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La bourgeoisie menace d’entraîner l’humanité dans sa chute. Dans les pays capitalistes avancés, elle revient même sur les acquis que la classe ouvrière a arrachés après la 2e Guerre mondiale. Comme toutes les classes dominantes du monde, la canadienne connait des divergences en son sein sur l’attitude envers les autres classes (encadrement, petite bourgeoisie traditionnelle, classe ouvrière…) et elle se divise sur sa relation aux autres bourgeoisies (Grande-Bretagne, États-Unis, Union européenne, Chine…). En outre, elle est plus hétérogène que la plupart de ses rivales impérialistes car une section met en cause l’État fédéral (comme en Espagne, en Belgique ou en Grande-Bretagne).
Le grand capital, qui oriente la politique de tous les gouvernements bourgeois, a accepté en 1949 l’alliance militaire avec les États-Unis (OTAN) puis a choisi l’ouverture des frontières avec la signature en 1992 de l’Accord de libre-échange nord-américain, en 1994 des accords de l’OMC, en 2016 du Partenariat Pacifique, en 2016 aussi de l’Accord économique et commercial global. Le président des États-Unis a refusé en 2017 de ratifier le Partenariat Pacifique, ce qui prouve que les travailleurs, ni aux États-Unis ni au Canada, n’ont à choisir entre protectionnisme et libre-échange, pas plus qu’entre inflation et compression budgétaire.
La représentation politique de la classe dominante canadienne, bien que divisée entre le Parti Libéral /Liberal Party (PLC/LPC), le Parti Conservateur/Conservative Party (PCC/CPC) et le Parti Québécois (PQ), mène depuis les années 1980 une offensive continue contre vles travailleurs. Tous les gouvernements bourgeois successifs renforcent l’appareil de répression : RCMP/GRC, polices municipales, SCIS/SCRS, Canadian Army/Armée Canadienne (3 % du budget de l’État fédéral)…
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Or, en face de l’État bourgeois, il n’existe pas de véritable parti ouvrier, c’est-à-dire radicalement opposé à l’ensemble des capitalistes et travaillant à l’émancipation de tous les travailleurs. La représentation traditionnelle des salariés, le New Democratic Party/Nouveau Parti Démocrate (NDP/NPD) est un parti de type travailliste, un parti ouvrier bourgeois dès son origine (1961). Son programme est bourgeois car il accepte le capitalisme depuis sa fondation. Son ancêtre CCF a soutenu sa bourgeoisie impérialiste lors de la 2e Guerre mondiale. La bureaucratie politique qui contrôle le NDP/NPD est liée aux bureaucraties syndicales (surtout anglophones) ; sa défense inconditionnelle de l’État fédéral au compte de la section majoritaire des exploiteurs a largement repoussé les exploité-ées francophones et divisé la classe ouvrière canadienne.
Les bureaucrates syndicaux du Congrès du travail du Canada (CTC/CLC), de la Fédération des Travailleuses et Travailleurs du Québec (FTQ) et de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) ont de fait accompagné la contre-offensive sociale en multipliant les concessions aux patrons et à l’État bourgeois.
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Il n’y a plus d’organisation marxiste internationaliste digne de ce nom, inspirée par la Commune de Paris de 1871 et la Révolution d’Octobre 1917 en Russie, comme l’avaient été, au sortir de la 1re Guerre mondiale, la section canadienne de l’Internationale Communiste (Communist Party/Parti Communiste) puis celle de la 4e Internationale (Workers Party of Canada, Socialist Workers League).
La direction opportuniste de la 4e Internationale d’après-guerre (Pablo, Mandel, Frank…) mise en place par Cannon (le principal dirigeant de la section américaine SWP) a encouragé l’adaptation de la section canadienne (RWP) au parti travailliste de l’époque (CCF). La liquidation de la 4e Internationale dans les années 1950-1960 et la régression de toutes ses composantes vers le nationalisme et le réformisme ont assuré au Canada la survie de l’anarchisme et du stalinisme (PCR/RCP) et conduit à un éclatement inédit du « trotskysme ».
Le Groupe Socialiste des Travailleurs (QI lambertiste) s’est dissous en 1987 dans le NPD. La Riposte/Fightback (TMI grantiste), Alternative Socialiste/Socialist Alternative (CIO grantiste), International Socialists (TSI cliffiste), Gauche Socialiste (QI pabliste), la Ligue Communiste/Communist League (liée au SWP castriste des États-Unis) sont à la remorque des bureaucraties syndicales, des réformistes du Nouveau Parti Démocratique ou sont ralliés à Québec Solidaire. La Ligue Trotskyste/Trotskyist League (LCI robertsoniste) et le Parti de l’Égalité Socialiste/Socialist Equality Party (QI healyste) sont pour leur part embourbés dans le sectarisme.
