Les deux faces de la politique commerciale de la bourgeoisie, le libre-échange et le protectionnisme, sont, évidemment, incapables d’échapper aux conséquences inévitables de la base économique de la société bourgeoise. (Karl Marx, New York Daily Tribune, 1er novembre 1852)
L’impérialisme canadien et l’internationalisation des forces productives
Le Canada est passé de la sphère britannique à l’influence étasunienne sans bouleversement majeur. Cela tient à ce que la bourgeoisie des États-Unis a affirmé son hégémonie sur le capitalisme mondial au cours de deux conflits mondiaux en s’alliant avec la bourgeoisie britannique, en se la subordonnant. Après-2e Guerre mondiale, l’État canadien a évidemment rejoint l’ONU, le FMI, l’AGETAC-OMC et l’OTAN. L’armée canadienne a participé aux guerres impérialistes conduites par l’armée étasunienne contre la Corée et la Chine (1950-53) et contre l’Irak (1990-91).
De son côté, l’État britannique a consacré l’échec de son Commonwealth, auquel appartenait le Canada, en adhérant à l’Union européenne en 1973.
Malgré sa dépendance aux deux puissances impérialistes hégémoniques successives et la création collatérale d’une fraction compradore de la bourgeoisie (qui gère des filiales de groupes étrangers résultant de l’investissement direct étranger), le Canada a été le siège d’une accumulation précoce de capital. Cela a permis la croissance d’une bourgeoisie nationale qui possédait et qui gérait des entreprises canadiennes dont certaines allaient grandir. La classe dominante s’est dotée rapidement de bourses de matières premières et d’actifs financiers (Toronto, Montréal, Vancouver, Alberta). Cela classait dès le début du XXe siècle le Canada parmi les impérialistes secondaires, comme la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, l’Australie, etc.
L’époque de l’expansion et de la concentration des banques, du chemin de fer et du grand commerce d’exportation a été suivie par une étape de création d’un marché financier interne… Cette étape fut (1915-1940) fut aussi celle de l’apogée des pâtes et papiers et de leur ressource énergétique, l’hydro-électricité. Mais c’est à la période suivante (1940-1970) que l’investissement étranger attendra son maximum, notamment dans les industries du pétrole, du gaz, de l’extraction de fer et de l’automobile. Parallèlement, la bourgeoisie canadienne s’étendait dans le commerce de détail, dans l’immobilier, les nouvelles industries financières, les mass media et les transports routiers. Depuis 1970, l’investissement étranger tend à décliner et l’État canadien intervient de façon plus nette en faveur de la bourgeoisie autochtone. (Jorge Niosi, La Bourgeoisie canadienne, Boréal Express, 1980, p. 210)
La bourgeoisie canadienne est à la tête de groupes transnationaux : en 2018, selon le magazine Forbes, 51 entreprises canadiennes figurent parmi les 2 000 plus grandes du monde (au 9e rang, derrière l’Allemagne et devant la Suisse). Depuis 35 ans, elle exporte massivement du capital, en fondant des filiales à l’étranger ou en rachetant des entreprises existantes dans le reste du monde (investissement direct à l’étranger).
Non seulement le capital canadien n’a pas été englouti par le capital américain, il a émergé comme un vigoureux acteur international à son compte. (David McNally, Capital and Class, printemps 1991)
Comme beaucoup de pays avancés de taille économique réduite, sa dépendance à l’égard du marché mondial est grande.
C’est ce qui explique que l’État canadien a signé l’Accord de libre-échange canado-américain (ALE/CUSFTA) avec son puissant voisin en 1988 puis l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA/NAFTA) avec les États-Unis et le Mexique en 1992. Ceux-ci sont aussi, sans le dire, des ripostes des EU à l’Union européenne. Cela n’a pas empêché le Canada de conclure avec celle-ci en 2016 l’accord économique et commercial global (AECG/CETA).
Depuis l’entrée en vigueur en 1994 de l’ALENA, le commerce de marchandises entre le Canada et les États-Unis a été multiplié par deux et celui avec le Mexique par neuf.
Le résultat le plus spectaculaire a été une certaine industrialisation du Mexique et l’amélioration de sa balance des échanges de biens, sans que sa classe ouvrière converge avec les niveaux de vie des salariés des États-Unis et du Canada. Par contre, les capitalistes étatsuniens et canadiens ont utilisé la mise en concurrence de leur force de travail avec celle du capital mexicain, mais aussi celle du capital chinois –hors de tout traité– pour revenir sur les concessions économiques et sociales antérieures. L’agriculture mexicaine s’est concentrée en raison de l’arrivée massive sur le marché mexicain de maïs américain subventionné et issu de l’agriculture intensive, au détriment des petits paysans autochtones. Le Mexique, loin de sortir de son arriération économique, s’est délité socialement et politiquement sous l’influence du grand banditisme, le capitalisme illégal des drogues dont le principal débouché est aux États-Unis, évidemment placées en dehors de tout accord commercial. Cela a conduit à l’élection en 2018 de Andrés Manuel López Obrador (MoReNa) à la présidence.
