Les conquêtes sociales arrachées par l’armement du peuple (1944-1945) et par la grève générale (1936, 1968) sont démantelés par les gouvernements successifs depuis les crises capitalistes mondiales de 1973 et de 2008. En ce qui concerne le droit du travail, à chacune des quinze contre-réformes, le patron fait encore plus la loi ; les licenciements sont de plus en plus faciles. Il en est de même dans les pays voisins : Danemark, Espagne, Grande-Bretagne, Italie, Allemagne… De même, chaque contre-réforme de la protection sociale et de la fiscalité aboutit à ce que les patrons et les riches contribuent moins. Tous les États bourgeois s’en prennent, dans une course sans fin, à la classe ouvrière pour améliorer le taux de profit dans le pays, attirer les groupes multinationaux et essayer de conserver une place aux leurs dans la concurrence mondiale.
Puisque l’on entre dans un monde très schumpetérien, il est important de libérer le processus de « destruction créatrice ». (Macron, Le Point, 31 août)
Les syndicats associés
Le PS a préparé le terrain à Macron avec la loi Hollande-Macron (2015) et la loi Hollande-El Khomri (2016). L’accroissement de la précarité, l’allègement des protections des salariés d’un Code du travail déjà bien édulcoré, le candidat Macron (ancien banquier, ancien ministre de Hollande) les avait promis aux patrons. Le gouvernement Macron-Philippe les avait annoncés comme sa priorité en juin. Les députés LREM, LR, Modem ont autorisé en juillet le gouvernement à opérer sous forme d’ordonnances pour le « renforcement du dialogue social ».
Pourtant, les chefs de la CGT, de la CFDT, de FO, de la CFTC et de la CFE-CGC ont négocié au cours de dizaines de réunions :
23 mai, convocation à l’Élysée des « partenaires sociaux » par le président de la République : personne ne manque ;
24-31 mai, convocation à Matignon des « partenaires sociaux » par le Premier ministre : personne ne manque ;
9 juin-12 juillet, réunions bilatérales au ministère du travail : personne ne manque ;
24-27 juillet, convocation à Matignon des « partenaires sociaux » par le Premier ministre : personne ne manque ;
22-25 août, présentation des projets d’ordonnances par la ministre du Travail aux « partenaires sociaux » : personne ne manque ;
31 août, convocation à Matignon des « partenaires sociaux » par le Premier ministre pour leur présenter les ordonnances : personne ne manque.
Toutes ces concertations officielles n’ont pas suffi à certains.
L’une de ces messes basses, tenues à la mi-juillet, est restée injustement inédite : l’huissier du ministère du Travail, qui aurait dû conduire très discrètement Mailly jusqu’à Muriel Pénicaud, s’est trompé et il l’a introduit dans la pièce occupée par la délégation d’un syndicat concurrent venu négocier (très officiellement, lui) avec les conseillers de la ministre ! Quelques minutes plus tard, l’huissier a réapparu, confus : « Excusez-moi, monsieur Mailly, je ne devais pas vous laisser avec ces messieurs-dames ». (Le Canard enchaîné, 13 septembre)
Pendant trois mois, tous les dirigeants syndicaux ont écouté respectueusement le gouvernement Macron-Philippe et lui ont fait des « propositions ». Et LFI, PS, PCF, LO, POID, POI… n’ont rien trouvé à y redire (d’ailleurs, le PCF lui aussi fait « des contrepropositions claires »). Si le NPA a relevé la stupidité de se prêter aux consultations gouvernementales, le rassemblement syndical qu’il anime (Front social) s’est bien gardé d’engager le combat contre les bureaucrates qui s’y pliaient.
Pour justifier leur caution des opérations anti-ouvrières des gouvernements successifs, les bureaucrates arguent soit qu’ils ont obtenu des contreparties (en général insignifiantes au regard des contre-réformes ; cette fois-ci, c’était l’augmentation des indemnités de licenciement), soit qu’ils ont limité les dégâts (sans eux, le gouvernement nous aurait coupé un bras entier au lieu d’une seule main).
