Les liens entre le mouvement ouvrier et le mouvement LGBT sont aujourd’hui distendus. On est loin de l’époque où LGSM (Lesbiennes et gays en soutien aux mineurs) soutenait les grévistes en 1984 contre Thatcher, collectant des fonds dans 11 villes, tissant des liens concrets entre les luttes. En 1985, une résolution en faveur des droits LGBT fut adoptée au congrès du Parti travailliste grâce à l’appui du syndicat des mineurs NUM, qui s’impliqua ensuite dans les marches des fiertés et la lutte contre la section 28 (loi interdisant la « promotion de l’homosexualité » par les autorités locales et dans les écoles au Royaume-Uni). Cette alliance permit de briser des préjugés dans la classe ouvrière. Mais la défaite des mineurs a profondément démoralisé le mouvement ouvrier et fait régresser politiquement la cause homosexuelle.
Les progrès fragiles de la cause des femmes et des minorités sexuelles
La poussée révolutionnaire internationale des années 1960-1970 a contribué à l’émergence des luttes contre le racisme, l’oppression nationale, l’oppression des femmes et des minorités sexuelles. Les droits des personnes LGBT ont avancé dans la plupart des pays occidentaux depuis les années 1960. Bien entendu, ces gains ont été obtenus grâce aux luttes intenses menées par les mouvements des homosexuels.
Mais les gains des homosexuels ont été plus lents que ceux des femmes qui sont une majorité dans les sociétés avancées. Les gains des transgenres, très minoritaires, ont été plus tardifs que ceux des gais et des lesbiennes. Ainsi, en France, la dépénalisation de l’homosexualité n’a eu lieu qu’en 1982. Il a fallu attendre 2016 pour mettre fin à la stérilisation forcée en cas de changement de sexe à l’état-civil et 2021 pour que les élèves aient le droit de choisir le pronom (il ou elle) pour se désigner.
Si la plupart des homosexuels du monde subissent toujours de plein fouet l’homophobie nourrie par les religions et le patriarcat, certaines cliques politiques de la bourgeoisie et l’ensemble des partis réformistes se sont parés de progressisme en intégrant l’homosexualité et la diversité sexuelle, d’autant que l’heure n’était plus aux concessions économiques. Par exemple, le mariage homosexuel est autorisé en 2001 aux Pays-Bas, en 2010 en Argentine, en 2012 en Uruguay, en 2013 en France…
Le désarmement du potentiel révolutionnaire du mouvement des femmes, des homosexuels et des personnes trans s’opère par :
- l’intégration à l’appareil idéologique des universités des acteurs qui conceptualisent (quelques départements d’études de genre),
- la corruption des appareils des organisations.
Il s’agit, tant pour les partis réformistes que pour les partis bourgeois « progressistes » (Parti démocrate aux Etats-Unis, Parti justicialiste d’Argentine, Sinn Fein d’Irlande…) en passant par les fronts populaires (bloc du SPD et de Die Linke avec les Grünen et le FDP en Allemagne, Front large en Uruguay…) de :
- limiter les revendications et les formes de lutte, les détourner vers des maquillages langagiers ou des symboles,
- séparer les mouvements les uns des autres et surtout couper les mouvements d’opprimés du mouvement ouvrier,
- faire des organisations concernées des auxiliaires des campagnes électorales dont le résultat était toujours un gouvernement bourgeois (un gouvernement au service du capital).
C’est cette stratégie qui s’est fracassée en Argentine en 2023 et aux États-Unis en 2024 et qui laisse les opprimés (immigrés sans papiers, personnes voulant changer de genre, jeunes femmes prolétaires involontairement enceintes…) vulnérables à la réaction portée par Milei et Trump, appuyés par les clergés chrétiens et par des groupes facho-masculinistes.
En France, Macron peut bien se dire progressiste, cela ne l’a pas empêché d’appeler Matignon « la cage aux folles » alors qu’un premier ministre homosexuel y siégeait de janvier à septembre 2004. Il a nommé comme successeur Barnier, opposé à la dépénalisation de l’homosexualité en 1982, flanqué de Retailleau à l’intérieur, cosignataire d’une proposition de loi visant les mineurs trans.
