La France, 51 jours sans gouvernement

Il a fallu 51 jours pour que Macron nomme Barnier premier ministre le 5 septembre. Sorti étrillé des élections européennes, puis des législatives, Macron peut bien prendre son air bravache sur le perron de l’Élysée, il est affaibli et ce long délai en est une preuve.

Pas un jour, l’État bourgeois n’a cessé de fonctionner… et de réprimer

Certes, sans gouvernement, l’État ne s’est pas effondré. L’État bourgeois belge a fonctionné sans gouvernement de juin 2009 à décembre 2010. Non seulement le gouvernement Macron-Attal est resté en place pour gérer les « affaires courantes », mais les dirigeants effectifs, pratiques de l’appareil d’État qui ne dépendent pas des élections (l’état-major de l’armée, la haute magistrature et les hauts fonctionnaires moulés à l’ENA, inventée sous Vichy) ont assuré le maintien de l’ordre bourgeois.

Les ministres changent, la bande des quatre hauts fonctionnaire Alexis Kholer, Emmanuel Moulin, Bertrand Dumont et Jérôme Fournel reste au pouvoir. (Le Monde, 23 septembre)

Les militants propalestiniens ont continué à être arrêtés et traduits en justice, la répression des militants kanaks s’est poursuivie en Nouvelle-Calédonie et des renforts de gendarmerie ont été dépêchés en Martinique pour démanteler les barrages contre la vie chère avant que le nouveau conseil des ministres se réunisse.

Mais les capitalistes étaient privés depuis plus de deux mois de leur conseil d’administration, celui qui arbitre entre leurs différentes fractions, qui définit les lignes de force pour défendre leurs intérêts à l’international et organiser en interne les mesures indispensables pour assurer la bonne marche des affaires.

Les chefs d’entreprise sont inquiets, il ne faudrait pas les rendre fébriles avec un flou politique qui dure trop longtemps, et puis surtout, une offre politique, des décisions politiques inappropriées au regard de nos intérêts économiques… On a besoin de visibilité et puis surtout, qu’on ne vienne pas nous matraquer par des mesures législatives totalement inappropriées au regard de cette situation économique… (Patrick Martin, président du Medef, France Inter, 26 aout)

Surtout, la bourgeoisie française, qui est socialement très minoritaire, a besoin que son État reste légitime aux yeux de la majorité des classes exploitées et subalternes : la classe ouvrière, la petite bourgeoisie des travailleurs indépendants, la petite bourgeoisie salariée de l’encadrement et des forces de répression.

Même affaibli, Macron a écarté le Nouveau Front populaire

Le président avait vite écarté Castets, présentée par le NFP (le bloc du PS, de FLI et du PCF avec le parti bourgeois Les Écologistes) malgré ses 193 députés (loin des 289 de la majorité absolue), malgré toutes les assurances qu’elle avait donné de rechercher des compromis.

Après avoir bénéficié des votes, retraits et désistements des partis ouvriers (PS, PCF, LFI) dans le cadre du front républicain, les principaux partis bourgeois ont bien évidemment renvoyé le NFP sur la touche, tapant d’abord sur LFI, puis écartant tout gouvernement du NFP, même sans LFI.

Avec le rapport des forces sociales en présence, la bourgeoisie n’a pas l’absolue nécessité de jouer la carte du front populaire.

En 1936, c’est la grève générale déclenchée spontanément après les élections qui contraint le gouvernement de Front populaire à lâcher deux semaines de congés payés et la semaine de 40 heures, ces concessions lui permettant de reprendre la main sur la grève et d’éviter la révolution.

En 1944, c’est l’armement du peuple qui a obligé le gouvernement de « front républicain » à faire des concessions sur la sécurité sociale, l’enseignement professionnel, etc.

La tentative de mettre sur pied un gouvernement de Front républicain sans « les extrêmes » a tourné court

Macron a ensuite essayé, dans la foulée du front républicain, de trouver une majorité allant du PS ou d’une partie de PS en passant par Les Écologistes, Ensemble, le MoDem, Horizons, etc. jusqu’aux débris du gaullisme (LR), permettant d’écarter le RN et LFI. Il n’y est pas parvenu, même en avançant l’hypothèse Cazeneuve, ancien ministre de l’intérieur, puis premier ministre de Hollande, un socialiste à la Jules Moch, défenseur de l’ordre et de la police contre les manifestants.

La manœuvre, relayées par une puissante campagne médiatique, a échoué, malgré quelques tentations chez les caciques du PS, pour la simple raison qu’accepter de s’associer à Macron, désormais Jupiter décati, c’est se griller alors que de prochaines législatives avant un an sont plus que probables, sinon une élection présidentielle anticipée.

25 septembre 2024