La CFTC s’est félicitée qu’aucune de ses lignes rouges n’ait été franchie. (Les Échos, 2 septembre)
Il y a des points de désaccords, mais nous avons bloqué plein de choses, ça aurait pu être la bérézina. (Jean-Claude Mailly, Le Monde, 2 septembre)
Le résultat du « dialogue social »
Mais qu’ont « bloqué » Martinez, Berger, Mailly et compagnie ?
La réforme est loin d’avoir accouché d’une souris, convenant pour l’essentiel au patronat. (Les Échos, 2 septembre)
Jamais un pouvoir n’avait osé aller aussi loin dans la prise en compte des revendications patronales, qu’il s’agisse du plafonnement des indemnités prud’homales, de la possibilité de négocier sans syndicat dans les PME ou de la fusion des instances représentatives du personnel. (Le Monde, 2 septembre)
Le pouvoir exécutif a tenu son calendrier. De toutes ces concertations officielles et officieuses, est sortie une attaque d’envergure sous forme de cinq ordonnances communiquées le 31 août, adoptées au Conseil des ministres du 22 septembre, publiées au Journal officiel le 25 septembre.
Le contrat « de chantier » ou « de projet » est étendu à toutes les branches.
En cas de passation d’un contrat de sous-traitance, de nettoyage, de sécurité… d’une firme à une autre, les anciens contrats de travail pourront être revus par le nouvel employeur.
Dans les entreprises jusqu’à 50 salariés, le patron peut discuter et faire signer des accords d’entreprise en dehors des syndicats sur tous les sujets. Un vote à la majorité (donc un référendum) suffit à avaliser l’accord et à contourner les accords de branche.
La situation économique des grandes entreprises qui décident un licenciement collectif est appréciée uniquement au niveau de la filiale nationale et non au niveau du groupe.
Les indemnités pour licenciement abusif qu’impose parfois aux employeurs le conseil de prud’hommes (4 juges : 2 patrons, 2 salariés) sont plafonnées.
La « rupture conventionnelle » de la loi Sarkozy-Bertrand (2008) qui permet de camoufler les licenciements sera élargie, elle devient possible à l’échelle collective. L’employeur pourra embaucher librement aussitôt après avoir chassé un lot de travailleurs. Le refus d’un/e salarié/e d’accepter la modification de son contrat de travail par un accord collectif est assimilé à une démission.
Le comité d’hygiène et de sécurité, qui protège un peu les salariés, est supprimé. Le « conseil d’entreprise » remplace les DP, le CE et le CHSCT pour généraliser la cogestion qui est déjà la règle dans les grandes entreprises (par la présence d’administrateurs « syndicaux » dans les CA).
La satisfaction du patronat
Le parti fascisant est le plus réticent des partis bourgeois. Le FN prétend que les ordonnances ne vont servir que les grands groupes, et non le petit patronat qu’il prétend incarner politiquement.
L’orientation assumée vers une primauté de l’accord d’entreprise (sur la durée du temps de travail notamment), favorisera par ailleurs le dumping social au sein d’un même secteur et cela au profit des grands groupes… (FN, 1 septembre)
Mais le communiqué des porte-paroles du petit capital est d’une tonalité différente.
Après des mois de concertations et d’échanges le résultat est là. Et il est à la hauteur de nos attentes. La réforme tant attendue est au rendez-vous. La possibilité, en l’absence de syndicat, de négocier des accords majoritaires avec les représentants du personnel dans les PME jusqu’à 50 salariés est une avancée majeure qui favorisera le dialogue social au sein de l’entreprise et permettra d’adapter l’organisation du travail à l’activité de l’entreprise. Les TPE de moins de 20 salariés pourront, quant à elles, organiser une consultation, forme de référendum simplifié, à l’initiative de l’employeur… Plus qu’une victoire de la CPME qui voit ainsi plusieurs de ses revendications historiques satisfaites, cette réforme traduit un changement en profondeur qui prend en compte la réalité des petites entreprises en leur ouvrant des facultés de dialogue jusqu’à présent réservé, en pratique, aux seules grandes entreprises. Employeurs et salariés des TPE/ PME en sortiront gagnants. (CPME, 31 août)
Le Medef, qui incarne le grand capital, se réjouit aussi.
