratie (PS) ou du stalinisme (PCA, PCR) le légalisme, le pacifisme et l’opportunisme envers un secteur de la bourgeoisie présenté comme « un moindre mal ».
Le MST et l’IS soutiennent les capitalistes agrariens en 2008 sous prétexte qu’ils s’opposent au gouvernement.
Cette mouvance qui se réclame du fondateur de l’Armée rouge refuse de se prononcer pour l’autodéfense. Malgré plus d’un million de voix, des manifestations et des meetings de milliers de personnes, on cherche en vain la tendance syndicale du FIT-U contre les bureaucraties corrompues.
En général, les chefs centristes inventent, pour camoufler leur opportunisme à leur propre base, un monde imaginaire où toute crise politique est « sans précédent », où la crise mondiale du capitalisme ne fait que s’approfondir depuis 1929, où la Chine est toujours un État ouvrier, où les islamistes mènent des révolutions, où Trump ou Milei n’a aucune base populaire…
Attaques contre les masses, soutien au génocide sioniste, ouverture au capital étranger
Un nouveau démagogue bourgeois, Javier Milei, qui se présente comme candidat de LLA (son parti « libertarien », en fait réactionnaire, opposé aux libertés, nostalgique de la dictature militaire) fait campagne contre « la caste » des gouvernements antérieurs (péronistes et macristes). Il est élu au second tour en novembre 2023 malgré le soutien ouvert du mouvement ouvrier (directions confédérales, PS, PCR, PCE, IS) ou hypocrite (PTS, PO…) au candidat bourgeois concurrent.
Une fois au pouvoir avec le Pro et l’UCR (qui avaient pourtant fait partie de « la caste »), Milei réprime systématiquement les manifestations. Il s’en prend aux travailleurs immigrés. Il entreprend de démanteler les concessions sociales arrachées lors les montées révolutionnaires précédentes. Le gouvernement restreint le droit à la contraception et à l’avortement.
Milei appuie sans réserve le génocide israélien à Gaza.
En octobre 2024, le gouvernement met en place un régime d’incitation aux grands investissements (RIGI).
Le régime d’incitation offre des conditions très avantageuses : pas d’augmentation d’impôt sur ces projets pendant trente ans, ni de droits de douane à l’importation, remboursement de l’équivalent de la TVA, non-taxation des exportations découlant de l’investissement… Sont concernés les investissements de plus de 200 millions de dollars, dans différents secteurs dits stratégiques : le pétrole et le gaz, la mine, les énergies renouvelables, l’industrie forestière, la sidérurgie, la technologie, l’infrastructure et le tourisme. (Le Monde, 5 juillet)
Le capitalisme argentin bénéficie d’une reprise économique

Les bureaucraties syndicales de la CGT et des CTA, comme partout, ont décrété quelques journées d’action et, comme souvent, ont dévié le mécontentement vers la pression sur le parlement, où les partis bourgeois dominent largement ou l’attente du retour d’un gouvernement péroniste issu de futures élections. À chaque fois, leurs diversions ont bénéficié de la complicité des partis réformistes (PSA, PCA, PCR) ou semi-réformiste (FIT-U, etc.).
Des grèves ont eu lieu mais elles sont restées éclatées, sans pouvoir remettre en cause le pouvoir exécutif. Les grèves diminuent en 2024 et en 2025 : en juin 2025, le nombre de grévistes avait baissé en un an de 34 % et le nombre de journées de grève de 28 % (Ministère du capital humain, 1 juillet).
Avec la destruction d’une partie du capital (faillites, absorptions) et la montée du chômage lors de la dépression, les attaques du gouvernement ont permis une reprise économique.
Si les salaires baissent plus que le PIB, le rapport entre les profits et les salaires augmente nécessairement, c’est-à-dire que la part des profits dans le PIB augmente. Les « profits » comprennent les bénéfices des entreprises, les rentes (agricoles, minières, immobilières) et les intérêts. En termes marxistes, le taux de plus-value augmente. Il s’agit là d’une relation fondamentale à observer. Elle montre que le principal conflit social se situe au niveau des classes sociales. Un transfert de la plus-value (générée par le travail) vers les propriétaires des moyens de production et du capital financier est en train de se produire. C’est le fondement ultime de la politique économique de LLA. (Rolando Astarita, “Les chiffres impitoyables de l’économie à la Milei », Blog, 9 octobre 2024)
La nouvelle production de pétrole et surtout de gaz a réduit la dépendance énergétique, si bien que la balance des échanges d’énergie est devenue excédentaire. Le gouvernement de coalition LLA-Pro-UCR a décidé fin 2023 une dévaluation du peso de 50 % par rapport au dollar américain. Il a amputé considérablement les dépenses sociales du budget de l’État en 2024 et en 2025. Il a continué à privatiser, comme « la caste » macriste (aujourd’hui Pro) avant lui.
