Premier choc : la victoire du parti raciste
Nombre | % Inscrits | % Votants | |
---|---|---|---|
Inscrits | 49 462 981 | ||
Abstentions | 23 992 509 | 48,51 | |
Votants | 25 470 472 | 51,49 | |
Blancs | 346 240 | 0,7 | 1,36 |
Nuls | 370 459 | 0,75 | 1,45 |
Exprimés | 24 753 773 | 50,05 | 97,19 |
Le 9 juin, l’abstention, avec 48 %, en baisse de 1,7% par rapport à 2019, reste à un niveau très élevé. Une grande partie de la classe ouvrière, de la jeunesse et de la petite bourgeoisie, de trahisons en déceptions, ne compte plus sur les élections et sur les partis ouvriers bourgeois pour améliorer leur sort. Les partis bourgeois traditionnels sont tout autant discrédités. Ainsi, à l’aune de cette abstention massive, tous les scores affichés des différents partis doivent être quasiment divisés par deux quand on les évalue en pourcentage des inscrits et non en pourcentage des suffrages exprimés. Cette précision permet de d’apprécier plus justement la mesure des changements en cours, la coalition de Macron à 7 % des inscrits, le RN à 15,5 %, le PS-Place publique à 7 %, LFI à 5 %, etc.
Tête liste | Liste | Voix | % Inscrits | % Exprimés | Sièges |
---|---|---|---|---|---|
Bardella | RN-LdP | 7 765 936 | 15,70 | 31,37 | 30 |
Hayer | Renaissance-MoDem-Horiz-PR-UDI | 3 614 646 | 7,31 | 14,60 | 13 |
Bellamy | LR-LC | 1 794 171 | 3,63 | 7,25 | 6 |
Toussaint | EELV | 1 361 883 | 2,75 | 5,50 | 5 |
Maréchal | Reconquête | 2,74 | 5,47 | 5 | |
Principaux partis bourgeois | 15 889 763 | 32,13 | 64,19 | 59 | |
Glucksmann | PS-PP | 3 424 216 | 6,92 | 13,83 | 11 |
Aubry | LFI-GES | 2 448 703 | 4,95 | 9,89 | 9 |
Deffontaines | PCF-RG-Eng | 584 067 | 1,18 | 2,36 | 0 |
Arthaud | LO | 121 281 | 0,25 | 0,49 | 0 |
Labib | NPA-R | 37 434 | 0,08 | 0,15 | 0 |
Total mouvement ouvrier | 6 615 701 | 13,38 | 26,72 | 20 |
Le score de la liste Renaissance, avec 14% des voix, soit 8 points de moins qu’en 2019, marque le rejet de Macron et de son gouvernement et les place désormais dans une situation de grande faiblesse politique. Jamais, dans l’histoire de la Ve République, un président n’avait connu pareil désaveu électoral. Comme le RN en France, le FPÖ arrive en tête en Autriche, les partis fascisants progressent fortement en Allemagne, Espagne, Roumanie, Bulgarie, Danemark, Lettonie, Pays-Bas, Portugal, Pologne … En Italie, Fratelli d’Italia et la Liga se maintient à un niveau élevé
Certes, Macron dispose toujours des ressources de la constitution bonapartiste de la Ve République qui lui donnent des moyens expéditifs pour gouverner par décrets et à coups de 49.3. Certes, il obtient des majorités de circonstances à l’Assemblée qui permettent le vote de projets de lois réactionnaires. Certes, il s’appuie sur l’association permanente des directions syndicales à la discussion concertation de ses plans d’attaque contre les retraites, contre les statuts de la fonction publique, etc. Mais encore faut-il qu’il dispose d’une assise politique minimale dans la société. N’obtenant pour sa liste que 7 % des inscrits après avoir pourtant pesé de tout son poids et utilisé toutes les occasions médiatiques, le roi est nu.
LR, avec 7,2 % des voix contre 8,5 % en 2019, en est réduit à la portion congrue, et ne peut non plus assurer cette perspective pour la bourgeoisie.
Avec 7,76 millions de voix, le score du parti fascisant RN augmente significativement, passant de 23,3% des voix en 2019 à 31,4%. Le RN arrive en tête dans plus de 32 000 communes. Son concurrent Reconquête obtient 5,5% avec 1,35 million de voix. Le RN gagne 2,5 millions de voix par rapport à 2019 tandis que Renaissance en perd 1,5 million.
Second choc : le président dissout l’Assemblée nationale
En réalité, les résultats des élections européennes sont à peu près conformes aux prévisions et ne constituent pas en eux-mêmes une surprise. Mais le soir du 10 juin, Bardella du RN demande « solennellement » à Macron « d’organiser de nouvelles élections législatives ». Macron annonce peu après la dissolution de l’Assemblée nationale, provoquant l’exultation des militants du RN. Il ouvre une crise politique.
Acculé, Macron a donc décidé de jouer à qui perd gagne en dissolvant l’Assemblée nationale et en convoquant précipitamment des élections législatives les 3 juin et 7 juillet.
