Bayrou propose un budget au compte de la bourgeoisie française

Après la présentation le 15 juillet par Bayrou de son plan (combiner militarisme et réduction de la dette publique, les deux aux dépends des travailleurs), officiellement, aucune négociation ne s’est engagée avec le RN et le PS. Il n’y a donc pas eu de marchandage en public ou bien ce marchandage n’a pu aboutir, contrairement à ce qui s’était passé pour le budget 2025. Le gouvernement du fragile bloc Ensemble-Horizons-MoDem-LR s’acheminait donc vers une motion de censure au moment du vote du budget susceptible de le renverser.
Cette décision n’est pas une décision isolée, personnelle, que Bayrou aurait prise pour soigner sa sortie, comme on entend certains imbéciles le dire ici ou là. C’est une décision prise au sommet du pouvoir exécutif, entre Macron et Bayrou, qui est du même ordre que la décision de dissolution de l’Assemblée nationale prise par Macron en 2024.
En demandant la confiance alors que le gouvernement n’a pas de majorité à l’Assemblée, Macron et Bayrou ont pensé que, devant la menace d’une nouvelle crise nuisant au capitalisme français, le PS et le RN reculeraient comme ils l’avaient déjà fait dans un passé récent, le PS en laissant passer le budget 2025 et le RN en s’abstenant de voter les motions de censure des partis de l’ex-NFP et, à défaut de voter la confiance, s’abstiendraient au moins. Dans ce schéma, le vote de la confiance étant indissociable de l’acceptation du cadre des 44 milliards à trouver, la voie était ensuite ouverte pour une négociation à la marge des budgets de l’État et de la Sécurité sociale 2026.
Mais trop de partis politiques de la bourgeoisie ne suivent pas

Mais Bayrou et Macron ont fait une erreur qui témoigne de leur incapacité politique à apprécier la réalité des rapports politiques. En effet, les partis bourgeois sont largement majoritaires au parlement. En outre, les partis ouvriers qui y sont présents (LFI, PS, PCF) sont acquis à la classe dominante, ce qui n’était pas le cas, à la fin du 19e siècle du Parti ouvrier (dont Marx rédigea une partie du programme) ni au début du 20e du Parti communiste (la section française de l’Internationale communiste animée par Lénine et Trotsky).
Le problème pour la classe dominante est que sa représentation politique (RN, Renaissance, LR…) est plus divisée que jamais. Tous tablent sur la fin imminente de Macron et aspirent à occuper la place tout en répondant différemment aux difficultés réelles de la bourgeoisie française : Comment tromper les masses ? Faut-il continuer à payer les bureaucraties syndicales pour qu’elles se prêtent au « dialogue social » ou faut-il miser sur le racisme ? Faut-il rester fidèle à l’OTAN ou militariser l’Union européenne ? Faut-il jouer la Russie et la Chine contre l’Allemagne et les États-Unis ? Le RN ne veut pas rater son coup, LR ne veut pas disparaitre, Renaissance veut survivre à Macron. Même un ancien ministre de Chirac et ancien collègue de Pasqua, de Villepin, sort des oubliettes !

Les partis ouvriers bourgeois, quant à eux, se concurrencent avec acharnement, bien qu’acceptant le militarisme et en vantant tous l’alliance avec des partis bourgeois pour préserver le capitalisme français. Mélenchon espère toujours accéder à la présidence, selon l’exemple de son mentor Mitterrand. Cela n’empêche pas les mélenchonistes de crier « tout le monde déteste le PS ! » le 24 aout, sans voir que leur chef suprême aime, par-dessus tout, le capitalisme français, l’État bourgeois français, l’armée française.
Il fallait une loi d’actualisation de la LPM, vous l’avez refusée… Une planification efficace est nécessaire et nous avons l’outil : le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale… L’impératif d’indépendance militaire et stratégique de la France… (Bastien Lachaud, député LFI, Bulletin officiel, 22 juin 2022, p. 6582, p. 6594)
La France est présente dans tous les océans. Elle est membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Son territoire maritime est le deuxième plus vaste au monde. (LFI, Loi de programmation militaire, notre vision, 2023, p. 5)
Les Forges de Tarbes n’arrivent pas à produire les obus de 155 millimètres dont nous avons besoin… Il convient, à mon sens, de dépasser la posture consistant à tenir la puissance publique à l’écart de toute logique industrielle : l’État doit s’impliquer dans de telles logiques dans le secteur de l’armement. (Frédéric Mathieu, député LFI, Compte-rendu de la commission de la défense nationale, 4 juin 2024, p. 9)
Dans la classe ouvrière, il y a un regain, non pas encore de mobilisation, mais de disponibilité, de recherche, de volonté de se battre. À cette étape, ce frémissement ne menaçait pas le gouvernement qui sait pertinemment pouvoir compter sur les bureaucrates pour mettre tout en œuvre pour le dévoyer et le juguler. Il ne deviendrait un danger réel que si la grève générale débordait les appareils. Ce n’est pas pour conjurer cette menace que Bayrou et Macron ont tenté cette manœuvre, ou, en tous cas, ce n’est certainement pour cette raison en premier lieu. Mais cette recherche de la classe ouvrière pèse sur les partis ouvriers bourgeois et des appareils syndicaux et les gênent pour se ranger trop ouvertement dans le camp de Bayrou. C’est pourquoi le PS ne reprend pas la balle au bond lancée en catastrophe par Bayrou de « taxer les riches » et que les dirigeants confédéraux hésitent pour le moment à participer aux négociations sur les jours de congés supprimés, sur l’assurance chômage…
Dans ces circonstances, LFI, le PS et le PCF ne peuvent se permettre aujourd’hui d’apparaitre comme les sauveurs de Bayrou et endosser la responsabilité de son budget d’austérité pour les masses, de reconduction de privilèges fiscaux pour les plus riches, de générosité pour la police et l’armée. C’est pourquoi le PS ne reprend pas la balle au bond lancée en catastrophe par Bayrou de « taxer les riches » et que les directions confédérales hésitent à participer aux négociations sur les jours de congés supprimés ou sur l’assurance chômage…
Le rôle trouble des bureaucraties syndicales et de leurs alliés politiques