Les États impérialistes appuient le gouvernement de Milei
Les groupes capitalistes français exploitent depuis longtemps le prolétariat argentin (Danone, Saint-Gobain, TotalEnergies…). Eramet les a rejoints en juillet 2024 pour exploiter du lithium dans la province de Salta, à l’ouest. Les institutions financières internationales, aux mains des puissances impérialistes, ont apprécié les coups à la classe ouvrière argentine et une plus grande ouverture des frontières à leurs produits et à leurs capitaux.
L’Argentine a obtenu, vendredi 11 avril, un ballon d’oxygène de la part du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque interaméricaine de développement (BID), avec pas moins de 42 milliards de dollars au total (37 milliards d’euros), un soutien présenté par la Banque mondiale comme un « important vote de confiance » envers le gouvernement. (Le Monde, 12 avril 2024)
En retour, le gouvernement Milei décide de libéraliser partiellement le marché des changes.
La menace d’une crise monétaire

Comme l’inflation reste plus importante qu’aux États-Unis et que les capitalistes argentins ont plus confiance dans le dollar que dans le peso, celui-ci se déprécie. Les importations, réglées en dollar, deviennent plus chères. La BCRA (la banque centrale argentine), loin des principes libéraux affichés par Milei, est intervenue sur les marchés internationaux des changes pour soutenir le cours de la devise nationale. Pour cela, il lui faut en acheter avec des dollars américains. Comme ses réserves en dollars s’amenuisent, le gouvernement qui prétend redresser définitivement l’économie nationale a donc été contraint d’en solliciter auprès du gouvernement yanqui qui, de son côté, veut arrimer l’Argentine aux États-Unis, au détriment de la Chine.
Washington s’est engagé à la fois dans un swap de devises [échange de pesos contre dollars] de 20 milliards de dollars afin de soutenir le peso argentin et à créer un nouveau fonds privé de 20 milliards de dollars pour venir directement en aide à l’Argentine. (Les Échos, 24 octobre 2025)
Milei autorise l’entrée de l’armée américaine pour effectuer des manœuvres navales conjointes avec la marine de guerre. Solliciter l’aide de la puissance impérialiste yanqui constitue politiquement une humiliation nationale et économiquement un pis-aller qui ne fait que différer le problème.
Depuis que le PJ est dans l’opposition, le FIT et le NMAS sont de plus en plus aspirés par le péronisme
Face à l’attentat en 2022 d’un désaxé contre Kirchner (alors vice-présidente), les députés FIT-U du parlement de la province de Buenos Aires (des dirigeants nationaux du PTS et le principal dirigeant du PO, Solano) votent la motion des partis bourgeois péronistes.
Cette abjection est camouflée par RP, l’organisation sœur du PTS qui scissionne au même moment du NPA en expliquant que les Gilets jaunes sont le signal d’une nouvelle phase de montée des luttes en France.
Toutes les composantes du FIT-U et le NMAS refusent en 2023 de se prononcer pour un boycott du second tour de l’élection présidentielle (l’IS et le MST appellent même à « voter contre Milei », donc pour Massa du PJ).
Toutes ces organisations soutiennent en 2024 les cessations de travail limitées décrétées par la bureaucratie syndicale de la CGT et des CTA (qu’ils font passer, comme les bureaucrates, pour une « grève générale »), au lieu de se battre pour une véritable grève générale jusqu’au retrait des attaques de Milei (coupes budgétaires, décret de nécessité d’urgence DNU, la loi Omnibus…). C’est à l’opposé de ce que Luxemburg appelait « grève de masse » et Trotsky « grève générale ».
La grève générale est la réponse du prolétariat qui ne veut pas et ne peut pas accepter que la banqueroute du capitalisme… C’est en cela que consiste l’importance fondamentale de la grève générale : elle pose nettement la question du pouvoir. La véritable victoire de la grève générale ne peut se réaliser qu’au moyen de la prise du pouvoir par le prolétariat et l’instauration de sa dictature. (Trotsky, Préface à l’édition français de Où va l’Angleterre ?, 1925)
Ce ne sont pas des grèves corporatives, ce ne sont même pas des grèves. C’est la grève. C’est le rassemblement au grand jour des opprimés contre les oppresseurs, c’est le début classique de la révolution. (Trotsky, La Révolution française a commencé, juin 1936)

Le 11 avril, sous prétexte d’enquêter sur Milei, des députés du FIT-U (dont le principal dirigeant du PTS, Castillo) font un bloc avec des éléments de la coalition péroniste à la Chambre des députés. Cela est soigneusement dissimulé aux travailleuses et aux travailleurs français par RP.

