Dialogue social contre les chômeurs et austérité budgétaire vont de pair

Si le gouvernement Barnier n’a pas les coudées franches au parlement, il peut se féliciter de la docilité des bureaucraties syndicales.

La méthode, qui est celle du premier ministre de laisser la place au dialogue social, porte ses fruits. (Maud Bergeron, porte-parole du gouvernement, FranceInfo, 15 novembre)

Convoqués par le gouvernement, les confédérations syndicales et le patronat ont négocié à partir du 22 octobre.

Invités par le gouvernement à discuter de l’assurance-chômage et de l’emploi des seniors, les syndicats et le patronat sont parvenus à deux projets d’accord sur ces dossiers, jeudi 14 novembre, au terme d’une longue journée de pourparlers. Ils en ont même rédigé un troisième – à leur propre initiative –, consacré à l’évolution du dialogue social. (Le Monde, 15 novembre)

Les « partenaires sociaux » font payer les chômeurs

Pour l’assurance chômage, l’impératif fixé par la ministre du travail (trouver à minima 400 millions d’euros d’économie annuelle) n’a pas empêché les directions syndicales de s’y rendre toutes, apportant ainsi leur caution à des mesures contre les chômeurs.

Le résultat est un accord pire que l’exigence du gouvernement gaulliste-macroniste avec une diminution des indemnités chômage de 2,3 milliards d’euros sur 4 ans, soit 575 millions par an.

  • Les chômeurs ayant travaillé dans des pays frontaliers aux salaires moyens supérieurs tels que l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg ou la Suisse verront leurs indemnités baissées. À titre d’exemple, cela réduira de 40 % les allocations des chômeurs ayant travaillé en Suisse. Cette limitation des indemnités des frontaliers devrait rapporter 260 millions d’euros.
  • Comme pour acter définitivement la contreréforme des retraites, les tranches d’âge des séniors donnant droit à une période d’indemnité plus longues seront rehaussées de 2 ans (le palier ouvrant droit à 22,5 mois d’indemnisation maximum passe ainsi de 53 à 55 ans, le palier permettant d’avoir jusqu’à 27 mois est, quant à lui, décalé de 55 à 57 ans).
  • Le versement des allocations mensuelles sera basé sur 30 jours et non plus sur le nombre de jours réels, ce qui représente une perte de 5 jours d’indemnité par an (6 pour les années bissextiles).
  • À partir de mai, la cotisation sociale des employeurs à l’assurance chômage sera réduite (4 % contre 4,05 % actuellement), soit 1,5 milliard d’euros de profits en plus sur 4 ans.

Les dirigeants syndicaux acceptent de discuter de la loi contre les retraites

CGT, 8 novembre

L’Intersyndicale dit officiellement aux travailleurs qu’elle demande l’abrogation de la loi Macron de 2023. Mais, hors caméras, toutes ses composantes acceptent de l’appliquer ; en tout cas, aucune n’a boycotté la négociation du volet « emploi des séniors » de la loi.

  • il sera plus facile de passer en temps partiel en fin de carrière.
  • un « contrat de valorisation de l’expérience » (CVE) autorise l’employeur à se débarrasser unilatéralement d’un salarié ayant atteint l’âge de départ à taux plein,
  • le CVE ne permettra pas au salarié de bénéficier d’un complément de l’assurance chômage pour compenser l’écart de salaire avec son emploi précédent.

Les appareils syndicaux sont récompensés

La ministre du travail et de l’emploi Astrid Panosyan-Bouvet salue la réussite de la négociation des partenaires sociaux et les points d’accord trouvés sur l’assurance chômage et l’emploi des séniors. (Ministère du travail, Communiqué de presse, 15 novembre)

Toutes les directions confédérales ont participé au « dialogue social », même si certaines d’entre elles rechignent à signer un ou les deux accords. Par contre, le troisième les a toutes comblées. Il prévoit d’étendre la « valorisation des parcours syndicaux » en supprimant la limite de 3 mandats de délégué du personnel ou du conseil sociale comité sociale et économique de l’établissement, de l’entreprise, du groupe (CSE) pour les entreprises de plus de 50 salariés. Cela permet d’élargir les rangs des appareils syndicaux à ceux qui échappent à l’exploitation en cumulant des « heures » de délégué syndical et d’élu du personnel.

Les institutions politiques du capitalisme moderne (la presse, le Parlement, les syndicats, etc.) ont créé à l’intention des ouvriers et des employés réformistes et patriotes, respectueux et bien sages, des privilèges et des aumônes politiques correspondant aux privilèges et aux aumônes économiques. (Lénine, L’Impérialisme et la scission du socialisme, octobre 1916)

L’austérité, sauf pour la police et l’armée

Alors que le déficit public se chiffre à 6,1 % du PIB et que l’endettement passe à 112 %, la bourgeoisie française n’entend pas décrocher dans la compétition internationale. D’autant que les difficultés du capitalisme allemand, la baisse du taux de croissance chinois et le renforcement annoncé du protectionnisme américain sous la présidence Trump risquent de réduire encore davantage les marges de manœuvre du capitalisme français.

