En outre, depuis le « livre blanc » du gouvernement Mitterrand-Rocard (1991), l’État bourgeois a diminué systématiquement le droit à la retraite : allongement de la durée de cotisation à 40 ans et calcul sur les 25 meilleures années dans le privé par le gouvernement Balladur (1993), allongement de la durée de cotisation à 42 ans par le gouvernement Chirac-Raffarin (2003), alignement des « régimes spéciaux » par le gouvernement Sarkozy-Fillon (2007), report de l’âge de la retraite à 62 ans par le gouvernement Sarkozy-Fillon (2010), durée de cotisation portée à 43 ans par la gouvernement Hollande-Ayrault (2013).
Résultat : en moyenne, les travailleurs nés en 1940 sont partis à 60 ans avec 80 % de leur salaire, ceux nés en 1980 partiraient en moyenne à 64 ans avec moins de 67 %. Mais cela n’est jamais assez pour le capital.
Macron, quand il était candidat, n’a jamais caché son intention de porter un coup supplémentaire en plafonnant la part des retraites dans le PIB (alors qu’il y a de plus en plus de retraités dans la population) et en instaurant un système unique et à points. En octobre 2018, Delevoye a présenté aux chefs syndicaux le plan de Macron, Philippe et Buzyn pour préparer un projet de loi à soumettre au parlement fin 2019 ou début 2020 :
- Un régime unique (incluant les indépendants et liquidant les « régimes spéciaux ») ; l’exception sera, comme il fallait s’y attendre, les membres de l’appareil répressif de l’État (armée, police, justice) ; l’unification des régimes permettra de faire payer les pensions des « indépendants » (dont certains sont des patrons) par les salariés et fera converger les droits de ces derniers non vers le haut, mais vers le bas.
- Un système par points (comme celui adopté en 1999 pour les retraites complémentaires AGIRC-ARRCO gérées par les « partenaires sociaux » dont la CGT, FO et la CFDT) ; le système remet dans les mains de l’État la valeur du point qui fluctuera selon le niveau de croissance, l’espérance de vie de la génération partant en retraite, plus celle-ci étant grande, plus la valeur du point baisserait, etc.
Présenter une pareille diminution des moyens d’existence de toute une classe comme une « réforme », alors que c’est un crime qui est sur le point de se commettre… Après l’employeur qui prélève sur le produit du travail ouvrier le plus qu’il peut, un maximum de bénéfices, de dividendes et de profits, vous voudriez, vous, pouvoirs publics, ajouter une nouvelle prise à la prise déjà opérée. (Jules Guesde, Allocution à l’Assemblée nationale sur les retraites, 31 mars 1910)
Pourtant, pendant 18 mois, jusqu’en mai 2019, les chefs des organisations syndicales (CGT, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC, UNSA et FSU) se sont rendus docilement aux convocations du gouvernement Macron-Philippe et ont fait des « propositions » à son représentant, le « haut-commissaire » Delevoye.
Le gouvernement a ajouté au dernier moment l’âge pivot de 64 ans, conformément aux préconisations du Conseil d’orientation des retraites (auquel participent des représentants de la CFDT, de la CGT, de FO, de l’UNSA, de la CFE-CGC, de la CFTC). Mais la CFDT a renâclé sur l’âge pivot.
Fin août, rendu prudent par le mouvement inattendu des Gilets jaunes, Macron joue les prolongations, sans renoncer à l’essentiel.
Le 26 août, Emmanuel Macron a fait une annonce surprise. Interrogé, en clôture du G7 à Biarritz, sur la réforme à venir des retraites et les critiques sur l’instauration d’un âge du taux plein à 64 ans, le chef de l’État a indiqué « préférer qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge », dans les discussions à venir avec les partenaires sociaux… En privilégiant la durée de cotisation, le chef de l’État cherche le soutien de la CFDT pour cette réforme cruciale de son quinquennat. (Les Échos, 2 septembre 2019)
Les 5 septembre, les dirigeants de FO, puis de la CFTC, enfin de la CFDT sont allés à Matignon sur rencontrer Philippe, Buzyn et Delevoye (récompensé entretemps d’un poste de ministre) pour peaufiner le projet de loi ; le 6, c’était le tour de ceux de l’UNSA, de la CGT et de la CFE-CGC.
