Hamon tour
Deux fois ministre sous Hollande, Hamon a frondé et s’est vu récompensé quand le rejet du président et de Valls a atteint une très large majorité de l’électorat habituel du PS. Il a remporté la primaire de « La belle alliance populaire » et a été investi officiellement, le 5 février, candidat à l’élection présidentielle.
Rocardien à 19 ans (un révolté, comme on voit), assistant parlementaire, de 1991 à 1993, du député PS rocardien Pierre Brana (sans doute grâce à sa licence d’histoire), président du Mouvement des jeunes socialistes les deux années suivantes et délégué national du PS chargé des problèmes de la jeunesse, il devient conseiller auprès de Lionel Jospin en 1995 ; entre 1997 et 2000, il occupe le poste (épuisant) de conseiller technique chargé de l’emploi des jeunes puis de conseiller chargé des affaires politiques chez Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité. De 2001 à 2009, il est conseiller municipal de Brétigny-sur-Orge, secrétaire national du PS chargé du projet européen, directeur du planning stratégique de l’institut de sondages Ipsos (la licence d’histoire ?) et enfin député européen. De 2009 à 2012, il marie son mandat de député de la 11e circonscription des Yvelines, sa fonction de porte-parole du PS, le métier de consultant de l’entreprise Le Fil et des apparitions comme professeur associé des universités à l’Institut d’études européennes de l’université Paris-VIII (et il y en a qui disent qu’on ne va pas loin avec une licence d’histoire !)
Parce qu’il a passé toute sa déjà longue carrière à l’abri des palais de la Ve république ou dans l’hôtel particulier de la rue de Solferino (le siège du PS à Paris), Hamon qui a participé pendant 20 ans à toutes les manoeuvres d’appareil au sein du parti dit socialiste a compris que le moment de passer sur le devant de la scène était arrivé. Il a joué l’homme neuf, peu connu donc pas usé, et a répondu aux envies de sortir tous les sortants.
Le « futur désirable » de Hamon porte l’uniforme
Les premières visites du candidat élu ont été pour Hollande et pour Cazeneuve qui, s’ils ne se sont pas montrés enthousiastes, ont demandé obéissance et l’ont obtenue. Dans son discours d’investiture du 5 février, Hamon a déclaré que « le bilan de François Hollande ne peut pas être l’axe autour duquel nous faisons une campagne ». Autrement dit, silence sur les responsabilités politiques du président PS et des gouvernements où lui-même a siégé. Quant au coup de chapeau à l’efficacité de Hollande pour protéger la population (238 morts dans des attentats terroristes en 18 mois…), difficile de savoir si c’est le soutien aux assassinats ciblés, à la guerre en Libye.
Je sais ce que nous lui devons au moment où il a dû prendre des décisions graves. Il a sauvé des vies de Français, il a su nous protéger. (Hamon, Le Parisien, 5 février 2017)
Pas frondeur du tout pour ce qui concerne les opérations militaires françaises, Hamon justifie la guerre au Mali et en République centrafricaine :
Un État souverain qui vous demande d’intervenir militairement pour éviter qu’il y ait un « État » djihadiste juste de l’autre côté de la Méditerranée ? Bien sûr que je serais intervenu. (Hamon, Libération, 5 janvier 2017)
La tête de file de la « gauche du PS » veut une loi d’orientation commune à la sécurité intérieure et à la défense, leur budget cumulé devant atteindre 3 % du PIB (Hollande s’en tenait à 2 %) d’ici à 2022, soit 65 milliards d’euros par an pour l’armée et le renseignement. Il réclame la création d’une « police de proximité », alors qu’à Aulnay comme ailleurs, les jeunes et la population ont tout à gagner à s’en trouver le plus loin possible.
Le social-démocrate du 21e siècle
Comme tous les réformistes, Hamon fait semblant de répondre à de vraies aspirations des travailleurs et de la jeunesse en fourguant en réalité des mesures qui trahissent leurs justes revendications. Ainsi, en est-il du « revenu universel d’existence » versé dans un premier temps aux jeunes. Alors que dans ce pays, 25,8 % des jeunes sont au chômage (Eurostat, décembre 2016), que plus de la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté a moins de 30 ans, que 50 % des étudiants sont salariés pour financer leurs études, obtenir le droit de vivre décemment est plus que légitime. Mais 750 euros (« à terme ») ne permettent pas de payer un loyer, la nourriture, les transports ou les frais de scolarité. C’est une aumône en lieu et place d’un travail et d’un salaire décent : Hamon non seulement tolère le chômage de masse d’aujourd’hui, mais assène (en souriant, c’est moins anxiogène) que les prolétaires le subiront indéfiniment. C’est une aumône en lieu et place de la gratuité des transports, des inscriptions dans l’enseignement supérieur, d’une chambre en cité universitaire.
