Introduction
Le processus qui a commencé avec le déplacement dans les rangs du parti DEM et la salutation du dirigeant du MHP Devlet Bahçeli lors de l’ouverture du parlement a pris une nouvelle dimension avec l’appel de Bahçeli à Öcalan de « dissoudre l’organisation ». Suite à ces développements, la délégation d’İmralı a de nouveau été constituée, le placement en isolement qui frappait Öcalan a partiellement été levé et les discussions ont commencé. Depuis des mois, un appel d’Öcalan était attendu. Le parti DEM a soutenu que cet appel serait « l’appel du siècle » et qu’il tracerait la voie pour la paix et la démocratie en Turquie et au Proche-Orient.
L’appel attendu est enfin arrivé. Suite à la troisième visite de la délégation d’İmralı, l’appel « pour la paix et une société démocratique » d’Öcalan a été lu publiquement. Dans les villes kurdes, des écrans géants ont été mis en place, les masses ont suivi cet appel. Dans ce texte qui était au centre des discussions en Turquie, Öcalan a déclaré que la mission du PKK était remplie et qu’il devait se dissoudre.
L’appel d’Öcalan a été accueilli favorablement par le bloc AKP – MHP. Le principal conseiller du président de la République Erdoğan, Mehmet Uçurum a déclaré que cet appel convergeait avec l’initiative de l’État. Il a affirmé que cet appel protégeait l’État unitaire et qu’il soulignait « qu’en Turquie, le problème kurde était désormais réglé ». Avec les réactions positives de l’UE et des États-Unis, l’opposition bourgeoise, le parti DEM et les partis socialistes réformistes ont généralement accueilli favorablement cet appel. À l’exception du İYİP et des partis marginaux d’extrême droite, le processus a trouvé un large soutien.
Quant au PKK, il a affirmé qu’il obéirait à l’appel d’Öcalan et qu’il déclarait un cessez-le-feu. Cependant, il a également demandé un environnement sûr pour l’organisation du congrès et expliqué qu’Öcalan devait le diriger en personne.
Il n’est pas étonnant que les forces de l’ordre établi soient d’accord. Car ce processus propose une « solution » sans nuire aux conditions de création et d’existence de l’État turc capitaliste et colonialiste. Ce qui est vraiment contradictoire, c’est le contenu de l’appel d’Öcalan et ceux qui lancent cet appel comme étant « l’appel du siècle », « la voie vers la paix et la démocratie ».
La lutte qui a commencé avec le but d’un Kurdistan uni et socialiste avait d’abord reculé en un discours d’autonomie démocratique, puis en un discours de fédération et de confédéralisme. Et maintenant, Öcalan refuse entièrement les revendications d’indépendance, d’autonomie et de fédération comme étant des « dérapages nationalistes extrémistes ». Les droits légitimes de la nation kurde sont condamnés, l’État turc capitaliste et colonialiste est présenté comme une réalité inévitable et à titre de « solution », l’intégration avec l’État est indiquée.
Cet appel est un appel de capitulation. Il ne s’agit pas d’une décision prise en une nuit, elle s’est développée comme résultat de la ligne politique suivie depuis des années par le PKK et par Öcalan. « L’appel à la paix et à une société démocratique » est le dernier point atteint par Öcalan qui expliquait devant les tribunaux d’İmralı qu’il « était prêt à servir l’État turc ».
Cet article n’a pas été rédigé uniquement pour évaluer la situation ou pour avancer des analyses données. Il ne s’agit pas non plus d’intervenir dans les discussions internes au PKK ou de faire des propositions.
Le PKK peut tenir son congrès ou pas, peut se dissoudre ou pas – il s’agit là de questions internes pour eux. Mais quelle que soit la direction que prendra le processus, quel que soit le niveau d’obéissance à l’appel, le problème du Kurdistan continuera à exister de manière brûlante.
Le but réel de ce travail est d’approcher le problème du Kurdistan et des développements au Proche-Orient avec une perspective communiste internationaliste, d’établir un cadre de programme révolutionnaire et de faire un pas en avant pour constituer les premiers éléments organisationnels de ce programme. Si cela peut être réalisé, alors ce travail aura atteint son but.
L’arrière-plan du processus qui a débuté avec Bahçeli comme porte-parole
Lors de l’ouverture du Parlement pour une nouvelle session de travail, le fait que Bahçeli se soit rendu dans les rangs du parti DEM et qu’il ait serré des mains, qu’il ait répondu sympathiquement au fait que sa main tendue ne soit pas restée dans le vide ont signalé le début d’un nouveau processus. Il a affirmé que « nous entrons dans une nouvelle période, il faut établir la paix dans notre pays alors que nous demandons la paix dans le monde ».
Les médias bourgeois ont très vite mis à l’ordre du jour les discussions sur un nouveau processus de paix. Quelques jours plus tard, Bahçeli a complété son discours : « nous ne tendons pas la main sans raison. Nous ne tentons pas de serrer des mains en nous levant de notre place sans raison. La responsabilité qui revient à DEM est de comprendre la valeur de cette main sincère et plus encore, qu’il la perçoit comme un seuil pour devenir un parti de Turquie et qu’il la prenne en considération ».
Bahçeli donne le message au parti DEM et au mouvement politique kurde selon lequel « soit vous jouerez le jeu d’après les règles que nous aurons déterminées, soit le bâton de l’État vous punira ». Cette sortie de Bahçeli n’est arrivé ni de sa propre initiative, ni de celui de son parti. C’est directement la réflexion de l’État capitaliste turque et de ses intérêts. Sous l’effet de la guerre régionale qui s’étend rapidement dans le Proche-Orient, la stratégie fondamentale de l’État capitaliste turc pour la nouvelle période a été exprimée par Bahçeli.
Bahçeli n’est pas ici le porte-parole du MHP et de l’Alliance populaire. Bahçeli est le porte-parole de l’État capitaliste turc et de ses propriétaires, à savoir la bourgeoisie. Même si cela apparait comme une situation contradictoire, si l’on considère la question depuis l’angle de la survie de l’État, c’est très cohérent, voire le meilleur choix. Le fait que Bahçeli lance cet appel empêche dès le départ les fissures qui pourraient apparaitre au sein du front de l’ordre établi. Par ailleurs, il permet de conduire le processus selon la logique de la carotte et du bâton.