La mise en cause brutale par Trump de l’ALENA
Bien avant l’élection du capitaliste Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier 2017, l’État américain expulsait par millions les migrants illégaux (2 millions sous Obama) et dressait un mur à la frontière mexicaine (décision prise en 2006). Bien avant, la négociation « multilatérale » (au sens de mondiale) était en crise : le « cycle de Doha » lancé en 2001 sous l’égide de l’OMC a échoué, les États lui préférant plutôt des traités bilatéraux et des accords régionaux (comme l’UE, l’ALENA, le Mercosur, etc.). Bien avant Trump, la crise capitaliste mondiale de 2008-2009 a suscité un regain de pratiques protectionnistes.
Les augmentations de droits de douane ne sont pas nouvelles. Elles ont été précédées d’un retour en arrière nourri par le populisme contre la mondialisation et le libre-échange, aggravé par l’éclatement de la crise financière mondiale en 2008. D’autres mesures qui faussent les investissements et les échanges sont les subventions, comme les quotas, les restrictions de sécurité nationale et les entreprises étatiques, sont aussi en vogue. (The Economist Intelligence Unit, Aftershock, the pervasive effects of tariff hikes, février 2019)
Bien avant Trump, le gouvernement américain décrétait des embargos (Cuba, Iran…) et sa justice sanctionnait des groupes capitalistes concurrents des siens au nom de ces embargos ou de la lutte contre la corruption.
L’affairiste, une fois élu, a ajusté brutalement la doctrine à la pratique [voir Avant-Garde n° 2]. Il a ouvertement rejeté le cadre multilatéral pour revoir les relations commerciales, pays par pays, afin d’arracher des conditions plus favorables aux entreprises américaines, spécialement celles qui souffrent de la compétition mondiale… que la bourgeoisie américaine elle-même avait imposée à une autre époque.
Même si la cible essentielle de Trump est la Chine devenue capitaliste à la fin du XXe siècle, l’offensive a concerné aussi des pays dominés comme le Mexique, accusé d’envoyer des flots de criminels aux États-Unis, et de vieux alliés impérialistes comme l’Allemagne ou le Canada, accusés de fausser la concurrence.
Le 20 janvier 2017, le président des EU mit en cause l’ALENA. Le 23, les États-Unis se retirèrent officiellement du Partenariat transpacifique (PTP) signé aussi par le Canada et le Mexique. Trump, avec sa subtilité et sa probité habituelles, déclara le 27 août que le traité ALENA était le plus mauvais accord jamais signé par les États-Unis et même le pire signé par tout pays dans l’histoire.
Le président américain, Donald Trump, récidive. Il a affirmé, dimanche, sur son compte Twitter, que les États-Unis devront peut-être mettre fin à la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain. Donald Trump écrit que l’ALENA est le « pire accord commercial jamais conclu ». (La Presse canadienne, 28 août 2017)
Le gouvernement étasunien a utilisé le chantage pour négocier séparément un nouveau traité avec le gouvernement mexicain d’alors, celui d’Enrique Peña Nieto (PRI), d’un côté et avec celui de Justin Trudeau (PL) de l’autre : à partir du 1er juin 2018, des surtaxes frappent sur l’aluminium (+10 %) et l’acier (+25 %) importés de l’Union européenne, du Canada et du Mexique. Le Canada a déposé plainte auprès de l’organisme de règlement des différends de l’OMC qui lui donnera probablement raison. En attendant, comme premier client de l’acier américain, il a riposté par l’augmentation de ses propres droits de douane.
Le gouvernement du Canada a annoncé une réponse directe, mesurée et proportionnelle aux droits de douane imposés par les États-Unis sur l’acier et l’aluminium canadiens, soit des surtaxes réciproques sur des importations d’acier, d’aluminium et d’autres produits en provenance des États-Unis à hauteur de 16,6 milliards de dollars à compter du 1er juillet 2018. (Gouvernement canadien, Communiqué, 29 juin 2018)
Le Mexique a également relevé ses droits de douane sur l’acier et certains aliments importés des États-Unis.
