Militarisme et racisme : la classe ouvrière est toujours la cible

Nous avons toujours combattu le protectionnisme et le militarisme sans attendre que leur caractère réactionnaire soit entièrement dévoilé. (Rosa Luxemburg, Réforme ou révolution ?, 1899, ch. 5)

Partout sur la planète, le bruit des bottes s’intensifie. La situation du capitalisme mondial ne permet plus aux puissances impérialismes de croitre ou de se maintenir sans se menacer et s’affronter. Dans ce contexte, tous les États se réarment et les marchands de mort prospèrent. Les coupes dans les dépenses sociales contrastent avec les hausses des budgets des polices, des armées. Les armes sont déjà testées sur les Ukrainiens et les Palestiniens.

La bourgeoisie française prépare une guerre interimpérialiste

Les États impérialistes européens sont secoués par la défection de leur allié traditionnel.

La protection américaine sera de moins en moins assurée. On connait les positions de Donald Trump. On se souvent de son avertissement du 10 janvier 2024 : « Il ne faudra pas compter sur moi pour vous défendre, parce que vous ne payez pas assez ». (Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, 2025, le nouvel ordre mondial, Le Point, janvier, p. 34)

En France, l’état-major, les organisations et cénacles patronaux, le gouvernement, les partis politiques, les diplomates, les experts en géopolitique, les économistes, etc. se déchirent sur la réponse à apporter au compte de la bourgeoisie française, généralement en coulisses mais parfois aussi au parlement et dans les médias :

  • sauver l’OTAN et tenter de se concilier les États-Unis,
  • jouer la carte d’une alliance avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne,
  • se tourner vers la Russie et la Chine.

Le 5 mars, Macron alarme sur le danger russe.

La patrie a besoin de vous, de votre engagement… Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix.(Emmanuel Macron, Adresse aux Français, 5 mars)

Le PIB de la Russie est équivalent à celui de l’Espagne. Elle ne peut tenir l’est de l’Ukraine qu’au prix de 200 000 morts dans ses rangs. Étant occupé par la guerre en Ukraine, Poutine s’est montré incapable de défendre le régime de son client Assad face aux islamistes de Syrie. Toutes les cliques des exploiteurs sont d’accord sur un point : accroitre le budget de l’armée, orienter l’opinion vers la préparation de la guerre mondiale sur le dos des travailleurs.

Sur la défense, il y a un effort légitime, mais il doit être financé. (François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, BFM TV, 20 mars)

Avec l’argument de l’effort de guerre, je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut porter à 70 ans l’âge légal de départ en retraite en France. Mais ça veut dire qu’il y a un consensus dans le pays, il y a une conscience partagée que cette situation très grave nécessite des moyens exceptionnels. (Patrick Martin, président du Medef, RMC, 4 mars)

Il faudra probablement réfléchir à notre modèle. Si les Français travaillaient autant que les Allemands, notamment tout au long de la vie, ou si le taux de chômage était inférieur, on n’aurait pas de déficit. Il faudra sans doute travailler plus. (Éric Lombard, ministre de l’économie, RTL, 21 février)

On ne peut pas mentir aux Français : nous devrons travailler plus si nous voulons préserver le modèle social et démocratique auquel nous sommes attachés. (Édouard Philippe, président d’Horizons, Le Figaro, 14 mars)

La loi de programmation militaire de 2024 fixait déjà une hausse conséquente du budget de la défense avec 68 milliards annuels à horizon 2030 avec un consensus allant du Nouveau Front populaire (NFP) au RN. Sous le prétexte de « menace russe » à nos portes, Macron et Bayrou souhaitent augmenter encore cet objectif à au moins 100 milliards. Cela implique l’abandon de la prétendue « transition écologique » et de porter des coups sévères à la classe ouvrière :

  • en exaspérant le chauvinisme et en ciblant sa partie considérée comme « étrangère à la nation »,
  • en soumettant la jeunesse à l’armée et en limitant les libertés démocratiques,
  • en exploitant davantage la masse des travailleurs des villes et des campagnes, d’une manière ou d’une autre, pour financer le budget de la destruction.

L’impérialisme français est épaulé par le NFP

Les partis bourgeois « écologistes » se démasquent : les verts kaki d’EELV se rallient à l’union sacrée, comme si le militarisme et la guerre n’allaient pas aggraver la crise de l’environnement.