À la suite de cet appel de Bahçeli, le dirigeant du CHP Özgür Özel a affirmé que « [lui aussi] promettait aux Kurdes un État permettant une citoyenneté égale ». Quant au parti DEM, il a accueilli le processus favorablement et a expliqué que l’interlocuteur était Öcalan et a demandé que soit levé son placement à l’isolement. Les partis tels que Yeniden Refah, Saadet, DEVA, Gelecek ont fait part de leur soutien même s’ils approchaient le processus prudemment. Ce processus a, dès le début, formé une large base d’accord qui s’est alignée derrière l’Alliance populaire. Ansi, la tâche de déterminer les règles du jeu, de le lancer et de faire l’arbitre est passé sous le monopole de l’Alliance populaire.
À la suite de processus, des réactions nationalistes, chauvines et populistes de la part de partis fascistes et populistes de droite tels que İYİP, Zafer, Memleket et Vatan ont critiqué Bahçeli. Mais peu de temps après, la cible de ces réactions a changé. Plutôt que Bahçeli, toutes les réactions populistes de droite, fascistes et nationalistes ont été orientées vers le CHP. La raison en est la suivante : en cas de développement négatif affectant le processus, le CHP et le parti DEM seront affichés comme les boucs émissaires.
Ce processus ne vise pas seulement à dépasser les contraintes internes auxquelles fait face le régime d’Erdoğan, il a également pour but de profiter des nouveaux développements et de nouveaux équilibres qui seront créés afin d’empêcher l’étatisation du Kurdistan et d’éliminer un front de résistance qui s’opposerait à lui. Sa stratégie fondamentale est de désarmer le mouvement kurde en termes militaires et politiques et de le liquider en utilisant la carte Öcalan. Le régime d’Erdoğan vise à renforcer son régime bonapartiste en prenant appui sur toutes les forces de l’ordre établi et un large éventail politique. Et la stratégie fondamentale de ce but est de renforcer le front intérieur.
Quelle est la question du front intérieur ?
La notion de front intérieur que Mustafa Kemal avait mentionné dans son Discours a été de nouveau mis à l’ordre du jour par Erdoğan. Au centre du processus qui a démarré avec l’appel de Bahçeli envers Öcalan se trouve le discours visant à renforcer le front intérieur. Depuis qu’Erdoğan s’est rapproché avec le MHP en 2015 et a commencé à constituer des alliances avec ce parti, il a commencé à utiliser la notion de « local et national ».
Il a accusé chaque élément qui se trouvait en dehors de l’Alliance nationale d’être « non national », d’avoir « des racines à l’étranger ». Il a avancé que seul lui était un centre politique « local et national ». Il a présenté toute opposition contre son pouvoir comme étant une opération des forces étrangères contre le pouvoir local et national. Le discours sur le fait d’être local et national a à la fois servi de moyen pour consolider sa propre base et également de moyen pour établir une base de légitimité politique.
Ce discours répondait au besoin d’un discours populiste de droite afin que l’Alliance populaire puisse faire perdurer son pouvoir. Quant au discours visant à renforcer le front intérieur, il s’agit d’un élément nécessaire pour le capitalisme turc, pour l’avenir de l’État capitaliste turc.
Alors, qu’est-ce donc ce front intérieur ?
Qui constitue le front intérieur ? Qui se trouve à l’extérieur de ce front ? Dans quel but, dans le cadre de quel programme politique le font intérieur est-il construit ?
À quelle classe appartient le front intérieur ?
Nous pouvons décrire ce front de la manière suivante : une structure dont la plus grande force est l’Alliance populaire et qui rassemble toutes les forces partisanes d’une indépendance complète, de l’intégrité géographique et de l’unité politique. Toutes les forces visant à protéger, renforcer et développer l’État capitaliste turc se sont alignées derrière le pouvoir d’Erdoğan. Au bout du compte, le front intérieur est un « front de Turquie » constitué par « les forces nationales » face à toutes les menaces extérieures. Le front intérieur est, sous un autre nom, le front national.
La véritable signification du front national est que toutes les forces politiques de la société doivent s’aligner derrière un régime politique qui détient le bâton.
Le font intérieur impose des points communs. Le plus déterminant est l’inamovibilité des frontières de l’État turc et son intégrité territorial. Sa condition minimale est de considérer le Kurdistan non comme un pays colonisé mais comme faisant partie intégrante de la Turquie. Que la nation kurde exprime une revendication nationale revient à déclarer la guerre contre le front intérieur. Afin d’écarter ce danger, il faut faire du Kurdistan qui est une colonie de la Turquie une partie intégrante du front intérieur.
Cela ne peut être réalisé avec des opérations militaires. C’est précisément ici que la mission historique d’Öcalan prend tout son sens. Les revendications telles que l’indépendance, la fédération ou l’autonomie doivent être condamnées comme des dérapages nationalistes extrémistes. Il faut le désarmement politique et militaire des Kurdes et leur intégration à l’État et à la nation. Et ce processus doit être présenté comme « l’appel du siècle », comme l’unique voie qui apportera la paix au Proche-Orient et au Kurdistan.
Le font intérieur et les buts impérialistes d’Erdoğan
Le front intérieur passe par le soutien et la participation aux visées impérialistes d’Erdoğan au Proche-Orient. Et s’il faut s’y opposer, il faut conseiller amicalement que ces politiques guerrières ne sont pas positives pour l’avenir du pays. Dans le cas contraire, l’on se situerait inévitablement contre le front intérieur.
Pour que le front intérieur puisse être puissant, il faut que le front des travailleurs soit sans organisation et sans réel pouvoir. La moindre opposition abimera l’unité et l’intégrité du front intérieur. Pour cette raison, chaque grève, chaque lutte liée à la lutte des classes sera vue comme un « risque pour la sécurité nationale ». L’unique élément dont a besoin le front intérieur est constitué par des syndicats locaux et nationaux qui maintiendront les ouvriers sous leur contrôle, par des organisations socialistes et réformistes qui feront partie de ce front intérieur. Tout élément qui se situerait en dehors de ce cadre sera considéré comme une force ennemie contre le front intérieur.
