Pour Macron, le pouvoir n’a pas failli
Par dizaines, des plaintes contre l’État et différents ministres ont été déposées pour le manque de masques, de tests, l’abandon des malades en EHPAD, etc. Une commission d’enquête parlementaire a commencé ses travaux pour établir les responsabilités des manques et des mensonges. Personne n’est dupe de la faillite de l’État bourgeois dans sa gestion calamiteuse pour prévenir l’épidémie et protéger la population. Et c’est précisément pourquoi Macron s’est une nouvelle fois employé le 14 juin à dissimuler la vérité, réécrire l’Histoire et redorer le blason des institutions de la bourgeoisie :
L’ensemble des malades qui en avaient besoin ont pu être pris en charge à l’hôpital ou dans la médecine de ville… Si nous pouvons rouvrir le pays, c’est parce qu’à chaque étape de l’épidémie chacun a pris sa part. Le Premier ministre et le Gouvernement ont travaillé d’arrache-pied, le Parlement s’est réuni, l’État a tenu, les élus de terrain se sont engagés.
Circulez, il n’y a rien à voir, tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Il a même le culot de travestir une décision prise dans l’urgence, faute de masques et de tests pour toute la population, en un modèle de sagesse et d’humanité :
Le 16 mars, nous avons fait le choix humaniste de placer la santé au-dessus de l’économie en vous demandant de rester chez vous.
Travailler plus pour restaurer la « souveraineté nationale »
Mais passée l’autocongratulation, il faut aller aux choses sérieuses. La défense du capitalisme français exige que les salariés mettent désormais les bouchées doubles :
La nouvelle étape qui s’ouvre à partir de demain va permettre d’accélérer la reprise. Il le faut et là aussi je compte sur vous. Car nous devons faire pleinement repartir notre économie en continuant de protéger les plus fragiles.
Toutefois, la pandémie de coronavirus a précipité la crise, déjà en gestation auparavant, de l’économie capitaliste mondiale. Toutes les prévisions tablent sur une chute des PIB, plus ou moins violente selon les pays. Pour la bourgeoisie française, les chiffres sont alarmants et rendent compte d’une aggravation du décrochage par rapport à son principal concurrent en Europe, l’impérialisme allemand. La rétraction du marché mondial, la crise aigüe dans secteurs clés comme l’automobile, l’aéronautique ou l’industrie pétrolière, les effets en cascade du ralentissement ou de l’arrêt des productions qui hypothèquent les conditions de la reprise, tout cela rend les bourgeoisies nerveuses et les précipite un peu plus vers le salut illusoire du protectionnisme. Macron suit le mouvement, même s’il a auparavant professé tout le contraire. Bien entendu, il faut à ce tournant le décorum indispensable de « l’indépendance de la France », de la « souveraineté nationale » et de « la Nation » avec la majuscule et le drapeau. Avec la tarte à la crème du capitalisme vert, l’écologie sert ici à justifier les taxes et mesures d’exclusion que la bourgeoisie française défendra, au plan national ou bien européen, pour préserver son pré carré contre ses concurrents :
Le moment que nous traversons et qui vient après de nombreuses crises depuis quinze ans, nous impose d’ouvrir une nouvelle étape afin de retrouver pleinement la maîtrise de nos vies, de notre destin, en France et en Europe. Ce sera la priorité des deux années à venir que je veux utiles pour la Nation. C’est aussi le cap de la décennie que nous avons devant nous. Retrouver notre indépendance pour vivre heureux et vivre mieux… Notre première priorité est donc d’abord de reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire… Il nous faut créer de nouveaux emplois en investissant dans notre indépendance technologique, numérique, industrielle et agricole. Par la recherche, la consolidation des filières, l’attractivité et les relocalisations lorsque cela se justifie. Un vrai pacte productif. Il nous faut créer les emplois de demain par la reconstruction écologique qui réconcilie production et climat : avec un plan de modernisation du pays autour de la rénovation thermique de nos bâtiments, des transports moins polluants, du soutien aux industries vertes.
