Nous avons déjà salué l’activité antimilitariste de la LC-LCR (Révolution communiste n° 57, p. 28). Néanmoins, elle présentait des limites et elle est incompatible avec l’actuelle ligne, front populiste, du NPA-AC.
Jusqu’en 1979, le service militaire est obligatoire pour les jeunes hommes. La LC-LCR, contrairement à LO et à l’OCI, maintient la tradition antimilitariste de la CGT anarchiste d’avant la première guerre mondiale et du jeune Parti communiste-section française de l’Internationale communiste. Les membres masculins de la LC-LCR font leur service et tentent, malgré les risques, de s’adresser aux conscrits ouvriers, employés, techniciens, paysans travailleurs, etc.
Dès 1969, la LC mène campagne pour trois conscrits de Rennes (un ouvrier, un technicien, un prof de l’enseignement professionnel) accusés de lire Crosses en l’air. Durant la campagne présidentielle de 1974, la fraction clandestine au sein de l’armée de la LCR lance une pétition pour les droits démocratiques des soldats, « l’Appel des 100 », qui a un certain succès dans les casernes, jusqu’à gagner des soldats engagés (contrairement aux officiers, ils étaient et sont encore d’origine populaire). Il nait entre 100 et 200 comités de soldats. Des appelés masqués participent aux manifestations ouvrières. Des militants de la JC (l’organisation de jeunesse du PCF, alors importante) et de l’AJS (l’organisation de jeunesse de l’OCI) sont entrainés dans l’effervescence.
Le 10 septembre 1974, la LCR impulse une manifestation de 200 soldats à Draguignan (Var), à visage découvert. Trois sont emprisonnés et comparaissent devant le tribunal permanent des forces armées de Marseille.
Mais la base sociale de la LCR est bien plus étroite que celle de la CGT d’avant 1914 et du PC-SFIC d’avant 1934. Le SUQI (la pseudo « 4e Internationale » de Mandel Hansen et Moreno) s’est réorganisée en 1963 sur la base du castrisme. Sa ligne est alors de préparer la guérilla (dans la direction LCR, cette orientation était défendue avec le plus de vigueur par Bensaïd). Après 1968, elle tente même de détruire le cadre de front unique qu’est le syndicat étudiant UNEF (Bensaïd & Scalabrino, Le 2e Souffle, 1969) qui aurait pu constituer un appui aux jeunes soldats. La LC lance un « front » étudiant à elle, comme le fait aujourd’hui RP, à plus petite échelle, avec le Poing levé. Jusqu’en 1974, la LC-LCR considère que le PS est un simple parti bourgeois et elle repousse le front unique ouvrier, considéré comme dépassé. Tout cela fragilise les militants courageux confrontés au corps des officiers, à la Sécurité militaire et aux tribunaux d’exception de l’armée.
Plus tard, plaçant ses espoirs dans l’Union de la gauche (front populaire entre PS, PCF et Parti radical de gauche), la LCR néglige l’activité militariste, bien avant que Bensaïd, Krivine et Besancenot liquident la LCR en 2009 pour lancer un NPA reniant l’Internationale communiste et la 4e Internationale du vivant de Trotsky.
Aujourd’hui, la fraction du NPA qui se réfère toujours à Mandel et Bensaïd a rejoint le Nouveau Front populaire. Or, le programme du NFP n’a pas un mot sur l’armée qui vient d’intervenir pour empêcher l’indépendance de la Kanaky. Loin d’être antimilitaristes, tous les partis ouvriers bourgeois (LFI, PS, PCF) qui participent au NFP veulent conserver la Nouvelle-Calédonie sous la botte de leur bourgeoisie et veulent renforcer l’armée impérialiste, non l’affaiblir.
Jean-Luc Mélenchon a présenté son plan pour la Défense nationale, en fixant comme premier objectif de garantir son indépendance et d’assurer la protection du territoire français… À l’avenir, nos sous-marins nucléaires pourraient être détectables. Il a donc appelé à avoir une réflexion approfondie sur le sujet et à se poser la question d’un transfert vers l’espace de nos moyens de dissuasion… Il a posé la question des moyens stratégiques à développer pour assurer la souveraineté de la France… (Jean-Luc Mélenchon le blog, 1er février 2022)
Dans ces conditions, se réclamer des comités de soldats des années 1970 est, de la part de la direction du NPA-AC, une tromperie, une escroquerie politique.