Ce n’est pas un accident si des politiciens de droite [l’auteur désigne par là le Parti républicain des EU] soutiennent les camionneurs : « le Sénateur Ted Cruz a qualifié les camionneurs canadiens de héros’ » ; Elon Musk a twitté « les camionneurs canadiens au pouvoir ! » ; la députée Marjorie Taylor Greene, une fasciste, a suggéré que les « communistes à la tête de GoFundMe [un site de dons qui a refusé d’héberger les soutiens aux bloqueurs] devraient être arrêtés. » (« The Ottawa Trucker Protests Are a Test of Democracy », The New York Times).
Il est important de noter que les flics sont entièrement derrière la protestation. Ces ennemis jurés de la classe ouvrière sont les protecteurs de la protestation : « les forces de police sont de plus mal à l’aise dans leur rôle, » faisant écho à un point de vue parmi les bloqueurs que — contrairement aux échelons supérieurs de la police d’Ottawa et la Gendarmerie royale du Canada — « les policiers de base sympathisent avec leur cause » (Ibid).
Mais la droite ne veut pas prendre la responsabilité pour les perturbations que les camionneurs causent. La droite et les théoriciens du complot mettent la faute sur… les antifas pour les perturbations :
Il y a eu un récit omniprésent dans ce mouvement, qu’une quelconque violence n’est pas la faute des protestataires, mais est plutôt provoquée par les « antifa »… ou orchestrée par l’État profond. (Ibid)
Les camionneurs et leurs tactiques perturbatrices sont rejetés par la majorité de la petite bourgeoisie et la classe ouvrière. Ils voient les camionneurs comme des personnes égoïstes qui refusent de se faire vacciner, et n’accepteraient pas la quarantaine de 14 jours comme alternative à la vaccination. Même une publication comme The Atlantic s’en perçoit.
Ce n’est pas un mouvement de protestataires de la « classe ouvrière » contre de lointaines élites nanties. Le fardeau des protestations est retombé sur les résidents d’Ottawa, dont les rues ont été paralysées, et les travailleurs canadiens de l’automobile, qui font face à des fermetures d’usines à cause des perturbations transfrontalières. (The Atlantic, 11 février)
La grande majorité des camionneurs se sont fait vacciner et ils ne veulent pas avoir la moindre association avec ceux qui protestent :
Les blocages sont largement un mouvement dévoyé. Ils ont été condamnés par la Canadian Trucking Alliance et le Canada’s Teamsters Union. Environ 90 % des conducteurs canadiens de camion sont vaccinés ; comparativement, peu de ceux qui protestent sont des conducteurs de camion professionnels. (Ibid)
La plupart des conducteurs de camion sont contre la protestation de droite. La Canadian Trucking Alliance a désavoué le blocage. 86 % des Canadiens ont reçu au moins une injection de vaccin. Une enquête par l’entreprise de recherche du marché Leger a trouvé que 65 % des Canadiens pensent que le « Convoi de la liberté » représente seulement une petite minorité égoïste.
La nouvelle tactique de la classe dominante dans de nombreux pays, et des capitalistes américains en particulier, est « d’ouvrir » l’économie. Ils ignorent complètement le fait que le virus se répand maintenant comme un feu incontrôlable à travers le monde. L’économie, c’est-à-dire le profit des capitalistes, est beaucoup plus important pour eux que la santé et le bienêtre des masses.
Des publications libérales comme The New York Times sont à 100 % derrière les bloqueurs, avec un enthousiasme certain.
Nous sommes en désaccord avec la cause des protestataires, mais ils ont le droit d’être bruyants et même perturbateurs. Les protestations sont une forme nécessaire d’expression dans une société démocratique, en particulier pour ceux dont les opinions ne bénéficient pas d’un large soutien populaire. Les gouvernements ont la responsabilité d’empêcher la violence des protestataires, mais ils doivent bien vouloir accepter un certain degré de perturbation par ceux qui cherchent à être entendus. Permettre des protestations non-violentes, même si elles sont perturbatrices, est un outil important pour maintenir la cohésion sociale dans une société polarisée. » (The New York Times)
Ce n’était pas la chanson que le New York Times chantait lors des protestations de Black Lives Matter. Alors, la presse capitaliste condamna les « perturbations » par les masses noires et leurs partisans. Mais les protestations blanches de droite sont une autre affaire.
La presse capitaliste allègue qu’ils ont le droit non seulement de protester, mais aussi de provoquer des perturbations. Et le fait que les travailleurs de l’automobile ne peuvent pas travailler à Détroit parce qu’ils ne reçoivent pas des pièces importantes pour l’assemblage, n’est pas un problème pour la presse capitaliste.
Les socialistes ne sont pas, bien sûr, contre le droit de protester. Au contraire, nous combattons pour le droit de manifester en tant que droit démocratique fondamental. Mais nous sommes politiquement contre les plans de la droite, et nous sommes contre le « droit » des fascistes de descendre dans la rue. Mais nous comptons sur la classe ouvrière pour stopper les fascistes, pas l’État capitaliste, qui en temps de crise sévère soutient les fascistes comme barrage et éperon contre les travailleurs.
Le fond de l’affaire est qu’il n’est dans l’intérêt de la classe ouvrière et des syndicats de soutenir une telle protestation antivaccin de droite. La seule chose que les travailleurs en obtiennent est du bruit et des perturbations dans leur vie :
Les résidents locaux se plaignent que la vie dans la ville a été rendue intolérable par les bruits de klaxon des occupants et les feux d’artifice nocturnes. (Ibid)