Nous devons dire la vérité aux travailleurs. (Lev Trotsky, Discussions sur le programme aux Etats-Unis, 19 mai 1938)
La classe ouvrière des États-Unis relève la tête
Le droit du travail est restreint aux États-Unis par la complicité historique des deux grands partis bourgeois, le Parti républicain et le Parti démocrate (lois NLRA, 1935 ; Taft Hartley, 1947 ; Landrum-Griffin, 1959). En ce qui concerne les droits d’organisation, toute implantation syndicale suppose au préalable qu’au moins 30 % des salariés d’un site ou d’une entreprise manifestent, par une pétition auprès de l’État (le service nommé National Labor Relation Board, NLRB), la volonté d’être représentés par un syndicat. Après enquête, le NLRB supervise l’élection à bulletin secret. L’accréditation du syndicat est obtenue s’il emporte la majorité absolue des suffrages exprimés. Il conquiert de ce fait le monopole de la représentation de tous les salariés concernés et est habilité à engager une négociation collective avec l’employeur. La négociation débouche, dans le meilleur des cas, sur un accord collectif interdisant la grève pendant la durée du contrat. Il doit être ratifié par la base.
Les travailleurs sont pris à la gorge par les hausses des taux d’intérêt (qui sont variables aux États-Unis) quand ils sont endettés) et tous par celles des prix. Ils ont subi une baisse de 9 % en 2022 de leur pouvoir d’achat suite à l’inflation (+17 % depuis la présidence Biden en 2020), après la rigueur salariale infligée lors la crise capitaliste de 2008-2009. Avec la reprise de 2021, les patrons ont parfois du mal à embaucher, ce qui facilite les revendications.
Les luttes se multiplient en 2023 dans la santé, l’industrie automobile, la vente à distance, le transport par camions, l’enseignement, les réseaux de cafés, les compagnies d’aviation… Il y a eu 4 fois plus de grévistes qu’en 2022. Les directions syndicales ont, sauf chez les scénaristes, réussi à empêcher la grève générale de la branche concernée.
Amazon réussit à échapper à la syndicalisation. À UPS, qui transporte 6 % du PIB et où les profits explosent, le syndicat est l’IBT. Son président est Sean O’Brien, élu en 2021 avec le soutien du courant TDU, de Labor Notes et des DSA (l’aile sociale-démocrate du Parti démocrate). Il demande 25 $/h à UPS. 97 % des syndiqués se prononcent pour la grève. À l’automne 2022, il annonce la grève dans le transport de marchandises par train ; au printemps 2023, celle dans le transport par camion. Pour ménager le capitalisme américain, il n’y aura ni l’une ni l’autre.
Dans le rail, comme Obama en 2011, Biden interdit la grève des travailleurs du fret, avec la complicité des deux grands partis bourgeois (incluant les « socialistes » DSA du Parti démocrate).
Le président Joe Biden a promulgué vendredi une loi visant à empêcher une grève dans le secteur ferroviaire selon lui potentiellement catastrophique pour l’économie américaine. « C’était difficile pour moi mais c’était la bonne chose à faire en ce moment pour sauver des emplois, protéger des perturbations des millions de familles de travailleurs et maintenir les chaines d’approvisionnement pendant la période des vacances », a déclaré le chef de la Maison blanche. (Challenges, 2 décembre 2022)
La convention imposée par l’État à une douzaine de syndicats de métier (TDA, BLET-IBT, BRS, IAMAW, IBB, IBEW, NCFO, SMART-TD, TCU, TWU…) limite l’augmentation de salaire à 24 % étalée sur 5 ans (ce qui coïncide avec les trois accords signés ultérieurement par l’UAW dans l’industrie automobile) mais refuse toujours les congés maladie aux cheminots (il va de soi que les parlementaires de la Chambre des représentants et du Sénat ont droit non seulement à une rétribution autrement élevée mais à des congés maladie illimités).
À UPS, la direction de l’IBT annule elle-même la grève.