Beaucoup de bruit pour pas grand-chose
Après les rodomontades du président des EU, des parlementaires comme Kevin Brady (Republican Party), les hauts fonctionnaires de Washington et les grands groupes capitalistes étatsuniens ont calmé le jeu. Les trois États ont conclu le nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM/CUSMA/TMEC) le 30 septembre 2018 puis le traité a été officiellement signé le 30 novembre 2018. Le gouvernement François Legault (CAQ) du Québec l’a aussitôt approuvé.
L’ACEUM permet de maintenir un accès préférentiel à la fois aux marchés mexicain et étatsunien, tout en consolidant l’économie nord-américaine dans son ensemble. Du total des exportations des produits québécois, plus de 70 % sont destinés au marché étatsunien. En 2017, le Mexique détenait le premier rang des partenaires commerciaux du Québec en Amérique latine, et le troisième rang mondial derrière les États-Unis et la Chine. Plusieurs entreprises québécoises détiennent des usines aux États-Unis ou au Mexique et comptent sur le maintien de relations commerciales prévisibles et solides au sein des trois partenaires commerciaux nord-américains. (Ministère de l’économie du Québec)
L’ALENA n’a été revu qu’à la marge, ce qui invalide aussi les propos lénifiants du premier ministre à l’adresse des salariés.
L’accord que nous avons conclu aujourd’hui est bon pour le Canada, pour les entreprises canadiennes et, surtout, pour les travailleurs canadiens et leurs familles. (Justin Trudeau, 1er octobre 2018)
L’État canadien a obtenu la reconduction du mécanisme de règlement des différends de l’ALENA (article 31). De même, les groupes capitalistes n’auront pas le droit de poursuivre un État signataire pour atteinte à leurs profits. Par contre, les États-Unis se donnent un droit de véto sur tout traité commercial du Mexique ou du Canada avec la Chine (art. 32).
Les dispositions sur le droit du travail (art. 23) sont décoratives : comme avec l’ALENA, les États devront simplement appliquer leur propre droit du travail. Un « conseil du travail » est bien créé, mais il sera composé des représentants des trois gouvernements, ne se réunira que tous les deux ans et décidera par consensus (autrement dit à l’unanimité). Les patrons des trois pays peuvent donc dormir tranquilles.
Dans l’industrie automobile, les règles d’origine des véhicules sont officiellement durcies (lettres d’accompagnement du traité). Pour continuer à ne pas acquitter de droit de douane, les véhicules doivent désormais comporter 75 % (au lieu de 62,5 %) de fabrication dans les trois pays. Cette mesure ne permettra évidemment pas de rapatrier des emplois aux EU. Par exemple, GM peut y fermer quatre usines aux EU et une au Canada dans l’Ontario, sans subir une taxation à l’entrée aux EU, du moment que les véhicules sont fabriqués au Mexique.
Le syndicat Unifor, qui représentant plus de 2 500 travailleurs d’Oshawa, a appris qu’il n’y aurait plus de production à l’usine d’assemblage ontarienne après décembre 2019… Ces fermetures surviennent au moment où les tarifs sur l’acier et l’aluminium pèsent sur les activités des constructeurs automobiles nord-américains. (La Presse canadienne, 26 novembre 2018)
À partir de 2024, 40 % des voitures et 45 % des camions devront provenir d’installations avec des salaires d’au moins 16 dollars étasuniens (USD) de l’heure. C’est de la poudre jetée aux yeux des ouvriers américains et canadiens qui croient à tort que leurs adversaires sont les ouvriers mexicains : la plupart des véhicules envoyés du Mexique aux États-Unis, surtout les camions, comprennent déjà plus de 45 % de pièces provenant des EU ou du Canada, donc payés au-delà de 16 USD/h. Ensuite, l’inflation, d’ici 2024, peut rogner le salaire réel que représentent les 16 dollars nominaux (la perte de pouvoir d’achat de l’USD a été de 2 % sur la seule année 2018). Enfin, les entreprises mexicaines, la plupart des filiales de groupes étatsuniens, si la pénalité est réelle sur les camions (25 % de droits de douane), pourront préférer acquitter sans douleur les droits de douanes sur les voitures (2,5 %) plutôt qu’augmenter les salaires.
Les capitalistes s’approprient les découvertes des travailleurs de la recherche en déposant des brevets et des patentes. Cela englobe les appareils médicaux et les médicaments (20 ans avant de tomber dans le domaine public). Mais cela ne suffit pas aux groupes de la chimie. Ainsi, ils avaient obtenu que l’ALENA consolide leur rente, en interdisant la vente d’un autre traitement pour la même maladie pendant 8 ans. Tant pis pour la concurrence et le sacro-saint marché ! L’ACEUM porte ce privilège à 10 ans au détriment de la santé de la population et des systèmes publics de santé.
