La malédiction de la jeune génération est qu’on a créé sous l’étiquette de marxisme une gigantesque fabrique de falsifications historiques, théoriques et autres. (Trotsky, juillet 1940)
Quand le POI roule pour Mélenchon
Le parti social-patriote au fonctionnement antidémocratique LFI est truffé non seulement de transfuges du PS et du PCF, mais de nombreux renégats de l’ex-LC-LCR et de l’ex-OCI-PCI. Mélenchon avait attiré au départ dans son orbite, outre le résidu mao-stalinien PCOF, les deux variantes françaises pseudo-trotskystes de l’école grantiste : la GR et Révolution n’étaient pas gênés par les drapeaux tricolores et La Marseillaise. Ce dernier groupe vient de tourner brutalement sa veste pour se rebaptiser « communiste révolutionnaire ».
Mouvement inverse pour le POI lambertiste. En 2022, le POI a intégré la campagne de Mélenchon à la présidentielle. Le POI apporte un grand local dans Paris, la Libre pensée et un poids syndical non négligeable dans FO et dans une moindre mesure la CGT. Il fournit des troupes zélées quoique vieillissantes pour distribuer les tracts de LFI, coller ses affiches, préparer ses meetings, organiser ses déplacements. Aux législatives de la même année, il est récompensé d’un poste de député (Jérôme Legavre en Seine-Saint-Denis). Son hebdo Informations ouvrières pourfend les Ruffin, Autain (ex-PCF), Garrido (ex-PS), Coquerel (ex-LCR), Corbière (ex-PCI) qui tentent de capter l’héritage avant même la retraite du cacique.
De son côté, le POID-PT, lui aussi lambertiste, présente sa liste aux élections au Parlement européen. Contacté par le NPA-R pour un meeting commun avec LO le 1er mai, le POI a refusé. Comme le POI, le PT nie le droit à l’Ukraine de se défendre face à la Russie les armes à la main. La ligne du PT pour les élections est d’ailleurs axée sur cette question. Il faudrait confisquer les milliards destinés à la guerre au profit des services publics. Appliquant lui aussi une symétrie entre Israël et l’Ukraine, le PT se vautre dans un pacifisme complaisant avec Poutine contre « la guerre organisée par le gouvernement Zelensky et l’OTAN ».
LO, un internationalisme… bien national
Comme à son habitude, la direction hardyste de LO a décidé de se présenter seule aux européennes. Elle conçoit une brochure de mars des CLT destinée aux militants (2 mars) et un dépliant de 4 pages pour les électeurs (23 avril). Bien que LO mentionne le mot d’ordre des États-Unis socialistes d’Europe dans la brochure,, c’est juste pour que les militants puissent croire que leur organisation est bien « trotskyste » (sa ligne réelle est celle de Kautsky, mais c’est moins prestigieux que se réclamer de Trotsky) et pouvoir répondre aux communistes internationalistes : « Mais si, on en parle ! ». Il n’en est pas question dans le dépliant ou les affiches.
Beaucoup de dénonciations de l’état du monde dans es deux documents avec comme conclusion systématique que les problèmes de l’humanité ne trouveront de résolution qu’avec le renversement du capitalisme. Sauf qu’il manque à chaque fois un programme, des mots d’ordre transitoires à même d’être repris par la classe ouvrière.
La triste expérience a suffisamment montré les graves inconvénients de la pratique consistant à accompagner une activité réformiste de phrases creuses… (Lénine, 25 décembre 1916)
Par exemple, le dépliant de campagne constate que les salaires sont insuffisants pour vivre dignement. Cependant, pas question pour Arthaud et Mercier d’avancer comme revendication une hausse des salaires immédiate, l’indexation des salaires sur l’inflation, et donc une campagne de front unique qui ne peut qu’être axée sur la préparation de la grève générale pour l’obtenir, les travailleurs devront attendre.
Seule une économie dirigée par les travailleurs permettra de recenser les besoins de la population et de produire en fonction de ces besoins. Alors seulement on pourra vivre dignement. (LO, Dépliant)
Sur le dumping social opéré par les grands groupes capitalistes au sein de l’Europe, idem. Plutôt que d’avancer leur expropriation, LO renvoie la patate chaude, et donc la responsabilité de la situation actuelle aux travailleurs.