Cette réforme est une première étape importante qui peut aider à conforter la confiance des entreprises. (Pierre Gattaz, 31 août)
Dans le capitalisme, il ne s’agit pas de « la confiance » des dizaines de millions de prolétaires qui assurent la production « des entreprises » mais de celle de quelques centaines de milliers qui les possèdent et qui peuvent ainsi obliger à travailler selon leur volonté, disposer des produits et encaisser les profits.
Division et dispersion
Ceux qui se précipitent quand le gouvernement les siffle, qui acceptent de discuter ses attaques contre la classe ouvrière, évidemment ne vont pas l’empêcher d’appliquer ses plans.
Nous sortons d’une phase de concertation intense, dans laquelle tous les syndicats ont joué le jeu. Même s’ils ne sont pas d’accord, une stratégie d’opposition frontale serait difficile à comprendre. (Gilles LeGendre, vice-président du groupe LREM à l’Assemblée, 19 septembre)
Certains responsables syndicaux (cette fois-ci CFDT, FO, CFTC) vont jusqu’à justifier les mesures, en prétendant qu’elles établissent un « équilibre » entre capital et travail. Un tel équilibre est un mythe. Des siècles de lutte de classe montrent que toutes les revendications menacent les intérêts des patrons et que toutes les conquêtes leur sont arrachées par la lutte ou par la menace. Elles ne satisfont pas les deux. De même, les exigences du Medef et de la CPME s’opposent aux intérêts des travailleurs.
D’autres (cette fois-ci CGT, Solidaires), pour ne pas se discréditer auprès de leur base (globalement plus militante et plus persécutée par les patrons) et perdre alors toute utilité aux yeux de la classe dominante, feignent de s’opposer en appelant à de multiples « journées d’action ».
Lorsque la direction de la CGT appelle à la première journée d’action « de grèves et de manifestations » (au pluriel), elle ne se donne même pas la peine d’exiger le retrait des ordonnances qui viennent d’être rendues publiques.
Le gouvernement vient de nous proposer dans la droite ligne de ses prédécesseurs une énième réforme du droit du travail… Le 12 septembre doit être une première riposte de grèves et manifestations à cette loi du travail XXL. La CGT va continuer à informer partout les salariés…. La CGT va engager le débat avec eux pour d’autres propositions… (CGT, 31 août)
La bureaucratie de la CGT fait comme si le gouvernement se contentait de « proposer » et qu’il conviendrait, dans le cadre du « dialogue social » le plus courtois, de lui soumettre « d’autres propositions ». Pourtant, ses adjoints réformistes et centristes soutiennent tous les diversions.
La CGT appelle à la grève et à manifester le 12 septembre. Elle nous donne l’occasion de protester. Nous devons le faire. (LO, 4 septembre)
La CGT, elle, au moins, est à l’initiative de la journée de mobilisation et de grève du 12 septembre. (LTF, 5 septembre)
La soixantaine de collectifs Front social travaillent de concert avec les intersyndicales locales à la réussite de la journée de mobilisation du 12 septembre (NPA, 7 septembre)
Nous soutenons la journée de lutte intersyndicale du 12 septembre ainsi que toutes les mobilisations syndicales et politiques à venir contre la politique de casse sociale de Macron. (PCF, Ensemble, GDS du PS, ND, 11 septembre)
La direction de la CGT a prévu une autre journée d’action, le 21 septembre, il faut s’en saisir pour que la mobilisation s’amplifie et s’élargisse. (LO, 10 septembre)
En cas d’échec, la faute incombera non à la collaboration de classe des chefs syndicaux, mais à l’inertie de la masse des prolétaires. Le nouveau parti social-patriote de Mélenchon (ex-ministre PS), qui l’a emporté électoralement et provisoirement sur le PS (et sur le PCF), ajoute sa propre contribution à l’éclatement et aux exutoires. Leur calendrier est dirigé contre le front unique ouvrier pour affronter et vaincre Macron, Philippe et Pénicaud.