À une semaine de l’échéance du contrat des 325 000 travailleurs d’UPS, le syndicat et l’employeur ne sont pas parvenus à se mettre d’accord pour éviter une grève qui pourrait affecter gravement l’économie nationale… Malgré ses déclarations tonitruantes, Monsieur O’Brien reste un notable qui préfère parvenir à un accord que déclencher une grève et il a subtilement agi pour la rendre peu vraisemblable. (New York Times, 22 juillet 2023)
O’Brien signe le 25 juillet avec UPS un contrat collectif de 5 ans et proclame triomphalement : « Nous avons changé les règles du jeu, les conducteurs ont gagné un contrat historique ». En fait, l’accord, tout en obtenant des augmentations de salaire, entérine la division des conducteurs-livreurs en plusieurs catégories n’ayant pas le même salaire (55 % des travailleurs sont à temps partiel) et ne comprend pas le droit à l’air conditionné. L’augmentation pour la catégorie la mieux payée n’est que de 18 % sur 5 ans. Les chauffeurs à plein temps débutant toucheront 23 $/h, ce qui est peu dans les grandes villes. L’accord est soumis au vote le 22 aout : si 86 % ratifient, la participation n’est que de 58 % (plus de la moitié des syndiqués, de fait, ne l’a pas approuvé).
Dans l’automobile, où la direction syndicale de l’UAW mène à l’automne trois grèves par vagues, les gains sont limités… et les illusions envers le Parti démocrate renforcées.
Les travailleurs français ne peuvent pas compter sur les partis réformistes et les organisations centristes, qui ont soutenu au printemps les journées d’action, les grèves reconductibles et les casserolades de l’intersyndicale, pour dire la vérité sur la lutte des classes aux États-Unis.
L’UAW avait non seulement lancé, pour la première fois de son histoire, une offensive simultanée chez les Big Three, mais adopté de plus une tactique totalement nouvelle en ciblant, semaine après semaine, les sites en grève. Une sorte de « guérilla » du débrayage qui déboussole totalement le patronat : à ce jeu du chat et de la souris, ce dernier perd régulièrement. (L’Humanité, 4 décembre 2023)
L’internationalisation de l’industrie automobile
La part de l’activité automobile (voitures, utilitaires, camions poids lourds) dans l’emploi reste stable aux États-Unis, autour de 1 %. À la fin du XXe siècle, les trois grands groupes américains (Ford, General Motors et Chrysler), traditionnellement localisés surtout au nord-est des États-Unis, s’étendent en Chine et au Mexique. Symétriquement, des groupes japonais (Toyota, Honda, Nissan, Subaru, Mazda), allemands (Volkswagen, BMW, Mercedes) et coréen (Hyundai), investissent et embauchent aux États-Unis pour contourner les barrières douanières et les campagnes chauvines.
La part de la production automobile passe de 4 % du PIB des États-Unis en 1970 à 2,8 % en 2023. Les implantations d’usines par les firmes étrangères et par la nouvelle venue américaine (Tesla) ont lieu dans les États du sud hostiles au syndicalisme. La ville de Détroit doit se déclarer en faillite en 2013, après avoir perdu 400 000 emplois à cause des délocalisations des capitalistes américains et de la crise capitaliste mondiale de 2008.
La part cumulée des « trois grands » américains est passée de 87 % des ventes en 1970 à 39 % en 2023. En outre, Chrysler passe sous le contrôle de Fiat en 2014, un groupe italien qui fusionne lui-même avec le groupe français Peugeot en 2021 pour créer Stellantis. Pour garder une image nationale, Stellantis conserve les marques Chrysler, Dodge, Jeep, Ram Trucks, Mopar et SRT. Le groupe chinois Dongfeng, actionnaire minoritaire de Stellantis, choisit de ne pas participer au conseil d’administration pour faciliter les affaires aux États-Unis.
Le déclin du syndicalisme dans l’industrie automobile
Sous prétexte de sauver l’emploi aux États-Unis en général et au Michigan en particulier, l’appareil de l’United Auto Workers (UAW, affilié à la principale centrale, l’AFL-CIO) accepte en 2007 la mise en place d’échelles de salaires différenciées entre les anciens et les nouveaux recrutés. Désormais, chez les « trois grands » et dans bien d’autres entreprises, la main-d’œuvre est segmentée entre anciens contrats (« Tier 1 ») et les nouveaux (« Tier 2 »). En 2009, pour sauver les entreprises nationales, la bureaucratie syndicale signe pour renoncer à l’échelle mobile des salaires, aux pensions de retraite garanties et à la couverture santé des retraités, c’est-à-dire à la plupart des acquis de la grève générale de l’automobile de 1950. Le syndicat devient même actionnaire de Chrysler.
