À la fin des années 1960, Daniel Sanvoisin adhère à l’Organisation communiste internationaliste (OCI, section française du Comité international de la 4e Internationale). Alors que la plupart de ses camarades de l’époque ont renoncé ou sont devenus des sociaux-patriotes (au POI ou au POID, voire au PS ou à LFI), notre camarade rejoint le Comité communiste internationaliste-trotskyste (CCI-T) en 2009, tant il tient toujours à la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste. Naturellement, il devient membre du Groupe marxiste internationaliste (GMI, section française du Collectif révolution permanente) lors de la fusion du CCI-T et du GB en 2013.
En 2015, le cancer l’oblige à interrompre son activité militante. Il se met en congé du GMI mais il demeure animé par cette volonté militante et les convictions révolutionnaires que nous lui connaissions. Il est en permanence soucieux de connaitre la situation politique, l’analyse du groupe, ses déclarations, communiqués et tracts, pour pouvoir diffuser par internet des dizaines et dizaines de textes à différentes personnes de son entourage. En rémission voici deux ans, il envisage même un retour en réunions de cellule, mais ne le peut pas. Il participe encore à des manifestations politiques et syndicales à Limoges dès qu’il en a les possibilités. En janvier 2019, malgré une aggravation, il suit encore l’actualité, la révolte des Gilets jaunes particulièrement, affichant toujours le même esprit combatif pour sa classe.
Il a marqué personnellement les militants de la cellule de Limoges par la détermination dont il savait faire preuve. Daniel nous a confié avoir travaillé comme salarié dans l’édition, puis comme caviste pendant dix ans. C’était quelqu’un qui aimait la vie mais qui était sérieux et qui s’est battu ainsi les dernières années, repoussant très certainement l’échéance. Il a su par la suite qu’avant sa première intervention, ses chances de survie n’étaient que de quelques jours. Par le passé, il a fait de la compétition cycliste en amateur. Il aimait la musique, la littérature, le théâtre, le cinéma, la sculpture, l’art en général. Il affectionnait particulièrement la photo, participant à des concours (certaines de ses photos vont faire l’objet de publications).
L’antimilitarisme du plateau de Millevaches comme à Gentioux dans la Creuse, le soviet des soldats russes en 1917 au camp militaire de La Courtine, n’avaient pas de secret pour lui. Il s’est ainsi inséré dans la vie associative de cette petite ville d’Eymoutiers où sa femme et lui se sont installés définitivement à la retraite. Le « grand timonier », comme certains l’appelaient, très certainement affectueusement, dans ce coin de la Haute Vienne, aimait ce pays du colonel Guingouin. Toute proportion gardée, c’étaient deux rebelles, avec bien d’autres de cet endroit marqué historiquement par un esprit irréductible de résistance. Souvent, cela a pris la forme de lutter pour en finir avec le capitalisme et pour le communisme. Cela aura été le point commun des FTP et de Daniel.
Notre camarade, notre « copain d’Eymoutiers » comme nous disions, a même rêvé que le GMI puisse enclencher de conséquents combats prolétariens et de la jeunesse, contre le gouvernement et la classe dominante, et même dans une dimension internationale. Comme d’autres, il a pu penser que le front unique ouvrier pouvait être réalisé malgré la faiblesse de l’organisation révolutionnaire et être ainsi un tremplin pour la suite. Mais il ne suffit pas de proposer le front unique.
Avant que la maladie l’invalide, Daniel a été pour nous un camarade formateur tant il affectionnait de parler de la révolution russe, de la démocratie ouvrière qui lui tenait particulièrement à cœur et aussi du poison idéologique que constitue l’obscurantisme religieux. Il militait à la Libre pensée et a été, en Haute-Vienne, à l’origine d’un procès qui obligea des maires à rendre l’argent public octroyé illégalement pour des ostensions. D’une voix qui portait, il savait intervenir dans les meetings, même si les organisateurs lui retiraient le micro. Il aimait rappeler à chacune et chacun dans la salle, que l’avenir des enfants et des petits enfants, en sus du nôtre, la question du passage au socialisme, n’était pas seulement l’affaire des militants, mais celle de toutes et tous les présents.
Il s’engageait pleinement en précisant tout d’abord que le socialisme n’est pas pour les calendes grecques et qu’il n’y a pas de solutions partielles à mettre bout à bout, ni réformisme sans réforme qui puisse tenir, qu’il n’en existe qu’une « globale » : la prise du pouvoir par la classe ouvrière. La nécessité de dire la vérité définissait aussi notre camarade. Daniel était un roc, à la personnalité de battant, un de ces combattants communistes qui n’abandonnent pas. Son engagement à la fin de sa vie au CCI-T et au GMI n’a rien d’étonnant. Il fut indéniablement pour la cellule de Limoges un exemple qui a aidé chacune et chacun à tenir malgré les difficultés, les défaites des masses et l’incroyable régression du mouvement ouvrier.
À la fin de l’année 2018, il a subi une nouvelle attaque de la maladie et de nouveaux traitements. Il affronté courageusement les derniers mois et les trois derniers jours a sombré dans une sorte de sommeil permanent, sans souffrir. Il a tenu jusqu’au 1er mai. Il a ainsi fait un dernier pied de nez au système capitaliste et à la classe dominante, aussi bien de l’avis de ses camarades que de sa famille. C’était aussi tout à fait lui. Un dernier hommage lui a été rendu lundi 6 mai au crématorium de Landouge, en présence d’une nombreuse assistance, sa famille mais aussi des membres de la Libre pensée et ses camarades du GMI.
Nous ne l’oublierons pas, nous poursuivons son combat. Merci de t’avoir connu et bataillé avec toi, camarade !
5 juillet 2019, correspondants