Le 12 septembre, journée de grèves (au pluriel dans l’appel) et de manifestations organisée par CGT, Solidaires, FSU et UNEF, sans appeler au retrait des ordonnances : Macron reste de marbre ;
Le 19 septembre, manifestation et barrages filtrants des syndicats routiers CFDT et CFTC : le gouvernement ne se donne même pas la peine de commenter ;
Le 21 septembre, journée d’action organisée par CGT, Solidaires, FSU et UNEF: le lendemain, le Conseil des ministres adopte les ordonnances ;
Le 23 septembre, manifestation à drapeaux tricolores appelée par LFI avec le soutien d’Ensemble, du M1717 (la scission du PS de Hamon), du POI, de ND, de la GR… : le même jour, le président signe les ordonnances devant les caméras de télévision ;
Le 25 septembre, la CGT et FO transports appellent les routiers à une grève reconductible, tout seuls : le gouvernement leur envoie la police ;
Le 28 septembre, tous les syndicats appellent les salariés retraités à manifester, isolément ;
Le 10 octobre, tous les syndicats appellent les fonctionnaires à une journée de grève, séparément.
Seule l’irruption de la classe ouvrière, débordant les directions conciliatrices, pourrait menacer Macron. Si les ordonnances passent, la porte sera ouverte à d’autres attaques : CSG, privatisations, droit au logement, droit à la retraite, droits des chômeurs, droit aux études, droit à la santé…
Autres attaques
Le gouvernement Macron-Philippe veut faire retomber davantage le fardeau des prélèvements obligatoires sur le travail. Le ministre de l’Économie ex-LR Le Maire a annoncé le 30 août à l’université du Medef : la baisse de l’impôt sur les sociétés, de 33 % des bénéfices à 25 % ;la limitation de l’impôt sur la fortune en en exemptant les titres financiers (actions, obligations, etc.) : ne serait pris en compte que les immeubles personnels ;la pérennisation du « crédit d’impôt compétitivité emplois » par la transformation en « baisse de charges » définitive. Au total, 4 milliards d’euros de cadeaux supplémentaires par an.
Le budget 2018 ne va pas terroriser les Français les plus aisés. Il prévoit également une douceur pour les banques et les assurances. Ces entreprises ne sont pas soumises à la TVA mais à une taxe sur les salaires. Elles ne la paieront plus, désormais, sur la dernière tranche des salaires. Coût fiscal : 300 millions d’euros. Officiellement, il s’agit de favoriser, dans le contexte du Brexit, le retour en France des Français travaillant dans les banques et les assurances à Londres… Il n’est pas possible d’appliquer cette mesure aux rentrants sans en faire bénéficier également ceux qui travaillent déjà en France dans le même secteur. Du coup, l’exonération de la taxe sur les salaires concernera tous les hauts salariés banquiers et assureurs. (Le Canard enchaîné, 20 septembre)
Par contre, au nom de l’équilibre budgétaire, le même gouvernement ponctionne l’allocation logement, coupe dans les dotations aux collectivités territoriales, restreint les emplois aidés, menace les hôpitaux publics, les HLM, l’université…
Nous ferons des efforts sur les politiques de l’emploi et du logement, devenues largement inefficaces… Pour ce qui est de la santé, nous allons développer une stratégie axée sur la prévention, décloisonner le public et le privé… Nous ferons en sorte que l’on arrête de faire croire à tout le monde que l’université est la solution. (Macron, Le Point, 31 août)
Mais l’austérité annoncée ne sera pas générale : l’appareil répressif, le coeur de l’État bourgeois, y échappera.