Macron a raison de proposer des garanties de sécurité et même l’envoi de troupes à Kiev… (Daniel Cohn-Bendit, La Repubblica, 22 mars)

Je suis d’accord avec le président de la République quand il dit qu’il faut relever notre budget de défense… Les guerres réclament l’unité de la nation. (François Ruffin, député du groupe Les Écologistes, RTL, 6 mars)

Sans augmenter les impôts des plus riches, Emmanuel Macron ne pourra ni financer cet effort de guerre ni le faire accepter à la population. (Marine Tondelier, présidente d’EELV, X, 6 mars 2025)

Comme lors du vote des budgets militaires en 1914 et de la préparation de la guerre suivante par le Front populaire, les partis « réformistes » (PS, PCF, LFI) s’alignent sur « leur » bourgeoisie, défendent « leur » armée impérialiste et acceptent « l’effort budgétaire » pour « la défense », les subventions au capitalisme français de la destruction, ne se divisant que sur les alliances et les choix militaires.

En Ukraine, des troupes devaient être déployées pour s’interposer et garantir la paix, elles ne pourraient l’être que sous l’autorité de l’ONU et sous son commandement militaire… Les Français doivent se donner tous les moyens de garantir la sécurisation de toutes leurs nombreuses frontières dans le monde… L’absurdité qu’est l’abandon des entreprises en difficulté dont les productions impliquent directement l’autonomie de Défense (mais pas que) de notre pays. (Jean-Luc Mélenchon, chef suprême de LFI, Mélenchon le blog, 9 mars)

Pour faire passer la pilule à leurs électeurs, ils y mettent la condition (parfaitement utopique) que les plus riches y participent également.

Il faut en appeler au civisme fiscal des plus riches. Roosevelt n’avait-il pas, pour financer l’effort de guerre, osé relever le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu à 94 % (pour la seule part de revenus atteignant la dernière tranche) ? Nous menons une lutte existentielle que nous devons remporter. (Olivier Faure, premier secrétaire du PS, La Tribune du dimanche, 9 mars 2025)

Avec 2 % du patrimoine des 500 fortunes les plus riches de France, on gagne 25 milliards d’euros, c’est-à-dire la moitié de l’effort militaire que vous souhaitez. (Alma Dufour, députée LFI, FranceInfo, 7 mars 2025)

La campagne pour criminaliser le soutien aux Palestiniens

En février, trois étudiants de Sciences-Po Paris sont exclus trente jours pour avoir crié « Free Palestine » et « Sciences-Po complice ».

Le 26 mars, un meeting « La France contre l’islamisme » est organisé par l’officine israélienne Elnet a réuni sionistes, journalistes du Figaro et de Franc-Tireur, islamophobes du Printemps républicain et du Laboratoire de la République. L’ennemi désigné est le musulman mais également quiconque dénonce l’État colon israélien.

Cette volonté de pénaliser l’antisionisme a également pris la forme d’une tribune du collectif pro-israélien NV avec le renfort des macronistes, (Attal, Bergé, Blanquer…) et de l’arrière-garde du PS (Hollande, Valls, Cazeneuve, Delga, Dray…). La campagne permanente contre les militants et organisations qui défendent le peuple palestinien en les accusant d’antisémitisme légitime le muselage policier et judiciaire des musulmans et des internationalistes.

Les médias (y compris Le Monde ou l’émission Quotidien) dénigrent Mélenchon comme antisémite tandis que Bardella se fait passer pour un antiraciste. En Israël, les chefs génocidaires reçoivent en grande pompe les partis fascisants de toute l’Europe. Le RN (France, fondé par des antisémites), le Fidesz (Hongrie), Vox (Espagne), les Démocrates (sic) de Suède ont tous reçu une invitation officielle Bardella et Maréchal ont ainsi eu l’occasion de papoter avec le président Herzog et Nétanyahou en personne. En effet, ceux qui veulent chasser les Arabes d’Europe et ceux qui veulent les chasser de Palestine sont d’accord sur l’essentiel. Tout en se démarquant des néonazis qui se trompent de bouc émissaire (les temps ont changé), le président du RN n’oublie pas de menacer ses concitoyens arabes et le mouvement ouvrier de France.

Je prends un engagement solennel : la France combattra l’antisémitisme, partout, sous toutes ses formes. Qu’il provienne d’islamistes fanatiques, de l’extrême-gauche camouflée en antisionistes ou encore de groupuscules d’extrême-droite et de leurs complots délirants. (Jordan Bardella, 27 mars)

Le militarisme s’accompagne toujours de la contrerévolution et du racisme

En France, le gouvernement de « l’arc républicain » (pour lequel l’Intersyndicale et le NFP ont fait voter) cherche aussi des boucs émissaires. Darmanin (Renaissance) propose d’interdire les mariages avec des étrangers sans-papiers. Son collègue Retailleau (LR), qui a déjà durci les conditions de naturalisation en janvier, souhaite l’augmentation des durées de rétention en centre de rétention administrative pour étrangers sans-papier (CRA) et réduire les prestations sociales aux étrangers en situation régulière. Bayrou, lui-même, abonde dans le sens du RN en évoquant à l’Assemblée nationale un « sentiment de submersion ».