Le président se présente comme un garant des LGBT alors que la législation sur la transidentité est restrictive.
Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende… L’infraction prévue n’est pas constituée lorsque les propos répétés invitent seulement à la prudence et à la réflexion… (Code pénal, article 225-4-13,)
Chaque victime des « thérapies de conversion » sait combien il est difficile de prouver une altération de la santé, entièrement soumise à interprétation. Les bigots peuvent toujours invoquer la réflexion ou « l’accompagnement spirituel » ou de « difficultés personnelles » pour légitimer leurs pressions et leurs persécutions.
Macron déclarait encore en juin 2024, à propos du programme du NFP : « il y a des choses complètement ubuesques, comme par exemple aller changer de sexe en mairie ».
Les homosexuels et les transgenres sont menacés par le vague de réaction
Trump a lancé une offensive contre les personnes trans. Meloni (Italie) et Milei (Argentine) ont adopté des mesures restreignant les droits LGBT. Au Royaume-Uni, le travailliste Starmer a soutenu la décision de la Cour suprême interprétant le terme « femme » de l’Equality Act(2010) comme « femme biologique », entrainant l’annulation de la conférence féminine du parti pour ne pas accueillir les femmes trans.
Le militarisme, la guerre commerciale et la menace d’un conflit inter-impérialiste minent le consensus officiel (démocratique, antiraciste, égalitaire…) qui dominait dans les pays impérialistes et leurs institutions internationales (ONU, UNESCO…) depuis 1945. Les partis bourgeois traditionnels (type LR) sont de plus en plus réactionnaires, concurrencés par des formations fascisantes (type RN), flanqués de groupes fascistes.
Par exemple, le 9 mai, à Nantes, la vitrine de la libraire queer Les Vagues a été dévastée. Ce sont principalement les jeunes et les travailleurs LGBT qui subissent discriminations, insultes et agressions physiques. Entre 2016 et 2023, les infractions homophobes et transphobes ont augmenté de 15 % par an. En 2024, 4 800 faits ont été enregistrés par le ministère de l’intérieur, un chiffre très en dessous de la réalité. Le rapport 2025 de SOS homophobie révèle l’ampleur des discriminations à l’embauche : à CV égal, un candidat homosexuel ou une candidate homosexuelle a 36 % de chances en moins de recevoir une réponse positive à une candidature. Plus de la moitié des salariés LGBT ont entendu des propos homophobes sur leur lieu de travail. Si les chiffres officiels sont largement sous-estimés, c’est parce que la police, dont la base est très majoritairement réactionnaire (74 % des policiers actifs votent RN), découragent les victimes : en mai 2025, le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure admettait que seules 4 % d’entre elles portent plainte, 52 % des plaintes sont minimisées, 31 % sont refusées.
Selon SOS homophobie, dans certaines affaires familiales, la justice a assimilé la transidentité d’un enfant à de la maltraitance parentale ou a justifié par la transidentité un placement en psychiatrie.
Les partis réformistes et les directions syndicales prônent le repli nationaliste et le chauvinisme. En cela, ils nourrissent les idéologies réactionnaires. Dans ce contexte, les luttes contre l’homophobie, la transphobie, le racisme ou le nationalisme ne peuvent être effectives que si elles s’inscrivent dans le combat de la classe ouvrière pour renverser le capitalisme pourrissant.
La classe ouvrière doit prendre la tête de la lutte contre toutes les oppressions
Bien que le mode de production capitaliste ne repose en principe ni sur les genres, ni sur les ethnies, ni sur les orientations sexuelles, les sociétés capitalistes réelles restent dominées par les hommes, empreintes de racisme. L’idéologie dominante est historiquement misogyne et homophobe, de manière inséparable.
En 1942, sous Vichy, l’homosexualité fut criminalisée, et cette loi fut reconduite en 1945 par une ordonnance du gouvernement du général de Gaulle incluant le PS-SFIO et le PCF.
L’éviction de la classe ouvrière par la bureaucratie en URSS s’est accompagnée d’une régression vers l’oppression des femmes et des homosexuels. En 1933, Staline pénalise l’homosexualité. Le PCF stalinisé est alors homophobe. Mao persécute les homosexuels en Chine jusqu’à sa mort, Castro à Cuba jusqu’en 1992.
