Le fascisme a des traits communs avec d’autres régimes d’exception, en particulier leur hostilité à la révolution socialiste, leur antiparlementarisme, leur nationalisme et leur défense du patriarcat. Mais les dictatures militaires s’en distinguent par le caractère secondaire de la mobilisation populaire et leur conservatisme affiché alors que le fascisme est un mouvement de masse qui se pose comme « révolutionnaire ». Mais le régime de l’« homme providentiel », appelés bonapartisme ou césarisme, par exemple ceux de Louis Bonaparte en France, Perón en Argentine, De Gaulle en France, Chavez au Venezuela, s’appuient sur le mécontentement populaire pour se poser en arbitre de la société divisée en s’appuyant sur l’armée. Ils musèlent l’opposition politique et intègrent les syndicats au lieu de les écraser. Souvent, leurs chefs parviennent à se faire plébisciter.
Une autre erreur est de croire qu’il suffit qu’un psychopathe réactionnaire soit élu pour qu’un pays bascule dans le fascisme : par exemple, certains pensent que Trump va instaurer le fascisme aux États-Unis. C’est accorder trop d’importance au pouvoir des élus ; ceux-ci sont mandatés pour gérer les affaires de la bourgeoisie, mais dans les limites fixées par celle-ci ; s’ils ne donnent pas satisfaction, la bourgeoisie peut les jeter dehors, de manière légale ou non.
Le fascisme se caractérise par un nationalisme virulent, le culte du chef, une haine viscérale du communisme et de l’internationalisme, la stigmatisation de l’influence corruptrice de l’étranger ou des minorités et une démagogie sociale s’adressant aux « nationaux » pour diviser les travailleurs. Il rejette la démocratie, le parlementarisme. Sa pratique politique se base essentiellement sur la violence, visant principalement le mouvement ouvrier et les minorités. Pour l’exercer, il mobilise des troupes de choc recrutées parmi les voyous, les aventuriers, les déclassés et les petits bourgeois désespérés par la crise économique. Le fascisme se proclame moderne, « révolutionnaire », « ni droite ni gauche » et il obtient une base populaire, principalement dans les petites bourgeoisies (indépendants ruinés, policiers, officiers…) et plus marginalement chez les ouvriers et les employés. Il proclame réaliser le « socialisme national », par opposition au socialisme international du mouvement ouvrier. Ce « socialisme » de pacotille n’est que démagogie, le paroxysme des mensonges dont usent tous les partis bourgeois pour obtenir une assise sociale plus large que la minorité capitaliste. Son idéologie nationaliste et fanatique sert à justifier à l’intérieur l’attaque du mouvement ouvrier comme un ennemi de l’unité de la nation et à l’extérieur les guerres coloniales, l’asservissement des peuples soi-disant « inférieurs », voire leur génocide.
En fait, le fascisme arrive au pouvoir quand la bourgeoisie se résout à faire appel à lui parce qu’elle ne peut plus gouverner et maintenir sa domination sur la classe ouvrière et les autres travailleurs par les méthodes traditionnelles de la démocratie parlementaire. C’est une solution extrême, un quitte ou double pour la classe dominante. Ni Mussolini, ni Hitler n’ont jamais obtenu une majorité parlementaire dans des élections démocratiques. Dans un cas comme dans l’autre, les autres partis bourgeois votèrent les pleins pouvoirs réclamés par les deux dictateurs et restèrent passifs devant les manipulations électorales, la terreur et l’abolition du régime parlementaire. Tous ces partis s’en mordirent rapidement les doigts et la bourgeoisie elle-même le rejeta quand leur militarisme fut écrasé par les autres puissances impérialistes et par l’URSS.
Une fois arrivé au pouvoir, le fascisme instaure un État totalitaire, écrasant toute opposition, détruisant toutes les organisations ouvrières (y compris les plus opportunistes), enchaînant le prolétariat au capital par le biais d’organisations corporatistes. C’est la police politique qui est l’axe du nouveau régime, pas l’armée. Les promesses sociales démagogiques, qui avaient servi à séduire la petite bourgeoisie ou certaines couches arriérées de la classe ouvrière, sont vite oubliées, car le régime fasciste sert le grand capital. L’aile qui prenait au sérieux la « révolution » et la démagogie sociale est liquidée physiquement. Les grandes entreprises restent privées.
Le fascisme est historiquement récent, il est le produit de la pourriture du capitalisme à l’époque impérialiste, quand celui-ci se montre incapable de réformes progressistes (comme au 19e siècle) et que le profit ne peut plus être préservé que par l’écrasement du mouvement ouvrier et par un repartage du monde au détriment des bourgeoisies impérialistes les mieux installées. Aussi il est né dans des pays impérialistes lésés par la paix de Versailles. Cependant, il peut aussi apparaître et même prendre le pouvoir dans des pays dominés. Un exemple typique est la République islamique d’Iran, régime de terreur instauré en 1979 en écrasant le début de révolution prolétarienne au moyen de troupes de choc (Pasdaran et Bassiji) qui détruisirent les syndicats et massacrèrent les révolutionnaires et les minorités nationales. Les groupes djihadistes en Syrie et en Irak, comme Daech et Fatah Al Cham, relèvent d’un fascisme de ce type à justification religieuse.
Les sociaux-démocrates et les staliniens ont opposé au fascisme un large « front antifasciste » incluant des fractions « antifascistes » de la bourgeoisie ; pour rassurer celle-ci, ils étouffèrent les revendications des travailleurs, muselèrent leur mouvement et préservèrent la sacro-sainte propriété privée. Cette politique de « Front populaire » menée en France et en Espagne dans les années 1930 mena à la catastrophe et à la victoire du fascisme. Au contraire, pour lutter efficacement contre le fascisme qui renait aujourd’hui en Europe, il faut réaliser l’unité d’action des organisations ouvrières sur base des intérêts de la classe ouvrière et des opprimés. Surtout, il faut préparer la révolution sociale pour extirper ses racines.