Il en sera ainsi tant que les travailleurs ne prendront pas eux-mêmes le contrôle des multinationales. (LO, Dépliant)
Les travailleurs ne peuvent pas évidemment pas « prendre le contrôle des multinationales » dans la seule petite France. Y parvenir passe par la révolution mondiale. Il leur faut donc s’emparer du pouvoir dans les principaux pays avancés. Qu’est-ce qui les a empêchés de le faire jusqu’à présent ?
Le principal obstacle est le caractère opportuniste de la direction du prolétariat. (Trotsky, septembre 1938)
Comment sans la lutte organisée de toute la classe ouvrière, contrôlant son mouvement par l’élection et la centralisation de ses comités de grève, renversant les obstacles dressés par les appareils contrerévolutionnaires des directions syndicales et des partis réformistes ? Mais voilà, pour les chefs de LO, il est hors de question de bousculer celle de la CGT et le PCF.
Le POUM n’a pas pu devenir un parti de masse parce que, pour le devenir, il lui fallait auparavant démolir les autres partis et que cela n’était possible que par une lutte sans compromission. (Trotsky, aout 1940)
L’évocation du parti par la direction de LO ne semble pas lui imposer le construire dès maintenant, pour commencer à empêcher les trahisons des partis ouvriers bourgeois et des bureaucraties syndicales.
N’est pas internationaliste celui qui proclame qu’il est internationaliste, mais celui qui lutte effectivement en internationaliste contre son gouvernement, contre ses sociaux chauvins, contre ses centristes. (Lénine, 25 décembre 1916)
LO se garde bien de rappeler que les communistes ont toujours combattu pour un parti de classe au niveau mondial, une internationale. Il n’en est jamais fait mention dans les deux documents. C’est pour les initiés, pas pour les travailleurs. L’UCI, sa franchise internationale, semble incapable de présenter des listes ailleurs qu’en France. Ni VO en Espagne, l’Internazionale en Italie, le BRA en Allemagne ou LO en Belgique ne semblent en mesure de se présenter. Cet état de fait aurait dû pousser la direction de LO à proposer des alliances à d’autres organisations européennes. Mais elle les dédaigne.
Le NPA-R méprisé par LO
Pour sa part, le NPA-R (dirigé par le courant CR-L’Étincelle issu de LO qui n’a jamais tiré un bilan sérieux du hardysme) tente de faire campagne commune avec LC/Italie. Cette organisation, qui se moque de l’oppression nationale des Ukrainiens et des Palestiniens, met un point d’honneur à ne jamais présenter de candidats. LC décline donc l’offre.
À plusieurs reprises, le NPA-R quémande une alliance à LO qui reste son modèle (« l’implantation » au lieu du programme). D’où le ton de soumission.
Lutte ouvrière est probablement la plus ancienne et la plus sérieuse des organisations révolutionnaires de ce pays. (« Lettre du NPA-R à LO », 19 décembre)
Sans succès. La direction de LO refuse, justifiant de deux manières. Premièrement, en affichant un principe intransigeant : aucune alliance électorale n’aurait de sens.
Il est dans la logique des choses que lorsque deux organisations existent de façon indépendante, elles assument avoir des choses différentes à dire, pas moins durant les élections que dans les journaux, tracts ou affiches qu’elles publient dans leur existence quotidienne. (Lettre de LO au NPA-R, 13 février)
C’est d’autant plus intenable que LO a déjà fait, lors des élections européennes de 1979, liste commune avec l’ex-LCR. Elle a aussi fait liste commune en 1977, lors de municipales, avec feues la LCR et l’OCT, pour contrôler la police. LO a fait des listes communes en 1995 avec des partis « réformistes » (PS et PCF au programme bourgeois) et même avec des partis bourgeois (EELV, MRC, PRG), chose impensable pour Marx, Engels, Luxemburg, Lénine et Trotsky.
LO prétexte aussi d’une divergence. Elle considère toujours la Russie, plus de 30 ans après la restauration du capitalisme, comme un État ouvrier dégénéré et nie le droit du peuple ukrainien à l’autodétermination.