La principale concession du gouvernement Trudeau concerne l’agriculture, avec une ouverture du marché du lait, des œufs et des volailles (art. 3). Jusqu’à présent, dans le système actuel de « gestion de l’offre », l’État impose des droits de douane sur les importations qui dépassent le quota établi (jusqu’à 300 % pour les produits laitiers).
Les producteurs laitiers du Québec accusent Ottawa d’avoir cédé aux Américains une partie de sa « souveraineté sur la politique laitière canadienne ». Ils déplorent que le gouvernement fédéral ait accepté de « plafonner les exportations de solides non gras du lait canadien, d’appliquer une surtaxe aux exportations qui excéderaient un certain seuil et d’avoir accepté de se soumettre à l’examen des Américains pour tous changements à la classification et aux prix de vente du lait ». (Radio-Canada, 30 novembre 2018)
Mais l’ouverture du marché laitier avait déjà été concédée par le gouvernement de Stephen Harper (PC/CP) en 2017 pour le Partenariat transpacifique et les États-Unis ouvrent pour leur part les marchés de produits contenant du sucre, le beurre d’arachides et la margarine.
La menace de tarifs douaniers de 25 % sur les exportations canadiennes d’automobiles vers les États-Unis est levée, mais Trump n’a pas annulé les droits de douane exceptionnels sur l’acier et l’aluminium canadien ou mexicain. Même l’empressement de Trudeau à arrêter le 1er décembre une dirigeante du groupe chinois des télécommunications Huawei, pour complaire à Trump, n’y a rien fait.
Pour l’instant, l’ALENA reste en vigueur.
L’ACEUM est étudié pour ratification dans les trois parlements nationaux. Le Canada et le Mexique semblent vouloir attendre que les États-Unis s’engagent les premiers, ou du moins que Donald Trump lève ses tarifs douaniers dans l’acier et l’aluminium, avant d’apposer leurs sceaux à leur tour. (Le Devoir, 20 février 2019)
Ni protectionnisme, ni libre-échange : solidarité ouvrière et internationalisme !
Illustrant l’impossibilité d’une indépendance économique du Québec, le gouvernement PQ a soutenu en 1988 le traité, jouant la carte des États-Unis contre le Canada.
Historiquement, l’appui des porte-paroles souverainistes à un accord de libre-échange à l’échelle nord-américaine allait de soi. Pour Jacques Parizeau et Bernard Landry, réduire la dépendance de l’économie du Québec au marché intérieur canadien, ça ne pouvait qu’aider le projet de pays. (Le Journal de Québec, 31 août 2018)
Les fracassantes accusations de Trump contre l’ALENA ont rendu difficile la reformation du bloc qui s’était constituée au moment des négociations du premier traité États-Unis–Canada.
Aux élections de 1988, alors que le « libre-échange » était la question-clé, « Canadian Dimension », qui n’est pourtant pas partisane des libéraux, avait appelé le PL/LP et le NPD/NDP à ne présenter qu’un candidat dans chaque circonscription. (Canadian Dimension, mars-avril 2008)
Sous les auspices de Canadian Dimension et de L’Aut’Journal, les principales bureaucraties syndicales (CTC/CLC, CAW/TCA-UNIFOR, FTQ) et le parti « réformiste » NPD/NDP avaient subordonné politiquement, au nom de « l’indépendance nationale », la classe ouvrière aux secteurs arriérés du capital canadien et aux politiciens bourgeois protectionnistes.
Il y a 120 ans, nous avons construit ce pays à l’est, à l’ouest et au nord, nous l’avons construit sur une infrastructure qui a fermement résisté à la pression continentale des États-Unis. Nous avons poursuivi cela durant 120 ans. Avec une signature, vous avez renversé cela, vous nous avez exposés à l’influence nord-sud des États-Unis, et vous allez nous réduire à l’état de colonie… (John Turner, chef du PL/LP, 31 août 1988)
Dans le droit fil, la vague « anti-mondialisation » a débuté en 1999 à Seattle (États-Unis). Elle visait non le capitalisme mondial mais une politique particulière (le néo-libéralisme et le libre-échange), non les États bourgeois hypertrophiés et surarmés mais l’OMC. Les ATTAC se multiplièrent (au Québec, en 2000), mélangeant keynésianisme bourgeois et écologisme petit-bourgeois, tentant de donner un vernis progressiste au protectionnisme.