Le front intérieur est le nom de l’esclavagisme au nom des intérêts de la bourgeoisie !
Le front intérieur est le nom de l’esclavagisme selon des intérêts de la bourgeoisie et de son État dans le cadre d’une dictature ayant le bâton à sa disposition. Face à la stratégie d’élargissement du front intérieur d’Erdoğan, notre mot d’ordre fondamental est le suivant :
Le véritable ennemi est dans ton pays !
Élargissons non pas le front intérieur de la bourgeoisie mais le front révolutionnaire des travailleurs et des opprimés !
Comment comprendre la nomination d’administrateurs à la place d’élus et les opérations visant le HDK ?
Les administrateurs sont une tradition assez ancienne dans la politique de la République turque. L’État qui a été repris à l’Empire ottoman et qui a été conçu à nouveau en 1923 est la continuation de la culture des nominations chez l’administration ottomane. Jusqu’en 1950, tout a été réalisé avec des nominations. Même dans les périodes où des élections ont été tenues, avait lieu une division du pouvoir entre les dirigeants élus et les administrateurs nommés qui ont toujours conservé un rôle déterminant. Aujourd’hui, cette tradition perdure. L’histoire de la politique turque est en même temps l’histoire des putschs militaires et du processus de conception de la politique sous l’épée de l’armée. La République turque qui a été la continuation du despotisme ottoman a existé en même temps comme une république d’administrateurs nommés.
Le pouvoir d’Erdoğan nomme un administrateur à chaque mairie qu’il n’a pas réussi à gagner. Cela revient à enlever de fait le droit à élire et à être élu du peuple kurde. La politique des administrateurs nommés et une manière de diriger coloniale classique dans les régions qui sont transformées en colonies. La politique des administrateurs nommés du régime d’Erdoğan est le rappel le plus nu et frappant de la colonisation.
Ce qu’il faut discuter réellement ici, c’est la politique consistant à nommer des administrateurs à la place d’élus et le maintien des opérations visant le HDK malgré l’appel lancé par Bahçeli en direction d’Öcalan. L’État ne cherche pas seulement à liquider le PKK ; il vise également à rendre ineffectives les organisations légales du peuple kurde et si possible, les liquider aussi. Au cas où le processus ne se poursuivrait pas comme l’État le désire, ce dernier s’est mis en mouvement dès aujourd’hui pour garder sous son contrôle une éventuelle réaction qui pourrait venir du mouvement kurde. En d’autres termes, il s’agit « processus de solution avec un bâton à la main ».
Cependant, analyser ce processus seulement en fonction des développements politiques internes serait incomplet. L’augmentation des nominations d’administrateurs et des opérations visant le HDK a quelques raisons importantes :
La conjoncture internationale : alors que l’approche des États-Unis et de l’UE envers la question kurde est en train de changer, les efforts de la Turquie pour renforcer sa position dans le Rojava et le Kurdistan du Sud augmentent. Erdoğan cherche à renforcer sa main en prenant des mesures plus agressives contre le mouvement kurde au sein des équilibres internationaux.
Les élections et les équilibres politiques internes : Erdoğan poursuit la répression visant le mouvement kurde afin de garder la base nationaliste sous un contrôle étroit et d’empêcher l’Alliance populaire de se dissoudre. Les sorties de Bahçeli constituent des éléments de pression pour que la base du MHP cherche à renforcer la politique des administrateurs nommés.
La crise économique et la gestion de crise : en raison de la crise économique qui s’aggrave, l’un des moyens les plus efficaces aux mains de l’État pour pouvoir mobiliser les masses nationalistes-conservatrices est d’augmenter les attaques contre le mouvement kurde. Les administrateurs nommés sont en même temps un mécanisme de transfert des richesses locales vers les milieux capitalistes liés à l’AKP.
Le processus en cours n’est rien d’autre qu’un processus pour faire s’effondrer le mouvement kurde, le liquider et le rendre ineffectif. Les nominations d’administrateurs et les placements en détention massifs font partie de ce grand plan.
Quel est le nom du problème au Kurdistan ?
La question kurde est, au fond, une question de pouvoir et d’appartenance des terres. Il s’agit donc d’un problème colonial. Que le Kurdistan soit une nation divisée en quatre parties, que le droit de déterminer son avenir lui soit refusé, qu’il soit sous le joug d’un régime lourdement raciste déterminent le caractère fondamental du problème. Négliger cette réalité pour réduire le problème à une question de droits culturels ou bien à une question de « démocratisation » de l’État capitaliste revient à accepter le colonialisme dès le départ.
La bourgeoisie turque tente d’afficher le problème du Kurdistan comme un « problème kurde » pour pouvoir le montrer comme un « problème de minorité » dont les droits nationaux auraient été niés en Turquie. Pourtant le Kurdistan, en plus d’être une région où vit un peuple opprimé, est un pays colonisé. Pour cette raison, nous pouvons faire état de deux problèmes fondamentaux.
- Le problème extérieur, c’est-à-dire la question du colonialisme. Cela provient du fait que le Kurdistan est divisé en quatre parties, qu’il soit occupé et qu’il vit sous le joug des États bourgeois.
- Le problème intérieur, c’est-à-dire le siège idéologique et politique. Il s’agit là d’efforts pour arracher le peuple kurde à ses revendications nationales, de le faire fondre dans une politique bourgeoise et de l’intégrer à l’ordre capitaliste colonialiste.
Aujourd’hui, les directions bourgeoises et petites-bourgeoises kurdes arrachent le problème à la question de la terre et du pouvoir et le réduisent à la question de la démocratisation de l’État capitaliste turc. Pourtant, cette perspective rend la solution impossible. Le Kurdistan fait partie de l’équation au Proche-Orient du système impérialiste, donc l’émancipation du peuple kurde ne sera possible pas seulement avec une lutte pour la libération nationale mais avec un processus révolutionnaire qui embrasera toute la région, c’est-à-dire avec une stratégie de révolution permanente.
