Crise économique et déportation en Frances des prisonniers politiques
En mai 2024, le gouvernement Macron-Attal-Darmanin met le feu aux poudres dans la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) en voulant élargir le corps électoral (restreint pour les référendums aux Mélanésiens de souche appelés Kanaks, aux colons historiques appelés Caldoches, aux Polynésiens immigrés de longue date, principalement venus de Wallis et Futuna, une autre colonie française) aux récents immigrés de France, surnommés les « métros ». Pour faire pression sur l’État français, l’UC-FNLKS avait créé une « Cellule de coordination des actions de terrain » (CCAT) qui avait été rapidement débordée, tant les inégalités et l’oppression sont criantes.
Un an après la révolte populaire, durant laquelle les milices des colons, la police et la gendarmerie françaises ont tué onze Kanaks, Christian Teinest est toujours emprisonné avec six autres militants de la CCAT à Mulhouse, à 18 000 kilomètres de chez eux. Au total, treize sont mis en accusation.
Plus de 2 000 gendarmes occupent toujours le territoire, épaulés par 500 agents de la police nationale, 23 véhicules blindés et 10 membres du RAID. Rapportée à la population française, cette présence équivaudrait à un déploiement de 680 000.


L’économie locale est dévastée. Les dégâts matériels des émeutes sont estimés à plus de deux milliards d’euros, auxquels s’ajoute une profonde crise du secteur du nickel —qui représentait 90 % des exportations du territoire— couplé à un effondrement du tourisme. Le PIB a chuté de 10 à 15 %, l’emploi privé de 17,2 %. Le prolétariat kanak est objectivement affaibli par la fermeture de l’usine Koniambo Nickel (KNS), dans la province nord, décidée par le groupe capitaliste anglo-suisse Glencore et aussi à cause de la destruction, par le lumpen, de multiples sites de travail. Un Kanak sur deux est actuellement au chômage, avec un taux encore plus élevé chez les jeunes.

Les coupes drastiques dans les aides sociales décidées par la province Sud, dirigée par la représentation politique de la bourgeoisie coloniale, n’ont fait qu’aggraver cette situation. 70 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont Kanaks.
L’État français a lâché du lest en mai 2024 sur l’élargissement du corps électoral, sans renoncer à la mainmise sur l’archipel (18 000 km2, 270 000 habitants), sa position stratégique en Océanie, ses richesses minérales (20 % des réserves mondiales de nickel) et halieutiques, ses eaux territoriales.
En décembre 2024, Bayrou, en accord avec Macron, a désigné Valls (Ensemble, ex-PS) comme ministre des outremer. Valls, ancien négociateur des accords de Nouméa (1998) a multiplié les déplacements en Nouvelle-Calédonie/Kanaky afin de trouver un accord impérialiste entre les deux ailes de la bourgeoisie, la coloniale (« loyaliste ») qui jouit de la suprématie économique et la nationale (« indépendantiste ») qui s’appuie sur le « peuple premier ». Dans la lignée des accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998), le gouvernement Bayrou-Retailleau-Valls tente de faire adopter un nouveau statut afin d’arrimer la Nouvelle-Calédonie à l’État français et d’infliger coup d’arrêt aux ambitions chinoises, étasuniennes, australiennes…
L’armée française vient de procéder à un exercice miliaire d’envergure dans le Pacifique, à Wallis et Futuna.
L’objectif principal de cet évènement dans le Pacifique est de renforcer la coopération régionale et l’interopérabilité des forces armées en situation de crise. (Armée de terre, 7 mai 2025)
Le torpillage du plan Valls par Backès, Macron et Retailleau

