Fin 2018, le gouvernement faisait d’un profond cynisme en nommant « Bienvenue en France » son projet visant à multiplier par 16 les droits d’inscription pour les étudiants hors UE, dans le prétendu but d’accroître « l’attractivité » des universités françaises à l’étranger. Face au tollé, le gouvernement a exonéré de cette mesure les doctorants, main d’œuvre scientifique indispensable aux laboratoires, hautement qualifiée et payée à peine au-dessus du SMIC. Certes, il est vrai que cette minuscule reculade du pouvoir s’est faite à moindre frais, puisque ne concernant pas la grande masse des étudiants. La ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal s’en prenait aux présidents d’université refusant d’appliquer cette mesure en évoquant un glaçant « devoir d’obéissance et… de loyauté de tout fonctionnaire » (Libération, 19 janvier).
L’offensive contre l’enseignement supérieur public complète celle qui est menée dans l’enseignement primaire et secondaire. Ainsi, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a publié jeudi 13 décembre 2018 l’ordonnance qui permet aux universités et aux grandes écoles qui le souhaitent d’expérimenter, durant 10 ans, de nouvelles formes de rapprochement, regroupement et fusion. Cette expérimentation peut aussi concerner des structures de droit privé comme des établissements de l’Église catholique. Cette nouvelle institution pourra déroger aux dispositions du code de l’Education et du code de la Recherche en s’attaquant par exemple directement aux statuts nationaux des personnels, aidé en cela par la future loi sur la fonction publique.
Le 1er février, le premier ministre Philippe annonçait un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont la mise en application est annoncée pour début 2021. A cet effet, trois « groupes de travail » ont été constitués sur les thèmes suivants : (1) recherche sur projet, financement compétitif et financement des laboratoires ; (2) attractivité des emplois et des carrières scientifiques ; (3) innovation et recherche partenariale. En mars, la ministre envoya donc aux universités trois « lettres de mission », leur disant clairement ce qu’elles devaient faire pour alimenter les réflexions des groupes de travail.
Il s’agit de faire chanter par les universités et laboratoires la chanson que le gouvernement veut bien entendre : renforcement de la recherche sur projets (dont l’ANR) ou sur contrats avec le privé, aux dépens du soutien de base aux laboratoires, mesures spéciales pour attirer les « vedettes », incitation aux chercheurs pour qu’ils s’impliquent dans l’enseignement, aux chercheurs et enseignants-chercheurs pour qu’ils s’occupent d’administration, d’innovation, de gestion de projets, etc. À aucun moment, il ne sera question du véritable problème, celui de la pénurie de moyens. L’état de délabrement dans lequel se trouvent nombre d’universités, les dizaines de formations contraintes de fermer faute de ressources, et surtout le manque criant de postes statutaires : le nombre de postes de chercheurs et d’ingénieurs, techniciens et administratifs, ouverts au CNRS diminue d’année en année, ne couvrant même plus les départs à la retraite, tandis que les universitaires sont surchargés d’heures supplémentaires d’enseignement et de tâches administratives ; par ailleurs les carrières de nombreux maîtres de conférences et chargés de recherche sont bloquées par manque de postes de professeurs et directeurs de recherche. Par contre, la précarité (CDD, post-doctorats, vacations…) n’a cessé de croitre pour atteindre près de 27 % des effectifs des établissements publics à caractère scientifique et technique (CNRS, INRA, INSERM…).
Pour croire qu’en s’exprimant sur le site web mis en place par la ministre, les chercheurs et universitaires pourraient faire valoir leurs revendications, il faut être animé de la foi aveugle des pires aveugles, ceux qui refusent de voir. Pour bloquer l’offensive contre la recherche publique et l’université, pour arracher les revendications, la première condition est de rompre avec le gouvernement, ses prétendues concertations. Les organisations syndicales doivent refuser de participer aux moindre « groupe de travail », aux discussions avec le gouvernement sur ses projets contre les étudiants, les universitaires et les chercheurs. Il faut organiser les travailleurs de la recherche et de l’universités, les étudiants en assemblées générales qui décident démocratiquement, qui se coordonnent à l’échelle locale et nationale, préparer la grève générale jusqu’à satisfaction.
À bas tous les projets de destruction de l’enseignement supérieur public ! Abrogation de toutes les attaques antérieures de Macron-Philippe-Vidal ! Non à la « recherche par projet » ! Boycott des discussions des attaques du gouvernement ! Boycott du CNESER et de tous les organes de cogestion ! Patronat hors des facs ! Pour une université ouverte à tous ceux qui souhaitent s’instruire ! Gratuité de l’inscription à l’université pour tous, quelle que soit la nationalité ! Rétablissement intégral du cadre national des diplômes ! Allocation d’autonomie pour tous les étudiants ! Embauche massive de personnels titulaires pour absorber le supplément d’étudiants ! Titularisation de tous les précaires ! Construction des locaux nécessaires à l’enseignement !