En juin, quand Kirchner est condamnée à 6 ans de prison et est interdite de toute candidature, les dirigeants du FIT se rendent au siège du PJ. Les dirigeants du PTS se rendent même chez elle le 12 juin pour lui apporter leur réconfort.


Le 18 juin, le PTS, le PO et le NMAS manifestent à Buenos Aires avec le le parti bourgeois de Kirchner pour protester contre le jugement qui l’empêche d’être candidate.
Ce ralliement de fait à un parti bourgeois est soigneusement caché par RP en France, qui camoufle aussi que ses homologues étatsuniens sont immergés dans l’aile de la sociale-démocratie américaine (Sanders, Ocasio-Cortez, Mamdani…) qui tente de ranimer le Parti démocrate.
Le résultat des élections législatives et sénatoriales du 26 octobre

Le parlement reste à 99 % aux mains des divers partis bourgeois. Le président et ses listes LLA (intégrant cette fois-ci le Pro) bénéficient d’une amélioration de la conjoncture économique (5,2 % de croissance attendue en 2025, ralentissement de l’inflation qui s’établirait à 36,6 %). Le gouvernement est conforté par la consultation électorale de mi-mandat pour renouveler la moitié des députés et le tiers des sénateurs.
Le PJ est aussi déstabilisé que le Parti démocrate aux États-Unis ou LR (ex-gaullistes) en France. LLA obtient près de 41 % des voix aux législatives, soit 7 % de plus que la coalition bourgeoise FP dirigée par le PJ péroniste ; 42 % aux sénatoriales, soit presque 4,3 % de plus que la FP. Ainsi, le parti présidentiel obtient 55 sièges supplémentaires à la Chambre des députés (passant à 93) et 13 sénateurs de plus (passant à 19). Avec ses alliés de la Propuesta Republicana (Pro) et de l’Union civique radicale (UCR), il peut désormais compter sur 110 députés (sur un total de 257) et 28 sénateurs (sur 72).
Le PS et le PCR maoïste ont appelé à voter pour le bloc électoral FP bourgeois dirigé par le PJ péroniste. Le PCA a présenté quelques candidats et ailleurs à voter FP.
Précédemment, le FIT-U annonçait ses candidatures lors d’une conférence de presse et en présentant un programme (réformiste). Cette fois-ci, le FIT-U a fait campagne, mais sans présenter le moindre programme national. Il obtient 3,9 % des suffrages exprimés aux législatives et 2,68 % aux sénatoriales, il a perdu un siège Au sein du FIT, le PTS, le PO, le MST, l’IS se disputent en permanence sur des questions secondaires. Deux autres organisations centristes (la PO, le NMAS) ont aussi présenté quelques candidats sur une ligne guère différente.
Bien que le vote soit formellement obligatoire, un tiers des inscrits n’a voté ni pour les partis bourgeois (LLA, FP, PU, IF…), ni pour la coalition « trotskyste » FIT-U. Mais cela n’a rien, en soi, de radical ou de progressiste.
Rappel sur la politique électorale des communistes internationalistes
Sur la base d’un accord net contre les illusions parlementaristes dénoncées par le communiqué d’OR (noyau du Collectif révolution permanente en Argentine) du 25 octobre, la discussion d’une part sur la situation, d’autre part sur l’utilisation des élections au sein d’un État bourgeois pour construire un parti ouvrier révolutionnaire est légitime et doit se poursuivre entre militants communistes internationalistes.
Jamais des élections organisées par l’État bourgeois n’émanciperont les travailleuses et les travailleurs. Pourtant, il est indispensable, pour un parti révolutionnaire, de présenter des candidats dans des élections bourgeoises, tant qu’il n’y a pas de double pouvoir, s’il n’y a pas une solution supérieure à la démocratie bourgeoise, reposant sur la démocratie des conseils de travailleuses et de travailleurs des villes et des campagnes. Aucun parti ouvrier de masse ne peut apparaitre en tournant le dos à l’occasion de défendre son programme, de défier tous les partis bourgeois, de se construire.
Telle était la ligne préconisée par la Ligue des communistes après la révolution européenne de 1848.
Il faut que les ouvriers soient armés et bien organisés… que partout, à côté des candidats démocratiques bourgeois, soient proposés des candidats ouvriers, choisis autant que possible parmi les membres de la Ligue… Même là où il n’y a pas la moindre chance de succès, les ouvriers doivent présenter leurs propres candidats, afin de sauvegarder leur indépendance, de dénombrer leurs forces et de faire connaitre publiquement leur position révolutionnaire et les points de vue de leur parti. Ils ne doivent pas se laisser séduire par la phraséologie des démocrates prétendant, par exemple, que l’on risque de la sorte de diviser le parti démocratique et d’offrir à la réaction la possibilité de la victoire. Toutes ces phrases ne poursuivent finalement qu’un but : mystifier le prolétariat. (Engels & Marx, Adresse du comité central, mars 1850)
Trente ans après, à Londres, en mai 1880, Marx rédige les « considérants » du programme du noyau communiste français (Guesde, Lafargue…) qui prendra le nom de Parti ouvrier.
