2-) Les principaux mots d’ordre de la révolte sont « mort au dictateur, à bas la République islamique, ni Chah ni cheikh, Jin Jiyan Azadi, [c’est-à-dire femme, vie, liberté en kurde] ». Nous pouvons en tirer la conclusion selon laquelle les masses se mobilisent pour la destruction de l’État islamique d’Iran. Ils n’ont aucune revendication envers le régime, ni aucun désir de trouver un compromis. Elles le prouvent aussi bien avec les mots d’ordre mis en avant qu’avec les actions qu’elles mettent en œuvre. Tous les opprimés, à commencer par les femmes, veulent la liberté. Ils n’ont aucune envie de voir revenir le Chah de l’ancien régime iranien et ses extensions politiques, comme ils n’ont aucune envie de voir l’opposition bourgeoise d’Iran arriver aux affaires. Ni la bourgeoisie iranienne, ni les acteurs politiques mis en avant par les puissances impérialistes occidentales ne rencontrent aucun écho chez les masses révoltées.
3-) Les femmes qui sont à l’avant-garde de la révolte ont brûlé dès le premier jour des manifestations leurs voiles et se sont coupées les cheveux. Malgré toute la répression étatique, le carcan de peur vieux de 43 ans mis en place par la dictature islamiste a volé en éclats. Le voile qui est devenu le symbole du régime n’est plus utilisé dans de nombreux endroits du pays. Les femmes sont en train de faire se craqueler la dictature islamiste qui les avait réduites à l’état de captives. Aujourd’hui, chaque pierre lancée contre les forces de répression du régime, chaque voile brûlé, chaque rue où l’on se promène librement sans voile constitue une balle violette contre la République islamique d’Iran qui tire sa force du Coran et sa légitimité politique de la réduction en servitude des femmes et tout ce que représente cette république.
4-) La dictature des mollahs pille toutes les ressources du pays et une poignée de bourgeois s’enrichit sans cesse. La richesse d’une poignée de mollahs et de bourgeois existe aux dépens de la misère de millions de travailleurs. Chaque année qui passe, la misère des travailleurs iraniens augmente telle une avalanche. Le taux de pauvreté officiel en Iran touche 46 % de population. L’inflation atteint les 60 %. Plus la pauvreté des travailleurs iraniens augmente, plus la colère de classe de ceux-ci et les révoltes vont croissants. Les travailleurs iraniens organisent depuis 2017 des révoltes, des soulèvements et des grèves malgré toute la terreur d’État. Les manifestations et révoltes des années 2017, 2018, 2019 et 2020 ont renforcé l’expérience des masses, détruit le climat de peur et ont éveillé la conscience les masses au fait qu’il n’y a guère de solution en dehors des luttes. Lors du soulèvement de 2019–2020 qui a duré plusieurs mois, plus de 1300 travailleurs ont été tués par les forces de répression du régime des mollahs. Lors des manifestations ouvrières de l’automne 2018, les ouvriers ont réussi à faire descendre dans la rue leurs familles et voisins de quartier. Dans les rues, les quartiers, les usines ont eu lieu des réunions et forums populaires. Les travailleurs ont monté leurs propres tribunes. Cette situation représente les embryons de futurs conseils ouvriers. Bien que ces révoltes aient été écrasées par les forces du régime, elles ont beaucoup appris aux masses laborieuses et leur ont apporté une expérience capitale. Lors des manifestations de 2017, 2018, 2019 et 2020, les conditions catastrophiques auxquelles les travailleurs ont été soumis par le régime iranien et le capitalisme mondial ont créé les bases des protestations de 2022. La base des révoltes, grèves et manifestations qui ont cours depuis 2017 est constituée par les classes laborieuses et les opprimés. Pour résumer, ceux qui n’ont rien à perdre en Iran renforcent la vague de révolte et ne renoncent pas à la lutte. Ce qui, à son tour, renforce le pourrissement du régime iranien, fait fondre sa légitimité sociale comme neige au soleil et montre qu’il n’a d’autre méthode pour se maintenir au pouvoir que la terreur d’État. Avec le soulèvement de 2022, même cette terreur d’État ne constitue plus un remède aux problèmes du régime des mollahs.
