Le président « progressiste » et les migrants
Le gouvernement expulse plus que celui de Sarkozy et Fillon. Le président « progressiste » copie Le Pen.
Les bourgeois n’ont pas de problème avec l’immigration : ils ne la croisent pas. Les classes populaires vivent avec. (Emmanuel Macron aux parlementaires LREM et MoDem, 16 septembre 2019)
L’immigration ce ne sont pas les élites qui la vivent, qui la subissent, ce sont les classes populaires, ce sont les classes moyennes. (Marine Le Pen, France 2, 23 février 2012)
Les pauvres vivent difficilement, étrangers comme de nationalité française. Ni Le Pen ni Macron n’ont jamais vécu dans un des quartiers populaires où se concentrent les problèmes de pauvreté, de logement insalubre, de chômage, d’illettrisme, de délinquance. Le Pen a même grandi dans un manoir de 430 m2 situé dans un parc de 5 000 m2 (Hauts-de-Seine).
En fait, les « bourgeois » fuient la compagnie des pauvres, fussent-ils français, et fréquentent assidument des étrangers, à condition qu’ils soient riches et puissants. Les « bourgeois » ont plusieurs résidences, souvent dans plusieurs pays, mais toujours loin des pauvres (sauf si c’est du personnel domestique). Leurs loisirs se déroulent entre eux. Leurs enfants étudient séparés des enfants des travailleurs. Les capitalistes de tous les pays vivent de l’exploitation des travailleurs quelle que soit la couleur de leur peau et leur nationalité.
Aucune « politique de l’immigration » ne peut empêcher des pauvres et des persécutés de fuir leur pays, sauf à instaurer un État totalitaire, mais elle sert à les priver de droits, à les opposer aux autres travailleurs et ainsi affaiblir la classe ouvrière. En outre, la xénophobie débouche inévitablement sur le racisme envers les descendants d’immigrés arabes ou noirs, même quand ils sont français de nationalité. L’attitude de la police envers les supporteurs de l’équipe de football d’Algérie l’a montré en juillet.
La poursuite des contre-réformes
Macron et LREM poursuivent le démantèlement des bastions des luttes sociales mené méthodiquement depuis 1987 : liquidation du statut des cheminots en 2018, facilitée par la négociation du plan par les appareils syndicaux et leurs grèves par intermittences, et maintenant projet d’éclatement d’EdF, présenté aux syndicats le 20 juin.
Macron et LREM ont continué la politique de tous les gouvernements précédents contre le droit à l’instruction, au détriment des enfants des travailleurs et des travailleurs de l’enseignement public. Ils ont réussi à instaurer la sélection à l’entrée à l’université et à démanteler le baccalauréat. Ils étranglent financièrement les petites universités. Pourtant, loin de lui déclarer la guerre, les chefs syndicaux ont minimisé la portée des attaques et ont même félicité à la rentrée le gouvernement.
Ma porte a toujours été ouverte, j’ai fait plus de quatre-vingt-dix réunions avec les organisations syndicales l’année dernière. Je reste serein pour cette rentrée car mes récentes rencontres avec les syndicats me montrent que nous avons de part et d’autre envie d’un dialogue social utile et approfondi. (Jean-Michel Blanquer, Marianne, 29 août 2019)
Macron et LREM ont poursuivi la politique de tous les gouvernements précédents contre le droit à la santé de la masse de la population, aggravant les conditions de travail des travailleurs de la santé publique. La situation dramatique des services d’urgence est la conséquence la plus visible mais d’autres symptômes sont l’étranglement de la psychiatrie publique, la désertification médicale d’une partie du territoire, les tensions dans les EHPAD, la pénurie de certains médicaments…
Macron et LREM ont rendu plus facile le licenciement (ordonnances contre le travail) et s’en prennent aux chômeurs qu’ils présentent comme des fainéants qui pourraient traverser la rue pour trouver un emploi.
Le 18 juin, le gouvernement a présenté son plan contre l’assurance-chômage : les conditions d’accès à l’indemnisation sont durcies, la formule de calcul de l’allocation a été revue et le montant des allocations abaissé pour les meilleurs salaires. Les mesures entreront en vigueur entre novembre 2019 et mars 2021. D’après la simulation de l’Unedic du 4 juillet, 40 % des chômeurs (1,2 million de personnes) y perdraient.
Macron et LREM veulent porter un coup supplémentaire au droit à la retraite d’ici l’été 2020 avec le rabotage des avantages qui subsistent dans les « régimes spéciaux » et le système à points. Pour cela, ils associent étroitement les syndicats qui s’y prêtent avec servilité.
Le 6 septembre, Martinez s’est rendu à la convocation du premier ministre ; le 15, il a demandé à être reçu par le président. Qui peut croire qu’il va en sortir autre chose que ce que le candidat Macron avait annoncé et que son gouvernement n’a jamais caché ?
