À bas le budget Bayrou !

Une suite de violentes attaques contre la classe ouvrière

La ligne directrice du plan que Bayrou a présenté le 15 juillet pour les budgets de 2026 de l’État et de la sécurité sociale est limpide : les travailleurs vont payer pour les capitalistes. Pour trouver 43,8 milliards afin de contenir le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026 tout en augmentant encore un peu plus le budget des armées, le gouvernement prévoit une panoplie de mesures, que le président du Medef, enthousiaste, « je dis bravo Bayrou », a immédiatement qualifiées de « lucides, courageuses et équilibrées ». Il a de quoi en effet se frotter les mains :

  • gel de toutes les dépenses budgétaires à leur niveau de 2025, à l’exception des dépenses militaires,
  • suppression d’agences « improductives qui dispersent l’action de l’État », en réalité dans le viseur du patronat, avec à la clé 1 500 suppressions d’emplois,
  • suppression de 3 000 postes de fonctionnaires dès 2026 et non remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant en retraite à partir de 2027, soit plus de 50 000 fonctionnaires non remplacés chaque année si cette mesure devait toucher les trois fonctions publiques,
  • blocage des salaires des fonctionnaires,
  • Pierre Madec, OFCE, 18 juillet
    Lecture : les 10 % de meanges les plus pauvres (D1) perdent ; les 10 % de ménages les plus riches (D10) gagnent
    • aucune revalorisation des retraites, des prestations et des allocations diverses, qui seront donc réduites mécaniquement par l’inflation, soit une perte de pouvoir d’achat qui se reportera sur les années suivantes,
    • suppression de l’abattement de 10 % sur la base imposable pour les retraités,
    • pas de réajustement du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui entrainera mécaniquement leur augmentation, alors qu’ils frappent proportionnellement bien plus les travailleurs que la bourgeoisie, baisse de 5 milliards des dépenses de l’assurance maladie avec le passage du reste à charge des patients de 50 à 100 euros annuels pour l’achat de médicaments et la remise en cause de la prise en charge des soins pour les malades en affection de longue durée, nouveau durcissement des règles d’indemnisation du chômage, suppression de deux jours de congés fériés dans l’année, ce qui revient à rendre le travail gratuit obligatoire pendant deux jours, pression économique pour que les salariés mal payés renoncent à leur cinquième semaine de congés payés, etc.

    • Gouvernement, 15 juillet

      La classe dominante ne veut pas payer

      Bayrou justifie cette nouvelle offensive contre la classe ouvrière en 2026 par la nécessité de diminuer le déficit public (prévu par le budget 2025 à 5,4 % du PIB, alors que l’UE fixe un plafond de 3 %) et de mettre ainsi fin à l’accroissement de l’endettement public qui dépasse aujourd’hui les 3 345 milliards d’euros. Il précise que cette politique devra se poursuivre les années suivantes pour ramener le niveau de la dette à 2,8 % du PIB en 2029.


      En effet, en 25 ans, cette dette est passée de 69,6 % à 114 % du PIB, alors que l’Union européenne fixe un plafond de 60 % selon une règle décidée avec l’accord de l’État français, comme celle sur le déficit public Le seul paiement des intérêts atteindra 55 milliards d’euros en 2025.

      La raison en est très simple. Quels que soient les gouvernements, l’État bourgeois a systématiquement défaussé les capitalistes (en tant que « personnes physiques » riches ou comme « entreprises ») des charges qui devraient leur incomber, au nom de la défense de la productivité française, et reporté le poids des déficits sur la classe ouvrière et sur la plupart des couches de la petite bourgeoisie (cadres, professions libérales, artisans, petits commerçants, paysans travailleurs, autoentrepreneurs…). Alors que la TVA est supportée essentiellement par les travailleurs, des petits et grands patrons en empochent une partie

      Dans les activités immobilières et dans la restauration, les taux de sous-déclaration seraient les plus élevés, à 13 %. (DGFIP, Le Manque à gagner de TVA en France, septembre 2024)

      Cela couterait à l’État entre 19 et 26 milliards d’euros par an (INSEE, Estimation des montants manquants de TVA, 25 juillet 2024).

