ABC du marxisme : la guerre

Ni la paix, ni la guerre ne peuvent s’expliquer par des traits éternels de la psychologie humaine ou se réduire au comportement biologique des primates. Ce sont des phénomènes sociaux. La guerre implique au moins un État : guerre d’un État contre un autre (actuellement, l’invasion et l’occupation de l’Ukraine par la Russie), guerre d’un groupe d’États contre un autre groupe d’États, guerre d’un État contre un peuple sans État (le génocide dont sont victimes les Palestiniens), guerre entre une opposition armée constituant un proto-État et l’État officiel fragilisé (la guerre civile en Birmanie), guerre entre deux segments d’un État qui s’est fracturé (la guerre civile au Soudan).

Les meilleurs idéologues de la bourgeoisie ascendante (les Lumières comme Montesquieu, Kant…) croyaient que la paix était l’horizon du capitalisme, grâce au développement des voyages et des échanges intellectuels comme économiques. Ils se sont trompés car le capitalisme se constitue historiquement par des conquêtes brutales et il ne survit que sous la forme de rivalité féroce entre les fractions de la bourgeoisie, s’appuyant chacune sur un État national.

La guerre, malgré les souffrances et les destructions, peut présenter un caractère progressiste : quand la révolution renverse la domination étrangère et fédère librement des populations (guerre des 80 ans des Pays-Bas contre l’Espagne, guerre d’indépendance des États-Unis contre l’Angleterre, guerres d’indépendances de l’Italie contre l’Autriche, guerre de Cuba contre l’Espagne…), quand elle renverse le féodalisme et résiste aux monarchies étrangères (guerres de la Révolution française contre l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse, la Russie, l’Espagne), quand elle abolit l’esclavagisme (guerre d’Haïti contre la France). Le développement économique, la république, les libertés démocratiques constituent le terrain qui permet à la classe ouvrière de se renforcer, de préparer le renversement de la bourgeoisie. L’Association internationale des travailleurs (1re Internationale) n’est pas pacifiste, elle soutient en 1864 le Nord abolitionniste lors de la guerre civile aux États-Unis, en 1871 l’insurrection armée lors de la Commune de Paris.

Par contre, quand les grandes puissances capitalistes ont achevé de se partager le monde, les rivalités et les conflits entre elles pour modifier le partage n’ont rien de progressiste. Elles sont réactionnaires de part en part, quel que soit l’État qui la déclenche, quel que soit le prétexte. Pour cette raison, l’Internationale ouvrière (2e Internationale) se prononce au début du XXe siècle contre le colonialisme, contre le militarisme, contre la guerre.

Mais, victime de la transformation des appareils des partis et des syndicats en bureaucratie apprivoisée, corrompue, intégrée par la classe dominante, l’Internationale ouvrière s’effondre quand la guerre éclate en 1914. La plupart des sections des États belligérants (dont le PS-SFIO) trahissent la classe ouvrière, se rangent derrière leur bourgeoisie, votent les budgets militaires, muent en sociaux-impérialistes.

Dans les conférences socialistes internationales contre la guerre de 1915 et 1916, une majorité centriste et pacifiste s’oppose à une minorité révolutionnaire et internationaliste (Lénine, Radek, Zinoviev). À tort, une partie de ceux qui restent internationalistes et qui se prononcent pour une nouvelle internationale (Luxemburg, Radek, Gorter, Boukharine…) en déduisent que toute guerre, à l’époque impérialiste, est désormais réactionnaire.

Contre les pacifistes, Lénine soutient qu’il faut transformer la guerre impérialiste en guerre civile contre sa propre bourgeoisie ; contre les gauchistes, il rappelle qu’un peuple opprimé est en droit de se soulever contre un État oppresseur et que l’affaiblissement d’un État impérialiste favorise la révolution mondiale. Pour cette raison, et en dépit de l’appui que les nationalistes irlandais cherchent auprès de l’Allemagne impérialiste, le POSDR Bolchevik soutient l’insurrection de Dublin contre la Grande-Bretagne en 1916. Le pouvoir des soviets est obligé de fonder l’Armée rouge pour mener une guerre indispensable contre les armées blanches (tsaristes) appuyées par les puissances impérialistes (France, États-Unis, Grande-Bretagne, Japon).

L’Internationale communiste (3e Internationale) fondée en 1919 soutient l’Armée rouge et prend le parti des Berbères contre l’Espagne et la France lors de la guerre du Rif de 1921 à 1927. Quand l’Internationale communiste aux mains de Staline renie son programme pour adopter à son tour le social-patriotisme en 1934 et l’alliance avec la bourgeoisie (front populaire) en 1935, la 4e Internationale reprend le flambeau. En particulier, elle défend l’URSS (qui reste un État ouvrier) lors de la guerre que lui mènent l’Allemagne, l’Italie et le Japon.

Aujourd’hui, dans l’intérêt de la révolution socialiste mondiale, il faut soutenir, en dépit de son gouvernement bourgeois, chauvin et capitulard, le droit de l’Ukraine d’exister contre l’invasion russe (et la colonisation américaine). La guerre du peuple ukrainien est légitime.

Aujourd’hui, il faut se ranger du côté du peuple palestinien, en dépit de sa direction bourgeoise et cléricale, contre la guerre coloniale que lui mène Israël appuyée par les puissances impérialistes occidentales. La guerre du peuple palestinien est légitime.

Aujourd’hui, il faut refuser tout appui à la préparation de la prochaine guerre mondiale par toutes les bourgeoisies des puissances impérialistes (États-Unis, Chine, Allemagne, Japon, France, Grande-Bretagne, Russie, Italie…), quel que soit leur rang dans la hiérarchie capitaliste mondiale, quel que soit leur régime politique. Guerre à la guerre impérialiste !