Origine de GI, le groupuscule fasciste UR
GI est héritière d’un groupuscule fasciste de la fin des années 1990, Unité radicale. Une organisation fasciste issue du Groupe union défense (GUD) et de Troisième voie, fondée en 1998 dans le but de peser sur le parti nationaliste de masse, le Front national (FN, aujourd’hui RN). L’année suivante, lorsque Mégret scissionne le FN, l’UR croit son heure venue et participe à la fondation du Mouvement national républicain (MNR), lui fournissant militants, cadres et service d’ordre.
En 2002, à la suite de la tentative d’assassinat de Chirac, alors président, par un de ses membres, l’UR est dissoute par décret. Dans la foulée, la défaite cuisante du MNR au premier tour de l’élection présidentielle face au FN emmené par Le Pen père fait exploser l’organisation fasciste.
Des débris de l’UR sort, en avril 2003, le Bloc identitaire (BI) créé par Fabrice Robert, Guillaume Luyt et Philippe Vardon. Le BI reprend les thèses anti-arabes de l’idéologue Renaud Camus sur le « Grand remplacement » et avance le programme d’expulsion des étrangers (non « européens ») vers leurs pays d’origine. En 2005, il fonde le média en ligne Novopress.
Ils pensent que chaque peuple et chaque culture ne peut s’épanouir que sur sa terre ancestrale et dans le cadre historique, le cadre naturel, qui est le sien. (Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, Le Figaro, 28 janvier 2018)
Vardon prend la tête de la section jeune (JI), voulue autonome par rapport au BI afin de se prémunir d’éventuelles sanctions judiciaires en particulier éviter d’être inquiété pour « reconstitution de ligue dissoute ». Le BI change de nom en 2016 pour Les Identitaires.
Agissements racistes et médiatiques de GI
Le BI se fait connaître par des gesticulations à vocation médiatique, copiées de Greenpeace. En 2003, leur attaque contre le groupe de rap Sniper qu’ils accusent de « racisme antiblanc » fait mouche puisque Sarkozy, Morano (et FO Police) en reprennent la rhétorique. Le BI met en scène des maraudes pour servir de la soupe au porc à des sans domicile à Paris, Nice et Strasbourg, une charité discriminatoire qui puise sa source chez le NSDAP hitlérien des années 1920 et 1930 ou le PPF doriotiste des années 1940.
En mars 2010, les nervis identitaires envahissent un Quick à Villeurbanne, reprochant à l’enseigne de servir des menus hallal. En juin de la même année, ils tentent d’organiser, avec les racistes de Riposte laïque, un « apéro saucisson pinard » dans le quartier à fort métissage de la Goutte d’or à Paris.
En septembre 2012, les JI, sous la direction de Vardon, Julien Langella, Damien Rieu et Pierre Larti se rebaptisent Génération identitaire (GI). Le 20 octobre, GI se fait connaître en occupant devant les caméras le toit d’une mosquée en construction à Poitiers.
En 2013, pendant les manifestations homophobes opposées à la loi dite du « mariage pour tous », GI occupe le toit du siège du Parti socialiste pour y déployer une banderole.
En 2014, GI met en scène des « tournées anti-racaille » dans les métros parisiens, lyonnais et lillois. Les fascistes y restent en fait très peu de temps mais amplifient l’effet à grand renfort de photos et vidéos.
En mars 2016, ils fomentent à Calais un rassemblement contre les migrants qui veulent passer en Grande-Bretagne. En septembre, ils construisent un mur de parpaings devant le site d’un futur centre d’accueil pour demandeurs d’asile à Montpellier.
Courant 2017, GI reçoit des financements étrangers et non-européens, notamment de l’ancien chef du KKK américain Duke pour accroître encore le nombre de réfugiés noyés en mer Méditerranée.
À l’été 2017, Génération identitaire a été en mesure de lever 200 000 dollars, soit plus de 150 000 euros, sur la plateforme WeSearchr − aujourd’hui fermée − pour la location d’un bateau destiné à empêcher des associations de fournir une aide à des migrants quittant la Libye. (Rapport de la commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France, 13 juin 2019, AN)
Le C-Star a pris la mer en juillet, comptant à son bord des nazillons français, italiens, allemands, et tchèques. Les mobilisations de travailleurs et d’ONG barrent l’accès à la Grèce, la Sicile et la Tunisie au « bateau de nazis ».