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Cet éparpillement décourageant, accentué par le désarroi engendré dans la classe ouvrière par la restauration du capitalisme en Russie et en Chine, ne sera pas surmonté par la recherche d’un « plus petit dénominateur commun », car celui-ci conduirait à l’abandon du programme (révisionnisme) qui est justement à l’origine de cette situation. La tâche est de rassembler sur la base du programme communiste international les militants-tes, tendances, fractions et groupes sincèrement révolutionnaires, actuellement dispersés, en combattant fermement les multiples directions centristes ou sectaires. Il y a en effet une nécessité urgente pour la formation d’une organisation de tout le Canada qui saura éviter à la fois les pièges de l’opportunisme et du gauchisme.
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La pause dans le militarisme entamée par l’impérialisme canadien après sa participation à la guerre de Corée contre la révolution chinoise s’est achevée avec l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Aujourd’hui, une des priorités pour le prolétariat est d’imposer le front unique aux organisations ouvrières de masse (partis et syndicats) contre l’intervention militaire (marine, aviation, forces spéciales) en Irak et en Syrie entamée par le gouvernement Stephen Harper (Parti Conservateur), poursuivie par le gouvernement Justin Trudeau (Parti Libéral), approuvée par le Bloc Québécois.
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Le Mexique, les États-Unis et le Canada résultent tous de la colonisation brutale de l’Amérique du Nord opérée du 16e au 18e siècle par les monarchies espagnole, française, néerlandaise et britannique au détriment des populations indigènes. Ce processus fut partie intégrante de l’accumulation primitive du capital.
Toute organisation communiste internationaliste doit défendre les droits des nations autochtones opprimées et dépossédées depuis des siècles. Nous défendons leur autonomie culturelle, la préservation de leur environnement et leur droit à l’autodétermination, même si en pratique celui-ci peut s’avérer difficile à réaliser étant donné la dispersion des nations autochtones sur le territoire canadien.
Nous dénonçons leur instrumentalisation tant par les chauvins canadiens que par les nationalistes québécois. Lors du dernier référendum sur la souveraineté du Québec en 1995, le gouvernement canadien a tenté d’utiliser les inquiétudes légitimes des peuples autochtones par rapport à la séparation du Québec et leurs droits dans un éventuel Québec indépendant dans le but d’entraver le droit à l’autodétermination du peuple québécois. Le Canada était présenté de manière hypocrite et démagogique comme un « rempart » pour les droits des Premières Nations !
Le Parti Québécois insistait sur l’intégrité territoriale du Québec suite à la sécession, ce qui ne laissait pas beaucoup de place à l’autodétermination des Autochtones. Nous considérons pour notre part les bourgeoisies canadienne et québécoise comme étant des oppresseurs à parts égales des Premières Nations.
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L’État capitaliste du Canada est né de l’échec des révolutions démocratiques de 1837-1838 menées par les populations anglophone et francophone contre la monarchie anglaise. Il a été historiquement imposé par la force à la minorité francophone. Le Collectif révolution permanente, dans la tradition de l’Internationale communiste et de la 4e Internationale, défend le droit du Québec à l’autodétermination, y compris à la sécession et à la formation d’un État indépendant si telle est sa volonté. Ses partisans s’opposent résolument à toute tentative de l’État fédéral capitaliste canadien d’empêcher le peuple québécois de décider de son avenir et de garder le Québec de force à l’intérieur de la confédération. Le chauvinisme de grande nation du Canada anglais, qui est dominant au sein de l’État canadien et donc encore plus dangereux que le nationalisme étroit du Québec, est un poison pour l’unité de la classe ouvrière canadienne contre les capitalistes anglophones et francophones. La loi sur la Clarté référendaire promulguée en 2000 par le gouvernement libéral fédéral de Jean Chrétien est une attaque sérieuse contre les droits nationaux du Québec, car elle permet au gouvernement fédéral de s’ingérer dans la formulation de la question référendaire et de déterminer la majorité nécessaire pour déclarer l’indépendance du Québec. Le Québec a été historiquement une nation opprimée et pendant des décennies bon nombre de travailleurs-ses québécois-ses ont été obligés de travailler en anglais et étaient moins bien payés que les anglophones.