Les travailleurs de l’UAW acceptèrent des embauches à salaire inférieurs en 2007 et renoncèrent à l’indexation des salaires sur le cout de la vie et d’autres acquis en 2009 quand deux des trois fabricants américains se déclarèrent en faillite. (The Wall Street Journal, 15 décembre 2023)
Assurée de la veulerie des directions syndicales, la Cour suprême restreint le droit du travail.
La Cour suprême a porté au travail plusieurs coups ces dernières années, dont une décision selon laquelle des non-syndiqués du secteur public n’ont pas à payer pour assurer les négociations collectives. Plus récemment, la cour a statué cette année que, dans certaines circonstances, les employeurs peuvent poursuivre en justice des grévistes pour le tort causé. (Newsweek, 22 décembre 2023)
Aujourd’hui, seuls 10 % des travailleurs sont syndiqués. Leur effectif dans l’automobile passe de 586 000 en 1983 à 225 000 en 2022. L’UAW, qui compte 146 000 adhérents dans l’automobile, élargit son champ de syndicalisation aux précaires de l’enseignement supérieur, à des salariés du commerce de détail et des abattages de poulet.
L’immixtion de la police et de la justice dans le syndicat
Plus les travailleurs de l’automobile s’appauvrissent, plus les chefs de l’UAW (qu’ils soient blancs ou noirs, hommes ou femmes) s’enrichissent. Le degré inouï de leur corruption permet à l’État bourgeois de s’immiscer dans le syndicat. En 2017, le FBI enquête et transmet à la justice. L’UAW soutient la candidature de Biden (Parti démocrate) en 2020. L’appareil passe un compromis avec le ministère de la justice en décembre 2020.
Pour l’UAW, les cinq dernières années ont constitué l’un des chapitres les plus perturbants de l’histoire historique du syndicat. Une enquête fédérale a révélé une corruption généralisée, une douzaine de dirigeants syndicaux, dont deux anciens présidents, ayant été reconnus coupables d’avoir détourné plus d’un million de dollars de fonds syndicaux pour financer des voyages de luxe et d’autres dépenses personnelles somptuaires. Depuis l’année dernière, le syndicat est placé sous la surveillance d’un administrateur nommé par le tribunal et chargé de veiller à ce que les mesures anticorruption soient appliquées. (New York Times, 31 juillet 2022)
À l’UAW, les juges imposent des élections directes pour désigner la direction. Elles se déroulent en mars 2023. La tendance UAWD se rallie à la candidature de Shawn Fain qui revendique la suppression de la dualité des statuts. Il l’emporte de peu avec le soutien, entre autres, du CPUSA (les anciens staliniens) et des DSA (les sociaux-démocrates membres du Parti démocrate) ainsi que des influentes publications Labor Notes et Jacobin. L’UAW est libérée de la tutelle de la justice.
Des grèves par site contre la grève générale
Les groupes capitalistes de l’industrie automobile renouent avec les profits après la crise mondiale de 2019-2020 accentuée par la pandémie du covid-19. De 4,5 milliards d’euros en 2020, ils bondissent à 29,4 milliards en 2021 puis à 37,2 milliards en 2022. À l’échéance du cycle de 5 ans des contrats collectifs, les négociations débutent en juillet 2023. Traditionnellement, l’UAW concluait avec un des trois grands groupes nationaux et l’accord était étendu aux deux autres. Fain innove en discutant en même temps avec les trois. L’UAW se fait l’écho des aspirations de la base :
- 36 % d’augmentation de salaire sur 4 ans, soit le rattrapage des quinze dernières années,
- l’indexation sur la hausse des prix,
- la fin des contrats moins-disant des nouvelles recrues,
- la semaine de 4 jours,
- le rétablissement de l’assurance-maladie pour les retraités,
- une meilleure protection contre les fermetures d’usines face à la substitution des véhicules thermiques par les électriques.
La direction de l’UAW consulte les syndiqués qui, à 90 % répondent qu’ils sont prêts à faire grève.
