Vive la chute du tyran ! Non à la réaction islamiste !
Avec la fuite du dictateur Bachar el-Assad et la prise de la capitale Damas par le Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, issu de Al-Qaida), une nouvelle étape dans la crise politique en Syrie et au Proche-Orient a commencé.
De son côté, Israël a bombardé des milices liées à l’Iran et envoyé son armée prendre position sur le plateau du Golan, un territoire de l’État syrien.
L’effondrement en quelques jours du régime d’Assad et de son armée, privés de ses soutiens militaires russe et du Hezbollah, l’ouverture de ses sinistres prisons, ont été fêté par les masses syriennes.
Mais ceux qui dirigent l’offensive armée ne sont pas des révolutionnaires, mais des bourgeois cléricaux. HTC tente d’amadouer les grands médias internationaux et les grandes puissances. Alors que Assad fils a trouvé refuge à Moscou, les islamistes ont « garanti la sécurité » des deux bases militaires russes.
HTC avait fait l’éloge des talibans, lors de leur retour au pouvoir en 2021, considérés comme un modèle. Le 8 décembre, le chef suprême, Ahmed Al-Charaa, a fait un discours dans la mosquée des Omeyyades de Damas indiquant que « la victoire a été rendue possible par la grâce divine ».
L’ancien régime, bourreau de ses propres peuples et du peuple palestinien
L’absence de partis ouvriers révolutionnaires au Proche-Orient a conduit toutes les tentatives des masses pour renverser le joug des exploiteurs locaux et de leurs protecteurs impérialistes dans des impasses. La responsabilité principale en incombe au stalinisme. Depuis les années 1930, sous l’influence de la bureaucratie stalinienne du Kremlin, les partis communistes des pays semi-coloniaux ont subordonné les intérêts des travailleurs à ceux de la bourgeoisie nationale au nom de la « révolution nationale » ou du « front uni antiimpérialiste », faisant de la classe ouvrière un auxiliaire de la bourgeoisie locale. Le Parti communiste syrien est resté soumis au parti bourgeois Baas et a participé au bloc gouvernemental depuis 1986. La rhétorique socialiste du régime a toujours masqué une politique fondée sur une alliance entre la bureaucratie d’État, l’armée et des capitalistes.
Dans les années 1920, l’impérialisme français sépare la Syrie du Liban. Devant le soulèvement national arabe, de Gaulle bombarde Damas en 1945. Sous la pression des impérialismes britannique et étatsunien, les troupes françaises évacuent la Syrie en 1946. S’ensuit une instabilité politique, des cliques civiles nationalistes se disputant violemment le pouvoir en s’appuyant sur des fractions de l’armée. Celle-ci se fait écraser par l’armée israélienne en 1948-1949. En 1958, une tentative d’unification avec l’Égypte échoue. Le parti Baas prend la tête du pays en 1963 en s’appuyant sur l’URSS pour résister à la pression d’Israël et des Etats-Unis.
Après une nouvelle défaite face à Israël en 1967 et la perte du plateau stratégique du Golan, Hafiz el-Assad accède au pouvoir en 1970 grâce à un coup d’État interne (« mouvement correctif »), un régime policier reposant sur la domination de la minorité ethnoreligieuse des Alaouites. Le régime bassiste revendique une grande Syrie incluant la Palestine et le Liban. En 1976, les troupes syriennes entrent au Liban et attaquent l’Organisation de libération de la Palestine. La répression du soulèvement islamiste (Frère musulmans) à Hama en 1982, au cours duquel jusqu’à 30 000 personnes sont mortes, confirme la nature répressive du régime. Au Liban, de 1985 à 1987, l’armée syrienne attaque les camps de réfugiés de et Bordj el Barajneh avec l’appui des islamistes de Amal.
La restauration du capitalisme en Russie a déstabilisé le régime. En 1991, durant la première intervention impérialiste occidentale et de la Turquie contre l’Irak, Assad s’allie à l’Iran afin de contrer l’Irak dirigé par les baasistes ennemis de Saddam Hussein. En 2003, lors de la seconde intervention impérialiste, la Syrie rejoint ouvertement la coalition dirigée par les États-Unis contre l’Irak.
Après la mort de Hafiz el-Assad en 2000, son fils Bachar el-Assad prend le pouvoir. En 2004, il réprime violemment les manifestations kurdes.
La Syrie, enjeu de cliques bourgeoises opposées, de puissances régionales antagoniques, de puissances impérialistes rivales
Par sa place géographique, la Syrie est un enjeu entre deux impérialismes (États-Unis et Russie), entre trois puissances régionales (Israël, Turquie et Iran).