La deuxième phase est celle de nouvelles réformes amples, profondes, pas moins ambitieuses… (Emmanuel Macron aux parlementaires LREM et MoDem, 16 septembre 2019)
Quand le premier ministre affirme au Conseil économique et social le 12 septembre qu’il ira jusqu’au bout, les bureaucrates syndicaux qui en font partie, après l’avoir écouté docilement, déclarent à la sortie : « Je n’ai rien entendu de déterminant » (Philippe Pihet, FO, Le Monde, 13 septembre) ; « Tout cela reste un peu flou » (Régis Mezzasalma, CGT, idem). La direction de la CGT veut aller à l’Élysée tandis que celle de Solidaires se plaint de ne plus être associée aux concertations.
Les exceptions à l’austérité
L’austérité ne concerne ni les capitalistes, ni l’appareil répressif de l’État. Au passage, l’État français ne se soucie guère des règles de l’Union européenne que le RN ou LFI dénoncent comme des contraintes inacceptables imposées de l’étranger à la souveraineté française.
En 2017, pour faire passer la modification de l’ISF, le gouvernement a inventé des taxes sur les grosses cylindrées, les lingots d’or ou les yachts. Seuls quelques navires de luxe auraient payé moins de 300 000 euros en 2019. La TVA qui pèse sur la consommation populaire a rapporté 161,9 milliards d’euros en 2018.
Dans le projet de budget de l’État de 2020, le crédit impôt-recherche (6 milliards d’euros d’impôt en moins) et la niche fiscale sur le mécénat (900 millions) sont maintenus. L’impôt sur les sociétés est limité (31 % des bénéfices déclarés pour les grandes entreprises, 28 % pour les PME) et devrait reprendre sa baisse en 2021.
Quelques ministères ont des effectifs qui augmentent. Les trois premiers sont « la justice » (+ 1 183 équivalents temps plein), « l’intérieur » (+ 1 301), « les armées » (+ 452). Plus le monde s’enfonce dans la guerre commerciale, la destruction de l’environnement et les conflits armés, plus les inégalités et la paupérisation s’aggravent, plus il faut de douaniers, de flics, d’espions, de militaires, de juges et de gardiens de prison.
Quand les « réformistes » s’allient au parti de Sarkozy et Fillon
Les partis sociaux-impérialistes ne s’y opposent pas. Les parlementaires du PCF demandent à Macron plus d’argent pour l’armée, le programme de LFI demande 2 000 policiers de plus. Mais quand la police et la justice « de la République » se penchèrent sur les finances de LFI en octobre 2018, Mélenchon, Corbière et Coquerel se firent insoumis. Pour autant, LFI et son chef suprême ne considèrent pas que la justice et la police sont des instruments de la domination de classe. Leur pitoyable explication est que ces nobles institutions au-dessus des classes seraient soudain « instrumentalisées » par Macron.
Contre toute vraisemblance, Mélenchon en vient à défendre Ferrand, le président du groupe LREM et allié fidèle de Macron, qui a été pris la main dans le sac dans un financement sur fonds publics des affaires de son épouse : « peut-être M. Richard Ferrand est tombé dans un piège » (Libération, 12 septembre). À quand le soutien aux époux Balkany, et aux époux Fillon ?
LFI refusait toute unité avec le PS, mais elle n’est pas si regardante avec EELV, le MRC, voire LR. Après tout, LFI, le PCF, le PS, la CGT s’entendent déjà avec LR pour une campagne commune contre la privatisation d’Aéroports de Paris.
Une députée LFI assise au côté d’un député LR, des drapeaux CGT qui s’agitent dans une salle acclamant des élus de droite… L’image d’une telle unité est peu commune. Mercredi soir, des députés de tous bords ont partagé la scène de la Bourse du travail à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) lors du lancement de la campagne du référendum contre la privatisation du groupe ADP. Une réunion « peu banale », a reconnu le député communiste Stéphane Peu à l’origine de l’événement, mais « il y a en jeu un intérêt national qui dépasse les clivages, pour que le peuple puisse se prononcer ». (Libération, 20 juin 2019)
À partir du moment où la défense de la souveraineté nationale remplace la lutte des classes, les alliances n’ont pas de limite à droite : « C’est une cause d’intérêt général. Il faut un front très large. » (Éric Coquerel, Le Monde, 20 septembre).
Pour un front unique ouvrier en défense des retraites
Alors que les dirigeants des syndicats acceptent de poursuivre la « concertation » avec le gouvernement, sur les lieux de travail, la dispersion règne.
La RATP a connu une grève massive le 13 septembre sur la question des retraites, mais séparée : comme si les travailleurs du métro débrayaient pour la défense d’intérêts particuliers et comme s’ils pouvaient empêcher à eux seuls une loi contre toutes les retraites.
Le 16 septembre, c’étaient les travailleurs du transport aérien. Les syndicats d’EDF ont appelé à une « journée d’action » le 19 septembre contre la restructuration. FO manifeste le samedi 21 septembre à propos des retraites. La CGT appelle le 24 septembre à une « journée d’action » ralliée par Solidaires. Le Collectif inter-urgences convoque des manifestations régionales le 26 septembre.
Pour vaincre le gouvernement, pour défendre le droit à la retraite et le droit à la santé, il faut que les travailleurs imposent la fin des négociations du projet de loi contre les retraites, réalisent l’unité des organisations syndicales, préparent la grève générale.