Aujourd’hui se dressent face au peuple kurde pas seulement l’État turc, mais une hiérarchie impérialiste et des forces régionales qui en dépendent. La position colonisée du Kurdistan constitue l’une des pierres angulaires de l’ordre de l’impérialisme au Proche-Orient. Pour cette raison, la lutte pour libération nationale au Kurdistan est inséparable de la lutte pour la révolution socialiste. Ce n’est qu’avec cette perspective que les ouvriers et travailleurs kurdes peuvent être arrachés aux limites étroites du nationalisme bourgeois et du réformisme.
Les directions bourgeoises et petites-bourgeoises n’ont pas de solution à apporter aux problèmes du Kurdistan. Leur horizon se limite à rechercher un statut dans le cadre du système impérialiste. Pourtant, la véritable libération du peuple kurde n’est possible qu’avec un pouvoir ouvrier révolutionnaire qui peut mettre à bas le colonialisme et l’impérialisme. Et cela ne peut être réalisé qu’avec un programme révolutionnaire qui couvrira toute la région, avec l’union des ouvriers et travailleurs du Kurdistan avec leurs frères et sœurs de classe au Proche-Orient.
Pourquoi la révolution du Kurdistan est obligée d’être la révolution permanente ?
Il ne faut pas voir la révolution du Kurdistan uniquement comme la lutte pour la libération nationale du peuple kurde. Cette révolution est en même temps liée aux processus révolutionnaires au Proche-Orient et dans l’ensemble du monde et ce lien naît du fait que le Kurdistan est une colonie internationale divisée en quatre parties. Cela montre clairement que la révolution du Kurdistan doit s’engager avec une perspective internationale.
Pour un Kurdistan unifié et indépendant la révolution au sein des États colonialistes est indispensable
La dynamique fondamentale de la révolution du Kurdistan n’est pas limitée à la liberté du peuple kurde. Cette révolution nécessite que les structures capitalistes et impérialistes existantes des quatre États colonialistes – la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie – soient détruites avec des moyens révolutionnaires. Ces États ne se limitent pas à exploiter le peuple kurde, ils oppressent également les autres peuples de la région et établissent une souveraineté exploiteuse. La révolution du Kurdistan doit faire partie d’une lutte internationale contre ces quatre États colonialistes, car la souveraineté de ces États empêche la véritable liberté du peuple kurde.
La lutte unie sous la direction de la classe ouvrière
Il sera possible d’assurer la liberté et l’indépendance du peuple kurde non pas sous des directions nationalistes bourgeoises ou petites-bourgeoises mais sous la direction politique de la classe ouvrière. Cette lutte doit être menée non sur une ligne nationaliste mais avec une perspective internationaliste. Une approche nationaliste ne fera pas que s’enliser les problèmes du peuple kurde avec des solutions passagères, elle empêchera aussi la lutte révolutionnaire à cause d’une recherche de conciliation avec les États colonialistes.
Les entreprises de conciliation avec les États colonialistes des dirigeants réformistes comme Öcalan ont porté un coup sévère à la lutte de libération du peuple kurde. Ce peuple ne peut gagner sa liberté qu’avec l’internationalisme prolétarien et la lutte unie de tous les peuples du Proche-Orient. Cela nécessite de défendre une perspective socialiste et révolutionnaire au contraire d’une perspective nationaliste.
Le besoin d’alliés au Proche-Orient et la perspective de révolution socialiste
Le peuple kurde n’est pas seul dans sa lutte pour la liberté, cependant il doit se mettre en mouvement avec des alliés corrects. L’histoire a prouvé maintes fois que ni les États colonialistes, ni les régimes bourgeois islamistes du Proche-Orient, ni les États-Unis et l’UE ne peuvent être des amis des Kurdes. Pour cette raison, il n’est possible pour le peuple kurde de trouver des alliés que parmi les peuples travailleurs du Proche-Orient. Pour pouvoir conclure cette alliance, il faut établir un but commun : les soviets socialistes du Proche-Orient.
Un Kurdistan indépendant, unifié et libre n’est possible qu’en faisant partie de la lutte révolutionnaire du Proche-Orient et avec une transformation socialiste. La révolution du Kurdistan ne doit pas se limiter à la liberté du peuple kurde, elle doit être une force unificatrice pour la liberté de l’ensemble des peuples de la région. La voie pour cela n’est possible qu’avec un parti communiste internationaliste fort et la perspective de révolution socialiste.
Conclusion : la révolution permanente et l’avenir du Kurdistan
La révolution du Kurdistan n’est pas que la lutte pour l’indépendance du peuple kurde, elle fait en même temps partie d’un processus révolutionnaire régionale et mondiale. Le Kurdistan, en tant que nation divisée entre quatre États colonialistes, doit voir sa lutte révolutionnaire pas seulement comme une lutte locale mais comme une révolution faisant partie de transformation socialiste de tout le Proche-Orient. Pour que cette lutte puisse être couronnée de succès, nous avons besoin de la perspective de la révolution permanente et de la force d’une lutte internationaliste.
Nous, en tant que militants communistes internationalistes, existons pour faire partie de cette révolution et pour lutter pour la libération de tous les peuples travailleurs du Proche-Orient.
La pire paix possible vaut-elle mieux que la guerre ? Les points de délimitation entre les libéraux pacifistes et les communistes internationalistes au sujet de la paix
La pire paix possible vaut-elle mieux que la guerre ? Ce discours a commencé à être diffusé de manière notable suite à l’appel d’Öcalan. Que ce soit au sein du mouvement kurde ou dans le mouvement socialiste, il a largement été repris. Cette question est discutée historiquement avec un discours libéral et pacifiste sur l’atrocité de la guerre et la nécessité de la paix. Cependant considérer le lien entre la guerre et la paix uniquement comme une opposition superficielle reviendrait à ignorer la logique de l’ordre capitaliste mondial.
Le capitalisme prépare le terrain pour une paix fondée sur l’ordre existant ; cette paix revient en fait à la création d’une hégémonie idéologique, économique et politique sous le joug de celui qui a remporté la victoire. Dans ce contexte, parler de paix ne veut pas seulement dire que les armes se tairont, il s’agit en même temps d’une situation qui renforce la puissance et les intérêts des classes dominantes et des États impérialistes.
