Lettre de lecteur : le programme du PCR

Le Parti Communiste Révolutionnaire (PCR), créé fin novembre 2024, anciennement Tendance Marxiste Internationaliste (TMI) au sein de LFI, a dévoilé son programme politique adopté lors de son Congrès fondateur.

Dès les premières phrase, le ton est donné. L’objectif revendiqué par ce parti, qui se définit comme la section française de l’Internationale Communiste Révolutionnaire, est la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, pour renverser le capitalisme. Il est précisé que cela n’est réalisable qu’au niveau mondial, même si la révolution débutera dans un seul pays, mais ne pourra être conservée que si la révolution l’emporte dans d’autre pays. Le rejet de la théorie stalinienne du « communisme dans un seul pays » est assumé, mais cela fait-il pour autant une adhésion au bolchévisme.

Les chapitres qui suivent se déclarent comme un programme d’actions mais il s’agit tout au plus d’un ensemble de thèmes dont la cohérence, la priorisation et le lien entre eux ne permet pas d’entrevoir le rôle structurant d’un parti qui ambitionne d’organiser le prolétariat.

Pour commencer, le PCR se positionne par rapports aux autres courants du mouvement ouvrier, mais uniquement des partis réformistes comme LFI, ou du PS. Il explique qu’il se différencie des autres organisations de gauche, terminologie peu marxiste. Il n’évoque jamais le terme de partis ouvriers !

Aucun mot donc sur l’ensemble de ces partis authentiquement issus du prolétariat, ni du gauchisme et de l’opportunisme, et encore moins sur LO, le NPA ou RP.

Selon le PCR, les travailleurs doivent intervenir dans les luttes pour obtenir des réformes, seules issues possibles actuelles dans le cadre du capitalisme. Et qu’à travers cette expérience la classe ouvrière en arrivera à se convaincre de la nécessité d’une révolution. Qu’il faudra en finir avec le capital et de la nécessité de prendre le pouvoir.

C’est donc à se demander à quoi servirait un parti révolutionnaire… ?

Justement, son rôle n’est-il pas de servir de guide pour hâter la révolution, enseigner aux masses les e l’histoire du parti bolchévique, de la Révolution d’Octobre ?

Le reste du programme empile, à travers plusieurs thèmes, un ensemble de luttes économiques à engager, mais aucun mot d’ordre sur la prise du pouvoir par les travailleurs !

Le PCR explique que la CGT, qui évoque régulièrement la revendication des 32 heures, devrait la prendre au sérieux et en faire une véritable campagne nationale. Cette critique justifiée envers la principale confédération syndicale de travailleurs en France, vaut tout aussi bien pour le PCR qui mène pas d’agitation sur la question.

Le PCR se prononce pour des nationalisations sous contrôle ouvrier pour les grandes entreprises impliquées dans les grands travaux publics. Mais rien sur les PME du secteur…peut-être pour ménager les petits patrons ?

Il critique les organisations réformistes qui ne font que remettre à plus tard la nécessité de la prise en main par les travailleurs. Mais pour le contrôle des entreprises par les travailleurs et les nationalisations, il n’y a rien par rapport au rôle du PCR.

La prise de contrôle par les ouvriers n’est envisagé qu’en vue d’acquérir des notions de gestion. Au demeurant, ce n’est pas un sujet technique, mais bien politique tant elle pose la question du pouvoir d’une classe. Surtout en quoi le PCR va y jouer un rôle, et quels sont les mots d’ordre qu’il avancera, il en fait bien mystère. Un parti qui se prétend révolutionnaire, n’aurait donc rien à dire sur cette question essentielle ?

Un paragraphe entier est consacré à une « extension massive des services publics ». L’intégration des écoles privées et confessionnelles, dans son programme pour l’éducation nationale, apparaît dans un chapitre ultérieur sur le racisme. Outre l’incohérence du texte, le PCR en « réclame » simplement l’application sans plus d’exigence.

Un florilège de mesures sur l’hôpital public, les cliniques, les maisons de retraite, mais toujours aucunes mesures concrètes pour y parvenir.

Tout doit être nationalisé : les transports publics, l’énergie (gaz, électricité, …), ce sur quoi nous serions d’accord, mais de quelle manière un parti ouvrier va s’y prendre, c’est encore laissé en suspens.

Le PCR nous apprend que toutes les directions syndicales, y compris celle de la CGT, se sont adaptées au capitalisme et intégrées à l’appareil d’Etat. Mais il est bien moins prolixe pour nous dire depuis quand ce phénomène est apparu, et surtout quelles en sont les raisons historiques.

Le PCR reproche aux organisations syndicales de refuser de faire campagne pour la grève reconductible, mais se garde bien par contre, d’avancer la perspective de la grève générale. La seule pourtant qui pose, elle, la question de qui dirige la société, et porte en germe la possibilité d’une révolution.

Pour lui, les défaites des luttes passées sont le fait d’une bureaucratisation des syndicats. Ils confondent la tendance routinière qui conduit au bureaucratisme, avec les bureaucrates qui sont les agents corrompus de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière, qu’il faut évincer. Rien n’est dit, par exemple, sur le Conseil d’orientation des retraites (COR), sur la cogestion, la présence dans les conseils d’administration des grandes entreprises.

