Le mouvement des « gilets jaunes » déclenché mi-novembre à cause de la hausse du prix des carburants est resté de taille relativement réduite. Néanmoins, il a plus affaibli le gouvernement Macron-Philippe fin 2018 que tous les simulacres de lutte des directions syndicales. Dès le début, les protestataires s’en prennent directement au président et réclament sa démission.
Une composante de salariés, de chômeurs et de paysans travailleurs en gilets jaunes vise, au-delà de la personne de Macron, le capitalisme français qui les exploite férocement ou les rejette carrément dans les marges de la société. Ceux-ci dénoncent la misère, réclament des augmentations du smic, défendent le pouvoir d’achat des pensions, le maintien et la qualité des services publics, le rétablissement de l’ISF…
On trouve aussi des travailleurs « indépendants » et les petits patrons en gilets jaunes victimes de la concurrence et de la domination d’autres patrons (ceux de la grande industrie, des banques, de la grande distribution). Ils se plaignent surtout des impôts en général et des « charges patronales » (c’est-à-dire du salaire collectivisé versé par les employeurs). Les partis xénophobes (RN, LP, DlF…) et les groupes fascistes (Civitas, BS, AF, GI…) y trouvent naturellement une audience. Cette composante exalte le « référendum d’initiative citoyenne » pour protéger la propriété privée et l’État bourgeois. Or, un référendum sert souvent à diviser le prolétariat autour d’une fausse alternative : par exemple, le référendum sur la constitution européenne en 2005. Encore moins démocratique, il arrive qu’il entérine un coup d’État, comme ceux commis en 1851 par Louis-Napoléon Bonaparte et en 1958 par le général De Gaulle.
Les principales organisations ouvrières, dont plus d’une a voté Macron et toutes ont refusé d’appeler à la grève générale quand il s’en est pris aux cheminots, se révèlent incapables de prendre la tête de la protestation, d’opérer la jonction du prolétariat des petites villes avec celui des grandes, de le libérer de la mainmise des petits patrons et des partis racistes ou fascistes. Cela contribue à l’incapacité du mouvement à se structurer, la persistance du drapeau tricolore, son enfermement dans les blocages de ronds-points, la répétition des manifestions chaque samedi dans la capitale et les métropoles régionales.
Macron en profite. Il convoque le 3 décembre les partis politiques, qui se rendent tous à la convocation de Philippe (y compris le PS, le PCF et LFI). Le 10 décembre, les confédérations syndicales (CFDT, CGT, FO…) font de même. Les appareils syndicaux, sauf celui de Solidaires, défendent l’ordre bourgeois en suppliant : « le dialogue et l’écoute doivent retrouver leur place dans notre pays… Nos organisations dénoncent toutes formes de violence » (CFDT, CGT, FO, UNSA, FSU, Communiqué intersyndical, 7 décembre). Pourtant, Macron et Philippe envoient les CRS, la gendarmerie mobile, les BAC… intimider et réprimer les élèves et les « gilets jaunes » avec des milliers de garde à vue, des centaines de blessés, des dizaines d’estropiés… Le droit de manifester est encore restreint.
Et le gouvernement annonce qu’il ne reviendra pas sur ses cadeaux aux riches et aux patrons, qu’il veut poursuivre ses coups contre les travailleurs (sanctions aux chômeurs, diminution du nombre de fonctionnaires, nouvelle attaque contre le droit à la retraite). Macron n’a pas changé, ni changé sa politique : « on va davantage responsabiliser les pauvres car il y en a qui déconnent » (16 janvier). Les négociations entre le gouvernement et « les partenaires sociaux » reprennent le 21 janvier sur le plan contre les retraites. Un décret paru le 30 décembre renforce le contrôle des chômeurs alors que se poursuit la négociation sur l’assurance chômage avec les « partenaires sociaux ».
Pour vaincre et chasser Macron, il faut que les travailleurs imposent aux partis d’origine ouvrière et aux organisations syndicales de rompre les négociations des plans contre les fonctionnaires, contre les chômeurs, contre les retraites, de sortir du Conseil d’orientation des retraites et de boycotter le « grand débat national ».
Pour supprimer les impôts qui touchent la consommation populaire et populaire (TVA, TICPE, CTA, CSPE, TCFE, TICGN…), pour instaurer des impôts qui pèsent surtout sur les gros patrimoines et sur les hauts revenus, pour arracher la hausse des salaires et leur indexation et celle des revenus sociaux sur l’inflation, pour préserver les retraites, pour exproprier les sociétés d’autoroute, les banques et les groupes capitalistes automobiles, pour supprimer la présidence de la république et le Sénat, pour la révocabilité des élus et leur rémunération à hauteur des travailleurs qualifiés, les travailleurs en gilets jaunes doivent se confronter au capital et recevoir l’appui du reste de la classe ouvrière.
À cette condition, la classe ouvrière pourra organiser sa défense contre la police et les fascistes, rallier les autres travailleurs (indépendants, cadres), déclencher la grève générale, ouvrir la voie d’une démocratie supérieure à celle de la 5e République, comme celle de la Commune de Paris de 1871 ou des soviets russes de 1917.
21 janvier 2018