5-) Les forces de répression iraniens qui se qualifient de « fouet de Dieu », tel un animal blessé, attaquent de toutes leurs forces les manifestants. Jusqu’à présent, 300 personnes ont été tuées. Cependant, toute cette terreur d’État provoque la politisation de la révolte. Les protestations se sont répandues à 140 villes. Les manifestants détruisent les bâtiments officiels, les institutions religieuses et tout ce qui symbolise de près ou de loin le régime, comme des photographies ou des statues. La photographie de l’ayatollah Hamaneï a été brûlée devant sa maison. Ces 17 derniers jours, au total 112 actions ont eu lieu dans 56 universités. Dans les lycées et les universités, les jeunes femmes brûlent collectivement leurs voiles et élargissent les espaces de liberté sans voile. Le régime islamiste a décrété la loi martiale, mais les masses transforment l’interdiction de sortir dans la rue en un festival de rue. Le mouvement s’est répandu à pratiquement la totalité du pays. Le régime éprouve des difficultés à maintenir son pouvoir et à reprendre le dessus face à cette mobilisation militante de masse. La révolte de 2022 est, comparée aux protestations, grèves et soulèvements qui ont eu lieu depuis 2017, davantage complet et est sur une ligne plus militante. L’occupation des bâtiments officiels et des institutions religieuses, la destruction et l’incendie des symboles du régime ressemble au processus du début de la révolution iranienne en 1979. La révolte en Iran n’a pas été vaincue, au contraire elle détient la supériorité morale et psychologique. Nous pouvons résumer ainsi le processus en cours : les dirigeants ne parviennent plus à diriger comme auparavant, ils craignent la fin de leur règne. Quant aux dirigés, ils ne veulent plus être gouvernés comme auparavant et le montre à tout un chacun avec leurs actions qui ne restent plus dans les limites de l’ordre établi. Le processus en cours en Iran porte un nom, à savoir celui de situation révolutionnaire. Pour l’emporter, il faut une grève générale, des conseils ouvriers, des milices ouvrières, un programme et un parti révolutionnaires.
6-) La révolte s’étend en Iran, secoue le régime des mollahs, se radicalise, mais ce qui manque est l’apparition sur la scène de la classe ouvrière en tant que classe afin d’ouvrir la voie à la victoire définitive du mouvement. Il est question de participation d’ouvriers et de travailleurs aux manifestations de rue. Cependant, cette participation a plutôt lieu comme une participation individuelle des travailleurs qu’une présence en tant que classe. La participation de la classe ouvrière à la lutte des masses peut avoir lieu avec ses propres organisations et ses propres moyens d’action. Lorsque la classe ouvrière apparaît sur la scène en tant que classe, son action sera la grève générale illimitée. Et quand la grève générale illimitée sera organisée, le voyage vers les poubelles de l’Histoire pour le régime des mollahs commencera. Si la classe ouvrière ne se mêle pas à la lutte des masses en tant que classe, il peut y avoir deux résultats. Le premier est qu’en raison d’un éloignement du mouvement d’une perspective de prise du pouvoir, la mobilisation sociale s’essoufflera et le régime des mollahs, s’en trouvant renforcé, écrasera le mouvement. La seconde possibilité est qu’une fraction bourgeoise parviendra au pouvoir grâce à la courte échelle de la lutte des masses. Si, en revanche, la classe ouvrière entre en action avec la grève générale, les protestations prendront une dimension anticapitaliste en plus de leur dimension anti-régime actuelle. Pour que la grève générale soit organisée, les comités ouvriers sont nécessaires. La constitution des comités ouvriers préparera le terrain pour la dualité du pouvoir avec les conseils ouvriers et les organes d’autogestion. Et une telle situation signifiera, pour les travailleurs et les opprimés, la naissance du terrain objectif de la construction des appareils de leur pouvoir politique. Lorsque la classe ouvrière entrera en action en tant que classe, l’espace de manœuvre de toutes les fractions de la bourgeoisie et de l’impérialisme occidental se réduira considérablement. Dans un tel processus, les intérêts de toutes les fractions de la bourgeoisie et des impérialistes qui souhaitent le renversement du régime des mollahs s’unifieront. La bourgeoisie dans l’opposition, l’ensemble des fractions de celle-ci et les impérialistes occidentaux construiront une alliance sacrée face à la possibilité d’une révolution ouvrière. L’unique force qui peut bloquer la vie sociale et qui peut briser les positions d’assaut du régime est la classe ouvrière en raison de son rôle dans la production. Et son unique moyen d’action est la grève générale illimitée. Le principal moyen pour l’organiser est constitué par les conseils ouvriers. Jusqu’à présent, seuls les ouvriers de Téhéran et les travailleurs de l’entreprise de bus pour la banlieue ont lancé un appel à la grève générale. Une grande responsabilité incombe aux directions politiques de la classe ouvrière pour l’avenir du mouvement. Les organisations ouvrières doivent s’organiser autour du mot d’ordre de grève générale à chaque étape de la production. Pour porter cette lutte sur un terrain organisé et la couronner par la révolution, l’organisation de conseils ouvriers d’école, de quartier est une tâche historique. Le régime islamiste n’a rien d’autre à offrir aux travailleurs et aux opprimés que la répression, la captivité, la misère et la terreur d’État. Il faut mener une bataille sans merci contre la dictature colonialiste, patriarcale et capitaliste des mollahs. Le renversement des mollahs seuls n’offrira pas une victoire définitive à la classe ouvrière et aux opprimés. La destruction de la classe qui a créé les mollahs, c’est-à-dire le capitalisme sera le début du festin des opprimés. Et le moyen pour y parvenir est que la classe ouvrière apparaisse devant tous les opprimés et les mécontents avec un programme et un parti révolutionnaires.