En septembre 2017, GI encaisse de nouveau de l’argent de l’étranger, de la part du fasciste australien Brenton Tarrant qui assassinera 49 musulmans en Nouvelle-Zélande deux ans plus tard.
En novembre, il tente de manifester à Paris contre « l’islamisation » du pays. Face à la mobilisation antifasciste, l’initiative est interdite.
En avril 2018, une centaine de nazillons se positionne à la frontière italienne au col de l’Échelle dans les Alpes désigné comme un lieu de passage des migrants. L’opération est là aussi grassement financée. On estime son coût à 30 000 euros : hélicoptère, véhicules 4×4, drones, blousons floqués…
En octobre à Marseille, une vingtaines de nervis de GI attaque le local de SOS Méditerranée, une association qui porte secours aux migrants au large des côtes.
Le 29 mars 2019, GI déploie une banderole sur le toit de la CAF de Bobigny avec le slogan xénophobe « De l’argent pour les Français, pas pour les étrangers », alors que le problème est l’insuffisance des prestations sociales pour tous (couplée avec les exemptions sociales et fiscales dont bénéficient tous les capitalistes sur le territoire, quelle que soit leur nationalité).
En juin 2020, ils provoquent à Paris les manifestants qui protestent contre le racisme et les violences policière.
Vernis moderne
GI dispense à ses ouailles des cours de communication, afin de maximiser l’écho médiatique tout en camouflant son fonds de commerce raciste et anti-ouvrier.
Au programme l’année dernière : des conférences sur la géopolitique en Europe, mais aussi des ateliers où l’on apprend « à gérer et organiser les relations avec la presse », « rencontrer et aiguiller les nouveaux contacts », ou encore « utiliser les réseaux sociaux ». (« Les identitaires, nouveau vivier du FN », Le Parisien, 24 juillet 2018)
Ayant fait de la condition des femmes musulmanes un outil raciste, GI prend soin d’utiliser abondamment l’image des quelques jeunes femmes blondes dans leurs rangs.
Lors des opérations d’agitprop, les militants savent filmer les cortèges de façon à paraître bien plus nombreux qu’en réalité. La vitrine est également soignée : les filles – minoritaires – sont placées stratégiquement en tête de cortège, et la plupart des militants sont particulièrement propres sur eux, bien loin des représentations habituelles des plus extrémistes de l’extrême-droite, comme celle des skinheads. (« Génération identitaire, le groupe d’extrême droite spécialisé dans la com et les coups d’éclat », Le Journal du dimanche, 23 avril 2018)
Dans la droite ligne du fascisme traditionnel, BI, qui ne manque pas de ressources financières, a créé des bars et locaux associatifs et sportifs là où ils en avaient les moyens. Le premier fut Lou Bastioun à Nice en 2010, remplacé par le Club 1543 et sa salle de boxe 8 ans plus tard, suivi en 2011 par Le Traboule à Lyon, La Citadelle à Lille en 2016, L’Yggdrasil à Rouen et le club de boxe L’Agogé à Lyon en 2017.
Une de leurs porte-paroles est même invitée sur la chaîne de télévision C8, le 21 janvier 2021, par Cyril Hanouna.
Sur vieux fonds fasciste
Le 3e Reich, en s’emparant de l’Europe au compte des trusts allemands, écrasait les peuples et pillait sans vergogne le reste du continent. Mais les nazis n’hésitaient pas à éructer sur la « défense de l’Europe » contre le « judéo-bolchevisme », afin de s’assurer des supplétifs parmi les imbéciles des pays qu’ils avaient soumis, y compris la plupart des mouvements régionalistes (alsacien, breton, occitan) de l’époque.
Comme bien d’autres fascistes avant eux, les chefs « identitaires » tente d’occuper le créneau du régionalisme et du nationalisme européen, à contrario du RN qui prône un nationalisme traditionnel ancré sur la France. Les « identitaires » mettent en avant une « Europe des régions », un continent fantasmé blanc et chrétien qu’il s’agirait de protéger face à un ennemi venu de l’étranger (l’Islam), alors que l’Europe ne s’est christianisée qu’au déclin de l’empire romain, que des israélites y vivent depuis des millénaires et des musulmans depuis des siècles (aux Balkans, au Caucase…), que son christianisme s’est fracturé avec les orthodoxes puis les protestantismes au prix de guerres intestines, qu’une grande partie des Européens contemporains est agnostique ou athée.
