L’attroupement fasciste qui lançait les slogans « heureux qui se dit Turc ! » n’a pas autorisé les ambulances et les pompiers à intervenir. Les familles syriennes ont été contraintes de se réfugier dans d’autres maisons. La police n’est pas intervenue de manière dissuasive contre la foule fasciste et lui a ainsi permis de continuer. Et cette situation montre une action concertée et planifiée. La terreur raciste et fasciste qui a commencé à Kayseri a atteint aujourd’hui des villes industrielles comme Antep, Adana, Istanbul, Hatay, Konya et Antalya où vit une concentration importante de Syriens. Dans l’ensemble du pays, les lynchages, les incendies des maisons ou bien des commerces, les extorsions et les pillages visant les Syriens augmentent à grande vitesse. De nombreux médias tentent d’adoucir et de légitimer ce processus en le présentant comme une réaction populaire. Ce processus s’appelle un pogrom, une action fasciste.
Le fait de ne pas qualifier ainsi ce processus revient à être partie prenante des crimes.
Les pogroms, les lynchages, les génocides, la terreur raciste et fasciste ont existé de tout temps dans l’histoire de la Turquie. Car depuis la fondation de l’État capitaliste turc, les pogroms, la terreur raciste et fasciste constituent un aspect fondamental de ses activités.
Les lynchages, l’agressivité raciste, les pogroms se banalisent et en parallèle, ne donnent pas lieu à une honte collective ou à des troubles et se transforment pour l’État capitaliste turc en une unité nationale, en un alignement derrière l’État. Après chaque lynchage, chaque pogrom, chaque génocide et chaque terreur fasciste, l’État, les nationalistes turcs, les centres politiques conservateurs, kémalistes et islamistes se déclarent victimes.
Ils tentent de se créer une légitimité politique en utilisant ce statut de victime. L’État capitaliste turc est depuis l’Empire ottoman un État original d’apartheid. À chaque politique raciste, il tente de dissimuler ses crimes en se déclarant la victime. Les terres d’Anatolie existent depuis l’Empire ottoman comme une prison des peuples. Cette prison ne peut être émancipée, démocratisée ou réformée, elle peut seulement être détruite en renversant ses murs.
Alors que les pogroms se répandaient dans l’ensemble de la Turquie, à la fois parmi la foule fasciste et sur les réseaux sociaux, le concept pouvant être énoncé comme « trop de miséricorde revient à trahir la patrie » s’est généralisé.
Qu’était donc cette miséricorde dirigée envers les Syriens ?
S’agissait-il d’être parmi les provocateurs de la guerre civile en envahissant la Syrie afin de la transformer en colonie avec le slogan [d’Ergoğan] « Je ferai la prière du vendredi à Damas » ?
S’agissait-il d’appuyer financièrement, militairement et en termes logistiques des organisations terroristes et avec leur aide, d’envahir une partie de la Syrie pour y constituer son État pirate ?
S’agissait-il de d’expulser les peuples de Syrie de leurs propres terres au moyen d’occupations, de pillages, de tueries et de viols avec l’aide des alliés que sont les organisations terroristes djihadistes ?
S’agissait-il de transformer la Turquie en une prison pour migrants dans la cadre de l’accord sur les migrations avec l’Union européenne ?
Quel était cet excès de miséricorde, consistait-il à faire travailler les Syriens comme des esclaves pour la moitié du salaire minimum et en les privant de tous les droits sociaux ?
Quel était cet excès de miséricorde, consistait-il à agresser sexuellement et à violer les femmes et les enfants considérés comme des butins de guerre ?
Quel était cet excès de miséricorde, consistait-il à criminaliser toute autre activité que celle de travailler comme un esclave avec des hystéries de pogrom ?
Quel était cet excès de miséricorde, consistait-il en une arme que le pouvoir utilisait contre l’Union européenne et un outil pour l’opposition qui se situe dans le cadre de l’ordre établi afin de cacher qu’elle n’a guère de différence par rapport au pouvoir en désignant les Syriens comme des cibles à une politique nationaliste et populiste ?
Quel était cet excès de miséricorde, consistait-il à envahir la Syrie pour ensuite affirmer ne pas vouloir de Syriens dans son pays ?
Au fur et à mesure que le pogrom ayant commencé à Kayseri s’est répandue dans toute la Turquie, le sujet qui a cessé d’être à l’ordre du jour était l’enfant syrien qui avait subi une agression sexuelle. La première chose qu’a dit le chef de la police pour calmer la foule fasciste a été « l’enfant n’est pas turc mais syrien ». Même cette situation a démontré que la foule fasciste se moquait de l’agression subie par l’enfant, que leur seul problème était avec les réfugiés syriens. Tous les jours des informations sur les agressions sexuelles sur les enfants, les femmes et des assassinats de femmes font la une. La foule fasciste n’a, jusqu’à aujourd’hui, non seulement eu aucune réaction à ce sujet mais de plus est souvent coupable de ces crimes. L’enfant victime a à la fois vu son quartier bruler, car il était syrien, et à la fois il risque l’expulsion du pays. Les enfants syriens de son âge qui vivent en Turquie subissent des traumatismes qu’ils ne pourront oublier de leur vie. Ils sont devenus la cible de la terreur fasciste et rien ne garantit leur sécurité.