Le Bloquons tout le 10 septembre a été lancé au départ par un petit patron ultraréactionnaire, catalysant l’exaspération de couches de la petite-bourgeoisie traditionnelle, de petits patrons, entrainant des travailleurs salariés comme au moment des Gilets jaunes, faute d’une perspective ouvrière de combat contre le gouvernement.
Cela ne gêne pas LFI, le PCF, le PS, LO, les NPA, RP, le POI, le PT, le PCR et compagnie (il est vrai que LFI, RP, LO et le NPA avaient déjà soutenu le mouvement antivaccin en 2022). Par contre, cela gêne le RN aux entournures, car il mise avant tout sur un succès électoral, soigne sa respectabilité et craint des débordements, mais cela l’oblige aussi à ne pas se montrer trop complaisant vis-à-vis de Bayrou.
Comme à chaque rentrée, les directions syndicales dispersent les forces du prolétariat.
La CGT se félicite que les initiatives se multiplient d’ores et déjà et appelle à les amplifier. Le 25 aout, les salarié·e·s de Radio France ont commencé une grève reconductible et les hôpitaux de Paris ont engagé un processus de mobilisation, suivis le 2 septembre par les salarié·e·s du secteur de l’énergie, le 4 septembre les salarié·e·s de Novasco seront en grève comme ceux d’Owens Illinois le 9 septembre pour empêcher la fermeture de leurs usines, les fédérations CGT des Industries chimiques et du Commerce et des Services appellent depuis déjà plusieurs mois à la grève le 10 septembre contre la répression antisyndicale, pour les salaires, les conditions de travail et contre la casse sociale, une manifestation nationale des professionnel·le·s de la santé et de l’action sociale est d’ores et déjà prévue à Paris le 9 octobre ainsi qu’une grève dans les organismes sociaux et des mobilisations dans les services d’insertion/probation du ministère de la Justice.(CCN de la CGT, 27 aout)
En plus, certains chefs syndicaux comme ceux de la CFDT ouvrent leurs portes au premier ministre de la bourgeoisie.
D’autres, ceux de la CGT et Solidaires, tentent avec l’appui de LFI, du PCF, de LO, des NPA, de RP, du POI, du PCR et compagnie, de subordonner le prolétariat aux petits patrons.
Dans un communiqué, le CCN de la CGT appelle à construire la grève le 10 septembre pour faire reculer l’offensive austéritaire. Un point d’appui qui doit permettre de construire à la base une grève massive contre le budget mais aussi contre le régime, à l’heure où la crise politique s’approfondit et où Bayrou tente avec son vote de confiance de canaliser la contestation sur un terrain institutionnel. (RP, 27 aout)
Quel serait le gagnant de l’après Bayrou ?
Dans ces conditions, le simple décompte prévisible des voix à l’AN donne au moins 330 contre la confiance et 210 pour. Bayrou a beau dire et répéter que c’est lui ou le chaos, il ne pourra sans doute pas faire revenir le RN ou le PS sur leur décision, sauf à capituler dans les deux semaines qui viennent sur son projet de budget, et encore… Il semble condamné à tomber le 8 septembre. Une crise politique s’ouvre avec sans doute aussi des conséquences économiques aggravantes. Un porte-parole du grand capital est consterné.
Si le gouvernement tombe, rien n’aura été réglé. Au contraire, cela ne pourra qu’empirer. (Patrick Martin, président du Medef, 26 aout)
Dans l’immédiat, la chute plus que probable de Bayrou le 8 septembre fait que le mouvement Bloquons tout le 10 septembre est comme suspendu en l’air, ainsi que tous les appels prévus déjà ici ou là par des directions syndicales, mêmes si elles les maintiendront sans doute. De même, la possibilité d’une irruption de la classe ouvrière au moyen de la grève générale est différée, mais la nécessité de l’indépendance de classe, du front unique ouvrier et du combat d’ensemble demeure.
En effet, que peut-il se passer ? La classe dominante doit perdre le moins de temps possible. Or, une dissolution de l’Assemblée nationale, de nouvelles élections législatives, et à fortiori une démission de Macron et une élection présidentielle anticipée suivie quasi automatiquement de nouvelles législatives, tout cela lui fait perdre un temps précieux.
Vraisemblablement, la bourgeoisie tentera d’imposer rapidement un bloc politique de ses principaux partis, soit pour la première fois autour de RN flanqué de tout ou partie de LR, soit une nouvelle tentative autour des diverses obédiences macronistes et post-macronistes avec LR. De toute façon, un tel gouvernement mettra en place le plus vite possible un budget Bayrou bis (militariste et austéritaire) agrémenté de diverses mesures contre les chômeurs, les travailleurs étrangers, les musulmans, etc., en faisant taire les quelques couinements dans les rangs devant l’urgence et la gravité du moment. Si cette hypothèse se vérifie, à nouveau, et sans doute avec encore plus de force, se posera la question du combat pour la grève générale contre le budget et le nouveau gouvernement bourgeois.
Les partis ouvriers bourgeois (LFI, PS, PCF) vont sans doute faire assaut de parlementarisme sous toute ses formes : demander la destitution de Macron, une élection présidentielle anticipée, des législatives anticipées, rectifier le budget en « partageant les efforts » (suite logique du mot d’ordre ultra-réformiste et gnan-gnan de « partageons les richesses ») et selon la recette bien connue du pâté de cheval et d’alouette, proposer un premier ministre issu de l’ex-NUPES ou de l’ex-NFP.
La dissolution de l’Assemblée nationale, sans parler de la démission de Macron, n’interviendrait qu’en cas d’échec de cette première solution. Mais c’est à cela que se préparent les partis bourgeois rivaux, qu’ils votent pour la confiance au gouvernement Bayrou ou contre.
Quant aux partis sociaux-impérialistes qui font croire que le renversement de Bayrou, opéré avec le RN, serait positif pour la classe ouvrière, ils reformeront probablement un front populaire, c’est-à-dire un bloc avec des personnalités bourgeoises et des partis bourgeois présentés pour la circonstance comme « progressistes » ou « républicains » (comme ils le firent autrefois avec le Parti radical et le général de Gaulle, comme ils viennent de le faire avec Glucksmann et EELV).
Aucun soutien à un gouvernement bourgeois, pour un gouvernement ouvrier

