L’épuration ethnique comme projet d’entreprise
Ces plans ne sont pas seulement une violation ouverte du droit international (qui, soit dit en passant, n’a jamais été un obstacle pour l’impérialisme), mais une tentative de présenter la politique sioniste de nettoyage ethnique en une opération de gestion. Gaza doit être « achevée », dit Netanyahou, autrement dit, Gaza doit disparaitre, sa population doit être déracinée et la terre devrait être livrée aux intérêts capitalistiques de la bourgeoisie impérialiste et du mouvement des colons sionistes.
Trump a parlé comme ce qu’il est vraiment, un capitaliste de l’immobilier qui fait avancer ses projets sans aucune considération pour les personnes concernées. D’où l’objectif grotesque de vouloir faire de Gaza une Riviera. Tout aussi nébuleuse, l’affirmation selon laquelle les États-Unis travailleraient avec des partenaires non précisés.
Laissons de côté le réalisme de ce plan. Contrairement à l’alarmisme des milieux libéraux, les États-Unis ne sont pas devenus fascistes d’un seul coup en 20 jours sous Trump. Les mesures d’austérité dans l’information publique annoncées en grande pompe ont été bloquées par des juges relativement subalternes ; la purge dans l’administration publique qui a commencé sous la direction d’Elon Musk ne se déroule pas sans heurts : bien que les bureaucraties syndicales concernées soient extrêmement prudentes dans leurs actions en justice, le mécontentement des employés est clairement en train de grandir. L’appel lancé par Musk aux fonctionnaires de l’administration financière pour qu’ils se procurent des matelas, des machines à laver et des sèche-linge afin de pouvoir dormir dans les bâtiments gouvernementaux, son objectif étant d’instaurer une « éthique du travail » à l’instar de ses machines à broyer les prolétaires Tesla et X, s’est heurté à un rejet massif. La politique tarifaire protectionniste proclamée haut et fort à l’égard du Mexique et du Canada a dû être considérablement réduite par l’administration Trump, en raison des concessions faites par les gouvernements bourgeois du Mexique et du Canada, mais aussi en raison des effets négatifs attendus sur la population américaine, c’est-à-dire la base électorale de Trump.
La fin de la guerre en Ukraine « dans les 24 heures » est désormais repoussée à au moins six mois. Et il reste à voir dans quelle mesure la base MAGA acceptera que Trump, qui s’est présenté comme un isolationniste, opposé à la politique d’intervention des États-Unis en Irak et en Afghanistan, veuille soudain envoyer des troupes dans un Proche-Orient explosif.
Dès le départ, le projet sioniste était une colonisation de peuplement aux dépens de la population autochtone. La Nakba de 1948, lorsque plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés, n’était que le début d’une épuration ethnique poursuivie depuis. Aujourd’hui, près de 80 ans plus tard, les derniers vestiges du territoire palestinien sont à nouveau menacés d’une solution finale. Israël a d’abord transformé Gaza en une immense prison à ciel ouvert, puis elle l’a bombardé et rasé. Maintenant que la population est affamée et sans abri, la solution que Trump et Netanyahou envisagent est l’occupation complète par l’impérialisme américain et l’expulsion massive.
Mais où doivent aller les Gazaouis ? L’Égypte et la Jordanie ont déjà fait savoir qu’elles ne serviraient pas les crimes de guerre coloniaux d’Israël. Une expulsion massive constituerait une violation flagrante des conventions de Genève. Mais depuis quand l’impérialisme se soucie-t-il des droits de l’homme ?
Même la famille régnante d’Arabie saoudite, par ailleurs complice des plans de l’impérialisme américain dans la région, résiste. L’histoire de l’impact des expulsions massives de Palestiniens vers la Jordanie et le Liban a fait craindre aux riches États du Golfe pour leur fragile stabilité.
Les plans de Trump exacerbent le conflit avec les impérialismes européens
Ce n’est pas une coïncidence si ce plan est mis sur la table en ce moment même. Trump veut servir la base prosioniste ultraréactionnaire aux États-Unis. Netanyahou, quant à lui, est toujours sous pression à l’intérieur d’Israël. Il a besoin d’un coup d’éclaten matière de politique étrangère pour rester au pouvoir.
Pour l’impérialisme américain, l’occupation de Gaza offre une opportunité stratégique d’intervenir encore plus profondément au Proche-Orient. Alors que Washington prétend promouvoir la démocratie et la stabilité dans la région, il s’agit en réalité de contrôler la géopolitique et de consolider le bastion sioniste en tant que fer de lance des intérêts impérialistes.