Le Monde, 20 novembre

C’est dans ce contexte que les projets de budget de l’État (PLF 2025) et de la Sécu (PLFSS 2025) présentés par le gouvernement Barnier-Retailleau et actuellement en discussion au parlement comptent faire payer les difficultés de l’impérialisme français pour l’essentiel aux travailleurs, ceux qui ont un emploi, ceux qui sont au chômage, ceux qui sont retraités, ceux qui sont en formation.

Le ministre du budget Saint-Martin a annoncé que les quelques efforts demandés temporairement aux entreprises dans la version initiale du texte pourraient être réduits de moitié (2 milliards d’euros au lieu de 4 milliards). Le MEDEF était vent debout contre cette contribution exceptionnelle et réclamait au contraire une hausse de la TVA qui aurait de fait pénalisé surtout la classe ouvrière et particulièrement les moins qualifiés et les temps partiels qui consacrent tout leur revenu aux dépenses de consommation.

Le RN a voté contre la limitation des exonérations patronales à 3 fois le Smic (contre 3,5 aujourd’hui) par le PLF de Barnier ! Et quand la Sécu est déficitaire, il accuse les ouvriers et les employés étrangers qui, eux, cotisent !

Les partis réformistes amendent à l’Assemblée, mais « c’est pour de rire »

Le cirque parlementaire auquel s’est livré à l’Assemblée nationale le Nouveau front populaire ne change ni la teneur de l’attaque ni son calendrier. Les principaux partis bourgeois, qu’ils soient partie prenante de l’alliance gouvernementale (Renaissance, LR) ou non (RN), ont compris que le sort du PLF et du PLFSS ne se jouera pas par le jeu législatif mais par le recours au 49-3 ou par accord tacite avec le RN en commission mixte paritaire.

Question : À la fin, vous serez obligé de déclencher le 49-3. Michel Barnier : Probablement. Quand je vois ce qu’il s’est passé à l’Assemblée nationale, il me semble difficile de faire autrement au bout de la discussion. (Ouest-France, 15 novembre)

Et tandis que le PS, le PCF et LFI écrivent, parlent et gesticulent à l’Assemblée nationale, la mouture du budget est encore modelée à l’avantage du patronat et au détriment de la classe ouvrière.

La surenchère réactionnaire de LR

Une modification a été apportée par LR concernant la revalorisation des pensions de retraite. Le texte initial prévoyait de décaler la revalorisation de janvier à juillet en profitant de la baisse de l’inflation sur cette même période pour diminuer le taux de la revalorisation. La proposition de Wauquiez, appelée par antiphrase « bouclier anti-inflation », est de fait encore plus pénalisante pour les 56 % de retraités touchant plus que le Smic.

Le Sénat à majorité LR a pris le relais. Sa commission des finances décide d’augmenter la taxe sur le gaz. LR, l’UDI et le MoDem menacent de sabrer à leur tour dans les dépenses sociales.

Ces départements dirigés par la droite et le centre ont annoncé, jeudi 14 novembre, leur intention de suspendre le versement du revenu de solidarité active (RSA) et d’arrêter de prendre en charge les nouveaux mineurs non accompagnés (MNA) si le gouvernement ne revient pas sur les ponctions budgétaires prévues en 2025. (Challenges, 14 novembre)

Peu importe la manière, les deux budgets 2025 conserveront la priorité à l’armée et à la police, sera peut-être allégé des efforts temporaires demandés aux plus riches et aux grandes entreprises et restera antisocial avec les suppressions de postes dans l’enseignement, l’administration des impôts et à France travail, les 3 « jours de carence » pour les travailleurs de la fonction publique et la baisse de leurs indemnités maladie, la perte de pouvoir d’achat des retraités, des chômeurs, des fonctionnaires, la hausse du reste à charge des consultations médicales pour tous.

Le sort de Barnier est entre les mains de Le Pen

Barnier cherchera un consensus entre les différentes cliques de sa coalition mais c’est le RN qui est en mesure de siffler la fin de la partie. Or, lui qui est si friand de peine plancher et de sévérité pénale, n’a pas apprécié d’être jugé pour avoir détourné des fonds publics.

