ABC du marxisme : la constitution

Dans le mode de production capitaliste, malgré l’égalité juridique de tous les contractants, la production est dominée par le capital : d’un côté, les capitalistes disposent des moyens de produire ; de l’autre, les salariés qui n’en disposent pas, sont contraints de travailler pour les premiers, sous leur autorité. L’État sert à préserver l’exploitation, et plus généralement, à reproduire l’ensemble des rapports sociaux. Pour cela, il fixe les règles (le droit), il dispose d’un appareil répressif, administratif, fiscal (il faut le financer).

Comment légitimer l’État aux yeux des classes exploitées et subalternes ? Comment répartir ses fonctions ? Qui doit le diriger ? Comment concilier les conflits d’intérêt inévitables entre les différentes fractions de la classe exploiteuse ? La constitution est l’ensemble des règles qui encadrent un État bourgeois. Elles ont deux sources : une loi fondamentale (« la Constitution »), la coutume étatique (la « pratique constitutionnelle »).

Toute constitution prétend donc définir les rapports entre : 1. l’État et « la nation » ou « le peuple » ; 2. les organes centraux et ceux des subdivisions territoriales ; les organes qui dirigent effectivement l’État (pouvoir exécutif), ceux qui adoptent les lois et le budget (pouvoir législatif), ceux qui font respecter le droit (pouvoir judiciaire).

Même une constitution écrite n’est pas immuable. Par exemple, il y a eu 25 amendements depuis 1958 à la Constitution de la 5e République. Le respect de la constitution est souvent confié à un organisme spécial de l’État bourgeois (en France, le Conseil constitutionnel).

Le capitalisme tend, durant sa phase ascendante, à supplanter les monarchies absolues par des régimes parlementaires élus au suffrage masculin et censitaire. Le parlement est au 19e siècle le lieu où les différentes fractions des classes dominantes (aristocratie en Europe, grands propriétaires fonciers en Amérique, bourgeoisie industrielle, bourgeoisie bancaire, bourgeoise commerciale…) discutent de leurs affaires communes et prennent leurs décisions selon une procédure démocratique réservée à l’élite. Les partis politiques sont encore peu structurés. La faiblesse d’un tel régime est sa faible légitimité. Le mécontentement des classes populaires est détourné par des tentatives de coup d’État césariste-bonapartiste (Napoléon Bonaparte, Louis Bonaparte, Boulanger) ou débouche sur des crises révolutionnaires (1848, 1871).

Quand le capitalisme est bien installé, la contradiction constitutionnelle s’aggrave. Sous la pression des masses populaires, la bourgeoisie accorde le suffrage universel aux hommes puis l’étend aux femmes. La classe ouvrière peut alors croire, à tort, accéder au pouvoir. Les partis bourgeois gagnent en importance politique et deviennent des machines électorales pour duper la classe ouvrière et les classes intermédiaires ou petites-bourgeoises. La contrepartie du suffrage universel est alors un déplacement du pouvoir effectif, du parlement au gouvernement et à la bureaucratie d’État non élue. L’appareil d’espionnage, d’intimidation et de répression de l’État enfle et son cout aussi.

Parfois, même dans les pays impérialistes, le régime perd ses oripeaux parlementaires : ainsi l’État français est devenu fasciste en 1940 quand la majorité de la bourgeoisie s’est vengée de la peur éprouvée devant la grève générale en 1936 et quand son armée s’est effondrée face à celle de sa rivale allemande. En 1943, quand la révolution italienne a renversé le fascisme, quand l’armée allemande a reculé devant celle de l’URSS et des Etats-Unis, quand le peuple s’est armé, il a fallu à la bourgeoisie française, en s’appuyant sur les partis réformistes (PS, PCF) restaurer le parlementarisme et faire des concessions sociales. En 1958, face à lutte nationale du peuple algérien et à un coup de l’armée impérialiste, la majorité de la bourgeoisie s’est résignée à confier son destin à un bonaparte. Mais comme le général de Gaulle a résolu de reconnaitre l’indépendance de l’Algérie, il a été confronté à un nouveau coup militaire, cette fois-ci hostile, et a dû s’appuyer, pour le vaincre, sur les chefs du mouvement ouvrier. Par conséquent, de Gaulle a instauré un régime présidentiel et non un régime d’exception. Vu l’affaiblissement du parlement, la 5e république a complété avec des organes consultatifs du type CESE, COR, CESR, etc.

La classe ouvrière n’est pas indifférente aux constitutions et aux formes de régime, parce qu’elle a besoin des libertés démocratiques et de l’unité de ses rangs. Les travailleurs conscients se battent donc pour défendre les libertés durement acquises, mais aussi pour l’indépendance de la Kanaky et le droit à l’avortement. Ils veulent en finir avec la présidence, le Sénat, le Conseil constitutionnel… Ils s’opposent à toute discrimination des travailleurs étrangers, à la discrimination des homosexuels. Évidemment, ils sont les adversaires les plus résolus du parti raciste qui veut diminuer les droits d’une partie de la classe ouvrière et des groupes fascistes qui veulent détruire le mouvement ouvrier.

Mais les communistes savent, par toute l’expérience nationale et mondiale, que les travailleurs ne s’émanciperont pas dans le cadre de l’État bourgeois, même s’il arbore une façade un peu plus parlementaire. Par conséquent, notre but n’est ni une assemblée constituante, ni une 6e république bourgeoise. La classe ouvrière doit s’armer, s’organiser en conseils avec tous les exploités et tous les opprimés, anéantir la suprématie idéologique, économique et politique de la minorité exploiteuse, détruire l’État bourgeois, renverser le capitalisme, avancer vers le socialisme mondial. Notre future constitution s’inspirera de la glorieuse Commune de 1871 et des soviets de 1917 !

Sources

Les dictionnaires du marxisme en langue française, qu’ils soient conçus par des intellectuels proches du PCF ou de la LCR-NPA, ne comprennent pas d’entrée « constitution ». L’article « constitution » de l’encyclopédie Wikirouge est pauvre, empiriste et confus.