L’appropriation collective des moyens de production ne peut sortir que de l’action révolutionnaire de la classe productive –ou prolétariat– organisée en parti politique distinct ; une pareille organisation doit être poursuivie par tous les moyens dont dispose le prolétariat y compris le suffrage universel transformé ainsi d’instrument de duperie qu’il a été jusqu’ici en instrument d’émancipation. Les travailleurs socialistes français, en donnant pour but à leurs efforts l’expropriation politique et économique de la classe capitaliste et le retour a la collectivité de tous les moyens de production, ont décidé, comme moyens d’organisation et de lutte, d’entrer dans les élections. (Programme du Havre, novembre 1880)
Telle était la ligne pratiquée par le SDAP-SPD en Allemagne à partir de 1869, par la FTSF-PO en France à partir de 1880, par le POSDR (y compris la fraction bolchevik) en Russie à partir de 1907.
Même en France les socialistes comprennent de plus en plus qu’il n’y a pas pour eux de victoire durable possible, à moins de gagner auparavant la grande masse du peuple… Le lent travail de propagande et l’activité parlementaire sont reconnus là aussi comme la tâche immédiate du Parti… Il est bien évident que nos camarades ne renoncent nullement pour cela à leur droit à la révolution. (Engels, Préface à La lutte des classes en France, 6 mars 1895)
Contre le « gauchisme » (l’anarchisme sous étiquette communiste), l’Internationale communiste adopte explicitement cette ligne à son deuxième congrès (Le Parti communiste et le parlementarisme, juillet 1920).
Dans tous les pays capitalistes, il y a des éléments arriérés de la classe ouvrière, qui sont convaincus que le parlement est la véritable représentation du peuple et qui ne voient pas les procédés malpropres auxquels on y a recours. On dit que le parlement est l’instrument à l’aide duquel la bourgeoisie trompe les masses. Mais cet argument doit être retourné contre vous et il se retourne contre vos thèses. Comment révèlerez‑vous aux masses vraiment arriérées et trompées par la bourgeoisie le véritable caractère du parlement ? Si vous n’en faites pas partie, comment dévoilerez‑vous telle ou telle manœuvre parlementaire, la position de tel ou tel parti ? Si vous êtes marxistes, vous devez reconnaitre qu’au sein de la société capitaliste les rapports des classes et les rapports des partis sont étroitement liés. Comment, je le répète, montrerez‑vous tout cela si vous n’êtes pas membres du Parlement, si vous répudiez l’action parlementaire ? L’histoire de la révolution russe a montré clairement qu’aucun argument n’aurait pu convaincre les larges masses de la classe ouvrière, la paysannerie, les petits employés s’ils ne l’avaient pas appris par leur propre expérience. (Lénine, Discours sur le parlementarisme, 2 aout 1920)
Cette tactique, défendre le programme communiste révolutionnaire lors des élections et dans les parlements, est appliquée par le KPD en Allemagne à partir de 1920, par la CL-SWP aux États-Unis à partir de 1929, par l’ASR en Belgique et le POI en France à partir de 1936…
Si une organisation communiste révolutionnaire n’a pas les forces de participer à des élections ou si elle en est écartée par l’État bourgeois, elle doit le plus souvent appeler à voter pour les candidats des autres organisations ouvrières de taille significative, en dépit de leur programme, dès lors qu’ils affrontent des candidats d’un quelconque parti politique de la bourgeoisie. Sans doute, en Argentine, il fallait tactiquement appeler à voter pour les candidats du FIT, du NMAS, de la PO, du PCA quand ils s’opposaient à ceux des partis bourgeois (LLA, FP, etc.).
Avant tout, un programme, une stratégie, un parti !
Renforcé, le gouvernement Milei va redoubler les coups contre la classe ouvrière, tandis que l’État impérialiste américain veut rétablir le capitalisme à Cuba et soumettre toute l’Amérique latine (Panama, Venezuela, Colombie…) pour préparer un affrontement avec l’État impérialiste chinois.
Il est urgent que les militants révolutionnaires des organisations du trotskysme édulcoré, du post-maoïsme néo-réformiste, du guévarisme sans guérilla paysanne rompent avec l’opportunisme et le sectarisme, avec le pacifisme et la subordination au péronisme bourgeois, qu’elles s’engagent dans la construction d’un parti de type bolchevik sur les lieux de travail et d’études, dans les quartiers populaires et les campagnes, contre les bureaucrates péronistes des syndicats, des organisations de femmes et d’étudiants. Sans hésiter pour cela à participer aux élections et aux parlements provinciaux et national.