Par exemple, l’accord de paix à Gaza peut constituer une paix pour l’État sioniste d’Israël mais cela ne signifie aucunement la liberté pour le peuple palestinien. La paix établie à la fin de la guerre signifie plus d’exploitation, plus d’oppression et plus de servitude pour les peuples locaux et les classes opprimées. La puissance derrière la paix sert toujours les intérêts de la bourgeoisie.
Le point de vue communiste internationaliste avance que la paix signifie bien plus que la fin de la guerre. La paix doit être une situation déterminée par le libre arbitre des peuples ; et cela ne sera pas obtenu par la victoire décisive durant la guerre mais par la victoire de la classe ouvrière et des peuples opprimés. Sans briser la domination du capitalisme, les peuples ne peuvent obtenir le droit de déterminer leur avenir et les libertés qu’avec une paix révolutionnaire.
Cette opposition entre la guerre et la paix est la ligne la plus importante séparant la paix du capitalisme fondé sur les intérêts impérialistes avec la paix révolutionnaire de la classe ouvrière et des peuples opprimés. Si la paix n’est que la continuation d’un ordre fondé sur la domination de la partie victorieuse, il ne s’agit pas d’une paix mais la poursuite d’un statu quo colonialiste.
En guise de conclusion, nous devons redéfinir la paix d’un point de vue historique et de classe. La paix doit être fondée sur le libre arbitre et la liberté des peuples, elle doit mener à la victoire de la classe ouvrière et des opprimés face à l’hégémonie capitaliste. Dans le cas contraire, parler de paix n’est rien d’autre que rebâtir l’ordre d’exploitation existant.
L’évolution idéologique du PKK
La plus grande partie du Kurdistan et celle qui comporte la population kurde la plus nombreuse est le Kurdistan du Nord qui est colonisé par l’État turc. Avant le PKK, se trouvaient de nombreuses révoltes et organisations nationales dans le Kurdistan du Nord, des organisations et partis de gauche ou socialistes qui se sont développés particulièrement après les années 1960 existent toujours. Mais l’organisation qui a eu le plus d’effet, la plus massive, celle qui a fait le plus trembler l’État capitaliste turc et qui continue d’exister de la manière la plus effective a été le PKK. Le PKK avait déclaré sa constitution en 1978. Son programme était stalinien, nationaliste et préconisait la révolution par étapes. Il voyait l’oppression nationale des Kurdes comme la contradiction fondamentale. La révolution du Kurdistan devait être démocratique et nationale. Toutes les autres questions devaient en découler. Le but, en tant qu’étape suivant la révolution contre le colonialisme et le féodalisme, était la libération du peuple kurde, de conquérir sa liberté à décider de son avenir et de constituer une république nationale et démocratique. Même s’il défendait le Kurdistan unifié, sa politique et ses actions se focalisaient sur une partie, tout comme les directions kurdes des autres parties. Le PKK n’a pas été le parti des propriétaires terriens, des dominants et des féodaux kurdes contrairement au KDP et au KYB.
Ses premières actions ont été contre les féodaux et propriétaires terriens kurdes. Le nom du parti signifiait le parti ouvrier du Kurdistan. À l’opposé du KDP et du KYB, ce mouvement faisait référence à des points marxistes et possédait vues programmatiques. Malgré son nom, le PKK n’a jamais été, ni de par son programme, ni de par sa structure sociale, un parti ouvrier. Il n’a pas visé, à l’exception de quelques initiatives de la première époque, de s’adosser à la classe ouvrière kurde. Dans les régions kurdes, la classe ouvrière était numériquement faible mais possédait une grande importance du point de vue de la qualité. Le PKK n’a organisé les ouvriers kurdes dont le nombre augmentait dans les grandes villes de Turquie et en Europe occidentale que comme soutiens et donateurs pour la lutte de libération nationale au Kurdistan. Ses bases sociales les plus importantes étaient constituées par les intellectuels kurdes et les paysans pauvres. Ses principaux moyens et stratégie de guerre étaient de constituer des brigades armées pour la guerre de guérilla qui devait mettre fin à l’occupation du Kurdistan. Le putsch militaire de 12 septembre 1980 avait paralysé lourdement toutes les organisations de gauche et socialistes en Turquie et au Kurdistan du Nord. Durant ce processus, le PKK ne s’est pas contenté de réussir à se maintenir. En même temps, il a atteint une force qui a secoué toutes les places fortes de l’État turc capitaliste et colonialiste dans le Kurdistan. En 1984, le PKK avait commencé sa première lutte armée avec les raids d’Eruh et de Şemdinli. Le début de la lutte armée du PKK a provoqué l’éclatement de l’empire de la peur sur le peuple kurde. Il avait ouvert un espace pour rendre massive la colère qui s’était formée contre toutes les oppressions de l’État. Au début des années 1990, le PKK était devenu la force dominante de la population kurde au Kurdistan. Il avait commencé à exister également en dehors du Kurdistan. En Europe occidentale, il avait formé des organisations de masse pour soutenir sa lutte et gagner l’opinion internationale.
Le PKK tirait sa base militante de la paysannerie pauvre, de la petite bourgeoisie citadine et de la jeunesse. C’était l’organisation qui détenait le programme le plus progressiste sur l’émancipation des femmes parmi les directions politiques kurdes existantes. Durant toute son histoire, il a accordé une place centrale à son programme et à son organisation. Il s’est constamment développé sur ces points. En réaction à l’oppression familiale féodale, islamiste et patriarcale, en tant qu’espace de lutte contre cette oppression, de nombreuses jeunes femmes kurdes ont rejoint les rangs du PKK. Le PKK a utilisé pendant des années la vallée du Bekaa qui se trouve dans les frontières de l’État syrien comme camp de formation et pour les opérations des forces de guérilla. Si cette situation a apporté des avantages importants au PKK pour la guerre de guérilla, il existait un revers de la médaille. L’État syrien qui apportait son soutien au PKK pour le camp de guérilla était le colonisateur de la partie Ouest du Kurdistan. L’État syrien opprimait les Kurdes vivant au sein de ses frontières au moins autant que l’État turc. La condition fondamentale pour que le PKK puisse rester en Syrie était d’ignorer ce qui se tramait dans le Kurdistan de Syrie. Et cette situation revenait de fait à renoncer au but du Kurdistan unifié et libre. L’existence du PKK en Syrie permettait à l’État syrien d’avoir la main forte pour affaiblir la Turquie lors des frictions entre les deux pays. Au début des années 1990, des changements importants se produisaient dans le monde. Ces changements affectaient également le PKK.