Le programme militant du prolétariat révolutionnaire
7-) Afin de porter le coup de grâce au régime islamiste des mollahs, la transformation de la mobilisation de masse militante née de l’opposition aux mollahs en une mobilisation anticapitaliste, l’apparition du prolétariat en tant que classe dans la lutte pour donner une perspective politique révolutionnaire à tous les opprimés sont d’une importance vitale. Pour cela, des tâches historiques incombent à l’avant-garde du prolétariat d’Iran. L’unique voie pour mettre en mouvement la lutte sur la base d’un programme révolutionnaire anticapitaliste, pour dresser la classe ouvrière en tant que classe face aux forces du régime passe par la grève générale illimitée. Les forces révolutionnaires iraniennes ne doivent pas agir avec une perspective économiste ou pour obtenir des droits et libertés du régime mais avec la perspective de faire arriver la classe ouvrière au pouvoir. Le but prioritaire doit être de répondre à l’un des mots d’ordre fondamentaux lancés par les masses, à savoir « Mort au dictateur ! ». Les forces révolutionnaires d’Iran doivent concentrer toute leur énergie à mettre en mouvement la classe ouvrière. Elles doivent viser à organiser la grève générale jusqu’au renversement du régime des mollahs. Pour cela, toutes les organisations ouvrières doivent constituer un front unique afin d’organiser la grève générale illimitée. Dans cette mobilisation, le mot d’ordre fondamental de la classe ouvrière doit être « Grève générale pour tuer le dictateur ! À bas la dictature colonialiste, patriarcale et capitaliste des mollahs ! ».
8–) Pour organiser la grève générale, il faut construire des conseils ouvriers dans tous les lieux de travail, toutes les zones industrielles, tous les quartiers ouvriers. Ces conseils ne doivent pas être bureaucratiques et doivent reposer sur la démocratie directe prenant comme référence les principes de la démocratie ouvrière. Ils doivent assurer la coordination dans l’ensemble du pays, prendre des décisions de manière démocratique avant de passer à l’action. Les comités de grève, les conseils ouvriers ne doivent pas se limiter aux lieux de travail et s’étendre aux quartiers et aux écoles. Les comités de grève doivent servir le but de constitution de conseils ouvriers. Ils doivent se transformer en organes qui porteront au pouvoir les travailleurs et les opprimés dans l’ensemble du pays. Dans tous les comités de grève, tous les comités d’école, de quartier et tous les conseils ouvriers, il faut reconnaître aux femmes un droit égal de représentation. Leur fonctionnement doit être tel qu’aucune décision ne doit être prise tant que les femmes ne sont pas représentées. Avec le droit de représentation égale des femmes qui ont allumé la flamme de la liberté en brûlant les voiles qui sont devenus le symbole du régime et qui sont le moteur de la révolte, elles et tous les opprimés gagneront le droit de déterminer leur avenir. Ainsi, des cendres de la dictature islamiste vieille de 43 ans sera construit le pont qui mènera vers le pouvoir politique le plus démocratique et le plus libre au monde.
9-) La grève générale ne doit pas se limiter au but de renverser la dictature islamiste en utilisant la force des ouvriers venant de leur position dans la production. Elle doit avoir la perspective de destruction du capitalisme et de l’idole du droit de propriété capitaliste. Le moyen de faire entrer la classe ouvrière dans la lutte dans ce but doit être les grèves avec occupation d’usines. Car les grèves avec occupation d’usines dépassent les limites du fonctionnement « normal » du capitalisme. Indépendamment des revendications des ouvriers grévistes, les occupations temporaires d’usines donnent un coup à une idole, à savoir la propriété capitaliste. Chaque grève avec occupation d’usine pose en pratique la question de savoir qui est le patron de l’usine. Les capitalistes ou les ouvriers ?