Le sénateur Nature, la présidente de la province Sud Backès, le haut-commissaire français en Nouvelle-Calédonie Le Franc, le ministre des outre-mer Valls, la maire de Nouméa Lagarde, le député Nicolas Metzdorf, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie Ponga
En 1998, Chirac et Mitterrand étaient d’accord pour céder quelques miettes aux patrons kanaks et aux chefs tribaux afin que l’impérialisme français prolonge sa mainmise sur la colonie. Valls tente de refaire le coup des accords de Nouméa, signés par le FLNKS et approuvés par le PS (dont était membre Mélenchon) et le PCF. Mais, aujourd’hui, l’exécutif se fracture car Macron et Retailleau jouent, eux, la carte de la répression et des colons.
Le FLNKS ne fait pas de la libération de ses militants un préalable. La CCAT elle-même se prosterne devant la répression de l’État impérialiste.
Les indépendantistes de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain) ont lancé un appel au calme : « Depuis le 13 mai 2024, notre président Bichou (Christian Tein, élu depuis président du FLNKS et incarcéré à Mulhouse – NDLR) a appelé à la désescalade. Ce mot d’ordre n’a pas changé ». (L’Humanité, 8 mai 2025)
Après deux premiers échecs des négociations, Valls convoque une session de négociations à huis clos, du 5 au 8 mai, à l’hôtel Sheraton de Bourail, loin de la population kanake. Outre les émissaires de l’État français, elle réunit :
- Les deux partis nationalistes kanaks : Union calédonienne–FLNKS qui avait lancé le CCAT ; UNI-Parti de libération kanak (Palika).
- Les trois partis colonialistes français : Calédonie ensemble, Loyalistes ; Rassemblement-Les Républicains (LR).
- Le parti à base wallisienne : Éveil océanien.
Valls propose une formule de « souveraineté avec la France ». Ce plan prévoit le maintien des compétences régaliennes (défense, sécurité, monnaie, justice) à l’État français. En guise de concessions, un statut international spécifique serait accordé et une double nationalité envisagée. Mais pour être soumise au vote, un « référendum de projet » devrait être adopté par le Congrès, le parlement de l’archipel, à la majorité de 60 %.
Les partis bourgeois kanaks, Palika-UNI et UC-FLNKS, acceptent le plan Bayrou-Valls de « souveraineté avec la France ».
Question. Les discussions n’ont pas abouti lors du conclave de Deva. À quoi attribuez-vous cet échec ?
Emmanuel Tjibaou (président de l’UC-FLNKS). Il faut simplement laisser les réflexions murir… Et c’était vraiment intéressant, parce que nous avons pu débattre du fond. J’ai vraiment apprécié la qualité des débats.
Question. Vous avez fini par approuver le projet de Manuel Valls, pourtant éloigné de celui défendu par le FLNKS. Qu’est-ce qui explique ce ralliement à la proposition du ministre ?
Emmanuel Tjibaou. Premièrement, le fait que l’État fasse une proposition en indiquant clairement sa volonté de se projeter vers une décolonisation. D’autre part, les éléments de souveraineté portés par ce projet permettaient, aux yeux du FLNKS, d’avancer sur cette question de trajectoire vers la souveraineté et sur la manière de déterminer celle que l’on veut pour notre pays. Nous le voyons comme une perspective vers un État souverain. (Les Nouvelles calédoniennes, 22 mai 2025)
Pour l’UNI-Palika, « en prenant position pour la première fois en faveur de l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la souveraineté, l’État français offre une perspective politique plus ouverte pour trouver une solution d’avenir ». (Le Monde, 12 mai 2025)
La CCAT, ratifie la capitulation, invoquant le clanisme et du patriarcat, faisant passer Djaiwé et Tjibaou pour des « guerriers ».
Dans un communiqué du 7 mai, la Cellule de coordination des actions de terrain indique pour le 13 mai choisir « l’apaisement, la dignité et l’intelligence collective »… Il s’agit aussi de ne pas « affaiblir la parole » des représentants politiques au sein des discussions avec l’État et leurs partenaires. « Comme les guerriers de nos histoires, ils avancent avec la force de nos clans et la sagesse des anciens ». (Demain en Nouvelle-Calédonie, 8 mai 2025)
Par contre, les partis bourgeois colonialistes Loyalistes et LR le rejettent ouvertement.
Ce projet porte atteinte à l’intégrité de la République française et à la démocratie. C’est une déception de ne pas aboutir à un accord parce que la Nouvelle-Calédonie se relèverait mieux s’il en avait un. (Sonia Backès, ancienne ministre et présidente de la province Sud, Le Figaro, 9 mai 2025)
Ils lui opposent un « fédéralisme au sein de la République française », faisant éclater l’archipel selon une logique de ségrégation raciale : le Nord et les iles Loyauté pour les « indépendantistes », le Sud pour les « loyalistes ».
Le monde kanak et le monde occidental ont, malgré plus de 170 années de vie commune, des antagonismes indépassables, au même titre que l’huile et l’eau ne se mélangent pas. (Sonia Backès, Le Monde, 13 mai 2025)
Le modèle est l’Afrique du Sud de l’apartheid et la séparation de Mayotte du reste des Comores en 1974-1976. Les « indépendantistes » ne peuvent accepter le plan des « loyalistes ».
Le 8 mai au soir, Valls rentre à Paris sans avoir obtenu d’accord. Sa manœuvre a échoué parce que seul le premier ministre en sursis l’appuyait, alors que l’intransigeance des partis colonialistes se nourrissait de l’appui du président français, des ministres de l’intérieur, des armées, de la justice, des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat…
Des élections provinciales détermineront le prochain Congrès. Elles devraient se tenir fin 2025.
Indépendance sans condition de la Kanaky !
Le mouvement ouvrier français doit prendre clairement position : contre sa bourgeoise rapace, avec les peuples mélanésiens et polynésiens. Ce sont eux qui doivent décider de l’avenir de l’archipel où pourront vivre à droits égaux tous ceux qui accepteront leur décision.
Or, en « métropole », les partis « réformistes » (PS, PCF, LFI…) veulent préserver les possessions en Océanie de leur bourgeoisie et refusent l’indépendance à la Kanaky. Capitulant devant eux, certains centristes » (LO, NPA-R…) ne se prononcent même pas pour l’indépendance. Les autres (NPA-AC, POI, RP, PT…) s’alignent de fait sur la représentation de la bourgeoisie kanake (FLNKS, CCAT incluse) qui, à chaque étape, trahit les ouvriers, les employés et les paysans travailleurs kanaks tout en étant incapable de s’adresser à ceux des autres ethnies de Kanaky et des États voisins pour affaiblir l’État français et la bourgeoisie coloniale.
Libération immédiate de tous les militants indépendantistes emprisonnés en France !
Retrait immédiat des militaires, des gendarmes et des policiers français ! Démantèlement des milices de colons !
Unité et indépendance de la Kanaky ! Pour un gouvernement ouvrier et paysan ! Pour les États-Unis socialistes d’Océanie !
Pour un parti ouvrier révolutionnaire rassemblant tous les exploités de Kanaky, dont la première revendication est le départ de l’impérialisme français !