Vous ne faites que reprendre à votre compte l’objectif politique de Zelensky et, surtout, de Biden et Macron ! Vous vous êtes retrouvés dans le même camp que votre propre impérialisme ! (Lettre de LO au NPA-R, 13 février)
Bel effet de manche, mais peu crédible. En effet, une minorité de la bourgeoisie française repousse l’UE et mise sur l’alliance avec la Russie et la Chine. Sinon, d’où sortirait la position du RN, de Reconquête, de DlF, de l’UPF ? Cette fraction de l’impérialisme français est prête à sacrifier l’Ukraine à l’impérialisme russe.
Même quand il restait quelque chose des conquêtes de la révolution d’octobre 1917, la bureaucratie de l’URSS avait tant opprimé l’Ukraine que l’indépendance était devenue légitime.
Nous avons affaire à un peuple qui a donné des preuves de sa vitalité… Pour une Ukraine soviétique, ouvrière et paysanne unie, libre et indépendante ! (Trotsky, 22 avril 1939)
Depuis sa fondation par Hardy (un gourou prostalinien qui n’avait jamais appartenu à la 4e Internationale), VO-LO ratifie la colonisation de la Palestine et défend l’existence d’Israël… comme l’ONU et comme son propre impérialisme (incluant le RN).
Les grandes lignes d’un règlement un peu durable sont connues : l’évacuation des territoires occupés depuis 1947 par Israël et une normalisation progressive des relations avec ses voisins. (Lutte de classe, février 2009)
Devant la rebuffade et la calomnie, le courant CR ne s’offusque pas le moins du monde.
Nous aurions souhaité que la campagne soit commune à différents courants d’extrême gauche et nous nous étions adressés en ce sens à Lutte ouvrière, qui a décliné notre proposition. Nous serons preneurs de toute les aides que pourront y apporter celles et ceux qui se retrouveront dans le programme que nous défendons. (Communiqué du NPA-R, 26 février)
Résigné à se lancer dans la bataille sans LC/Italie et sans LO, le petit appareil du NPA-R formule, lui, quelques revendications (400 euros d’augmentation pour tous, pas de salaire inférieur à 2 000 euros, libre circulation…) et lance bien tardivement une pique inoffensive aux directions syndicales.
Ce sont les luttes et pas les bulletins de vote qui changent la vie, et des luttes que les grévistes eux-mêmes dirigent, sans abandonner leur sort à des bureaucraties syndicales intégrées aux appareils d’État. (Résolution adoptée au CPN du NPA-R, 28 janvier)
Pourtant, lors de la contreréforme des retraites, le NPA-R a suivi, comme le PCF, LFI, RP, LO et le NPA-AC, l’agenda des « journées d’action » des bureaucraties syndicales, tout en les couvrant à gauche avec les appels à des « grèves reconductibles ». Elle est allé jusqu’à vanter les casserolades grotesques de LFI, pour éviter le combat central pour imposer la grève générale. Un début de lucidité vient tardivement aux chefs du NPA-R, mais pas au point de revenir sur leurs erreurs.
La politique des syndicats dans le mouvement des retraites, qui consistait à montrer à la fois leurs capacités de mobilisation et leur capacité à garder le contrôle et maintenir la contestation dans un cadre de prétendu « dialogue social ». Cette politique, qui a mené à la défaite, a été relayée par les partis de gauche de l’Assemblée (Résolution, 28 janvier)
Comme LO, il mène campagne au nom du « monde du travail », un terme que le PCF et la bureaucratie de la CGT ont repris de l’Église catholique qui l’avait trouvé pour éviter « classe ouvrière ». Pas plus que LO, le NPA-R n’avance dans cette campagne le droit de séparation des minorités nationales en Europe, l’autodéfense des travailleurs, l’armement du peuple, le gouvernement ouvrier, les États-Unis socialistes d’Europe…
Le programme de transition n’est pas le programme minimum réformiste qui n’a jamais comporté la milice ouvrière ou le contrôle ouvrier. (Trotsky, 21 mars 1938)
Comme Arthaud, Quirante enjoint de « reprendre le chemin des luttes » (Révolutionnaires, 15 mai 2024). Mais quand le prolétariat a-t-il cessé de lutter ? Comme LO, la direction CR du NPA-R accuse le prolétariat de ne pas vouloir « prendre ses affaires en mains ».