La grève générale ne doit pas se limiter à utiliser la force qui vient de la position dans la production et doit viser l’expropriation sous contrôle ouvrier de tous les lieux de travail ainsi qu’au transfert de la gestion de la production et du pouvoir politique aux conseils ouvriers. L’expropriation sous contrôle ouvrier signifie d’aller vers le pouvoir ouvrier à pas rapides. Pour cela, le principal mot d’ordre du prolétariat d’Iran doit être « Toute la richesse des capitalistes d’Iran est constituée par ce qu’ils nous ont volé ! Nous sommes là pour reprendre tout ce qui nous a été volé ! ».
10-) Aujourd’hui, le seul élément qui maintient sur pieds la dictature islamiste d’Iran est la terreur d’État brutale qu’elle emploie. Face aux gardiens de la révolution et à la police qui attaquent les protestataires tel un animal blessé, ces derniers ont su se défendre efficacement avec des pierres, des cocktails Molotov et des lance-pierres et ont assuré la continuité du mouvement. Cependant, il ne faut en aucun cas perdre de vue cette réalité : alors que les forces de police se montrent insuffisantes, la dictature islamiste n’hésitera pas à lâcher l’armée sur les protestataires. L’emploi de l’armée par la dictature islamiste n’est qu’une question de temps. Face à une armée équipée, il ne sera pas question d’autodéfense efficace avec des armes primitives comme des pierres, des cocktails Molotov ou des lance-pierres. C’est pour cela que l’armement des manifestants, la création des milices ouvrières armées est une tâche urgente pour l’avenir du mouvement. Car la dictature islamiste n’hésitera jamais à commettre des massacres de masse. Elle l’a prouvé maintes fois lors des précédentes révoltes. Notre conscience historique et politique nous rappelle la chose suivante : lors des luttes de classes qui ne peuvent être contenus par l’ordre établi, lors des montées révolutionnaires, la bourgeoisie n’a jamais renoncé à sa tendance à transformer cette guerre de classes en une guerre civile sanglante. Il est indispensable de suivre la stratégie suivante pour la constitution de milices ouvrières armées et des comités d’autodéfense armés : la classe ouvrière doit passer à l’attaque afin de constituer des milices d’autodéfense armées avec ses groupes de jeunesse. Au sein de l’armée, il faut mener un travail systématique d’agitation et de propagande pour gagner les soldats du rang et les officiers subalternes à la révolution, pour qu’ils retournent leurs armes contre le pouvoir politique. Dans l’histoire de nombreuses révolutions jusqu’à aujourd’hui, l’on rencontre souvent cet événement : des fractures ont eu lieu dans la base de l’armée bourgeoise, des soldats du rang et des officiers subalternes ont rejoint les rangs de la révolution. Dans la guerre et les opérations militaires qui constituent la dynamique principale de l’armée bourgeoise, les premiers à être envoyés au feu sont les soldats du rang et les officiers subalternes. Et ces corps sont formés par les jeunes venant de la classe ouvrière. Lors d’un possible processus de guerre civile révolutionnaire, il n’y a aucune raison pour que des fractures n’aient pas lieu à la base de l’armée d’Iran. Les milices ouvrières et les comités d’autodéfense armés à organiser doivent être de nature à jeter les bases de la future armée rouge de la classe ouvrière. Celle-ci ne doit pas se reposer sur une chaîne de commandement fondée sur les grades et sur une hiérarchie militariste. Elle doit être structurée selon l’élection des commandants révocables par la base, les stratégies et tactiques de guerre doivent être discutées de manière démocratique avant de prendre une décision et de passer à l’action. Une copie de l’armée bourgeoise, une armée d’autodéfense fonctionnant selon une chaîne de commandement en fonction des épaulettes se corrompra rapidement et deviendra vite étranger à ceux qu’il est censé défendre. L’esprit révolutionnaire des milices ouvrières dégénérera et les militants résistants des unités d’autodéfense se transformeront rapidement en des soldats qui exécuteront sans se poser de questions les ordres donnés par la caste des gradés. Le profil militaire idéalisé par les armées bourgeoises veut des robots programmés pour tuer sans se poser de question et en obéissant jusqu’au bout aux ordres reçus.