Le premier était l’intégration au capitalisme de l’URSS et des régimes staliniens qui étaient ses satellites. Cette situation obligeait le PKK à expliquer le processus en cours à ses partisans. Le PKK expliquait ce processus par l’effondrement de la bureaucratie au pouvoir, le reniement de la démocratie et par le fait de s’être coupé du peuple. Comparé aux autres groupes socialistes en Turquie et au Kurdistan, le PKK a pu expliquer ce processus plus confortablement. Car une partie importante des partis socialistes turcs sociaux-chauvins qui mettaient une distance entre eux et la lutte kurde était sur la ligne de Moscou. En raison des liens qu’avait établi l’URSS avec les Kurdes par le passé, une certaine distance était de mise face à la direction de Moscou. Dans le programme du PKK, la théorie étapiste stalinienne était dominante. D’abord la révolution démocratique nationale, la constitution du Kurdistan, puis, repoussée aux calendes grecques, la révolution socialiste. Au fond, le programme du PKK se basait sur le nationalisme petit-bourgeois stalinien. L’évolution programmatique durant toute son histoire allait prendre forme sur la base de ce programme. Et à la base de toutes les contradictions qu’il a vues durant toute son histoire allait se trouver ce programme.
Le second développement important était la situation politique au début des années 1990.
Entre les années 1990 et 1993, le PKK avait atteint le sommet de ce qu’il pouvait obtenir par la guerre de guérilla. Dans le Kurdistan se trouvaient des « Serhildan » dans une proportion grandissante, des zones libérées sous contrôle du PKK et où l’État capitaliste turc avait perdu la souveraineté avait commencé à naitre. Face à cette situation, l’État capitaliste turc a commencé à exercer des pressions intenses contre le gouvernement syrien. Et cette situation ouvrait la voie à un processus qui allait perturber les relations entre le PKK et l’État syrien voire allait y mettre fin. Dans la guerre que livraient les États-Unis contre Saddam Hussein, Öcalan avait adopté la position du défaitisme révolutionnaire pour les deux camps. Une aile droite qui défendait l’alliance avec les États-Unis s’était également créée. Cela permettait la formation des centres d’opposition à Öcalan au sein du PKK. Après l’année 1993, le PKK a commencé à évoluer vers une ligne plus libérale et conciliationniste. La voie du renoncement sans retour aux buts de révolution nationale démocratique et du Kurdistan indépendant commençait à s’ouvrir. La question de l’indépendance cédait progressivement la place à des revendications d’autonomie, d’égalité devant la Constitution et de réformes sociales. Le but du Kurdistan indépendant laissait la place à un vivre-ensemble sans se couper de l’État capitaliste turc dans le cadre d’une république bourgeoise démocratique. De temps à autre des cessez-le-feu unilatéraux étaient décrétés, des voies pour des négociations et le dialogue étaient recherchées. La lutte de guérilla n’était plus livrée dans un but politique anticolonialiste mais afin de créer une pression pour que l’État débute des réformes démocratiques et des négociations pour pouvoir s’intégrer dans l’ordre de l’État colonisateur. La triste fin vécue par toutes les organisations nationalistes petite bourgeoises du monde fondées sur le radicalisme petit-bourgeois valait désormais également pour le PKK. Le nom de cette triste fin était le réformisme armé. Öcalan, pour pouvoir obtenir le soutien des États bourgeois afin d’atteindre ces buts, avait même commencé des visites en Europe.
Quant à l’État capitaliste turc, il ne désirait guère des négociations, il voulait capturer Öcalan et mettre fin au PKK. L’État syrien, lui, avait décidé à la fin des années 1990 d’expulser les camps du PKK et Öcalan. Ce dernier, après avoir quitté la Syrie, a été remis à la Turquie avec le soutien de l’impérialisme européen. Même si le PKK était à gauche et progressiste à un niveau incomparable avec le KDP, KYB et le KDP d’Iran, il avait suivi la voie et la ligne politique des directions nationalistes bourgeoises. Il avait commencé avec le but d’un Kurdistan unifié indépendant, avait cloisonné toutes ses activités dans une partie du Kurdistan, il avait reçu le soutien d’un autre État colonisateur face à l’État colonisateur occupant la partie dans laquelle il luttait, il avait rapidement abandonné le but de l’indépendance au profit de l’autonomie et des buts démocratiques nationaux, il s’était mis à rechercher des alliés parmi les États impérialistes et à la fin, ces États impérialistes ont pris position en faveur des colonisateurs. En tant que résultat de cette évolution devenue systématique, la servitude du Kurdistan a perduré. Les Kurdes qui sont parmi les peuples qui luttent le plus dans le monde ont été les victimes des impérialistes, de quatre États colonisateurs et de leur propre direction bourgeoise, petite bourgeoise nationaliste.
L’évolution idéologique d’Öcalan et du PKK suite à İmralı [île-prison où est détenu Öcalan]
La capture d’Öcalan avec l’aide des États impérialistes européens et sa remise à la Turquie ont constitué le début d’une nouvelle période au PKK. Même si la capture d’Öcalan a crée une sérieuse démoralisation au sein du PKK, la véritable déception et confusion sont arrivées avec la défense d’Öcalan devant les tribunaux. En expliquant dans sa défense qu’il était prêt à servir l’État colonisateur capitaliste turc, que si un rôle lui était attribué il allait résoudre le problème, qu’il était en faveur du désarmement du PKK et qu’il défendait une Turquie démocratique il avait créé l’outrage au sein de ses soutiens et de l’organisation. « La solution démocratique est, comme c’est le cas en général, l’unique solution dans la question kurde. La séparation n’est ni possible, ni nécessaire. L’intérêt des Kurdes passe absolument par l’unité avec la Turquie. Si la solution démocratique est appliquée comme il faut, elle sera un modèle plus réaliste que l’autonomie ou la fédération. La pratique avance déjà sur cette voie. » « La disparition du contexte de conflit armé poussera de nombreuses organisations dans l’illégalité depuis de nombreuses années à s’unir avec le contexte démocratique. » (Défenses d’Öcalan).