Sur la participation de FO à une éventuel processus de concertation, Yves Veyrier a prévenu : « Nous ne ferons rien qui laisse entendre que c’est perdu d’avance ». (FO, Réforme des retraites : FO réaffirme ses positions, 5 septembre 2019)
Les partenaires sociaux ont été reçus ces 5 et 6 septembre par le Premier ministre et les membres du gouvernement chargés du dossier des retraites. L’occasion de tenter d’infléchir le projet du gouvernement. (CGT, Retraite : une autre réforme est possible, 6 septembre 2019)
Les directions syndicales continuent donc à négocier l’attaque contre les retraites, l’augmentation de la durée de l’exploitation et la paupérisation des vieux travailleurs. Les bureaucrates se gardent bien de menacer le gouvernement de la grève générale. Certains camouflent leur soumission avec les sempiternelles diversions des « journées d’action » décrétées le 13 septembre à la RATP ; 21 septembre pour FO ; 24 septembre pour la CGT. Ils n’exigent même pas le retrait du projet du gouvernement.
La CGT appelle l’ensemble des salariés, les retraités et les privés d’emploi à se mobiliser dès le 24 septembre, pour imposer une amélioration des droits à la retraite de toutes et tous, pour qu’urgence sociale et urgence environnementale se conjuguent au présent. (CGT, 6 septembre 2019)
Les adjoints des bureaucraties syndicales (PCF, PS, LFI, LO, NPA, POID, UCL…) se gardent bien de dénoncer leur caution à la mise au point du projet de loi et leurs diversions. Pire, ils les appuient.
De nombreuses journées de luttes sectorielles fleurissent en ce mois de septembre, dans les services publics, les entreprises ou à l’appel des Gilets Jaunes les samedis. C’est tant mieux si elles permettent d’accumuler des forces pour converger dans un grand mouvement d’ensemble, de grèves qui se généralisent contre ce gouvernement. La grève interprofessionnelle du 24 septembre, appelée entre autres par la CGT, doit être le premier point de rendez-vous de toutes celles et de tous ceux qui veulent aller dans ce sens. (NPA, 2 septembre 2019)
Des journées de mobilisation sont organisées contre cette réforme des retraites, dont celle proposée par la CGT le 24 septembre. Ce sont des occasions à saisir pour commencer la mobilisation contre l’ensemble des attaques. (LO, 2 septembre 2019)
Le 24 septembre, à l’appel de la CGT et de Sud, les communistes seront également mobilisés dans la rue pour manifester leur colère contre cette réforme injuste. (PCF, 4 septembre 2019)
Si les directions syndicales ont une nouvelle fois les mains libres pour trahir, la défaite est assurée.
Sur les lieux de travail, dans les syndicats, discutons et organisons-nous pour empêcher ce nouveau coup contre le travail, pour vaincre le gouvernement du capital.
- Retrait du plan Macron-Philippe-Buzyn-Delevoye !
- Augmentation des cotisations patronales ! Suppression des cotisations des salariés !
- Abrogation des lois antérieures contre les retraites ! Retour aux 37,5 années de cotisation et à 60 ans d’âge de la retraite ! Calcul du montant de la pension sur les 6 meilleurs mois pour tous ! Maintien des compensations pour les femmes et les travaux pénibles ! Taux de remplacement à 75 % (sauf pour les PDG qui touchent déjà des « retraites chapeau ») ! Pas de pension au-dessous du Smic !
- Intégration des régimes de retraite complémentaires au régime général ! Une seule caisse pour tous les salariés, gérée par leurs seuls représentants !
Le capitalisme en déclin détruit toutes les conquêtes sociales antérieures. Le rôle des partis issus de la classe ouvrière et des syndicats de salariés n’est pas d’accompagner cette régression, cette réaction.
- Boycott de la concertation ! Dirigeants syndicaux, sortez du Conseil d’orientation des retraites !
- Assez des journées d’action impuissantes ! Préparation de la grève générale jusqu’au retrait du projet de loi !