Le prolétariat révolutionnaire qui imagine un avenir sans épaulettes a besoin non de soldats obéissants, mais de militants et de résistants qui n’ont pas perdu leur esprit révolutionnaire. Les États bourgeois ne se contentent pas de forces de l’ordre (armée, police) officielles. Ils possèdent également des organisations criminelles illégales et des organisations fascistes. De telles organisations sont mis en action pour réaliser les massacres les plus sauvages lorsque le pouvoir de la bourgeoisie s’affaiblit, l’appareil d’État vacille et les travailleurs et les opprimés sont radicalisés. Elles sont les machines de mort professionnelles de l’État bourgeois. Leurs membres sont en même temps les militants de l’idéologie officielle de l’État. Ainsi, les forces de répression et les organisations criminelles illégales de l’État islamique d’Iran sont issus de l’école islamiste djihadiste. Selon l’idéologie islamiste des forces de répression de l’Iran qui se voient comme le fouet de Dieu, mourir pour la religion ou l’État leur permet d’atteindre le rang de martyr. Les martyrs sont récompensés par le paradis. C’est là la principale motivation des forces militaristes islamistes. Cependant, selon cette idéologie, ceux qui sont tués par des femmes lors d’une guerre ne peuvent pas entrer au paradis. L’une des raisons importantes pour laquelle l’État islamique a perdu et a subi de lourdes pertes au front à Kobané est la présence, parmi les résistants kurdes, de nombreuses femmes dans la guérilla. Cette situation a démoralisé les djihadistes sur le front de Kobané. C’est pourquoi allouer des tâches loin du front aux femmes (infirmières, cuisinières, etc.) dans les unités d’autodéfense qui verraient le jour en Iran reviendrait à ne pas utiliser un grand avantage. Handicaper le mouvement d’émancipation des femmes qui ont levé le drapeau de la révolte face au régime islamiste préparera le terrain aux éléments patriarcaux que les femmes devront combattre avant même d’avoir obtenu le pouvoir. Elles doivent être en première ligne sur tous les espaces de lutte livrée contre le régime islamiste.
11-) L’horizon des milices ouvrières ne doit pas se limiter à l’autodéfense face aux attaques de la dictature islamiste. Ces milices doivent viser à prendre d’assaut les postes de police où sont détenus les activistes afin de les libérer, à attaquer les places fortes du régime islamiste. Si un mouvement ouvrier, lors d’une montée révolutionnaire, prend d’assaut les postes de police et libère ses camarades de lutte, il délivrera ce message au monde entier : Ô bourgeoisie, je ne reconnais pas ton ordre et tes forces de répression ! Désormais, cet espace où tu as établi ton pouvoir est trop étroit pour nous deux. Et c’est la fin du chemin pour toi.
12-) Il est question d’une participation importante des masses jeunes à la vague de révolte en Iran. Lors des manifestations pendant lesquelles les femmes brûlaient leurs voiles, les jeunes femmes constituaient une part importante des participantes. Ces 17 derniers jours, au total 112 actions ont eu lieu dans 56 universités. Dans les lycées, les jeunes filles ont commencé à brûler en masse leurs voiles. Cette fureur d’actions a influencé les lycées dans de nombreuses villes. Les jeunes révolutionnaires iraniens inspirés par les idées marxistes qui ont lancé de nombreux appels à la grève générale et à la formation de conseils ouvriers forment le secteur le plus déterminé et dynamique du mouvement. Il se trouve, dans ce pays, un mouvement de jeunesse qui a faim de liberté et qui s’est dégagé de l’influence de l’idéologie étatique. Cette situation n’est pas spontanée, elle résulte de la lutte des classes depuis de longues années. Les soulèvements qui ont eu lieu successivement en 2008, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2022 ont causé la perte de légitimité sociale du régime islamiste, l’ont affiché en plein jour et ont fait apparaître un caractère de classe. Ils ont brisé les murs de peur et ont renforcé l’idée selon laquelle le régime des mollahs peut être renversé. Ils ont également fait en sorte que la nouvelle génération qui a grandi durant ces années s’est entièrement détachée de l’idéologie islamiste. Et cette situation indique que la dictature islamiste n’a plus d’avenir. C’est précisément dans ce processus que la tâche des révolutionnaires d’Iran commence. Il est nécessaire de concrétiser un programme d’action pour gagner la jeunesse aux rangs marxistes et pour former les ébauches de l’Université libre des travailleurs du futur État ouvrier. Afin de construire ce programme, il faut avant tout organiser dans l’ensemble du pays des conseils étudiants qui pourront à leur tour organiser les actions dans les lycées et les universités. Il faut organiser un boycott scolaire illimité sur tout le pays. Et ces boycotts doivent aller plus loin que le simple fait de ne pas aller en cours. Ils doivent avoir comme mot d’ordre principal « La dictature islamiste n’a rien à nous apprendre. Construisons l’Université libre des travailleurs ! ». Tous les conseils étudiants devraient chercher à mettre en place une éducation et des écoles alternatives aux écoles et au système éducatif du régime. En occupants les écoles, ils doivent débuter les travaux pour établir leur propre programme d’études et constituer des conseils avec les travailleurs de l’éducation qui soutiennent la révolte. Les revendications transitoires de ces conseils doivent établir un pont vers l’Université libre des travailleurs et permettre la construction d’un appareil de pouvoir alternatif aux institutions éducatives du régime islamiste.