Durant le procès, le PKK a essayé de nombreuses voies pour tenter d’expliquer cette défense à sa base. De nombreuses légendes urbaines telles que l’administration de drogues à Öcalan, le fait qu’il n’avait pas toute sa tête et que c’est pour cette raison qu’il avait utilisé une telle défense ont été mises en avant. Pourtant, il n’existe pas de contradiction entre cette défense et la ligne politique suivie par le PKK depuis 1993. Suite à cette défense, un processus rapide de liquidation libérale a débuté au sein du PKK. L’aile gauche du parti a été liquidé en utilisant des moyens violents. Quelques mois plus tard, Öcalan a été de nouveau nommé en tant que dirigeant du parti. Cela a pu réussir, car le PKK était un parti stalinien petit-bourgeois. Un fort culte de la personne autour d’Öcalan a vu le jour. Après le procès, le processus de création d’un mythe autour de la personne d’Öcalan au sein de l’organisation de sa base populaire a commencé. Bien qu’il soit prisonnier de l’État, il continue à diriger le parti, le peuple et le mouvement avec une toute nouvelle idéologie et une stratégie qu’il a inventée. Il a prétendu qu’il avait dépassé le marxisme, qu’il avait développé de nouvelles théories et des nouvelles idéologies. Öcalan peut croire qu’il a dépassé le marxisme, mais s’il existe une chose qu’il n’a pas réussi à dépasser, c’est le capitalisme. Tout en protégeant ses aspects staliniens et petit-bourgeois nationalistes, il a ajouté une confusion mélangeant le libertarianisme, l’anarchisme et le postmodernisme. Il a échangé le programme stalinien de libération nationale et de conquête du pouvoir par étapes avec l’idéologie du « confédéralisme démocratique ». Il a combiné un programme stalinien avec un programme socialiste petit-bourgeois mêlant le nationalisme petit-bourgeois, des éléments de féminisme petit-bourgeois et un programme populiste. Selon Öcalan dont les vues sont empruntées à un livre de cours dont le titre pourrait être introduction à l’anarchisme, le marxisme a échoué parce qu’il préconisait que la révolution prenne le pouvoir de l’État et qu’auparavant il cherchait à établir les classes opprimées en tant que classes dirigeantes. Pour cette raison, il faudrait non pas chercher à conquérir le pouvoir, mais viser à rendre l’État inutile de l’intérieur. Cela nécessiterait des manières d’autogestion, des droits démocratiques et surtout des « conseils », des façons de se socialiser de l’avenir. Si tout cela se développait étape par étape et si l’on ajoute à cela un programme de rééducation populaire visant la coopération sans oppression, une nouvelle économie fondée sur la coopération prendrait la place de l’économie capitaliste et l’État deviendrait progressivement de moins en moins important.
Öcalan a révisé non seulement le stalinisme, mais aussi la théorie marxiste de l’État et de la production capitaliste. Il a revu également le programme sur les femmes et la libération nationale. Ce programme porte en lui la contradiction suivante : si vous n’avez aucune intention de prendre le pouvoir, en quoi avez-vous besoin d’un parti politique pour diriger le peuple ? La réponse d’Öcalan est simple : pour diffuser son idéologie et pour faire en sorte que les gens le suivent. Pour faire court, malgré l’utopie démocratique sans classes que le PKK a mis en avant ces dernières années, le programme petit-bourgeois ne peut être appliqué seulement avec la démocratie. Bien sûr, l’oppression dirigée vers les Kurdes et les guerres les visant rendent déjà la « démocratie pure » utopique. Cependant ce programme politique et économique nécessite en même temps un parti qui, au sein des structures de lutte des ouvriers et des paysans, luttera pour leur direction et leur fonctionnement démocratique tout en n’étant pas identique à eux. Au lieu de cela, il doit lutter à leurs côtés ou avec eux pour la direction politique. Lors d’une révolution ouvrière, les conseils/soviets apparaissent comme des organes de lutte et de démocratie directe. Ils ne peuvent réaliser leur potentiel que si la classe ouvrière porte au pouvoir les masses exploitées et opprimées pour appliquer le programme d’expropriation de la classe capitaliste. Avec une telle base économique et sociale, un gouvernement ouvrier peut planifier l’ensemble de l’économie de manière démocratique. Le parti révolutionnaire peut gagner la direction pour un programme qui satisfera les besoins objectifs de la société et qui sera l’expression consciente des tâches déterminées par la révolution pour la classe ouvrière. Il s’agit des bases où le parti révolutionnaire est responsable, élu et révocable. C’est la raison pour laquelle les organes tels que les soviets ne peuvent surgir qu’avant la révolution et qu’ils ne parviennent à perdurer que s’ils arrivent à conquérir le pouvoir. S’ils ne le font pas et s’ils ne modifient pas la base économique de la société, la direction du parti révolutionnaire ne sera pas une force d’avant-garde et ouvrira au bout du compte la voie à une force contrerévolutionnaire qui mènera au désarmement des conseils ou bien à leur intégration aux institutions bourgeoises. Si la révolution parvient à créer un État ouvrier, la démocratie ouvrière sera la démocratie des ouvriers en tant que classe dirigeante et au fur et à mesure que la révolution s’étendra et que l’économie se développera vers le socialisme mondial, elle portera abondamment ses fruits. Quant au confédéralisme démocratique, il imagine une « transformation » vers une société différente tendant de développer la production « coopérative » dans le cadre du capitalisme. Il tente d’avancer vers le « socialisme » en élargissant via l’État existant une forme de propriété privée (les coopératives) et une forme politique (les conseils).
Cela dit, la production de n’importe quel produit sapera les structures économiques visées. Les coopératives ou les usines autogérées dépendent du marché, pas l’inverse. Les « conseils » dépendent des États existants qui sont l’expression inévitable des fondations économiques du mode de production capitaliste, pas l’inverse.