      Plus la fortune des particuliers est élevée et plus la taille des entreprises est grande, et plus ils pratiquent légalement « l’optimisation fiscale » (grâce à des choix géographiques et, en France, à l’aide des multiples « niches fiscales » prévues avec soin par les lois budgétaires du parlement bourgeois) et illégalement la « fraude fiscale » et la « fraude sociale » (avec l’aide d’experts comptables et des banques).

      Une commission d’enquête sénatoriale a établi que, pour la seule année 2023, le montant des aides et des exonérations de charges en faveur des entreprises atteignait 211 milliards d’euros, sans même compter les aides des collectivités locales et celles de l’Union européenne. Ainsi l’État bourgeois agit comme une pompe aspirante qui prélève une partie des salaires sous la forme d’impôts et de taxes diverses et la reverse sur l’ensemble des entreprises, tout en enrichissant le capital de la finance qui lui prête (58 milliards d’intérêts versés en 2024). Mais cela ne suffit pas pour rendre l’impérialisme français compétitif.

      Notre résultat du commerce extérieur est passé de l’équilibre dans les années 2000 à un déficit massif tous les ans répété, qui est une fois de plus cette année comme depuis 5 ans, supérieur à 100 milliards d’euros pour la quatrième année consécutive. (Bayrou, Le Moment de vérité, 15 juillet)

      Pour cela, il faut augmenter le taux de profit, la rentabilité du capital, donc s’attaquer à la classe ouvrière. C’est pourquoi Bayrou vante les concurrents de l’impérialisme français qui ont su mieux que lui réduire les dépenses publiques, diminuer le cout du travail, où l’on travaille plus, où les jours de congés sont moins nombreux, où le droit au départ en retraite est repoussé encore plus loin, où les chômeurs sont indemnisés moins longtemps…

      De nouvelles « négociations » vont donc se mettre en place pour restreindre les droits au chômage et contraindre les chômeurs à accepter n’importe quel emploi.

      Pour améliorer cette situation, nous devons lever les obstacles qui tiennent beaucoup de Français éloignés du marché du travail. Dans les prochains jours, je vais proposer deux négociations aux partenaires sociaux, un nouveau chantier sur l’assurance chômage dont beaucoup d’analyses indiquent qu’elle porte une responsabilité dans son organisation actuelle sur l’absence de reprise d’emploi ; et aussi un chantier sur le droit du travail […] Il n’est pas normal qu’un pays comme le nôtre, avec autant d’emplois offerts, conserve un taux de chômage au-dessus de 7 % et que le nombre d’emplois non pourvus soit aussi élevé. (Bayrou, 15 juillet)

      Le financement de la protection sociale est également dans le collimateur, dans le but d’alléger les cotisations patronales donc le cout du travail pour les capitalistes en transférant la charge sur des impôts payé essentiellement par les salariés.

      Nous devons enfin, et c’est un chantier vraiment très important, une reconfiguration de notre système social au moment où il a 80 ans. Et si nous voulons qu’il dure 80 années de plus, nous devons moins faire peser sur le travail le financement de notre système social. C’est une question pas seulement de compétitivité et de pouvoir d’achat, mais de justice. Nous devons refonder ce modèle de financement en cherchant d’autres bases pour le financer que le travail. (Bayrou, 15 juillet)

      Une exception prévisible à l’austérité : la répression et les moyens de destruction

      Les « mesures de simplification » pour liquider tout ce qui peut entraver le développement anarchique du capital, comme les normes environnementales par exemple, seront désormais prises par ordonnances.

      Nous devons créer un environnement propice à la production par l’allègement et la simplification de toutes les procédures bureaucratiques qui n’asphyxient pas seulement les entreprises, mais les foyers et les personnes, les artisans par exemple, en créant des obligations de dossier toujours plus lourdes et des normes toujours plus nombreuses. (Bayrou, 15 juillet)

      Très logiquement du point de vue de l’impérialisme français, autant il faut économiser sur le dos des travailleurs, autant il faut dépenser pour accroitre les capacités militaires.