Les patrons des trois groupes refusent d’augmenter les salaires. Ils invoquent la conséquence d’une hausse des couts (65 dollars de l’heure) qui les rendraient moins compétitifs que Tesla (45 dollars) et les constructeurs allemands et asiatiques (55 dollars) installés dans le sud du pays où les syndicats sont peu présents. Ils abusent de prétextes, comme les investissements colossaux pour passer à la voiture électrique, alors que cette transition est largement financée par l’État bourgeois américain, à partir des impôts surtout supportés par la classe ouvrière et les classes intermédiaires.
Fin aout 2023, le ministère de l’énergie annonce le plan Domestic Conversion Grant Program de 15,5 milliards de dollars (14 milliards d’euros) pour convertir les usines américaines de l’automobile à l’électrique. Sans compter les 400 milliards annoncés en 2022 au titre de l’Inflation Reduction Act pour soutenir entre autres la production d’énergie propre. Ford a reçu du ministère fédéral de l’énergie, 9,3 milliards de dollars sous forme de prêt, pour qu’il créé une société commune de batteries électriques avec le coréen SK On avec trois usines dans le Kentucky, et le Tennessee, où l’électricité hydraulique est bon marché.
Sans jamais soumettre ses décisions au vote de la base, Fain décrète trois séries d’arrêts de travail par vagues successives, plutôt que d’appeler à la grève générale de toute l’industrie automobile, de frapper tous les sites de tous les constructeurs en même temps et d’acculer les patrons à la défaite. Sa stratégie est d’obtenir quelques concessions sans déclencher un mouvement qui risque d’échapper à la bureaucratie de l’UAW, sans mettre en difficulté tout le capitalisme américain et sans gêner le gouvernement du Parti démocrate.
Initialement, le conflit débute le 7 septembre dans 3 sites, à Wayne (Michigan), Toledo (Ohio) et Wentzville (Missouri). Le 15 septembre, 13 000 travailleurs font grève. Devant le refus des trois grands de céder, l’UAW étend un peu les grèves (à six usines d’assemblage et 38 sites de distribution dans 22 États, principalement au nord du pays). Le 15 septembre, 13 000 travailleurs sont en grève. Le 22 septembre, après une proposition de Ford d’accorder une hausse de 20 %, Fain déclare sur Facebook :
Nous avons fait de réels progrès chez Ford. Nous voulons reconnaitre que Ford montre qu’il est sérieux dans sa volonté de parvenir à un accord. Chez GM et Stellantis, c’est une autre histoire.
L’illusion dans le Parti démocrate
Trump envisage de venir faire de la démagogie dans le Michigan. Le 18 septembre, Fain rejette vivement l’offre.
Toutes les fibres de notre syndicat sont imprégnées de lutte contre la classe des milliardaires et une économie qui enrichit les gens comme Trump aux dépends des travailleurs. (MLive Michigan, 20 septembre)
Mais le Parti démocrate est tout autant financé par les grands capitalistes que le Parti républicain et Biden défend tout autant le capitalisme. Au lieu d’appeler à la grève générale et à l’occupation des sites, Fain invite le président en exercice, à venir sur un piquet de grève pour regonfler sa popularité dans un message vidéo sur X (ex-Twitter) :
Nous invitons et encourageons tous ceux qui soutiennent notre cause à nous rejoindre sur le piquet de grève, depuis nos amis et nos familles jusqu’au président des États-Unis.
Invitation que Biden s’empresse d’honorer le 26 septembre, dans un message envoyé sur X, « rejoindre le piquet de grève et être solidaire des hommes et des femmes de l’UAW alors qu’ils se battent pour une part équitable de la valeur qu’ils ont contribué à créer ».
C’est l’occasion pour le président de redorer son image dans la classe ouvrière. Trump ne tarde pas à répliquer sur son réseau :
Quand il se trainera pour prétendre être sur un piquet, souvenez-vous qu’il veut vous prendre vos emplois et les envoyer en Chine. (Social Truth, 23 septembre 2023)
Ce même 26 septembre, un individu d’une entreprise de nettoyage jette sa voiture contre des grévistes d’une plateforme de pièces détachées GM à Swartz Creek (Michigan), en blessant cinq. La réponse de la direction de l’UAW est, implicitement, que la faute en revient aux grèvistes.