La guerre civile a commencé en 2011 par une révolte populaire contre le régime autoritaire du parti Baas. Les manifestations ont été réprimées dans le sang par le régime du Baas et ses organes répressifs et tortionnaires. Le mouvement a été rapidement détourné par des milices réactionnaires islamistes allant des djihadistes de Daech à l’ANS contrôlée par la Turquie. Le parti nationaliste kurde PKK-PYD profite de la situation pour créer en 2012 un crypto-État kurde à la frontière turque (Rojava). Les islamo-fascistes de Daech proclament un vaste califat (État islamique du Levant) à cheval sur la Syrie et l’Irak en 2014. À partir de 2014, le bras armé du PKK-PYD (YPG) a été armé et renseigné par l’armée étasunienne pour l’offensive contre le califat qui s’est effondré en 2017. Les YPG se sont renommées Forces démocratiques syriennes.
Le conflit a déchiré le pays : tandis que le régime de Bachar el-Assad, avec le soutien de la Russie et de l’Iran, conservait les régions occidentales, les plus peuplées, ses adversaires s’emparaient du reste du pays.
La division de facto de la Syrie s’est accompagnée d’une catastrophe humanitaire. Des millions de personnes ont fui le pays et plus de 230 000 civils seraient morts en 2024. À cela, s’ajoutait la dislocation économique causée par les impôts et les pillages des milices, par les combats incessants. La Syrie était devenue une mosaïque de narco-États financés par l’exportation de la drogue de synthèse Captagon.
La Turquie promeut depuis 2011 les forces islamistes tout en attaquant régulièrement les zones kurdes. Son but est de renvoyer 3 millions de réfugiés syriens et de liquider le crypto-État du Rojava. L’impérialisme russe est trop accaparée par sa guerre contre l’Ukraine pour tenter une nouvelle fois de sauver le régime. Israël a contribué de manière significative à la défaite du régime d’Assad avec les menaces contre l’Iran, les attaques contre le Liban et l’affaiblissement du Hezbollah. Il cherchera à utiliser le changement de situation pour affaiblir davantage l’Iran, le Hezbollah et le Hamas.
Cela peut ouvrir la voie au déferlement des masses iraniennes, encouragées par la chute du tyran syrien, et la chute du régime islamiste.
Le destin des travailleurs et des peuples de Syrie ne doit plus être gouverné par des intérêts impérialistes étrangers. Hors de Syrie toutes les troupes, bases militaires, flottes militaires, conseillers, etc. d’Israël, des États-Unis, de la Russie, de la Turquie, de l’Iran… !
Pour une assemblée constituante ! Pour l’auto-organisation et l’autodéfense des travailleurs des villes et des campagnes ! Pour un gouvernement ouvrier et paysan !
Ce qui est désormais important, c’est l’auto-organisation de la classe ouvrière, des étudiants, des travailleurs du secteur informel et des paysans pauvres, qui doivent surmonter les divisions nationales et religieuses, défendre leurs intérêts, empêcher les immixtions étrangères.
Seul un parti ouvrier révolutionnaire, construit par la lutte, capable de garantir l’indépendance de classe des travailleurs vis-à-vis de tous les partis et milices réactionnaires bourgeois et petits-bourgeois, de tous les impérialismes et puissances étrangères sera en mesure d’apporter une véritable libération. Un tel parti ne peut se construire qu’avec un programme pour un gouvernement ouvrier et paysan. Ce programme doit avancer immédiatement la défense des libertés démocratiques et politiques (assemblé constituante, droit d’organisation, de grève, de presse…), la constitution de syndicats et de milices ouvrières contre les forces répressives et réactionnaires, l’égalité des femmes, le droit d’autodétermination des minorités nationales (Kurdes, Arméniens, etc.), la laïcité (la séparation des religions et de l’État, le respect des athées et des minorités religieuses chiites ou chrétiennes), l’expropriation des groupes capitalistes et des grands propriétaires de terrains agricoles ou bâtis, la liquidation de l’appareil répressif du régime et des réseaux mafieux. Ce programme inclura nécessairement la solidarité internationaliste avec tous les prolétariats et peuples opprimés de la région, pour en finir une fois pour toutes avec les forces impérialistes qui les divisent, les pillent et les saignent.
La classe ouvrière internationale doit imposer le retrait immédiat de tous leurs avions et navires militaires, de leurs troupes et de leurs conseillers…
La Syrie prouve qu’il ne peut y avoir de solution isolée au niveau national aux problèmes des masses laborieuses de la région. Seul un Levant socialiste, seule une fédération socialiste du Proche-Orient peuvent offrir une perspective démocratique et progressiste aux peuples de Syrie et de la région. Cela présuppose à la fois la destruction de l’État colonial d’Israël et le renversement des États bourgeois islamiques réactionnaires de la région !