Quelle doit être notre stratégie communiste internationaliste ?
Au Proche-Orient, les frontières dessinées par les impérialistes et les dominants régionaux servent à monter la classe ouvrière et les opprimés les uns contre les autres et à faire de la région une citadelle de toutes les formes de réaction. Alors que la bourgeoisie de chaque nation enchaîne ses propres ouvriers et travailleurs dans le nationalisme et aggrave l’exploitation, les impérialistes tentent d’obtenir une part en soufflant sur les braises des guerres régionales.
La ligne réformiste capitularde et les efforts pour s’intégrer aux bourgeoisies régionales et aux puissances impérialistes des mouvements comme le PKK pérennisent non seulement la servitude du peuple kurde, mais aspirent également l’énergie de la lutte qui dure depuis des années.
Aujourd’hui, le Proche-Orient est devenu le terrain de partage des puissances impérialistes, tout comme il est aussi devenu le centre des guerres, des génocides, des destructions et de toutes les formes de réaction. C’est la manifestation la plus visible du système capitaliste impérialiste pourrissant. Face à cela, seule une stratégie communiste internationaliste peut être opposée. La classe ouvrière du Proche-Orient doit rompre avec les lignes nationalistes et réformistes bourgeoises et s’unir autour des conseils ouvriers, des assemblées de travailleurs et des milices ouvrières.
Toutes les forces révolutionnaires de la région sont obligées d’organiser la mobilisation indépendante de la classe ouvrière contre les politiques belliqueuses des bourgeoisies régionales.
La lutte commune révolutionnaire des peuples kurde, arabe, perse, turc et de tous les peuples opprimés sur la base de la classe ouvrière présente la véritable solution contre le capitalisme et l’impérialisme.
Pour cela, la tâche fondamentale est de bâtir le parti communiste internationaliste avec la perspective de la révolution permanente sans s’enfoncer dans les sables mouvants des révolutions nationalistes et du réformisme.
Tous les ouvriers et opprimés du Proche-Orient, unissons-nous sous le drapeau du Proche-Orient socialiste.
Alors que la destruction est la barbarie se font la course, nous devons agir pour hisser le drapeau du Proche-Orient socialiste, pour indiquer à la classe ouvrière la véritable voie pour l’émancipation ! Sous le siège des impérialistes, des dominants régionaux et des courants réactionnaires, tous les peuples du Proche-Orient doivent s’unir en une seule force, avec un seul programme : le Proche-Orient socialiste !
1. Le Proche-Orient socialiste, la seule alternative réaliste !
L’avenir du Proche-Orient ne prendre pas forme entre les mains des impérialistes, des dominants régionaux et des courants réactionnaires ; mais sous la direction communiste internationaliste de la classe ouvrière. Aujourd’hui, la classe ouvrière et les peuples opprimés au Proche-Orient ne laissent qu’une seule solution face aux structures pourrissantes du capitalisme et de l’impérialisme : le Proche-Orient socialiste !
2. Les problèmes nationaux sont la solution du Proche-Orient socialiste !
La Palestine, le Kurdistan et tous les peuples opprimés ne peuvent trouver la libération que dans l’unité révolutionnaire de la classe ouvrière. Face aux oppressions nationales, seules les révolutions prolétariennes et les luttes d’unification socialiste peuvent offrir des solutions durables. La libération nationale ne sera possible que par la lutte internationaliste de la classe ouvrière.
3. La révolution socialiste face aux guerres impérialistes et aux courants réactionnaires !
Les guerres impérialistes et les courants réactionnaires sont utilisés pour monter nos peuples les uns contre les autres et pour les affaiblir. Les peuples du Proche-Orient ne peuvent briser ce cercle vicieux qu’avec la mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière. S’unir sous le drapeau du Proche-Orient socialiste est l’unique voie pour mettre fin à ces guerres.
4. L’unique voie d’émancipation pour les femmes et les minorités : le socialisme !
Les femmes, les minorités nationales et sexuelles ne peuvent obtenir la réelle liberté que dans le cadre d’une société socialiste. Les courants réactionnaires et le nationalisme continuent d’empêcher cette libération. Le Proche-Orient socialiste s’élève comme l’unique terrain pouvant apporter l’égalité et la liberté de tous les peuples.
5. Les conseils ouvriers, les milices ouvrières et le parti révolutionnaire internationaliste !
Les opprimés du Proche-Orient doivent s’unir dans les conseils ouvriers, se défendre avec les milices ouvrières et adhérer au parti communiste internationaliste. La classe ouvrière doit s’unir dans tout le Proche-Orient et constituer une avant-garde révolutionnaire face aux impérialistes et aux bourgeoisies régionales. La construction du parti communiste internationaliste doit être le but prioritaire de tous les groupes révolutionnaires.
6. Les soviets socialistes du Proche-Orient : un pas critique sur la voie du socialisme mondial !
Les soviets socialistes du Proche-Orient ont une importance critique non seulement pour les peuples de la région mais aussi pour le mouvement révolutionnaire mondial. La révolution au Proche-Orient ouvrira la voie à la révolution socialiste mondiale et sera le plus grand coup porté à l’impérialisme.
7. L’époque de l’impérialisme est l’époque des révolutions prolétariennes
Dans l’époque de l’impérialisme, soit l’humanité s’orientera vers les révolutions prolétariennes, soit elle sera entrainée dans la barbarie et la destruction. Si nous ne pouvons construire des révolutions prolétariennes, la 3ᵉ guerre mondiale deviendra inévitable. Cette guerre conduirait le monde entier vers la destruction, pas seulement le Proche-Orient. L’humanité et tous les êtres vivants doivent trouver la lutte internationaliste révolutionnaire et le Proche-Orient socialiste comme voie de sortie de cette barbarie.
Non à la guerre entre les peuples, non à la paix entre les classes !
Lutte de classe contre la guerre !
La liberté viendra avec les ouvriers en lutte !
Destruction permanente ou révolution permanente !
Vive le Proche-Orient socialiste !
En avant pour la construction du parti ouvrier communiste internationaliste !
Le bolchevisme vaincra !