Le gouvernement s’est mis en tête qu’on n’allait pas le censurer. Sauf qu’ils oublient un léger détail : nos électeurs… (Laurent Jacobelli, Le Point, 15 novembre)

En attendant, le gouvernement Renaissance-LR persécute les immigrés, les militants anti-sionistes. Le ministre de la fonction publique, Guillaume Kasbarian entend s’en prendre encore davantage aux fonctionnaires en affichant le très réactionnaire milliardaire Musk comme exemple. La ministre de l’éducation poursuit les attaques d’Attal (groupes de niveau, pactes, brevet sélectif…).

Dans l’optique d’une chute du gouvernement, d’une démission de Macron et d’une élection présidentielle anticipée cet hiver ou d’élections législatives anticipées l’été prochain, tous les partis bourgeois (de EELV au RN en passant par LR, Renaissance, Agir…) se préparent..

Pendant que les groupes capitalistes licencient à tour de bras, tandis que le RN veut baisser les impôts et les cotisations sociales des patrons, tout en attribuant la responsabilité du chômage aux « étrangers » (les travailleurs qui n’ont pas la nationalité française) et la responsabilité des déficits publics aux « assistés » (aux travailleurs chassés de l’emploi).

S’extraire de la collaboration de classe et du carcan des institutions bourgeoises

Du côté des directions syndicales, les grèves dans les groupes capitalistes qui licencient sont restreintes aux sites concernés. Jamais n’est avancé le mot d’ordre de grève générale du groupe et encore moins d’expropriation. Les chefs syndicaux décrètent aussi des « journées d’action » éclatées par secteur, dans l’enseignement le 19 novembre ; dans le transport ferroviaire, le 21 ; dans la fonction publique, le 5 décembre… Pourtant, les bureaucrates trouvent des adjoints à leur sabotage :

Une grève de la fonction publique est prévue le 5 décembre. Une journée de mobilisation aura lieu le 10 décembre dans l’enseignement supérieur et la recherche. Une grève débutera le 11 décembre à la SNCF contre son démantèlement. Entretemps, les agriculteurs devraient aussi être mobilisés… (NPA-R, 18 novembre)

Dans la SNCF, un premier appel à la grève est lancé pour le 22 novembre. Dans la fonction publique, une large intersyndicale appelle à une journée de grève le 5 décembre. Le mois de décembre nous offre la possibilité de faire converger les colères. (NPA-AC, 21 novembre)

Du côté des partis réformistes, Mélenchon, Faure et Roussel font croire que le parlement bourgeois peut jouer en faveur des travailleurs. Les crétins parlementaires prétendent avoir obtenu de grandes victoires.

Budget 2025 : LFI enchaine les victoires en récupérant 40 milliards de recettes fiscales. (L’Insoumission, 18 octobre)

Grâce à notre mobilisation et à celle des groupes de gauche, nous avons amélioré la copie initiale du gouvernement et fait adopter 82 amendements socialistes pour plus de justice fiscale et sociale. (PS, 12 novembre)

Mais quelle travailleuse, quel travailleur a vu sa situation s’améliorer grâce aux victoires des parlementaires de LFI, du PCF ou du PS ? Au nom de l’alliance avec les petits capitalistes (la « défense des PME »), ils veulent encore élargir le front populaire.

Nous avons un socle de 192-193 députés. Nous pouvons avoir des majorités avec d’autres. (Éric Coquerel, LFI, Le Monde, 22 novembre)

Par quel coup de baguette magique des partis bourgeois vont-ils servir les travailleuses et les travailleurs ?

Pour que le prolétariat puisse se défendre et imposer ses revendications, il faut, dans les assemblées générales et dans les syndicats, que s’exprime l’aspiration à l’unité contre le patronat et le gouvernement à son service :

  • Abrogation de toutes les mesures contre le droit à la retraite, contre les chômeurs, contre les travailleurs étrangers, contre le droit aux études, contre les libertés !
  • À bas les projets de budget Macron-Barnier !
  • Dirigeants syndicaux, cessez le « dialogue social » et préparez la grève générale !
  • Arrêt des licenciements ! Ouverture des livres de comptes ! Expropriation sous le contrôle de leurs travailleurs des entreprises qui licencient !
  • Alignement des conditions d’arrêts maladie entre le public et le privé sur le meilleur système ! 400 euros d’augmentation pour tous ! Échelle mobile des salaires, des pensions, des bourses d’études, des indemnités chômage ! Gratuité des études supérieures !
  • Liberté de circulation et d’installation pour les travailleurs et étudiant étrangers ! Mêmes droits pour tous les travailleurs, pour tous les étudiants !
  • Libération des militants kanaks ! Indépendance de la Nouvelle-Calédonie !
  • Arrêt des fournitures d’armes à Israël ! Abandon de toute poursuite contre les militants qui défendent le peuple opprimé de Palestine ! Abrogation du délit d’incitation au terrorisme !
  • Ni Barnier-Retailleau, ni Bardella-Le Pen, gouvernement ouvrier !

23 novembre 2024