Le contexte capitaliste international et la dette publique française

La dégradation des perspectives économiques

La guerre en Ukraine et le budget militaire français (qui ne souffre jamais de l’austérité) bénéficient à l’industrie d’armements française mais les perspectives globales s’assombrissent.

Malgré une amélioration à court terme, les perspectives mondiales restent modestes par rapport aux normes historiques. En 2024-2025, la croissance devrait être inférieure à la moyenne des années 2010 dans près de 60 % des économies, représentant plus de 80 % de la population mondiale. Les risques baissiers sont prédominants, notamment la montée des tensions géopolitiques, la fragmentation accrue des échanges commerciaux et des taux d’intérêt plus élevés pendant une période prolongée, auxquels s’ajoute la menace de catastrophes climatiques. (Banque mondiale, 11 juin 2024)

Le capitalisme est inévitablement cyclique. La phase d’expansion mondiale de 2020 semble s’essouffler. Si les prix augmentent moins vite, la production et les échanges ralentissent. La baisse récente des taux directeurs de la plupart des grandes banques centrales (États-Unis, Chine, Union européenne, Grande-Bretagne) n’y changera rien : aux yeux des capitalistes, le crédit bon marché ne compense pas la baisse de la rentabilité.

La guerre économique que se livrent les deux principaux impérialismes, les États-Unis et la Chine, s’ajoute aux crises, aux contradictions économiques du capitalisme au stade impérialiste. Les EU, la Chine, l’Union européenne, le Japon, la Grande-Bretagne multiplient les entraves, taxations, interdictions de commercer avec des répercussions négatives sur les pays dominés et sur le capitalisme mondial. L’impérialisme chinois est victime d’une crise de l’immobilier, d’une crise de surproduction et d’une chute du taux de profit que les restrictions américaines aggravent. Les impérialismes européens sont pris en tenaille. Ceux qui vendaient en Chine comme l’impérialisme allemand voient leurs profits s’effondrer.


L’État chinois cherche en vain à relancer son capitalisme avec la panoplie keynésienne habituelle et n’hésite pas à inonder le marché mondial avec ses voitures électriques, ses éoliennes et ses panneaux solaires, ses machines-outils, vendus à moindre cout.

La politique de stimulation étatique est inefficace et le mercantilisme entraine des mesures de rétorsion. Les gouvernements européens se divisent sur l’opportunité de taxer à 50 % les voitures électriques chinoises, selon leurs intérêts respectifs et la crainte de représailles. L’industrie automobile allemande est en crise, le groupe Volkswagen prévient que des usines risquent de fermer et la prévision de croissance pour l’Allemagne en 2024 est désormais nulle.

L’Allemagne étant le premier client européen de la France, cela ne peut qu’avoir des répercussions pour le capitalisme français. Le taux d’investissement des entreprises baisse depuis mi-2023. Un ralentissement de la déjà très faible croissance en France signifierait pour la classe ouvrière une remontée du chômage. En juillet 2024, d’après les données de la Banque de France, le nombre de défaillances d’entreprises en cumulé sur l’année a dépassé les 63 000. Le cabinet Altares calcule que ce chiffre est au-dessus de la moyenne entre 2000 et 2010, en hausse de 23 %.

La menace d’une récession mondiale et l’intensification des rivalités inter impérialistes amènent chaque bourgeoisie, dans les pays impérialistes comme dans les pays dominés, à durcir ses attaques contre la classe ouvrière, contre tous les acquis sociaux, contre les services publics, contre la majorité de la petite-bourgeoisie. C’est la ligne des Macron Barnier !

L’État bourgeois est obligé de limiter le déficit public


«La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave » a déclaré Barnier le 18 septembre. Les prochains budgets de l’État et de la sécu devront donc s’attaquer au déficit réévalué à 6 % du PIB pour 2024.