Nous allons augmenter les moyens du régalien, ceux de la justice, des armées et de la sécurité intérieure. (Macron, Le Point, 31 août)
Moins l’État protège, ce qu’il ne faisait que dans d’étroites limites (la propriété privée, la domination de la marchandise et la défense du profit), plus il réprime à l’intérieur et il opprime à l’extérieur.
État policier
Dans les grandes villes, les manifestants du 12 et du 21 septembre ont été confrontés à un dispositif policier coûteux, démesuré et agressif : fouilles préventives, hélicoptères, canons à eau, innombrables gendarmes (GM) et policiers avec (CRS) ou sans uniforme (BAC)…
Désireux d’avoir les coudées franches face aux « casseurs », de nombreux policiers reprochent au pouvoir politique ses atermoiements, qu’ils qualifient de « syndrome Malik Oussekine », du nom de ce manifestant tué en 1986 par des policiers, un drame dont le souvenir tétaniserait les autorités… Petit à petit, les lignes ont bougé. « Les ministres de l’intérieur [actuel et précédents] ont initié une réflexion globale », explique un cadre de la gendarmerie nationale, dont les forces mobiles sont un pilier du maintien de l’ordre aux côtés des CRS. Dès l’automne 2016, l’ancien préfet de police Michel Cadot disait vouloir « orienter le service d’ordre de façon beaucoup plus mobile, y compris en allant dans la nébuleuse [la tête de cortège] pour interpeller »… L’emploi des moyens techniques a lui aussi été amendé. Alors qu’ils étaient devenus tabous à Paris depuis leur utilisation controversée en 1991 lors d’une manifestation d’infirmières, les canons à eau ont fait leur réapparition sur le bitume courant 2016. « Avant, on subissait. Maintenant, la réaction, elle est là », se réjouit David Michaux, secrétaire national CRS du syndicat de gardiens de la paix UNSA-Police. (Le Monde, 21 septembre)
Le 23 septembre, la manifestation aux drapeaux tricolores s’est déroulée sans accroc.
Le préfet a par ailleurs souligné la qualité de la relation avec le service d’ordre des organisateurs qui a largement contribué à ce bon déroulement. (Le Figaro, 23 septembre)
Par contre, les chauffeurs routiers ont été intimidés ou attaqués par la police les 25 et 26 septembre.
Loi liberticide
« L’état d’urgence », un lot de mesures anti-démocratiques adopté au nom de la nécessité antiterroriste, devient permanent. Là aussi, la responsabilité des bureaucraties syndicales et des partis « réformistes » est écrasante. L’état d’urgence a été adopté par le président PS Hollande en décembre 2015 avec le soutien des députés PS et PCF, debout à l’Assemblée nationale avec ceux de LR et du FN, entonnant avec eux La Marseillaise. Même certains « trotskystes » l’ont cautionné.
Je pense que l’état d’urgence a pu, au lendemain des attentats, avoir son utilité par l’effet de surprise qu’il causait… (Nathalie Arthaud, candidate LO à la présidentielle, France 2, 20 avril)
Le gouvernement Macron-Philippe veut le pérenniser par un projet de loi « renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » soumis le 25 septembre à l’Assemblée nationale le matin même où la police disperse les barrages des salariés des transports routiers.
Moi je considère que rien ne menace ma liberté si ça permet de lutter efficacement contre le terrorisme. (Benjamin Castaner, porte-parole du gouvernement, 27 août)
Les perquisitions administratives et les assignations à résidence seront désormais dans le droit commun. Les préfets auront la possibilité d’instaurer des « zones de protection » dans lesquelles pourront être effectués sans réquisition judiciaire des palpations, des contrôles de bagages et des fouilles de véhicules.