Cette oppression nationale a été largement surmontée depuis la « Révolution tranquille » des années 1960 et les politiques linguistiques qui ont fait du français la langue officielle du Québec. Les principales victimes de discrimination sont les travailleurs-ses immigré-es à l’échelle fédérale. Les Québécois ne subissent plus de discrimination systématique en raison de leur langue et la bourgeoisie québécoise s’est largement développée au point d’exporter des capitaux dans les pays dominés. Néanmoins, le droit à l’autodétermination nationale du Québec est toujours combattu par le gouvernement canadien. C’est pourquoi les communistes internationalistes du CoReP au Canada défendent ce droit démocratique et légitime, seul moyen d’assurer l’unité de la classe ouvrière de tout le Canada, sans pour autant appeler à l’indépendance du Québec, parce que ce dernier ne subit plus de domination coloniale. Le nationalisme québécois doit être combattu au même titre que le chauvinisme canadien-anglais, car il vise à faire des bourgeois québécois les exploiteurs exclusifs de « leur » classe ouvrière et sème des illusions envers un mythique Québec indépendant qui serait une « libération » pour le prolétariat québécois francophone. Le cadre géographiquement le plus large est favorable à la lutte de la classe ouvrière mais il ne doit pas être imposé. Notre but est non de multiplier les frontières mais de les supprimer par la révolution prolétarienne.
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Le danger potentiel que recèle le nationalisme québécois est révélé par l’émergence des « identitaires ». Depuis au moins une dizaine d’années un fort courant fascisant s’est développé au sein du nationalisme québécois face à l’immigration musulmane. Ce courant se nourrit de la montée du FN français et des mouvements xénophobes européens qui surfent sur l’islamophobie. L’islam est considéré comme une menace pour les « valeurs et l’identité québécoises », comme si tous les Québécois et Québécoises avaient les mêmes valeurs peu importe leur classe sociale. Ce courant politique est complètement réactionnaire, xénophobe et dangereux. Il a conduit à l’attentat de janvier 2017 contre une mosquée faisant 6 morts et 8 blessés à Québec. C’est un poison pour la classe ouvrière, car il mine la nécessaire solidarité de classe avec les travailleurs et travailleuses immigré-es peu importe leur religion et leur origine ethnique et prépare des violences contre toutes les organisations ouvrières.
En 2013-2014, le PQ nationaliste bourgeois a joué la carte identitaire en voulant adopter une « Charte de la laïcité » dite aussi Charte des valeurs québécoises. Cette dernière voulait bannir les signes religieux de l’espace public, mais spécifiquement sa cible était le voile islamique. Les nationalistes identitaires se sont servis cyniquement et hypocritement des droits des femmes pour justifier la stigmatisation de l’islam perçu comme étant unilatéralement misogyne. Les marxistes internationalistes rejettent résolument cette rhétorique démagogique qui n’a rien à voir avec une quelconque défense des droits des femmes, mais cherche plutôt à diviser, en désignant les musulman-es comme bouc émissaire pour la crise historique du capitalisme. En même temps, nous nous opposons à ceux qui au Canada anglais utilisent ces dérives et dérapages d’une partie des nationalistes québécois pour promouvoir le chauvinisme antiquébécois. Les ouvriers, employés et chômeurs immigrés font partie de la classe ouvrière canadienne, comme la classe ouvrière canadienne fait partie du prolétariat mondial.
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Les partisans du CoReP appellent à la rupture par le mouvement ouvrier de tout lien avec le PQ car aucune section de la bourgeoisie ne mérite le moindre appui de la part des travailleurs et de leurs organisations, y compris celles qui se cachent sous des oripeaux « progressistes ». Au Québec, le mouvement ouvrier est trop souvent enchaîné au Parti Québécois nationaliste bourgeois, par nationalisme bien sûr mais aussi parce que le PQ est perçu comme une sorte de substitut de parti social-démocrate qui aurait « un préjugé favorable envers les travailleurs ». L’absence d’un parti ouvrier de masse explique en grande partie l’impact catastrophique de cette collaboration de classes.
Québec Solidaire qui se présente comme l’alternative de « gauche » au PQ est un parti nationaliste petit-bourgeois. QS reçoit l’appui de certains syndicats locaux comme le Conseil Central de la Confédération des Syndicats Nationaux (CSN) du Montréal métropolitain, mais les instances nationales des centrales syndicales québécoises sont très réticentes à lui accorder un appui, quand elles ne sont pas carrément hostiles. Elles collaborent souvent avec le PQ et son jumeau sur la scène fédérale canadienne le Bloc Québécois pour promouvoir, sous le drapeau de l’indépendance du Québec, un capitalisme national qui ne changera rien à l’exploitation. Le suivisme des bureaucrates syndicaux québécois envers les nationalistes bourgeois est un piège mortel pour la classe ouvrière et un éteignoir pour la lutte des classes. C’est aussi un obstacle majeur pour l’indépendance de classe du prolétariat québécois qui se retrouve enchaîné à un mythique et mensonger « moindre mal ». En fait, cela revient à dire que les travailleurs-ses québécois doivent se lier plutôt aux patrons québécois plutôt qu’à leurs sœurs et frères du Canada. Le résultat le plus probable d’une séparation serait l’aggravation du sort des travailleurs-ses, la dépendance économique renforcée du Québec et du reste du Canada, le renforcement de l’impérialisme français et de l’impérialisme étasunien.