Tout en tentant de préserver l’Union européenne
Cependant la bourgeoisie française est trop faible pour se passer du parapluie européen. Elle doit essayer de préserver ce cadre économique d’échanges, dont elle tire profit, qui est aujourd’hui tiré à hue et à dia. Mais l’Union européenne, comme puissance unifiée capable de faire pièce aux impérialisme américain et chinois, est une chimère. En réalité, Macron peut bien bomber le torse, la bourgeoisie française n’ira que là ou les autres bourgeoisies européennes, et notamment la bourgeoisie allemande, la plus puissante, voudront bien la laisser aller :
L’accord franco-allemand autour d’un endettement conjoint et d’un plan d’investissement pour redresser l’économie du continent est un tournant historique. En empruntant pour la première fois pour redresser l’économie du continent est un tournant historique. Une Europe indépendante qui se donne les moyens d’affirmer son identité, sa culture, sa singularité face à la Chine, aux Etats-Unis et dans le désordre mondial que nous connaissons. Une Europe plus forte, plus solidaire, plus souveraine. C’est le combat que je mènerai en votre nom dès le conseil européen de juillet et dans les deux années à venir. Cette reconstruction économique, écologique et solidaire sera la clé notre indépendance. Elle sera préparée durant tout l’été avec les forces vives de notre Nation pour être mise en œuvre au plus vite.
Pour faire supporter le fardeau de la dette aux producteurs, le « dialogue social »
Le gouvernement a dû emprunter des centaines de milliards d’euros pour maintenir aux capitalistes la tête hors de l’eau, mais il ne s’agit surtout pas de faire financer cette dette passée à 110 % du PIB français par le capital.
Au total, nous avons mobilisé près de 500 milliards d’euros pour notre économie, pour les travailleurs, pour les entrepreneurs, mais aussi pour les plus précaires. C’est inédit. Et je veux ce soir que vous le mesuriez aussi pleinement. Dans combien de pays tout cela a-t-il était fait ? Mais elles viennent s’ajouter à notre dette déjà existante. Nous ne les financerons pas en augmentant les impôts : notre pays est déjà l’un de ceux où la fiscalité est la plus lourde, même si depuis trois ans nous avons commencé à la baisser.
Le calcul de Macron est simple : les travailleurs doivent se montrent plus productifs, sous peine de licenciements, pour que le capitalisme français reparte et, avec lui, les rentrées fiscales qui pèsent pour l’essentiel sur eux, comme la TVA et la CSG. Et voilà qui fait les affaires du patronat qui milite pour faire signer partout où il l’estime nécessaire des contrats de performance collective –créés par les ordonnances Macron- qui rendent possible la diminution des salaires et/ou du nombre de jours de congé. Cela ne peut se faire sans la participation des directions syndicales au dialogue social à tous les niveaux.
La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable, plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres. Et cela, nous devons le faire, alors même que notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l’arrêt de l’économie mondiale. Il nous faut d’abord tout faire pour éviter au maximum les licenciements. C’est pour cela qu’avec les syndicats et le patronat, nous avons lancé une négociation pour que, dans toutes les entreprises, nous arrivions à préserver le plus d’emplois possible malgré les baisses d’activité.
Macron défend sa politique, l’État et la police face aux manifestations
Les travailleurs de la santé publique manifestent et exigent la satisfaction de leurs revendications. Macron a sa réponse, le dévoiement de la lutte dans l’imposture du Ségur qui actera inévitablement, avec la participation des directions syndicales qui en ont accepté le cadre, de nouvelles attaques contre l’hôpital public.
Une relance par la santé comme nous avons commencé à le faire avec la négociation du Ségur qui, non seulement revalorisera les personnels soignants mais permettra de transformer l’hôpital comme la médecine de ville par des investissements nouveaux et une organisation plus efficace et préventive.