Tous éléments religieux doivent être enlevés de l’éducation ! Instruction laïque !
Détruisons l’instruction sexiste, homophobe, nationaliste et raciste !
Éducation scientifique et polytechnique !
Non à l’instruction gratuite ou payante capitaliste !
Droit à l’éducation pour les travailleurs, droit au travail pour les étudiants !
Droit à l’instruction dans sa langue maternelle pour tous !
Toutes les institutions éducatives doivent être dirigées par les conseils d’éducation !
13-) Aucun régime, aucune dictature, aucun État ne peut être renversé par la lutte des femmes et d’une poignée d’hommes les soutenant. Ce système peut être abattu par la lutte unifiée des travailleurs et de tous les opprimés. L’oppression des femmes sous des prétextes religieux n’a pas commencé avec les mollahs. Au contraire, l’oppression systématique repose sur un ordre social patriarcal vieux de plusieurs millénaires conservé par la domination bourgeoise et qui a été reproduit dans les rapports capitalistes. C’est pourquoi, la lutte des femmes seulement pour des droits démocratiques égaux sera insuffisant pour faire disparaître le système patriarcal. Car le capitalisme et le patriarcat s’interpénètrent. Tant que le capitalisme ne sera pas renversé, l’ordre patriarcal ne le sera pas non plus. Le principal obstacle devant l’émancipation des femmes et l’existence du système capitaliste. C’est pourquoi, la lutte des femmes en Iran doit absolument prendre un caractère anticapitaliste pour obtenir une victoire définitive. Afin d’établir l’égalité définitive des femmes dans les usines, les lieux de travail, les familles et la société, il est impératif de détruire les rapports de production capitalistes qui sont la source de toutes les inégalités. Pour cela, il est nécessaire d’exproprier le capital, de détruire l’État bourgeois et de lutter contre les problématiques sociales et économiques au moyen d’outils de répression contrôlés par les conseils ouvriers contre les bourgeois pour envoyer le capitalisme d’Iran dans les poubelles de l’Histoire et ouvrir la voie de l’émancipation à tous les travailleurs et opprimés.
14-) Le secteur qui a le plus souffert de la répression la plus féroce, des pogroms, des massacres de masse et des politiques racistes du régime iranien depuis 43 ans est le peuple kurde qui vit dans les frontières de l’État iranien. Les politiques racistes et militaristes systématiques contre les Kurdes constituent l’un des éléments principaux de l’idéologie étatique du régime iranien. La répression des Kurdes n’a pas commencé avec le régime des mollahs. Ce dernier a repris ce caractéristique au régime du Chah qui l’avait précédé et l’a développé. La partie Est du Kurdistan divisé en quatre, colonisé par quatre États (Turquie, Syrie, Irak, Iran) est sous la domination de l’État iranien. Pour cette raison, le chauvinisme et les politiques étatiques colonialistes bâtis sur l’hostilité contre les Kurdes figurent parmi les principaux éléments de l’idéologie d’État du régime iranien. Ce régime a trois caractéristiques remarquables. Comme il s’agit d’une dictature islamiste, l’hostilité contre les femmes est l’un des aspects les plus importants. Puisque le chauvinisme oppressif est l’un des caractéristiques les plus marquants du régime, il s’agit d’un régime colonialiste. Le caractéristique principal qui prépare le terrain à ces aspects réactionnaires est qu’il s’agit d’une dictature capitaliste. Comme nous l’avions expliqué au début de notre article, le régime d’Iran a deux éléments qui se sont transformés en son symbole. Le premier est le voile ou la burqa noire qui servent à réduire les femmes en servitude. Le second est constitué par les potences établies sur des grues pour des pendaisons publiques au Kurdistan. Le régime des mollahs signifie pour les Kurdes oppression, massacres et potences. Malgré toutes cette répression, les Kurdes vivant dans l’État iranien n’ont jamais renoncé à lutter pour leur liberté nationale, peu importe la difficulté des conditions. La lutte des Kurdes en Iran s’est toujours limité à une échelle locale, ils ont éprouvé des difficultés à trouver des soutiens en dehors de l’Iran et ce qu’ils ont pu trouver s’est révélé faible en général. La révolte de 2022 crée une possibilité historique pour les Kurdes d’Iran. Pour la première fois, dans une révolte qui s’est étendu à l’ensemble du pays, ils ont pu apparaître avec leur identité et revendications nationales. La jeune femme qui est le symbole de révolte pour davantage de liberté en Iran, Masha