Il mise d’un côté sur la faiblesse et la division des partis ouvriers bourgeois qui se sont disputés durant la campagne sur la Russie et l’Ukraine, sur Israël et le Hamas… et Mélenchon, de l’autre il table sur l’effondrement de LR et sur l’hostilité entre RN et Reconquête.
Il leur opposerait un « arc républicain », autour de lui, avec des transfuges de LR ou du PS et divers résidus bourgeois pour empêcher le RN d’obtenir la majorité à l’Assemblée. « Nous sommes la seule alternative possible à ce Rassemblement national » prétend Darmanin au soir du 9 juin. Cette tentative désespérée semble vouée à l’échec. La ficelle de Macron « rempart contre le RN » est usée jusqu’à la corde. Et en fait de ralliement autour du panache blanc de Macron, il y a beaucoup plus de tentations pour les rats de quitter le navire que de le rejoindre.
D’une part, une fraction grandissante des bourgeoisies et des petites bourgeoisies européennes voit son salut non seulement dans le protectionnisme, mais dans l’exacerbation du nationalisme et dans la surenchère xénophobe. D’autre part, la faillite et les trahisons des partis réformistes, le refus des directions syndicales d’ouvrir toute perspective d’affrontement réel avec la bourgeoisie, les politiques de concertation et de collaboration rejettent une partie de l’électorat ouvrier dans l’abstention ou même vers les promesses des partis fascistes ou fascisants.
Pour la bourgeoisie, la décision soudaine de Macron de dissoudre l’Assemblée ouvre sur l’inconnu et l’instabilité. Macron, son parti, son gouvernement en sursis semblent moins capables de représenter pour la bourgeoisie française une perspective crédible pour affronter la classe ouvrière et pour défendre ses intérêts face aux autres bourgeoisies, en Europe et dans le monde. Mais vers qui se tourner ?
Le programme du RN contient nombre de promesses censées être financées par l’argent que rapporterait la lutte féroce contre l’immigration pour combler les « Français de souche », patrons, indépendants et salariés confondus.
Il y a toujours eu des capitalistes derrière les partis fascisants (Lambert et Bruel pour le FN-RN, Bolloré pour Reconquête). En tout cas, le patronat commence à augmenter sa pression sur le RN, au cas où…. Pendant la campagne, Bardella est auditionné, comme les autres candidats, par l’organisation patronale du moyen capital…
Premier grand oral de la matinée, Jordan Bardella est venu échanger avec les dirigeants de TPE-PME. Devant une salle comble, il a présenté son projet économique et a répondu aux questions des chefs d’entreprise. Il a notamment affirmé la volonté de soutenir la réindustrialisation : « le véritable moyen de rembourser la dette, c’est de créer de la croissance, il faut encourager l’activité économique ! ». Sur le volet de l’énergie, il a proposé de « décorréler les prix de l’électricité de ceux du gaz pour faire baisser la facture des PME ». Il a affirmé son souhait de simplifier la vie des chefs d’entreprise : « La simplification, c’est l’autre nom de la confiance : c’est le projet d’une société tournée vers l’avenir, qui valorise le travail, le risque, l’entrepreneuriat ». (CPME, 20 mars)
…puis par celle de l’organisation patronale du grand capital.
La tête de liste du RN aux élections de juin a tenu ce jeudi devant le Medef un discours très favorable aux entreprises. N’a pas été évoqué le programme présidentiel de Marine Le Pen, très généreux en matière de dépense publique et en mesures pour le pouvoir d’achat, comme l’augmentation de 10 % des salaires. Prudent, le favori de l’élection a plutôt concentré ses critiques sur la « machine à normer » européenne, les conséquences néfastes de « l’écologie punitive » pour les entreprises françaises, précisant vouloir sortir du marché de l’électricité européen, et appelé à un sursaut face à l’agressivité des grandes puissances comme la Chine et les Etats-Unis. Jordan Bardella en a profité pour mettre l’accent sur la baisse des impôts de production… (Les Échos, 18 avril)
En cas de victoire aux législatives, le RN s’adaptera aux exigences de la grande bourgeoisie en rentrant dans les clous.
La puissance du capital financier ne réside pas dans sa capacité à établir, à son gré, n’importe quel gouvernement, n’importe quand : il ne possède pas cette force. Sa puissance réside dans le fait que tout gouvernement non prolétarien est obligé de servir le capital financier. (Trotsky, « Bonapartisme et fascisme », 15 juillet 1934, Contre le fascisme, Syllepse, p. 436)
Pour le front unique ouvrier contre Macron-Attal et contre Le Pen-Bardella
Des manifestations spontanées ont eu lieu dès le 10 juin dans de nombreuses villes contre la possible arrivée du RN au pouvoir. Sur quelle orientation combattre ?
Pour bloquer la route au RN, il faut une orientation claire :
Ni Macron ni Le Pen !
Front unique ouvrier !
Dirigeants des organisations ouvrières, partisans et syndicats, appelez à la mobilisation générale :
Pour toutes les revendications ouvrières !
À bas Macron !
À bas Le Pen !
Gouvernement des travailleurs !