Malgré le soin des apparences exigé par les chefs de GI, les membres sont souvent passés par d’autres groupes moins prudents et côtoient dans leurs bars toute la constellation de « l’extrême-droite ». L’interférence est notoire avec les intégristes catholiques, les monarchistes, le nouveau GUD, les Zouaves de Paris (ZP), etc. L’émulation entre bas-de-plafond aidant, des GI sont régulièrement compromis dans des affaires de propos racistes ou d’exactions fascistes.
En 2014, à Lyon, des GI poignardent deux lycéens antifascistes.
Le 5 juin 2020, des GI et des ZP attaquent dans le 20e arrondissement de Paris un bar antifasciste Le Saint-Sauveur. En octobre, un GI armé s’en prend à un commerçant arabe à Avignon. Bien qu’ayant été obligée d’abattre l’agresseur fasciste, la police tente de faire pression sur la victime pour l’empêcher de porter plainte. Fin 2020, à Lille trois identitaires comparaissent devant la justice pour l’agression deux ans plus tôt d’une mineure d’origine maghrébine. L’affaire est révélée par la chaîne de télévision Al Jazeera qui a infiltré un journaliste dans la mouvance fasciste au bar la Citadelle. Le documentaire expose les arrières cuisines d’une clique se présentant comme sans tache aux médias : saluts nazis, chants antisémites, agressions racistes, tabassage d’opposants…
Comme tout groupement fasciste, le financement du GI dépend de bourgeois.
Nous avons sollicité des chefs d’entreprise à qui nous avons présenté le projet, l’idéologie de notre mouvement, et qui ont accepté de nous soutenir. (Damien Rieu, « Qui est derrière Génération identitaire, ce groupuscule qui multiplie les actions anti-migrants ? », Les Inrockuptibles, 24 avril 2018)
Vivier du RN
Les identitaires n’ont pas, n’ont jamais eu à faire de la politique électoraliste. Pour une raison simple c’est qu’il y a en France le Front national. On se reconnaît dans ses idées, ceux que l’âge faisant voudraient rejoindre un mouvement qui fait de la politique électoraliste pourraient très bien rejoindre le Front national. (Aurélien Varhessel responsable GI à Lille, documentaire « Génération hate », Al Jazeera, 9-23 décembre 2018)
Sous Le Pen père, les « identitaires » étaient persona non grata aux FN du fait de leur soutien à la scission de Mégret. Mais la défaite du FN-RN à la présidentielle de 2017, l’expulsion consécutive de Philippot (à laquelle ils ont contribué), et l’influence des anciens du MNR réintégrés tel que Nicolas Bay et Philippe Olivier, ont fait de GI un centre de recrutement pour le RN.
Une cinquantaine de militants identitaires ont, aux municipales de 2014, été candidats sur des listes FN ou RBM. (Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques, Le Mouvement identitaire ou la construction d’un mythe des origines européennes, Fondation Jean Jaurès, 1 mai 2018)
Julien Langella, ancien responsable PACA, est embauché comme communicant par le maire FN de Cogolin dans le VAR en 2014. La même année, Philippe Martel, alors chef de cabinet de Marine Le Pen et candidat aux municipales dans le 18e arrondissement de Paris, inclut Hugues Roul, dirigeant de GI Paris, sur sa liste.
Je m’étais dit que je trouverai des militants du FN pour coller… Que dalle ! Eux, ils m’ont dégoté un local dans le quartier pour entreposer mon matériel de campagne. Puis ils ont boîté, distribué des tracts etc. (Philippe Martel, « Génération identitaire à découvert », Libération, avril 2014)
Martel sous-traite également la communication digitale de sa campagne à l’agence Janus de Langella.
Après plusieurs tentatives infructueuses, Philippe Vardon fondateur du Bloc identitaire et des Jeunesses identitaires intègre le FN en 2015 sur la liste de Marion Maréchal aux régionales et accède au bureau national trois ans plus tard. Damien Rieu, ancien dirigeant de GI et responsable de l’action au col de l’Échelle, devient chargé de communication de la mairie RN de Beaucaire dans le Gard et collaborateur parlementaire du député RN Gilbert Collard, Gaétan Bertrand, ancien GI de Paris, occupe le même poste au RN marseillais.
Rémi Meurin, un GI lillois, et Pierre Larti, un fondateurs des JI, sont collaborateurs d’un conseiller régional FN des Hauts-de-France. Le premier est même candidat RN aux municipales de Tourcoing en 2020 avec le soutien de LR. Ce même conseiller régional, Philippe Eymery, durant sa campagne aux municipales 2014 à Dunkerque recrute Aurélien Verhassel, chef de GI Lille, pour animer sa communication.