Les révolutionnaires doivent former au plus vite un véritable parti ouvrier, forcément démocratique, pour :
Expliquer les tenants et les aboutissants de cette nouvelle situation. Indiquer qu’il n’y aura pas de solution pour la classe ouvrière, la jeunesse étudiante, ni dans un prochain gouvernement, ni dans le combat parlementaire, ni dans de prochaines élections.
Seul un gouvernement ouvrier pourra mettre en place des mesures d’urgence pour l’ensemble des travailleurs et la jeunesse. Il faut donc préparer la grève générale contre tout budget antisocial, contre tout gouvernement bourgeois.
Dès maintenant, tenir des assemblées générales dans tous les lieux de travail, d’étude et de vie, débattre de la situation, former des comités pour préparer la grève générale pour le retrait de tout budget bourgeois, pour l’autodéfense et pour un gouvernement ouvrier basé sur les organes de lutte des travailleurs des villes et des campagnes, pour les États-Unis socialistes d’Europe.
- Abrogation de la loi Macron-Borne contre les retraites et de la loi contre les chômeurs !
- Annulation de la dette publique ! Suppression des impôts sur la consommation populaire, suppression des cotisations sociales des salariés ! Impôt fortement progressif sur les revenus et les patrimoines !
- Fermeture des bases militaires à l’étranger ! Pas un sou pour l’armée ! Dissolution des corps de répression ! Armement du peuple !
- Fin de toute collaboration militaire et de fournitures d’armes à Israël ! Sortie de l’OTAN ! Indépendance pour la Kanaky !