      Le salut de la patrie suppose que nous dépensions plus pour notre défense et que chacun prenne sa part de cet investissement et que nous veillons à la souveraineté financière de notre Nation qui passe par des réformes, des transformations et plus de production. Si notre liberté a un prix, le voici. (Macron, Discours aux armées, 13 juillet)

      Déjà la loi de programmation militaire 2024-2030 avait prévu quelque 413 milliards d’euros de dépenses. Mais cela ne suffit pas. Comme les autres, l’État français a obtempéré à la demande des États-Unis, au sommet de l’OTAN des 24 et 25 juin, de porter les dépenses militaires à 5 % du PIB (3,5 % + 1,5 % de dépenses à double usage civil et militaire) à l’horizon 2035. Macron a donc rajouté 3,5 milliards d’euros pour 2026 et 3 milliards pour 2027. En dix ans, le budget militaire aura doublé, passant de 32 milliards en 2017 à 64 milliards en 2027. Mais, a prévenu Macron, pas question que ce réarmement passe par de l’endettement.

      Notre indépendance militaire est indissociable de notre indépendance financière, il sera donc financé par plus d’activité et plus de production. (Macron, 13 juillet)

      Il ne s’agit pas d’une servilité envers Trump, mais d’un intérêt bien compris. L’impérialisme français voit sa place de première puissance militaire de l’Union européenne remise en cause par l’impérialisme allemand qui a pris un tournant spectaculaire lors de l’arrivée de Merz au pouvoir, avec le vote par la CDU, le SPD et les Verts de la suppression du « frein à l’endettement » pour les dépenses militaires qui devrait lui permettre d’atteindre entre 85 et 110 milliards d’euros par an et l’ambition affichée de se doter de « l’armée la plus puissante d’Europe ». Intolérable pour l’impérialisme français qui doit tenter de défendre son rang.

      C’est cet effort qui nous permettra d’assurer notre crédibilité face à nos partenaires, de disposer encore et toujours de l’armée la plus efficace d’Europe, de nouer des partenariats nouveaux comme cette semaine avec le Royaume-Uni. (Macron, 13 juillet)

      L’avenir du projet du premier ministre est incertain, le gouvernement n’a pas de majorité et comme il le dit lui-même, « il arrive même que ses soutiens ne soient pas totalement convaincus ». Mais il compte sur la participation de tous à la discussion.

      Ce plan, s’il est perfectible, nous ne demandons qu’à le perfectionner. Toutes ces idées seront examinées, qu’elles proviennent des partis politiques, des groupes parlementaires, du Conseil économique, social et environnemental, ou des partenaires sociaux, des collectivités territoriales ou des citoyens de notre pays. (Bayrou, 15 juillet)

      Il n’y a rien à discuter avec le gouvernement Bayrou-Retailleau, retrait pur et simple !

      Immédiatement, le PCF et LFI ont promis de déposer une motion de censure à la rentrée. Mais tous savent pertinemment que pour être majoritaire, une motion de censure devra être votée non seulement par EELV mais également par le RN. C’était déjà, pour ceux qui jurent leurs grands dieux de faire barrage au RN, la même tactique employée par le front populaire de l’époque (la NUPES du PS, du PCF et de LFI avec EELV) au printemps 2023 au moment du combat en défense des retraites, chercher l’alliance des voix avec LIOT et le RN à l’Assemblée nationale pour faire tomber le gouvernement. L’Intersyndicale applaudissait, comme elle avait fait croire auparavant que le Conseil constitutionnel allait annuler le projet de loi contre les retraites.

      Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Mais en réalité, la chute du gouvernement obtenue dans ces conditions ne serait en rien une victoire pour la classe ouvrière, mais un tremplin pour le RN, assuré de faire un carton aux élections législatives qui s’ensuivraient. La motion de censure est non seulement un substitut à l’appel à la mobilisation de la classe ouvrière, mais aussi une impasse.

      Le PS, tout en déclarant qu’en l’état, « ce budget est impossible pour nous, il est inacceptable pour nous », et n’écartant pas le vote de la censure, laisse la porte ouverte aux discussions, comme Olivier Faure l’indique : « Nous ferons nos propres propositions et nous verrons comment réagira le gouvernement. » Le RN a pris à peu près la même position, menaçant le gouvernement d’une censure « si Bayrou ne revoit pas sa copie ».

      Quant aux directions syndicales qui s’étaient toutes rendues au conclave de Bayrou, elles sont loin de vouloir dresser un front unique ouvrier contre le « plan » de Bayrou.

      Deux jours après le discours de Bayrou, un auditeur interpelle la secrétaire générale de la CFDT en lui demandant pourquoi les syndicats ne « déclenchent pas l’arme atomique en appelant à la grève générale » ? En bureaucrate rompue à toutes les ficelles, celle-ci lui ressort les réponses toutes prêtes.