Antoine Baudino, ancien responsable JI à Aix-les-Bains, est candidat FN aux législatives de 2017 à Salon-de-Provence puis aux municipales de Berre-l’Étang en 2019 pour le RN après avoir été assistant parlementaire d’un sénateur FN.
[L’appartenance à des groupes fascistes, Marine Le Pen] ne veut pas qu’on l’affiche, ne veut pas qu’on la voit. C’est uniquement pour ça. Marine, elle, personnellement, elle n’est pas contre. Mais, publiquement, il faut faire attention. (Christelle Lechevalier, députée européenne RN, documentaire « Génération hate », Al Jazeera, 9-23 décembre)
Le danger fasciste grandit à l’ombre de la montée électorale du RN
Le parti fascisant de masse prétend mettre une barrière entre lui et les formations fascistes (GI et autres) tout y puisant des forces. GI, non sans mal, essaie de son côté d’avoir un pied dedans et un pied dehors pour se transformer en véritable parti fasciste, sur les décombres du RN ou en s’en emparant.
Génération identitaire séduit beaucoup plus. Ils font des trucs que le FNJ est incapable de faire, comme occuper le toit de la mosquée de Poitiers, parce que cela mouillerait le Front d’un point de vue légal. (Philippe Martel, « Génération identitaire à découvert », Libération, 14 avril 2014)
Le FN-RN, malgré ses succès électoraux, est écartelé entre une aile de notables qui entendent supplanter LR dans le cadre de la 5e République, en le doublant sur le terrain de la xénophobie et de l’ordre policier, et son aile d’enragés fascistes qui veulent renverser les oripeaux parlementaires, terroriser les Arabes et écraser le mouvement ouvrier.
Cette menace ne saurait être combattue, ni par la dissolution des groupes fascistes réclamée par les partis ouvriers vivant des miettes de la démocratie bourgeoise comme le PS, Génération.s, LFI et le PCF, ni par la censure des géants capitalistes du numérique. De telles dispositifs sont inefficaces et servent toujours à interdire et museler les organisations ouvrières.
Faire confiance à l’État bourgeois ou aux élections contre le parti xénophobe et les groupes fascistes est vain, compte tenu du fait que ces démagogues disposent toujours de complicités dans la police et l’armée, en France comme ailleurs. Les crétins réformistes comme Mélenchon croient à quelques brebis égarées, mais c’est inverser la causalité réelle.
Ici encore, c’est l’existence qui détermine la conscience. L’ouvrier, devenu policier au service de l’État capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier. Au cours des dernières années, ces policiers ont dû affronter beaucoup plus souvent les ouvriers révolutionnaires que les étudiants nationaux-socialistes. Une telle école n’est pas sans laisser de trace. (Léon Trotsky, « La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne », 27 janvier 1932, Comment vaincre le fascisme, Buchet-Chastel, p. 88, la plus grande partie de cet article essentiel, dont cette citation, est coupée dans le volume des éditions du NPA, Contre le fascisme, Syllepse, p. 196-206)
Contre les démagogues xénophobes et les bandes fascistes organisées, les appels à la police républicaine ou aux bulletins de vote (pour Chirac ou Macron) de la part des directions des syndicats de salariés et des partis politiques d’origine ouvrière ne font que désarmer les masses, tout en laissant à la bourgeoisie la possibilité de jouer cette carte. La constitution du front unique ouvrier est la seule tactique efficace. L’autodéfense résolue du prolétariat contre les nervis fascistes et les forces de répression étatiques peut permettre à la fois d’écraser le fascisme dans l’œuf et de préparer le renversement de l’État bourgeois, le pouvoir des travailleurs, les États-Unis socialistes d’Europe.
Préparer l’avenir n’est pas du sectarisme, mais du réalisme révolutionnaire. À toutes les organisations ouvrières, nous offrons un programme concret d’action sur la base du front unique prolétarien. Nous posons au centre des tâches d’aujourd’hui. L’auto-défense active du prolétariat. La force contre la force ! La milice ouvrière est la seule arme pour lutter contre les bandes fascistes auxquelles la police officielle viendra inévitablement en aide. (Léon Trotsky, « C’est au tour de la France ! Pour la Quatrième Internationale », 9 mars 1934, Face à la menace fasciste en France, GMI, p. 10)