Amini était une Kurde. La région où la révolte a commencé est le Kurdistan d’Iran. Les deux peuples entre lesquels le régime des mollahs a tenté systématiquement depuis des années de créer de l’hostilité et a déclenché les préjugés nationalistes les uns contre les autres sont les Azéris et les Kurdes. Très peu de temps après le début des premières révoltes dans le Kurdistan d’Iran, du soutien est venu depuis la région où vit la minorité azérie. Le principal mot d’ordre de cette révolte contenait le thème suivant : la minorité azérie est debout pour le Kurdistan. Avec ce soulèvement, les préjugés nationaux créés artificiellement entre les peuples sont entrés plus que jamais dans un processus de destruction. L’un des principaux slogans de la révolte était « Jin Jiyan Azadi ». Ce slogan est né en Turquie chez les féministes kurdes. Il s’est répandu rapidement à toute la Turquie, au Kurdistan et à de nombreuses régions du Moyen-Orient. L’un des slogans importants du mouvement politique kurde est lancé dans tout l’Iran en kurde et s’est transformé en l’un des mots d’ordre principaux de la révolte. Au sein de la lutte, la fraternité des peuples s’accélère. Cette situation enlève au régime des mollahs qui visait à renforcer l’hostilité entre les peuples l’arme de l’affaiblissement de la révolte. Le processus de fraternisation des peuples au sein de la lutte n’a pas commencé avec le soulèvement de 2022. Mais en 2022, il a atteint son sommet. Il y a eu une forte participation depuis la région du Kurdistan aux révoltes, manifestations et grèves qui ont eu lieu depuis 2008. La raison est cachée dans ce caractéristique du capitalisme : chaque région, chaque pays où le capitalisme domine, les peuples et identités opprimés se trouvent dans les couches les plus pauvres et précaires de la classe ouvrière. Cela est également valable pour l’Iran. Parmi les travailleurs les plus pauvres et précaires de la classe ouvrière d’Iran se trouvent d’abord les travailleurs kurdes. Ce n’est pas un hasard si les Kurdes ont beaucoup participé aux manifestations, grèves et soulèvements depuis 2008. La différence pour les Kurdes de la révolte de 2022 est que la voie de l’existence avec leurs propres identité et revendications nationales a été grande ouverte. Et c’est justement là que des tâches importantes incombent aux révolutionnaires d’Iran. La défense inconditionnelle du droit du peuple kurde qui a subi un grand nombre de massacres à déterminer son avenir est parmi les tâches révolutionnaires. Ce droit doit être défendu non seulement pour les Kurdes mais aussi pour la minorité azérie. La tâche des révolutionnaires d’Iran ne se limite pas à soutenir les revendications des peuples opprimés et leur droit à déterminer leur avenir. Ils doivent leur proposer, sur une base d’égalité, l’alternative de la fédération socialiste reposant sur le volontariat. La nation kurde est aujourd’hui privée de la perspective du Kurdistan indépendant, libre et unifiée à cause de ses directions politiques. La direction au Kurdistan d’Irak n’aspire en rien à l’unité et à la liberté des Kurdes. Son seul souci est de préserver et de développer le pouvoir et les privilèges de la famille Barzani. Dans ce but sacré, elle n’hésite pas à s’allier à la Turquie, et ouvrir la voie à des opérations militaires de la République turque dans la région kurde de Syrie et à l’aider. Dans la région où la famille Barzani se maintient au pouvoir, elle fait en sorte que le peuple kurde étouffe dans la pauvreté et la misère et réprime toute opposition et révolte ouvrière de la même manière que la dictature islamiste d’Iran. Il s’agit d’une dictature au moins aussi autoritaire, capitaliste et patriarcale que le régime iranien. Le PDK, l’UPK et la tribu Barzani se dressent comme un obstacle important devant la liberté de la nation kurde. Si nous devions en venir à la direction politique des Kurdes en Turquie et en Syrie, eux non plus ne se donnent pas pour but de parvenir à un Kurdistan indépendant et unifié. Elles rejettent cela en principe et au niveau de leur programme. Ils défendent l’idée de démocratiser leur État colonial et de vivre avec leur colonisateur sous une direction démocratique. Elles visent à gagner un statut politique démocratique des forces coloniales. Or cette situation est contre nature. Parmi les raisons d’exister des États bourgeois syrien et turc se trouvent l’hostilité envers les Kurdes et les politiques colonialistes. Ces États ne peuvent être démocratisés ni être réhabilités. L’égalité des peuples