Tout ceci est l’un des résultats des buts impérialistes d’Erdoğan en Turquie. Toute la responsabilité n’incombe pas à Erdoğan seul. Toutes les ailes de l’opposition bourgeoise sont également responsables. Elles ont soutenu explicitement toutes les politiques guerrières impérialistes d’Erdoğan au Proche-Orient. Elles ont mis au centre de leur opposition face à Erdoğan la haine nationaliste et populiste des migrants. Les responsables sont, avec le pouvoir et l’opposition, le front de l’ordre établi. Les courants de gauche parlementaristes et réformistes qui ont remis la tâche de renvoyer Erdoğan à l’Alliance nationale, qui ont transformé les travailleurs et les opprimés en soutiens de cette alliance, qui ont, « pour faire reculer le fascisme », conclu des compromis citadins avec le CHP [parti kémaliste, dans l’opposition] sont parmi les responsables de ce processus. Car ils ont travaillé pour désarmer politiquement les travailleurs et les opprimés.
À Al-Bab qui était l’un des lieux que le régime d’Erdoğan a envahis avec des organisations terroristes djihadistes, un conflit a éclaté entre les représentants de l’État turc et les bandes djihadistes. Les drapeaux turcs sont abattus, les institutions de l’État pirate qu’Erdoğan a constitué sont dissoutes.
La raison de ces réactions tenait au fait qu’Erdoğan a envoyé des signaux montrant qu’il était ouvert à des négociations avec Assad [président de la Syrie]. Les bandes djihadistes ont envoyé en retour le message qu’elles étaient prêts à retourner leurs armes contre Erdoğan si celui-ci venait à les laisser tomber. Les organisations terroristes djihadistes qu’il a soutenues et aidées à se développer sont devenues un monstre prêt à l’attaquer.
Le processus d’organisation de pogroms contre les Syriens est le produit du conflit entre l’AKP et le MHP [parti fascisant] au sein de l’Alliance populaire. Erdoğan est depuis longtemps inconfortable au sujet de sa dépendance au MHP et essaye de s’en délivrer pour de nouveaux alliés. Il tente de marquer des points contre le MHP en utilisant le procès Sinan Ateş [ancien président de la branche jeunesse du MHP, récemment victime d’un règlement de comptes mafieux interne aux nationalistes].
Quant au MHP, il exprime à chaque occasion à la fois verbalement et dans ses actions qu’il ne sera pas facile de l’éliminer.
Que ce pogrom ait débuté précisément le jour où le procès de l’assassinat de Sinan Ateş allait commencer, que la police se soit contenté d’observer et qu’elle ait laissé faire, que les slogans « Erdoğan démission ! » aient été lancés, qu’un climat fasciste et chauvin domine sert les intérêts du MHP contrairement à ceux d’Erdoğan. Il est impossible de considérer ces pogroms indépendamment de la crise grandissante du régime d’Erdoğan et du conflit de cliques entre l’AKP et le MHP.
Le nationalisme, le racisme, l’hostilité envers les migrants et l’un des seuls outils qui permettent de transformer tous les opprimés en soutiens de la bourgeoisie et les réduire en esclavage. L’hostilité envers les migrants ne se limite pas qu’aux migrants. Comme des pièces d’un domino, elle s’orientera contre tous les opprimés et travailleurs. Le front unique des opprimés possède une importance vitale contre les tentatives fascistes et leurs entreprises montantes de programme. Nous pouvons décrire ainsi la tâche révolutionnaire de la période : constituer l’unité d’action la plus large en se tenant aux côtés des migrants et contre les fascistes, l’État, les pogroms et les tentatives fascistes !
Paix avec les migrants, guerre contre les États bourgeois !
Ceux qui nous volent ne sont pas les migrants mais les patrons locaux. Retourne ta colère contre les patrons et leur gouvernement !
Front unique ouvrier contre l’hostilité envers les migrants et la montée du fascisme !
Constituons des comités d’autodéfense face aux attaques racistes et fascistes !
Annulation de l’accord de réadmission avec l’Union européenne !
Ouverture des frontières européennes aux migrants !
Octroi de carte de séjour à tout travailleur ou étudiant migrant qui réside de manière permanente dans un pays !
Reconnaissance de droits égaux à tous les migrants !
Fermeture immédiate de centres de rétention et d’expulsion !
Permis de travail, droits sociaux et sécurité de l’emploi pour tous les migrants sans avoir besoin que les patrons fassent une demande d’autorisation de travail !
Liberté syndicale et d’organisation pour les migrants !
Droit de suivre l’enseignement dans la leur langue natale pour tous les peuples locaux et migrants !
Arrêt de toutes les opérations militaires transfrontalières et celles ayant cours dans le pays !
Liberté de circulation et d’établissement où ils le désirent pour les ouvriers et étudiants migrants !
Dissolution du Parti de la victoire [parti ayant pour principal ligne la xénophobie et l’hostilité aux migrants], dissolution de tous les groupes fascistes !
EKIB (section turque du Collectif révolution permanente)