Le prolétariat québécois en a un avant-goût. Le PQ, lorsqu’il est au pouvoir, ne gouverne pas différemment du Parti Libéral fédéraliste. Les deux partis défendent les mêmes intérêts de classe, ceux de la bourgeoisie, et mettent en oeuvre les mêmes politiques d’austérité, de privatisation et de destruction des acquis sociaux de la classe ouvrière. Son but est de créer un nouvel État capitaliste et impérialiste de langue française en Amérique du Nord. Il n’a strictement rien à voir avec les intérêts de la classe ouvrière. Aujourd’hui le Parti Québécois, dans l’opposition à l’Assemblée Nationale du Québec, tente de se refaire une popularité en dénonçant les politiques de compression budgétaire et de démolition sociale du gouvernement libéral de Philippe Couillard. Il tente de faire oublier son propre passé de défense résolue des intérêts du capital et d’attaques antiouvrières comme la répression de la grève des enseignant-es en 1983 ou celle des infirmières en 1999 ainsi que la suppression de 15 000 postes dans la fonction publique québécoise en 1997.
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Nous avons le devoir de militer dans les syndicats de salariés (CTC/CLC, FTQ…) et étudiants de masse malgré et contre leur direction bureaucratique. Nous pouvons, si nous n’avons pas la force de proposer des candidats communistes internationalistes aux élections, être contraints à appeler à voter pour ceux d’un parti « réformiste » de masse (parlementariste bourgeois). Nous ne refusons pas, par principe, d’intervenir dans un tel parti (contre sa bureaucratie agent de la bourgeoisie, contre son programme bourgeois) ou dans une organisation centriste (contre sa direction inconséquente et capitularde, contre son programme petit-bourgeois).
Mais, quelle que soient les tactiques de sa construction, il n’y a pas de substitut à un parti de type bolchevik. Un parti centriste comme l’USPD en Allemagne en 1918-1919, le POUM en Espagne en 1936-1937 ou le MIR au Chili en 1972-1973 ne peut conduire la révolution à la victoire ; les partis ouvriers bourgeois du type SPD en 1918-1919, PSOE et PCE en 1936-1937, PS et PCCh en 1972-1973 la combattent et l’étranglent. Nous ne soutenons donc pas Québec Solidaire (contrairement à la Gauche Socialiste, à La Riposte, Alternative Socialiste qui soumettent en fait les prolétaires à la petite-bourgeoisie) et nous n’appelons pas non plus à la formation d’un parti « réformiste » de masse (contrairement à LR ou AS car le prolétariat n’a pas besoin d’un autre parti ouvrier bourgeois).
Nous préconisons la création de fractions lutte de classe dans les syndicats, d’organes démocratiques de lutte, d’un parti ouvrier révolutionnaire et internationaliste de masse basé sur les enseignements de Marx, Engels, Luxemburg, Lénine et Trotsky. Ce parti se liera dans la lutte à la classe ouvrière et aux opprimés et sera capable d’allier les revendications démocratiques (dont la République, la séparation de l’État et de la religion, le droit de séparation du Québec, l’armement du peuple, l’accès à l’enseignement dans sa langue dans tout le Canada…) et transitoires (dont la création d’organes populaires de type soviets, le gouvernement ouvrier, l’ouverture des frontières aux travailleurs et aux étudiants, l’autodéfense des manifestations et des piquetages, la réduction du temps de travail et l’emploi pour tous…) afin de préparer ouvertement la révolution prolétarienne.
Notre objectif est, en contribuant à la construction d’une internationale ouvrière révolutionnaire, de rassembler l’avant-garde canadienne dans un parti communiste internationaliste, qui est indispensable au renversement de la bourgeoisie (francophone et anglophone), au démantèlement de l’État bourgeois (fédéral et québécois), à l’établissement du pouvoir des conseils de travailleurs-ses (dictature du prolétariat) et des États-Unis socialistes d’Amérique, à la transition vers le socialisme-communisme mondial.