À la suite de l’incident de la plateforme, l’UAW déclare avoir diffusé un dépliant précisant les consignes aux piquets de grève. Parmi elles : n’empêcher personne d’entrer ou de sortir de l’établissement, ne pas occuper la voie qui y mène ou perturber la circulation, ne pas rester en groupe. Ce dépliant rappelle que les grévistes doivent marcher pacifiquement près de l’entrée des salariés et pacifiquement s’adresser à eux pour qu’ils ne franchissent pas le piquet et se joignent à la grève. (MLive, 28 septembre 2023)
Si Fain tient à afficher publiquement ses convictions chrétiennes, c’est pour deux raisons : indiquer à la bourgeoisie qu’il partage une de ses principales idéologies ; prêcher aux travailleurs la résignation face à la violence réactionnaire, celle de l’appareil d’État et des bandes fascistes encouragées par Trump.
Le lendemain 27 septembre, à Clinton Township, tout proche de Belleville, le mieux placé des candidats du Parti républicain se rend dans une entreprise fabricante de pièces automobiles, Drake Enterprises, qui n’est pas syndiquée. Il fustige les mesures de Biden, vendu à la Chine selon lui, en faveur de l’industrie automobile électrique qui seraient favorables aux entreprises étrangères et qui détruiraient des « emplois américains ».
L’exemple pourrait très bien inciter les autres travailleurs à exiger eux aussi de meilleurs salaires. Bien évidemment, mieux vaut pour les capitalistes étatsuniens que la concurrence entre les salariés les tire vers le bas et désigner l’étranger comme responsable. Ne pas engager tous les ouvriers du secteur automobile dans la lutte permet à Trump de semer la crainte dans la classe ouvrière du chômage et des fermetures d’usines.
Démontrant une réelle envie d’en découdre, le 29 septembre, 7 000 travailleurs supplémentaires à Chicago et à Lansing Delta rejoignent la lutte, puis 8 700 autres le 11 octobre au Kentucky Truck Assembly de Ford. Enfin le 23 octobre, 6 800 travailleurs débrayent sur le site Stellantis de Sterling Heights et 5 000 autres sur le site GM à Arlington, portant à 45 000 le nombre total de grévistes.
Trois accords, une duperie
Après six semaines de grèves, le 25 octobre, la direction de l’UAW accepte un accord de principe avec Ford, prévoyant une hausse de 25 % étalée sur 5 ans dont 11 % la première année, inférieure à l’inflation passée. Les retraites sont améliorées et les travailleurs auront même le droit de faire grève en cas de fermeture d’usine.
Trois jours plus tard, Stellantis annonce une augmentation de 25 % des salaires de base d’ici à 2028 (et hausse de 33 % du salaire horaire). General Motors, le 30 octobre, annonce également avoir trouvé un terrain d’entente avec l’UAW pour la même augmentation, sous condition de la suspension de la grève et du retour au travail des grévistes.
Fain déclare effrontément dans une vidéo de l’UAW le 29 octobre :
Ensemble, nous avons commencé à inverser la tendance dans la guerre contre la classe ouvrière américaine.
25 %, on est loin des 36 % que demandait Fain en septembre. De plus, la segmentation en deux catégories est atténuée, mais pas supprimée. D’autres revendications ont été abandonnées en rase campagne comme la réduction du temps de travail, l’augmentations des pensions de retraite, le rétablissement des prestations santé pour les retraités.
Chacun des 3 accords est soumis aux syndiqués : officiellement, 69,3 % approuvent à Ford, 70 % à Stellantis, 54,7 % seulement à GM. Dans les deux usines les plus importantes du pays, à Ford dans l’usine des camions du Kentucky et à Stellantis à Toledo, le refus de l’accord a été catégorique.
La signature des « trois grands » entraine les autres entreprises de la branche : Honda annonce une augmentation de 11 % en 2024, Toyota 9,2 % pour les ouvriers des lignes de montage, Hyundai annonce 25 % d’augmentation…
Il va sans dire que du côté des capitalistes de l’automobile, quelle que soit leur nationalité, ces accords sont satisfaisants. L’augmentation de salaire est limitée, la division des collectifs de travail subsiste et la direction syndicale leur promet la paix sociale pour 5 ans.
Personne ne sait ce que sera la production à cette échéance, vu le ralentissement du capitalisme mondial, la montée en puissances des groupes chinois concurrents, la transition mondiale vers les moteurs électriques et la non syndicalisation des usines du sud du pays.