Les opérations de contrôle lancées par la police pourront s’étendre aux abords des 373 ports, aéroports et gares… Elles seront étendues à un rayon de 20 km autour des 118 points de passages frontaliers. Or, établir un tel rayon de 20 km revient à englober les principales agglomérations françaises… En réalité, c’est l’immigration clandestine qui semble visée. (Le Monde, 13 septembre)
Les magistrats, les universitaires et les associations de défense des droits de l’homme sont quasi unanimes pour dénoncer la transcription de l’état d’exception dans le droit commun. L’expérience montre que de telles mesures sont toujours utilisées contre les luttes des travailleurs.
Pas d’austérité pour l’armée
Le prétexte aux mesures liberticides, à l’espionnage de la population, à l’augmentation des budgets de l’armée et de la police est le terrorisme islamiste. Tout réactionnaire et stupide qu’il soit, il est alimenté par la discrimination en France (dont celle quotidienne de la police : contrôle aux faciès, etc.) et par les expéditions militaires de l’armée impérialiste française en Afrique et en Asie de l’ouest, débutées par Hollande, poursuivies par Macron.
La France doit redevenir une grande puissance tout court… Nous allons rééquiper les armées, moderniser notre appareil de dissuasion. Durant le quinquennat qui vient, nous dépenserons 1,6 milliard par an en plus chaque année, avec comme objectif 2 % de PIB à l’horizon 2025 pour le budget des armées. (Macron, Le Point, 31 août)
L’armée française a une longue tradition de massacres du prolétariat et des peuples dominés. Les partis sociaux-impérialistes (PS, PCF, LFI) la chérissent autant que les partis de la bourgeoisie (LREM, LR, FN), sinon davantage. Si les alliances que préconise Mélenchon sont proches de celles de Le Pen et opposées à celles de Hollande et Macron, le reste de son programme militaire n’est pas si différent.
Compte tenu de l’état d’affaiblissement des armées et des évolutions impératives dans les matériels, de nouveaux investissements seront nécessaires… Un coup d’arrêt immédiat sera porté à la diminution des effectifs combattants professionnels, historiquement au plus bas après les suppressions de postes massives des deux quinquennats écoulés. Le recrutement sera élargi en compensation de ces coupes austéritaires… (LFI, Une France indépendante au service de la paix, 31 mars 2017, p. 23)
Mélenchon efface les classes
Jusqu’à l’élection de 2017, Mélenchon et son PdG expliquaient aux travailleurs que leur arme était le bulletin de vote. Mauvais perdant, il accuse le PS de son échec à la présidentielle (alors qu’au premier tour, les candidats des partis bourgeois totalisaient plus de 70 % des voix et ceux du mouvement ouvrier moins de 21 %).
Si Benoit Hamon avait retiré sa candidature, il serait aujourd’hui premier ministre et moi président de la République. (Mélenchon, La Provence, 14 septembre)
Mais Macron invoque la légalité bourgeoise, la démocratie bourgeoise (l’élection présidentielle, les élections législatives) pour porter son attaque contre les travailleurs : « La démocratie, ce n’est pas la rue ». Par conséquent, dans son discours du 23, place de la République, le vieux politicien social-démocrate tourne sa veste et choisit d’oublier le verdict des urnes.
La démocratie, ça ne serait pas la rue. Monsieur le président, il vous reste à consulter l’histoire de France. C’est la rue qui a renversé les rois, abattu les nazis, protégé la République contre les généraux félons de 1961… C’est la rue qui a obtenu le retrait du CPE, le droit au logement opposable, le retrait du plan Darcos sur la réforme des lycées… Nous allons faire des casserolades pour dire : « Vous nous empêchez de rêver, alors nous allons vous empêcher de dormir ! ». (Mélenchon, 23 septembre)
Mélenchon tronque. Ivre de nationalisme, il oublie que la révolution française de 1789 a été préparée par les révolutions démocratiques de Suisse, des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, des États-Unis… La révolution russe de 1917 a donné l’exemple au monde entier de la prise du pouvoir des travailleurs et permis de créer des partis ouvriers révolutionnaires contre le crétinisme parlementaire, la collaboration de classes et le colonialisme. Ce ne sont pas des Français qui ont abattu à eux seuls les nazis, mais la révolution des ouvriers d’Italie qui ont déclenché la grève générale et pris les armes en 1943 pour disloquer le régime fasciste italien ainsi que les sacrifices inouïs des peuples de l’URSS emportant le première victoire militaire contre l’impérialisme allemand à Stalingrad la même année.