La déclaration d’intention de Trump de prendre le contrôle de Gaza est également une nouvelle attaque contre les impérialismes européens concurrents.
L’un des intérêts économiques les plus évidents concerne les réserves de pétrole et de gaz de la région. Les entreprises énergétiques européennes telles que TotalEnergies (France), BP (Grande-Bretagne) et ENI (Italie) sont impliquées dans des projets de production et d’exploration depuis des décennies. Le contrôle des sources et des voies d’acheminement de l’énergie est essentiel pour garantir l’approvisionnement énergétique de l’Europe et en tirer des avantages économiques.
Les pays de l’UE comptent parmi les plus grands exportateurs d’armes vers le Proche-Orient ; la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne sont en première ligne. Des entreprises allemandes comme Rheinmetall et françaises comme Dassault profitent considérablement des tensions politiques et des guerres dans la région. Cela montre clairement que les intérêts économiques sont étroitement liés aux stratégies géopolitiques.
Le Proche-Orient n’est pas seulement une source d’énergie, mais aussi un marché et une plaque tournante pour le commerce international. La région est à l’intersection de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique. Les entreprises européennes sont fortement impliquées dans les projets d’infrastructure tels que les ports, les aéroports et les corridors de transport. Le canal de Suez, point névralgique du commerce européen avec l’Asie, en est un exemple.
De plus en plus d’entreprises européennes investissent dans l’infrastructure numérique des États du Golfe, qu’il s’agisse de projets de villes intelligentes ou de télécommunications. Il s’agit d’un secteur en pleine croissance qui est également lié à la transformation énergétique de la région (par exemple, les projets d’énergie renouvelable).
Les banques et les sociétés d’investissement européennes sont très présentes dans les centres financiers de la région, tels que Dubaï et le Qatar. Ces connexions servent non seulement à accumuler des capitaux, mais aussi à exercer une influence politique ; les centres capitalistes de l’Occident assurent ainsi leur influence sur les politiques économiques des États du Golfe.
Les capitaux européens sont engagés de deux manières au Proche-Orient : d’une part, par l’extraction de matières premières et d’énergie ; d’autre part, sous la forme d’exportations (dont les armes) et de prêts. L’Union européenne s’assure ainsi l’accès à des moyens de production (matières premières) bon marché et à des débouchés, ce qui est crucial dans le contexte d’une concurrence mondiale intensifiée (en particulier avec la Chine et les États-Unis).
Si les États-Unis devaient envoyer des troupes dans une bande de Gaza ethniquement nettoyée, il s’agirait également d’une déclaration de guerre directe aux impérialistes européens, qui pourrait avoir des conséquences considérables.
Un plan criminel
Ce plan est un crime mais constitue aussi un aveu de faillite. Car il montre que ni Israël ni les États-Unis n’ont de stratégie à long terme pour résoudre la question palestinienne autrement que par la violence pure et le nettoyage ethnique.
L’agenda Trump-Netanyahou est un appel à la barbarie. Notre réponse doit être une solidarité internationale militante !
En tant que communistes internationalistes, nous disons :
- Aucune confiance dans les institutions internationales telles que l’ONU, la Cour pénale internationale ou la « communauté internationale » en général. Elles sont des instruments de l’impérialisme et ont assisté à la destruction de la Palestine pendant des décennies et ne feront rien pour arrêter une occupation américaine.
- Solidarité inconditionnelle avec le peuple palestinien ! Les travailleurs du monde arabe et d’Israël, mais aussi des centres impérialistes, doivent s’unir contre cette attaque. La lutte pour empêcher le nettoyage ethnique de Gaza appelle une mobilisation internationale de masse.
- La lutte contre l’occupation de la Palestine fait partie de la lutte mondiale contre le capitalisme. La seule solution durable ne réside pas dans des manœuvres diplomatiques ou dans une « solution à deux États », mais dans la destruction de l’État sioniste d’apartheid et du système impérialiste qui le soutient.
- L’objectif doit être une fédération socialiste du Proche-Orient dans laquelle Juifs et Arabes vivront ensemble sur un pied d’égalité, sans colonialisme, sans racisme et sans capitalisme.
- Pour atteindre cet objectif, le prolétariat exploité des États du Proche-Orient -quelle que soit son appartenance ethnique- a besoin d’un parti ouvrier révolutionnaire capable de se débarrasser du joug sioniste, de l’oppression des bourgeoisies locales et de l’impérialisme. Cette lutte peut être menée victorieusement dans le cadre de l’internationale ouvrière révolutionnaire, qui doit être construite à l’échelle mondiale.