      Il n’y a pas de bouton rouge sur lequel appuyer pour déclencher la grève générale, je manie ces outils avec prudence, là c’est le temps de la discussion. Mais fin aout, début septembre, la mobilisation de la CFDT n’est pas du tout exclue. (Léon, France Inter, 17 juillet)

      Apparemment, dès que le gouvernement appuie sur le « bouton rouge » pour convoquer la CFDT, celle-ci accourt.


      Toutes font croire que le « gouvernement du socle commun » (Renaissance-MoDem-Horizons-UDI-LR) pourrait « ouvrir les yeux » et faire œuvre « sociale » avec « d’autres solutions » (tant pis pour nos revendications !) pour « l’ensemble de la population » (incluant les patrons ?).

      Au lieu d’ouvrir les yeux sur les urgences sociales – salaires, conditions de travail, santé, éducation, climat – le gouvernement choisit de faire payer une nouvelle fois les travailleur·euses, notamment les privé·es d’emploi, et stigmatise les agent·es du service public. (CGT, Communiqué, 15 juillet)

      D’autres solutions sont possibles, fondées sur une progression des recettes… La question majeure du financement reste et nécessite des réponses à hauteur des besoins des retraité·es et de l’ensemble de la population. (G9 : FGRFP, LSR et organisations de retraités CFTC, GGC-CFE, CGT, FO, FSU, SUD, Communiqué, 21 juillet)

      « L’Intersyndicale » supplie, par « respect pour le Pays » (avec une majuscule patriotique), le premier ministre d’« ouvrir la discussion », sans demander clairement le retrait pur et et simple du plan budgétaire.

      Le problème de la dette, c’est d’abord le manque de recettes. Il est temps d’accepter d’ouvrir la discussion sur la progressivité de la fiscalité, la contribution des hauts revenus ou des patrimoines, et la légitimité de l’optimisation fiscale ! (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU, SUD, Pétition au premier ministre, 21 juillet)

      Mais Bayrou, comme Macron et Le Pen, respecte profondément une partie « du Pays », ses exploiteurs. Pour les exploités de ce pays, qu’ils soient de nationalité française ou étrangers, il n’y a rien à discuter avec le gouvernement Bayrou-Retailleau. Les exigences du capital sont sans fin, aucune concession ne lui suffira, tandis qu’il conduit l’humanité à la catastrophe écologique et à la guerre inter-impérialiste.

      Formons les comités de préparation à la grève générale !

      À nouveau, la question de la grève générale va se reposer pour la classe ouvrière, seul moyen efficace pour bloquer le plan Bayrou. À nouveau, les partis réformistes (LFI, PS, PCF…) vont tenter de l’enfermer dans les jeux parlementaires et les échéances électorales. À nouveau, les bureaucrates syndicaux, tout en se prêtant au « dialogue social » et acceptant de discuter avec le gouvernement et le patronat des pires attaques contre les travailleurs, vont s’ingénier à disloquer et émietter le mécontentement dans les « journées d’action » stériles ou des « grèves reconductibles » qui épuisent en vain les secteurs combattifs.

      Mais la question de la grève générale fait son chemin dans la conscience de la classe ouvrière. Elle est la réponse réaliste pour sortir du piège des élections aux résultats courus d’avance, pour ouvrir, sur la base de la mobilisation simultanée de toute la classe ouvrière, sur la base des comités de grève élus, des comités de quartiers, de villes, du comité national de grève, la perspective d’un gouvernement des travailleurs balayant le vieux monde, la réaction qui montre les dents, la dictature implacable du profit.

      À bas le plan gouvernemental, toutes les attaques contre la classe ouvrière ! Annulation de la dette publique !

      Abrogation de la loi Macron-Borne contre les retraites et de la loi contre les chômeurs ! Suppression des impôts sur la consommation populaire, suppression des cotisations sociales des salariés ! Impôt fortement progressif sur les revenus et le patrimoine ! Dissolution de l’armée professionnelle et des corps de répression !

      Sortie des syndicats du Conseil d’orientation des retraites ! Aucune négociation des projets de budget 2025 avec Macron ou Bayrou ! Front unique ouvrier pour leur retrait pur et simple !

      Dans les entreprises et les administrations, formons les comités pour la grève générale jusqu’au retrait du projet budgétaire !

      21 juillet 2025