De nombreuses manifestations ont lieu pour dénoncer le racisme et les violences policières, en écho au meurtre de George Floyd et pour la justice en mémoire d’Adama Traoré, mort dans une gendarmerie en 2016. Macron insulte les manifestants :
Nous serons intraitables face au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations et de nouvelles décisions fortes seront prises. Mais ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse ou fausse du passé. Ce combat est inacceptable lorsqu’il est récupéré par les séparatistes.
Il vole au secours de la police :
Nous ne bâtirons pas davantage notre avenir dans le désordre. Sans ordre républicain, il n’y a ni sécurité, ni liberté. Cet ordre, ce sont les policiers et les gendarmes sur notre sol qui l’assurent. Ils sont exposés à des risques quotidiens en notre nom, c’est pourquoi ils méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la Nation.
Il endosse la défense des exactions de l’État bourgeois d’hier et d’aujourd’hui :
Je vous le dis très clairement ce soir mes chers compatriotes, la République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire. La République ne déboulonnera pas de statue. Nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre Histoire, toutes nos mémoires, notre rapport à l’Afrique en particulier, pour bâtir un présent et un avenir possible, d’une rive l’autre de la Méditerranée avec une volonté de vérité et en aucun cas de revisiter ou de nier ce que nous sommes.
Pour Macron, l’issue est dans l’union nationale
L’indépendance de la France pour vivre mieux exige aussi notre unité autour de la République. Tel est le deuxième axe de cette nouvelle étape. Je nous vois nous diviser pour tout et parfois perdre le sens de notre Histoire. Nous unir autour du patriotisme républicain est une nécessité… C’est dans cet esprit de concorde que j’ai demandé aux Présidents des deux chambres parlementaires et du Conseil économique, social et environnemental de proposer quelques priorités susceptibles de rassembler le plus grand nombre. C’est aussi dans cet esprit que j’ai engagé des consultations larges que je poursuivrai durant les prochains jours. Je m’adresserai à vous en juillet pour préciser ce nouveau chemin, lancer les premières actions.
Il est question d’une nouvelle étape dans la « décentralisation » et l’« autonomie » qui permettent non seulement d’affaiblir les statuts des fonctionnaires mais aussi de distribuer des prébendes en échange de la concorde nationale :
Enfin, il me reviendra avec vous de bâtir de nouveaux équilibres dans les pouvoirs et les responsabilités. C’est le troisième axe que je vois à cette nouvelle étape. J’en ai la conviction profonde : l’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris. Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’État dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité. Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l’énergie du terrain. C’est pourquoi je veux ouvrir pour notre pays une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d’autres acteurs essentiels.
La rupture immédiate du « dialogue social », des concertations et négociations tous azimuts sur les exigences du gouvernement et des patrons, le front unique des organisations ouvrières, partis et syndicats, en défense des revendications des travailleurs sont indispensables pour stopper Macron et avec lui l’offensive de la bourgeoisie française pour faire payer la crise aux travailleurs et tenter de préserver son taux de profit.
À bas l’union nationale ! Boycott du Ségur de la Santé, des négociations des contrats de performance, des concertations du gouvernement !
Unité des organisations ouvrières, partis et syndicats, en défense de toutes les revendications : Création de postes dans les hôpitaux, titularisation des précaires, création de postes de soignants ! Du matériel et des lits en nombre suffisant ! Aucun licenciement ! Aucune réduction de salaire ou de congés ! Suspension des loyers pour les travailleurs qui ont perdu leur emploi ! Des papiers pour tous !
Expropriation des groupes capitalistes ! Aide aux étudiants pauvres, aux paysans travailleurs, aux petits commerçants, aux troupes de théâtre… !
Annulation de la dette publique ! Instauration d’un impôt sur le revenu fortement progressif, d’un véritable ISF portant sur tout le patrimoine des grosses fortunes ! Suppression de la TVA et des cotisations sociales des salariés !
Autodéfense des luttes populaires contre la police et les fascistes ! Suppression de la présidence et du Sénat, gouvernement des travailleurs, États-Unis socialistes d’Europe !