Depuis 1848, les travailleurs de France ne se contentent pas de se faire tuer au compte des bourgeois démocrates, des bavards du type Lamartine ou Mélenchon, ils affirment leurs propres intérêts. Il est remarquable que Mélenchon, ceint de tricolore le 23 septembre, passe sous silence le massacre des travailleurs au drapeau rouge en 1848 par les Républicains bourgeois au drapeau tricolore. S’il connait si bien l’histoire, pourquoi faire silence sur la Commune de Paris de 1871 au drapeau rouge, la première fois où des travailleurs, armés, ont conquis le pouvoir, avant d’être massacrée par la bourgeoisie alliée à l’envahisseur prussien et unie sous le drapeau tricolore.
Le véritable secret de la Commune, le voici : c’était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail. (Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871)
Mélenchon oublie aussi les soulèvement de la jeunesse (aux drapeaux rouges et noirs), la grève générale de 1968 parce qu’il est un admirateur du général De Gaulle et qu’il s’oppose à tout ce qui pourrait menacer la bourgeoisie française, déboucher sur la révolution sociale.
Mélenchon truque. Ce ne sont pas des « journées d’action » qui ont empêché partiellement la loi Villepin en 2006, mais la grève générale illimitée des étudiants et des lycéens, représentées par une coordination nationale élue par les AG des facultés. Ce ne sont pas des « journées d’action » qui ont fait échouer une partie du plan Juppé en 1995, mais les grèves illimitées dans les transports publics et l’enseignement public. En 1944-1945, les travailleurs étaient non seulement « dans la rue », mais en armes en Grèce, en Italie et en France, en profitant de l’avancée des troupes impérialistes rivales de celles de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste. En 1789, ce ne sont pas des casseroles qui abattirent la monarchie, mais le peuple en armes.
Que faire ?
Les exploités et futurs exploités de ce pays n’ont pas besoin d’une assemblée constituante et d’une 6e république bourgeoise, mais d’une République des travailleurs.
Ils n’ont pas besoin d’un repli protectionniste et d’un retour au franc français, mais de la nationalisation sans indemnité ni rachat de tous les groupes capitalistes français et étrangers et des États-Unis socialistes d’Europe.
Ils n’ont pas besoin d’un troisième parti traître, défenseur du capitalisme, de la bourgeoisie française, de l’État bourgeois, de ses flics et de ses généraux, ils ont besoin d’un parti comme le Parti bolchevik pour mener la lutte de classe jusqu’au bout, exproprier les groupes capitalistes, ouvrir la perspective du socialisme-communisme mondial.
Il faut construire une internationale communiste. Il faut regrouper dans une seule organisation nationale les groupes, courants, fractions et militantes/ts révolutionnaires actuellement dispersés pour pouvoir affronter les bureaucraties syndicales et les partis sociaux-impérialistes au lieu de les laisser trahir et démoraliser. Il faut forger un parti qui conduira la classe ouvrière à la révolution, qui l’aidera à renverser l’État bourgeois, à le remplacer par son propre pouvoir.
Le premier pas est de mener un combat coordonné au sein des assemblées générales et des syndicats pour la rupture avec le gouvernement, l’abrogation des ordonnances et le retrait du projet de loi anti-terroriste, la fin des interventions militaires, l’interdiction des licenciements… et pour cela, préparer la grève générale, élire des comités (dans les quartiers, les entreprises et les lieux d’études), les centraliser, protéger les luttes contre la police et les fascistes.