Le programme que nous défendons est un programme de lutte, dont la réalisation ne peut dépendre que de la volonté de millions de travailleurs et de travailleuses à prendre leurs affaires en main. (Éditorial, 25 mars)
Non, ce n’est pas la « volonté de lutter » qui manque. Il manque l’outil pour submerger, minoriser, supplanter les appareils contrerévolutionnaires qui défendent les intérêts de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Ce qui manque, c’est le parti ouvrier révolutionnaire qui ne peut se construire, tout en employant la tactique du front unique sur les objectifs immédiats du prolétariat, qu’en menant une lutte implacable contre toutes les trahisons des réformistes, des sociaux-chauvins et des bureaucraties syndicales, comme l’avaient fait Lénine et Trotsky en construisant l’Internationale communiste, Trotsky en lançant la 4e Internationale.
Tous les traitres réformistes ont toujours fait porter au prolétariat la responsabilité de leur propre trahison. (Trotsky, février 1938)
En réalité, la direction du NPA R, qui n’a toujours pas tenu de congrès depuis la scission du NPA-AC, poursuit la même politique que LO, RP et l’autre NPA, camouflant l’intégration aux appareils syndicaux CGT, SUD et FSU par une phraséologie radicale destinée aux jeunes recrues pressées comme des citrons.
Le NPA-AC éconduit par LFI
RP, issu comme le NPA-AC du pablisme, avait scissionné du NPA, sans aucune divergence stratégique, pour pouvoir sa lancer en présentant son propre candidat à la présidentielle. Elle n’a pas jugé utile de présenter une liste cette fois-ci. RP concentre son activité politique sur les mobilisations en défense des Palestiniens en essayant de concurrencer LFI.
Le NPA-AC et RP sont incapables de tracer une alternative communiste aux islamistes. Ils noient la responsabilité de leur impérialisme (qui arme toujours Israël) dans la diversion BDS qui s’en prend plus à Carrefour qu’à Macron, qui culpabilise les consommateurs, qui veut empêcher tout contact universitaire, culturel et sportif avec la population hébreue, qui tourne le dos aux travailleurs juifs, philippins et palestiniens de l’État israélien comme à ceux des États-Unis ou de la France.
Il fut un temps où le NPA s’entendait pour faire liste commune aux municipales à Bordeaux avec LFI et des Gilets jaunes. Enthousiasmés par l’expérience, Sabado, Besancenot, Vachetta et Poutou ont tenté de la généraliser, quitte à briser leur propre parti.
Le programme de la NUPES représente pour nous une avancée par rapport aux politiques menées par la gauche sociale-libérale de Hollande… Nous sommes donc d’accord pour défendre le programme de la NUPES. (Lettre ouverte du NPA-AC à LFI, 4 janvier)
Hélas pour eux, les scissionnistes du NPA ont été éconduits. Là aussi, l’Ukraine a servi à LFI de justification. Le NPA-AC étant tout aussi masochiste envers LFI que le NPA-R envers LO, il appelle tout de même à voter pour la liste LFI-REV.
Ainsi nous pensons que, malgré ses limites et les désaccords que nous pouvons avoir avec celle-ci, un score élevé pour la liste serait une bonne chose. (Tract hebdo, 26 mars)
Le courant ARC du NPA-AC veut lui aussi « renforcer le bloc de la gauche antilibérale contre le bloc de la gauche libérale » car il y aurait un bon réformisme et un mauvais réformisme. L’ARC s’engage à ne pas utiliser « un vocabulaire aussi belliqueux que celui de Lénine » (30 septembre 2023). Voilà qui est plus franc que les minibureaucraties de LO, des NPA, de RP, du PT et du POI !
Dans la société capitaliste, dès que s’aggrave la lutte des classes, il n’y a pas de milieu entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat. (Lénine, 4 mars 1919)