Mélenchon trace son sillon, mais dans le champ de Le Pen [voir Révolution communiste n° 1, 7, 19, 21].
Jean-Luc Mélenchon a jugé, lundi 13 mars, qu’il fallait tarir le flux de l’immigration. (Le Monde, 15 mars 2017)
Le 18 mars est l’anniversaire de la Commune de Paris, que Mélenchon a insulté avec ses drapeaux bleu blanc rouge et son chauvinisme.
Il y a 21 ans aujourd’hui le peuple de Paris arbora le drapeau rouge, en défi à la fois au drapeau tricolore français qui flottait à Versailles et au drapeau tricolore allemand qui flottait sur les forts occupés par les Prussiens. Le drapeau rouge montrait que le prolétariat parisien se hissait au-dessus des vaincus et des vainqueurs de la guerre. Ce qui fait la grandeur historique de la Commune, c’est son caractère authentiquement international, c’est le défi qu’elle jeta hardiment à tout sentiment de chauvinisme bourgeois. (Friedrich Engels, Projet d’appel pour le 21e anniversaire de la Commune de Paris, mars 1892)
Ce n’est pas la révolution prolétarienne que défend Mélenchon mais la collaboration de classes dans une assemblée constituante, qu’il qualifie de « révolution citoyenne » et « pacifique ». Hier, il a soutenu Chavez et Tsipras, qui ont préservé le capitalisme au Venezuela et en Grèce, avec des conséquences catastrophiques pour les travailleurs.
Mélenchon fait totalement confiance à l’État bourgeois, tant pour assurer la démocratie que retrouver la prospérité économique. La perspective politique que propose le candidat Mélenchon est la sixième république, à savoir une république bourgeoise parlementaire qui garantirait le droit de propriété, prétendument « soumis à l’intérêt général ». Si « capitalisme » n’apparaît pas dans son programme c’est bien parce qu’il n’est pas question de le remettre en cause, mais simplement d’accorder aux salariés le droit à un « vote de défiance » symbolique face à leur patron, de donner aux comités d’entreprise un « droit de véto suspensif » sur les seuls licenciements économiques. On est bien loin de la légitime revendication de l’interdiction de tous les licenciements.
Mélenchon a exposé avec volubilité le 19 février un plan de relance keynésien. Il s’agit de sortir de l’euro et de permettre ainsi à l’État d’emprunter à grande échelle à la Banque de France (100 milliards d’euros). Il prétend que les dépenses publiques ainsi augmentées vont accroître le niveau de consommation et d’investissement, puis en faisant confiance aux mécanismes capitalistes, obtenir une production supplémentaire de 190 milliards d’euros au moins (par la magie du « multiplicateur budgétaire »). Cela assurerait une croissance de 2 % et ainsi abaisserait le chômage à 6,2 % de la population active. Grâce aux nouvelles rentrées d’impôt que permet l’augmentation des revenus des « entreprises » et des « ménages », l’emprunt initial serait remboursé sans problème. Il faut revenir au protectionnisme (droits de douane, quotas…) car sans restriction aux importations, la relance risque de profiter surtout aux économies capitalistes qui exportent vers la France (comme en 1981).
Mais Mélenchon néglige la réaction des autres États au protectionnisme. : si les exportations se tarissent, la croissance sera affectée. Il oublie que les capitalistes n’investiront et n’embaucheront que si leur taux de profit augmente. Si ce n’est pas le cas, les prêts de la Banque de France n’aboutiront qu’à l’inflation ou des impôts ultérieurs supportés par les masses.
Comme la dette publique est assise sur le revenu public, qui doit en payer le remboursement et les intérêts, le système moderne des impôts est le corollaire obligé des emprunts et donc des dettes publiques. Les emprunts permettent aux gouvernements de faire face aux dépenses extraordinaires sans que les contribuables s’en ressentent immédiatement mais ils entraînent à leur suite une augmentation des impôts. (Karl Marx, Le Capital, I, 1867, ch. 24)
Mélenchon propose de « dé-financiariser l’économie réelle » comme si la collecte de l’épargne, le crédit et l’assurance ne faisaient pas inéluctablement partie de la réalité capitaliste, comme si le but du capital n’était pas de faire de l’argent, comme si toutes les entreprises capitalistes significatives ne prenaient pas la forme de sociétés et d’actions, comme si tous les groupes capitalistes n’essayaient pas de spéculer.
Les représentants de l’économie politique qui tentent d’expliquer les soubresauts de l’industrie et du commerce en les attribuant à la spéculation ressemblent à l’école défunte des philosophes de la nature qui considéraient la fièvre comme la cause fondamentale de toutes les maladies. (Marx, La Crise commerciale en Angleterre, décembre 1857)
Il n’est bien évidemment pas question de fermer la Bourse mais de « contrôler et taxer les mouvements de capitaux », ni d’exproprier les banques, ni même de les nationaliser, mais simplement de créer un « pôle public bancaire » en concurrence avec les banques privées. Il ne s’agit pas non plus d’éradiquer la précarité, seulement d’imposer aux entreprises un plafond de contrats précaires. En revanche, il n’hésite pas à proposer d’abaisser le taux de l’impôt sur les sociétés de 33 % aujourd’hui à 25 % et de « renforcer les moyens humains et matériels des forces de sécurité, en quantité et qualité » (10 000 postes dans la police de plus), de « créer une garde nationale », sans non plus abolir l’état d’urgence.
C’est sans ambiguïté pour le capital que roule Jean-Luc Mélenchon, avec à sa traîne tout un tas de débris réformistes, à commencer par le PCF.