1. La « famille » et la reproduction du travail féminin pour le capital
La natalité en Turquie, qui était de 2,53 enfants par femme en 2000, a chuté en 2023 à 1,51 enfant. Selon les projections du TÜİK [l’institut turc des statistiques, l’équivalent de l’INSEE en France], la population baissera à partir de 2040.
Les États capitalistes développent des politiques visant à augmenter la natalité afin de renouveler la force de travail. L’AKP en Turquie décore ce processus avec des discours conservateurs.
La propagande « d’au moins trois enfants », en augmentant le travail domestique des femmes, sert à les empêcher de participer à la production sociale. L’état le plus rentable du travail des femmes pour le capital est de les condamner à travailler sans contrepartie à domicile pour prendre soin de la famille et à des emplois précaires, flexibles et peu payés.
2. Les politiques natalistes de l’État : se reproduire dans la pauvreté
L’AKP, afin d’augmenter la natalité, a renforcé ses appareils idéologiques en créant des Instituts de la famille ou encore l’Institut des politiques de population.
Le soutien mensuel accordé dans le cadre de l’encouragement à faire trois enfants (!) est à un niveau tragicomique de 358,55 lires turques [environ 10 euros]. Les familles ouvrières qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts avec un salaire sont condamnés à la misère avec les encouragements à avoir plus d’enfants.
Les crèches et les services de soins sont presque inexistants. Tandis que la pauvreté des enfants et le problème de l’accès à l’éducation s’aggravent, le concept de famille est utilisé par l’État comme un mécanisme destiné à transférer sa responsabilité.
3. Le discours sur la « famille » : comment discipliner la force de travail
Pour le capitalisme, la famille n’est pas seulement le moyen de se reproduire biologiquement, mais aussi celui de la discipline idéologique. Les rôles imposés aux femmes et aux enfants au sein de la classe ouvrière servent à perpétuer l’ordre du capital.
Alors qu’il devient impossible de survivre avec un seul salaire, les femmes sont soit condamnées entièrement au travail domestique, soit orientées vers des emplois flexibles, sans couverture sociale et mal payés.
L’État, tout en évitant de prendre la moindre mesure pour alléger la charge de travail domestique pesant sur les femmes, tente de maintenir la classe ouvrière dans des rôles traditionnels avec sa propagande de « famille forte ».
4. Programme de lutte concrète contre le modèle de famille capitaliste
Le congé parental doit être allongé, il doit concerner les deux parents et être rémunéré.
Il faut socialiser le travail de soins, expropriation de tous les services de santé et de soins.
La lutte syndicale contre le travail précaire et flexible doit être renforcée.
Contre l’exploitation du travail féminin, il faut renforcer la lutte unie de classe sous la direction des ouvrières.
5. Le discours sur « la famille sacrée » et l’hostilité aux LGBTIQ+
Erdoğan et l’AKP, tout en renforçant le discours sur la « famille sacrée », mènent une chasse aux sorcières systématique contre les LGBTIQ+.
L’hostilité aux LGBTIQ+ fait partie de la stratégie du capital consistant à diviser la classe ouvrière. Alors que le modèle de famille hétéronormatif assure la reproduction de la force de travail, les appareils idéologiques du capitalisme essayent de renforcer le concept de famille en ignorant les personnes LGBTIQ+.
Pour cette raison, la lutte contre l’homophobie n’est pas seulement une lutte identitaire, mais il s’agit d’une lutte pour l’émancipation de toutes les composantes opprimées de la classe ouvrière.
Conclusion : Pouvoir ouvrier contre le modèle familial du capitalisme !
L’instauration de l’année de la famille par l’AKP n’est rien d’autre qu’une pression conservatrice visant la classe ouvrière. La baisse de la natalité indique que le système est en crise. Le capitalisme, pour surmonter cette crise, vise à exploiter davantage le travail des femmes, à surveiller davantage la classe ouvrière et à maintenir la pression sur la société en alimentant l’hostilité contre les LGBTIQ+.
Face à ses attaques, la classe ouvrière doit développer un axe de lutte mettant à son centre l’émancipation des femmes et de tous les opprimés tout en refusant les dimensions esclavagistes du concept de famille. Contre la famille sacrée du capitalisme, il faut mettre en avant l’alternative du pouvoir ouvrier qui défendra le travail de soins socialisé, des droits égaux pour les femmes et la liberté des genres !