Ce « revenu universel », donné pour innovant, était dans la plateforme du MJS dans les années 1990, puis dans les cartons d’Aubry, projet « Eva », pour « entrée dans la vie active ». Cette allocation « unique » aurait supprimé du même coup l’aide au logement, les bourses sur critères sociaux… L’économiste très réactionnaire Milton Friedman la défendait trente ans avant, avec la privatisation des services publics, la destruction de la sécurité sociale et la fin du salaire minimum. Si loin, Hamon ?
Qu’est-ce que ce revenu engloberait précisément ? Les minima sociaux, d’abord, mais aussi les allocations familiales (qui redeviendraient universelles) et l’allocation logement. Évidemment, pas les retraites, ni l’assurance maladie ou les indemnités chômage… Mais c’est un débat ouvert ! (Hamon, Politis, 14 décembre 2016)
On comprend que le « revenu universel » fasse l’objet d’expérimentations en Finlande, aux Pays-Bas, à Singapour, au Canada et qu’il ait ses adeptes chez des patrons qui le jugent également utile pour éviter « une ère de radicalisation » (T. Höttges, PDG de Deutsche Telekom), autrement dit, une charité nécessaire pour que les pauvres se tiennent tranquilles.
Autre leurre pour la pêche aux électeurs : la baisse du temps de travail. Quand les travailleurs en activité subissent l’augmentation des cadences et de la durée du travail, tandis que des millions sont privés d’emploi, la revendication de réduction générale du temps de travail, sans diminution de salaire, pour fournir du travail à ceux qui en cherchent, correspond tout à fait aux besoins de la classe ouvrière. Dans les mains d’Hamon, elle se transforme en accords d’entreprises, en années sabbatiques, en généralisation des temps partiels et en cadeaux aux patrons :
« Depuis que je suis entré en campagne, on me prête de vouloir faire les 32 heures… Les 32 heures peuvent être une formule, mais je ne prétends pas passer la durée légale de 35 heures à 32 heures », a- affirmé. Hamon. Le candidat compte favoriser le temps partiel avec des primes sous la forme de baisse de charges. Il veut aussi encourager les entreprises à réduire le temps de travail en baissant de « 10 % les cotisations sociales, 8 % de manière pérenne ». (La Croix, 9 décembre 2016)
Pas question non plus de revenir sur l’augmentation du nombre d’années au travail avant de pouvoir partir à la retraite, Hamon et Valls se sont déclarés d’accord sur ce point (aussi) lors du dernier débat de la primaire.
Pas touche au capitalisme
Pour garantir à chacun un travail permettant de vivre dignement, le droit de se loger, de se nourrir correctement, de se former, de se soigner, de développer les ressources sans détruire la planète, il faut liquider la propriété privée des moyens de produire et d’échanger. Ces derniers sont depuis des siècles dans les mains des capitalistes qui décident en fonction de ce qui rapporte et non des besoins de l’humanité, qui licencient et condamnent à la misère pour continuer à s’enrichir, qui vivent de l’exploitation de l’immense majorité, qui pillent la planète et engendrent les guerres. Sans appropriation collective, sans socialisme, aucune des revendications vitales de ceux qui créent toutes les richesses, qui font fonctionner les services ne peut être satisfaite.
Or Hamon ne veut pas plus que Hollande s’en prendre au capital. Il accepterait volontiers de le « réguler », comme Le Pen, d’accompagner ses transformations, comme Macron. Cela exige de débiter doctement des sornettes sur « la raréfaction du travail » : est-ce que l’invention de la machine à vapeur, de l’électricité, a diminué la quantité de travail produit par l’humanité ? Dans une société entièrement dominée par le capitalisme, évidemment non, car le capitalisme tire son profit de la plus-value, et se sert des progrès technologiques pour exploiter toujours plus la force de travail.
Ou encore de prétendre qu’il ne faut pas « se préoccuper de la croissance » quand 805 millions d’humains souffrent de la faim (FAO) ? quand 3 à 4 milliards n’ont pas accès à l’eau potable (ONU) ? quand 1 milliard de personnes vit avec moins d’un dollar par jour (ONU) ? Il est au contraire urgent de libérer les forces productives du carcan de la course au profit au détriment de la satisfaction des immenses besoins sociaux, de planifier à l’échelle mondiale pour produire sans gaspillage, de jeter LVMH et ses semblables à la poubelle de l’histoire. Pour aller de l’avant, il faut aller au socialisme.