Le chef de LFI considère que c’est un faux problème. En matière médicale, sous le charme du douteux Raoult, il préconisait en avril 2020 l’hydroxychloroquine. En matière économique, comme adepte du rebouteux lord Keynes, il croit que le déficit public est un moyen de stimuler le capitalisme, ce qui permettrait ensuite d’éponger la dette initiale. Parler d’un problème de dette publique ne serait donc qu’une manoeuvre politique des « libéraux » et de « la droite ».

Coucou le revoilà ! Un temps oublié l’épouvantail de la dette est de retour. La cause est qu’il s’agit de faire peur une fois de plus… (Jean-Luc Mélenchon, Faire tomber le mur de la dette, 2022, p. 4)

En réalité, la croissance ayant ralenti, les recettes fiscales sont moins importantes que prévues dans le budget de l’État de 2024. Plus structurellement, l’endettement public a pour raison principale le refus de la classe dominante d’assurer les frais de sa domination (forces de répression, infrastructures capitalistes, concessions sociales).

Une organisation armée de la population est devenue impossible depuis la scission de la société en classes. Une force publique existe dans chaque État… Pour maintenir une force publique, il faut les contributions des citoyens de l’État, les impôts. Ils ne suffisent pas, l’État tire des traites sur l’avenir, fait des emprunts, la dette d’État. (Friedrich Engels, L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, 1884, ES, p. 179)

L’Institut de recherche économique et sociale crée par les syndicats (Ires) évalue dans son rapport de mai 2022 à 200 milliards d’euros annuels le montant des aides et exonérations sociales et fiscales accordées aux entreprises. Accessoirement, la dette publique est une constituante essentielle du marché financier national, en concurrence avec les marchés financiers des autres États impérialistes.

L’alliance entre le gouvernement et la Bourse se réalise d’autant plus facilement que les dettes de l’État augmentent. (p. 181)

Cependant, l’endettement ne peut croitre indéfiniment sans conséquences nuisibles pour un capitalisme national.

L’endettement public total (de l’État, des organismes sociaux, des collectivités locales, etc.), devrait atteindre 3 275 milliards d’euros en 2024, et couter 72,8 milliards de charges d’intérêts.

Le pouvoir des soviets avait dès le début 1918 annulé toutes les dettes contractées par le régime tsariste, mais c’était un gouvernement ouvrier et paysan qui avait exproprié le grand capital, donné la terre aux paysans. Pour le réformiste Mélenchon dont l’horizon est au mieux la 6e République, on peut parfaitement rester dans le cadre du capitalisme et régler le problème de la dette avec une recette à deux balles.

Il faut donc profiter de l’occasion historique qui résulte des sauvetages pratiqués par la BCE dans la décennie qui vient de s’écouler. Cela nous donne une occasion historique. Notre banquier central peut acter du fait que la dette détenue dans ses caisses ne sera jamais payée, que les États n’auront plus besoin d’aller sur les marchés financiers pour la refinancer. Il peut utiliser sa capacité à créer de la monnaie pour financer les États. (Jean-Luc Mélenchon, Faire tomber le mur de la dette, 2022, p. 7)

La Banque centrale européenne (BCE) ne l’entend pas de cette oreille. L’impérialisme dominant en Europe, l’Allemagne, n’a aucune envie de brader la valeur de l’euro en faisant marcher la planche à billets à tour de bras pour financer les déficits des autres. Il n’y a qu’à voir comment Breton, le commissaire européen renouvelé par Macron, s’est fait jeter dehors par la présidente de la Commission européenne pour comprendre quels sont les rapports de force.


Pire, la Commission européenne a ouvert fin juillet une procédure pour déficit excessif contre la France, comme pour six autres pays de l’UE, avec des sanctions financières à la clé si des mesures correctives suffisantes n’étaient pas prises. En attendant, le taux d’intérêt d’emprunt français à dix ans, qui sert de référence à la plupart des taux fixes, s’établissait à 2,93 % le 19 septembre, contre 2,91 % la veille, alors que le taux allemand était à 2,20 %, contre 2,19 % la veille

Manifestation nationale à l’Assemblée pour empêcher le vote du budget d’austérité !

Annulation de la dette publique !

Expropriation des banques !

25 septembre 2024*