Rompre avec le Parti démocrate
Pour obtenir de meilleures conditions de vie, supprimer le fléau du chômage, le gâchis d’une production capitaliste anarchique, entamer la reconversion d’une industrie génératrice de dégâts environnementaux, les travailleurs doivent prendre le contrôle des entreprises du secteur et de toute l’économie.
Pour cela, ils doivent d’abord lever les obstacles que constituent la division syndicale, la collaboration de classe et en particulier la soumission au Parti démocrate.
Assez de division syndicale ! Un seul syndicat par branche, démocratique, pour toutes les catégories de travailleurs ! Une seule centrale syndicale avec droit de tendance ! Élection de tous les responsables ! Pas de rétribution de dirigeant syndical plus élevée que le salaire d’un travailleur qualifié !
Pour la plus complète démocratie dans les syndicats pour tous les syndiqués et tous leurs regroupements. Contre toute tentative d’interdire et d’exclure les groupes minoritaires dans les syndicats… Pour un fonctionnement normal de tous les syndicats, contre les nominations bureaucratiques des permanents et des responsables. Pour un système d’élections de délégués de base… Pour la fusion de tous les syndicats de métier dans une activité donnée en un syndicat de branche… (SWP, section américaine de la 4e Internationale, « Résolution sur le mouvement syndical », janvier 1938)
Assez de complicité envers Biden le briseur de grève, le subventionnaire des capitalistes et l’appui au génocide des Palestiniens à Gaza ! Fin de la soumission au Parti démocrate ! En 1967, le Parti démocrate a fait écraser par la garde nationale et par l’armée les émeutes de Détroit, causées par le racisme de la police. Jamais le Parti démocrate n’a annulé la législation anti-ouvrière qui entrave le syndicalisme, qui interdit les grèves de solidarité et les occupations d’entreprise, qui fragilise la composante des immigrés sans papier, qui permet au parlement d’interdire les grèves dans les transports…
L’UAW et tous les syndicats, les deux centrales AFL-CIO et SOC doivent cesser de se soumettre au Parti démocrate et s’engager dans la voie d’un parti propre aux travailleurs, d’un parti ouvrier.
Comment les intérêts d’une classe peuvent être formulés ? Ils ne peuvent pas l’être autrement que sous la forme d’un programme. Le programme ne peut être avancé autrement que par la création de l’instrument indispensable pour appliquer le programme dans l’action, le parti politique. (C. Thomas [Tom Kerry] The Militant, 7 juillet 1944)
Pour remplir son rôle, celui-ci aura à défier les deux grands partis de la bourgeoisie dans toutes les élections et à fournir une direction centralisée aux luttes éparpillées de tous les travailleurs, de tous les opprimés du pays, en lien avec les travailleurs du monde entier.
- augmentation de 40 % pour tous les travailleurs et retraités ! échelle mobile des salaires et des pensions !
- aucune différence de traitement quelle que soit l’ancienneté du recrutement ou la nationalité : à travail égal, salaire égal !
- semaine de 35 h payées 40, réduction du temps de travail jusqu’à l’élimination du chômage !
- abolition de la Cour suprême, suppression de toutes les lois étatiques et fédérales contre les syndicats et les grèves ! syndicalisation de tous les sites et de toutes les entreprises ! organisation des étudiants et des chômeurs par les centrales syndicales !
- autodéfense des grévistes, des organisations ouvrières, des quartiers pauvres, des universités contre les flics, les racistes et les narcos ! désarmement de la police, armement du peuple !
- protection sociale aux frais des patrons pour la santé, le chômage, la vieillesse ! transport et logement de qualité bon marché pour tous ! gratuité des études !
- grève générale avec occupation des lieux de travail sous contrôle de la majorité des travailleurs ! assemblées générales dans chaque site pour décider ! conférence nationale des délégués des grévistes de tout le pays pour décider !
- régularisation de tous les travailleurs étrangers sans papier ! ouverture des frontières aux réfugiés, aux travailleurs et aux étudiants !
- nationalisation sans indemnité de toutes les grandes entreprises ! mise en place d’un plan de production et de répartition sous contrôle des travailleuses et des travailleurs !
- fin du blocus de Cuba ! abolition de l’OTAN et fermeture des bases à l’étranger ! aucun soutien à l’État colonial israélien !
- gouvernement ouvrier ! fédération socialiste d’Amérique avec le Canada, le Mexique, Cuba… !