Selon eux seuls des syndicats démocratiques et combatifs permettront de nouvelles avancées. Ils devront avoir une complète indépendance politique et financière. Alors, ils joueront un rôle pour contrôler la société socialiste, mais quelle influence, le parti à travers ses membres, essaiera-t-il d’avoir, là encore, les travailleurs resteront sur leur faim.

Le PCR dit bien que la division syndicale est le fruit d’une histoire, mais on ne saura pas laquelle, et surtout ne combat pas pour l’unité organique des syndicats ! Luttons plus fort, et sur le plus petit dénominateur commun…

Le PCR avance la nécessité de défendre les droits démocratiques, le droit de grève et de manifester. Il dénonce l’illusion de réformer la police, avancé par les réformistes, mais ne dit rien lorsque des organisations comme LO, prétendent que les policiers sont des travailleurs comme les autres. Leur programme déclare que mouvement ouvrier doit organiser sa propre défense, mais une fois de plus, rien n’indique si le PCR formera des milices ouvrières qui viendront défendre les manifestants contre la police et les bandes de nervis.

Un chapitre est consacrée à la jeunesse, qui constitue une masse militante importante, mais pourtant, le programme, pour de meilleures conditions de vie, est conditionnée à la réalisation des « grands travaux ». A l’adresse de sa partie la plus discriminée dans quartiers les plus défavorisés, sa revendication avance un devoir des partis ouvriers de s’opposer plus massivement à la répression des jeunes. Est-ce en creux une critique de la position de LO sur les jeunes de banlieues, sans le dire ouvertement ?

Dans son programme, le PCR déclare qu’il ne déserte pas le terrain des élections, et d’ailleurs qu’à un certain stade, sans dire lequel, il y prendra part. Pour l’heure, son rôle sera limité à exercer une critique des partis réformistes. Toujours la même propension à se tourner à sa droite vers les partis ouvriers bourgeois. Cela présente l’avantage d’apparaître plus radical, sans s’exposer à ses propres contradictions en ouvrant le débat avec les autres organisations d’extrême gauche.

Il explique que le développement de la lutte des classes posera la question de la prise du pouvoir. De lui-même, donc sans avoir besoin du parti ?

La lutte fera surgir, encore « à un certain stade », des organes de combat révolutionnaires, susceptibles de se transformer en organes du pouvoir prolétarien. Ils reprennent l’exemple des luttes de 2010, en indiquant qu’il y avait une orientation vers une situation de double pouvoir, avec les AG interprofessionnelles, mais que les confédérations syndicales, dont la CGT, l’ont brisé. C’est une mystification totale de présenter les évènements ainsi, et de comparer avec la révolution de 1917.

Mais là encore, quand la situation se présentera à l’avenir, le PCR interviendra pour lancer les mots d’ordre visant à les organiser et les unifier pour l’orienter vers un gouvernement des travailleurs.

L’impérialisme français est certes dénoncé dans un paragraphe consacré, mais la lutte contre celui-ci est contenu dans des limites des frontières nationales. Vis à vis des colonies des DOM-TOM, que le PCR n’assume pas de décrire comme telles, il se prononce pour une auto-détermination, mais ne la pose pas comme un principe fondamental. Juste une éventualité si les peuples opprimés le réclame. Mais surtout, il n’y a aucun lien avec les luttes des travailleurs au niveau mondial, et une absence totale de l’activité internationaliste pour un parti qui se revendique d’appartenir à une ICR.

Sur la crise environnementale, le PCR critique, à juste titre, les positions moralistes des partis bourgeois écologistes, et les diverses solutions d’organisations réactionnaires. Il écorche au passage LFI, selon un tropisme récurrent dans le texte, dont le programme vert est illusoire car non intégré à une planification économique et un programme révolutionnaire.

En guise de conclusion, le PCR cite le programme de transition, mais justement pour Trotsky, c’était un programme d’actions qui indiquaient les conditions du moment, avec les revendications à avancer tout de suite, pour répondre à la situation et offrir des perspectives aux travailleurs. Le PCR énonce une liste de revendications en repoussant à un avenir lointain la possibilité de les mettre en œuvre. La transition, c’est pour demain. Tout au long du programme, qui se dit d’actions, il est expliqué nulle part à quoi servirait le PCR dans les différents moments de la lutte des classes.

En définitive, il prend une place laissée par les centristes du NPA qui s’est disloqué, et dont une partie s’est mis à la remorque de LFI, pour se positionner comme un aiguillon des partis réformistes. Il n’a cure d’entamer une quelconque entreprise de refondation d’un pôle révolutionnaire, en entamant une discussion politique avec LO, RP et débris du NPA, car sur ce terrain-là, les contradictions de leur propre réformisme éclaterait au grand jour.

La crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat, comme cela est rappelé, mais avec une telle direction, elle a encore d beaux jours devant elle.

22 février 2025, Edgar Kmfe