Le mouvement ouvrier révolutionnaire n’envisage jamais de protéger l’industrie et le commerce. (Rosa Luxemburg, La Question nationale et l’autonomie, 1908)
Plus réactionnaire est le rôle joué par les frontières nationales dans le système économique mondial, plus âprement elles sont défendues… (Lev Trotsky, Devant une nouvelle guerre mondiale, 9 août 1937)
En 2001, une sorte de front populaire international s’est concrétisé sous la forme du Forum social mondial (FSM) à Porto Alegre (Brésil), sous l’impulsion d’une aile de l’Église catholique, du gouvernement bourgeois brésilien, de la bureaucratie étatique cubaine, de bureaucraties syndicales (dont la CUT brésilienne), du stalinisme européen recyclé (PRC italien, Syriza grecque…), de publications rescapées du tiers-mondisme (Le Monde diplomatique) ou du stalino-maoïsme (Monthly Review). Le FSM, aussi bavard qu’impuissant, ralliait les divers écologistes, la mouvance anarchiste et la quasi-totalité des formations « trotskystes » à la recherche de substitut à la classe ouvrière et à la révolution sociale : la QI pablo-mandélienne, le CIO et la TMI pablo-grantistes, la FTQI, l’UIT et la LIT pablo-morénistes, la TSI cliffiste et la L5I post-cliffiste… Les principaux organisateurs du Forum social européen (FSE) de Londres en 2004 furent d’ailleurs le SWP cliffiste (par son front Socialist Resistance) et la SA pablo-mandéliste (grâce à ses liens étroits avec le maire Livingstone –Parti travailliste– de Londres).
Depuis l’intervention à grande échelle dans l’économie de tous les États impérialistes, mais chacun pour soi, lors de la crise capitaliste mondiale de 2007-2009, le FSM et le FSE entrèrent en déclin. L’accession au gouvernement de la Syriza pour appliquer en 2007 (en coalition avec le parti fascisant ANEL), l’austérité et les décisions des bourgeoisies impérialistes allemande et française les ont mis à l’agonie (ce qu’a prouvé le FSM de 2016 à Montréal). Le tournant antilibéral de l’État américain pourrait enfoncer les clous sur son cercueil car le populisme supplante partout l’antimondialisme.
Dans chaque État d’Amérique du Nord, il y a des classes qui sont opposées en tout : une minorité vit dans l’opulence, une majorité vit dans la pauvreté et la précarité. La plus grande partie de la société, que ses membres parlent anglais, espagnol, français, nahuatl ou maya, est forcée de travailler dans les entreprises et les domiciles de l’oligarchie privilégiée. La véritable patrie des ouvriers et employés du Canada, des États-Unis et du Mexique est le prolétariat continental et mondial. Leurs ennemis sont ceux qui les exploitent, les oppriment, les divisent et entraînent l’humanité tout entière à la catastrophe.
Si les travailleurs doivent accepter que le Mexique protège le temps nécessaire telle ou telle activité économique face à la concurrence impérialiste, s’ils doivent reconnaitre au Québec le droit de se séparer du Canada, s’ils doivent défendre les minorités opprimées (Noirs, Amérindiens, etc.), ils n’ont rien à gagner ni au soi-disant libre-échange, ni au protectionnisme réactionnaire. La classe ouvrière a tout à perdre aux « murs » et à la fermeture des frontières qui est illusoire sans un régime totalitaire dont elle serait la première victime. Même en démocratie bourgeoise, toute « politique de l’immigration » aboutit à précariser les immigrés rendus illégaux, à les contraindre à accepter des salaires et des conditions de travail souvent ignobles qui les dégradent et les empêchent de lutter collectivement, qui divisent et affaiblissent le prolétariat tout entier.
Quelle que soit leur langue et leur ethnie d’origine, les travailleurs du Canada, des États-Unis et du Mexique doivent s’unir au sein d’une nouvelle internationale ouvrière, se traduisant dans chaque État par un parti révolutionnaire distinct de tout parti bourgeois et opposé à tout parti bourgeois.
Non à la fermeture de l’usine GM d’Oshawa ! Expropriation sans indemnité des grands groupes capitalistes !
Augmentation des salaires et indexation sur la hausse des prix ! Embauche de tous les chômeurs par la baisse du temps de travail !
Mêmes droits pour les travailleurs des trois États, alignés sur la solution existante la plus avantageuse ! Suppression du « syndicalisme » étatique et patronal (charro), aucune cogestion syndicale d’entreprise, suppression des entraves au droit de grève ! Liberté de circulation et d’établissement pour tous les travailleurs, réfugiés et étudiants du continent et d’ailleurs !
Sortie du groupe de Lima ! Fin de l’armée de métier et abolition de l’OTAN ! Gouvernement ouvrier ! Fédération socialiste d’Amérique du Nord !