Dans le même temps, la répression bat son plein. Le 18 mars, la Gaité lyrique où s’étaient réfugiés des mineurs sans-papiers est évacuée violemment par les matraques des CRS qui en profitent pour rafler 46 jeunes.

Les deux ministres souhaitent étendre l’interdiction du voile aux compétitions sportives. Le premier ministre les a adoubés en recadrant les ministres de l’éducation et des sports (Borne et Barsacq) qui avaient émis des réserves. Par contre, le président, tout le gouvernement, le RN et le NFP défendent le droit de l’Église catholique à bénéficier des largesses de l’État pour « éduquer la jeunesse » façon Bétharram.

Les médias de la grande bourgeoisie distillent à la fois le venin chauvin et la haine de l’étranger. Après avoir embauché le fondateur des Zouaves de Paris Marc de Cacqueray-Valménier, après avoir donné de l’audience à plusieurs groupuscules fascistes sur ses chaines de télévision, Bolloré ajoute le vieux suprémaciste Alain de Benoist au catalogue de chez Fayard où il rejoindra Bardella.

Ce climat nauséabond incite les groupes fascistes à agresser. Le 1er février, à Lyon, quatre nervis poignardent trois personnes. Le 16 février, à Paris, une vingtaine de nazillons attaquent une réunion du collectif antifasciste Young Struggle. L’UNI et la CE paradent, intimident, menacent et agressent dans toutes les facs. Le 10 mars, à Nantes, à la suite d’une assemblée générale, deux étudiants sont tabassés par des fascistes cagoulés. Le 14, à Angers, le RED menace quatre membres de l’UNEF. Ces nervis œuvrent main dans la main avec des secteurs de l’armée et la police.

Supplier le gouvernement Bayrou-Retailleau-Darmanin de bien vouloir interdire les groupes fascistes, comme le fait le NFP, c’est donc semer des illusions en laissant croire à la classe ouvrière que l’État bourgeois pourrait bloquer la montée du racisme (qu’il reprend) et du fascisme (qu’il nourrit).

Après que le gouvernement du Parti radical, membre fondateur du Front populaire, a édicté en 1937 un décret contre l’immigration, a annulé en 1938 les conquêtes sociales arrachées par la grève générale, il a utilisé les lois contre les ligues fascistes de 1936 pour interdire en 1939 le PCF. L’assemblée à majorité Front populaire élue en 1936 vota les pleins pouvoirs au maréchal fasciste Pétain en 1940. Aujourd’hui, Retailleau qui est ministre grâce au PS, veut déjà interdire la Jeune Garde, une organisation antifa. La dissolution du Collectif Palestine vaincra a été validé le 20 février.

Front unique ouvrier contre le militarisme, la xénophobie et le racisme !

Pour instaurer la séparation des religions et de l’État, pour lever le fardeau du militarisme qui retombe toujours sur la classe ouvrière et les autres travailleurs (indépendants, cadres…), pour unir les travailleuses et les travailleurs (de toute orientation sexuelle, toute ethnie, de toute croyance, de toute nationalité…), la responsabilité des organisations syndicales et politiques issues de la classe ouvrière, des syndicats étudiants, des organisations d’opprimés… est de :

  • exiger la fermeture des CRA, la régularisation des élèves et travailleurs sans papiers, l’ouverture des frontières aux réfugiés, aux étudiants, aux travailleurs,
  • interdire tout financement public à tout clergé, à tout appareil religieux,
  • faire cesser toute livraison d’armes à Israël, imposer la fin de toutes les poursuites contre les militants propalestiniens et la libération immédiate du communiste libanais Georges Abdallah (emprisonné en France depuis 1984),
  • faire libérer les militants kanaks et imposer l’indépendance de la Kanaky,
  • cesser la collaboration avec le gouvernement et le patronat (Conclave, Conseil d’orientation des retraites, CESE, CA des groupes capitalistes…)
  • refuser tout vote du budget de l’armée impérialiste française, appeler à manifester à l’Assemblée
  • organiser ensemble l’autodéfense contre la police et les fascistes,
  • lutter pour la dissolution de l’OTAN, de l’armée de métier et des corps policiers de répression, pour l’armement des travailleurs à partir de leur lieu de travail et de vie.

Un tel combat ouvrirait la voie à des revanches sociales après tant de reculs, à un gouvernement ouvrier, à l’expropriation du grand capital, aux États-Unis socialistes d’Europe.

29 mars 2025