Les capitalistes homosexuels (et leurs représentants politiques) n’agissent pas autrement envers le prolétariat que les hétérosexuels. Au sein de la classe ouvrière, l’homophobie et la transphobie ne profitent qu’à la classe dominante en divisant les rangs des exploités. Mais ces discriminations traversent les classes sociales. Les communistes internationalistes luttent contre toute oppression, quelle que soit la classe sociale des victimes.
Le sociale-démocrate [dénomination des communistes à l’époque de l’Internationale ouvrière, 1889-1914] ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de syndicat britannique, mais le tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir, sachant généraliser tous ces faits pour en composer un tableau complet de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la portée historique et mondiale de la lutte émancipatrice du prolétariat. (Lénine, Que faire ?, 1902, Seuil, p. 136-137)
L’oppression genrée affecte femmes, homosexuels et trans. Son abolition est inséparable de la lutte pour la fin du patriarcat et pour la socialisation du travail domestique. Nous nous réclamons des meilleures traditions du mouvement ouvrier : le soutien en Allemagne du SPD allemand en 1898 à l’abrogation du paragraphe 175 (loi criminalisant les relations sexuelles entre hommes), la dépénalisation en URSS de l’homosexualité en 1922.
Tout le mouvement ouvrier doit se prononcer pour :
- Égalite des droits pour tous, fin de toutes les discriminations contre les homosexuelles, les homosexuels et les trans !
- Autodéfense contre les violences homophobes ! Pour une justice démocratique, non sexiste, non homophobe, épuration des juges réactionnaires, élection et révocation des magistrats par les conseils de travailleurs et de travailleuses !
- Création de refuges surs pour les jeunes rejetés par leur famille et les personnes menacées ! Liberté de circulation et d’installation pour les réfugiés homosexuels ou transgenres !
- Élimination immédiate de toute religion dans les écoles ! Système scolaire unique, public, laïc, gratuit et mixte ! Droit à la contraception, à l’avortement sans regard sur le genre ! Éducation sexuelle scientifique pour tous !
- Accès aux études et à l’emploi pour toutes et tous ! Contre toute discrimination sexuelle et de genre ! Droit à la transition de genre gratuitement et librement !
« Convergence des luttes » ou hégémonie du prolétariat ?
Les organisations « trotskystes » issues de la crise mortelle de la 4e Internationale de 1949 à 1963, s’étant toutes adaptées aux bureaucraties conservatrices des syndicats et des partis réformistes, sombrèrent dans l’homophobie. Le courant « pabliste » (LCR-NPA), le plus sensible à l’air du temps, a progressé dès le début des années 1970. Le courant « hardyste » (LO) a suivi le PCF quand celui-ci a tourné à la fin des années 1990. Le courant « lambertiste » (OCI-PT-POI) a continué à macérer dans les préjugés les plus rances et les plus diviseurs.
Aujourd’hui, les mouvementistes (NPA-AC, RP…) cèdent aux appareils petits bourgeois ou bourgeois des mouvements féministes, homosexuels, antiracistes, propalestiniens, etc. en vantant la « convergences des luttes » ou « l’intersectionnalité ». Tandis que les économistes (LO, PCR…) minimisent ces questions. D’une façon ou d’une autre, tous les opportunistes s’accordent pour laisser la direction des organisations et des luttes féminines ou LGBT aux agents de la bourgeoisie, comme ils le font dans les syndicats.
Or, pour triompher, il faut former un bloc autour de la classe ouvrière qui n’a rien de spontané. Il n’y aura pas d’émancipation sans révolution sociale et sans lutte des opprimés prenant leur destin en mains. Il n’y aura pas de révolution victorieuse sans un parti ouvrier révolutionnaire qui combatte les agents de la bourgeoisie, au sein du mouvement LGBT comme au sein du mouvement ouvrier.
Pour que les droits démocratiques soient arrachés définitivement, le mouvement LBGT doit rompre avec les organes de la bourgeoisie (police, partis bourgeois…), s’allier au mouvement ouvrier, et s’inscrire dans la perspective de la révolution prolétarienne et du socialisme mondial. Rejoignez en France le Groupe marxiste internationaliste et partout dans le monde le Collectif révolution permanente !