ne peut être établie au sein des États bourgeois qui s’organisent sur une base d’État-nation et qui se nourrissent des inégalités. De plus, dans cette conjecture et période où le capitalisme est décadent, où la démocratie bourgeoise est suspendue à l’échelle mondiale, il est absolument impossible de mettre en application un programme démocratique sans détruire les États despotiques et colonialistes depuis des années. La mise en place d’un tel programme démocratique, une direction politique fondée sur l’égalité entre les peuples et leur unité basé sur le volontariat ne peut se réaliser qu’avec la révolution prolétarienne. Aujourd’hui, l’unique condition d’un Kurdistan libre, indépendant et unifié passe par la destruction des quatre États colonialistes bourgeois par la lutte commune de leurs peuples. Le Kurdistan libre, unifié et indépendant n’est possible qu’avec le Kurdistan qui fera partie des soviets du Moyen-Orient, de la Mésopotamie et de l’Anatolie. Le couronnement de la révolte en Iran par une révolution socialiste ouvrirait la voie et servirait de déclencheur à ce processus. La révolution iranienne pourrait être la préface de la révolution du Moyen-Orient, de la Mésopotamie, de l’Anatolie et du Caucase. Ce qui est à mettre en avant aujourd’hui pour le Kurdistan d’Iran est le programme de révolution permanente pour cette grande région dont nous parlions ci-dessus. Cela créera les possibilités pour le peuple kurde qui est victime de l’impérialisme, de quatre États colonialistes et de ses propres directions de prendre entre ses mains son avenir et sa liberté. Le mot d’ordre à mettre en avant actuellement dans le Kurdistan d’Iran est :
Biji serhildan Azadiya Kürdistan!
Vive les soviets du Moyen-Orient !
Vive le Kurdistan libre, unifié et rouge qui sera l’élément fondateur des soviets du Moyen-Orient !
15-) Que ce soit pour les groupes participant au soulèvement en Iran ou pour les organisations ouvrières, féminines ou révolutionnaires qui sont en solidarité avec l’Iran, adopter une position soutenant les embargos frappant l’Iran ou appelant les impérialistes occidentaux à passer à l’action pour soutenir le soulèvement dans ce pays serait une erreur historique. Avant tout, la facture de tout embargo et de toute sanction économique ne serait payée ni par la bourgeoisie d’Iran ni par les mollahs. Toute la facture sera présentée aux ouvriers et causera encore plus d’appauvrissement chez les travailleurs iraniens. Une autre raison est qu’une telle situation ferait gagner de la légitimité politique au régime des mollahs alors que sa légitimité sociale fond comme neige au soleil. Le régime de mollahs raconte depuis des années le conte selon lequel toute opposition qui lui fait face serait en fait l’agent des impérialistes occidentaux et que sans lui, les ennemis extérieurs détruiraient le pays. Même si ce conte ne rencontre aujourd’hui aucun écho chez les masses révoltées, si ce type d’appels se développait dans le pays et à l’étranger, cela pourrait servir le régime des mollahs et lui donner un espace de manœuvre. Ce genre d’appels signifieraient qu’à cette époque l’impérialisme pourrait revêtir un aspect progressiste. Ce qui donnerait un espace d’action aux impérialistes occidentaux pour voler la révolte et l’ajouter à leurs rangs. Le résultat de l’expansion de l’idée selon laquelle les impérialismes occidentaux pourraient être des amis sera celui-ci : cette révolte qui fait craindre pour sa survie au régime des mollahs rejoindra les rangs d’une direction politique bourgeoise mise en avant par les impérialistes occidentaux. Et cette situation empêcherait que l’émancipation des travailleurs et des opprimés soit leur propre œuvre. Les gagnants seraient la bourgeoisie et l’impérialisme, les perdants les travailleurs et les opprimés d’Iran.
16-) Les organisations révolutionnaires, ouvrières, féministes du monde entier doivent être en solidarité avec le soulèvement en Iran. La solidarité internationaliste avec la révolte iranienne ne doit pas se limiter à des manifestations de soutien et des campagnes de solidarité. Le capitalisme décadent renforce dans le monde entier la pauvreté, la misère, la guerre, le fanatisme religieux, le fascisme, les régimes autoritaires, le patriarcat et l’homophobie. Tout élément politique qui est en solidarité avec la révolte iranienne doit se fixer comme perspective de transformer chaque endroit en Iran, doit se fixer partout comme but de déclencher un soulèvement pour renverser le capitalisme et la réaction qu’il crée.