Pour la première fois dans l’histoire autrichienne, un président a été élu au troisième tour. Le 4 décembre, Alexander van der Bellen, le candidat du parti écologiste Die Grünen (Les Verts), soutenu dès le deuxième tour par le parti réformiste SPÖ (Parti social-démocrate autrichien) et pas mal des politiciens du parti démocrate-chrétien ÖVP (Parti populaire autrichien), les « libéraux » de NEOS (La nouvelle Autriche et le forum libéral) et des factions influentes, pro-UE, de la bourgeoisie a obtenu 53,3 % des votes.
Le candidat du parti fascisant FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), Norbert Hofer, qui avait le soutien du petit parti europhobe fondé par le capitaliste austro-canadien Stronach TS (Équipe Stronach pour l’Autriche), de cliques du clergé catholique et de franges de l’ÖVP a échoué avec 46,7 % des suffrages.
Ce qu’une bonne partie des journalistes autrichiens et commentateurs politiques des pays européens appellent avec soulagement une victoire de la raison et de la démocratie, montre en réalité ce qui a été déjà visible au cours des dernières années : une polarisation politique forte dans la population qui suit seulement partiellement des lignes de classes.
Cette polarisation résulte du détournement de larges couches prolétariennes et petites-bourgeoises de deux partis politiques traditionnels, qu’il soit bourgeois (ÖVP) ou d’origine ouvrière (SPÖ), la méfiance envers les institutions du régime parlementaire bourgeois et l’UE capitaliste, la recherche d’alternatives dans des partis « nouveaux » comme les Grünen et l’ÖVP, sont l’expression mythifiée, comme le référendum en Grande-Bretagne et l’élection présidentielle aux États-Unis, de réels conflits de classe dans ce pays. Mais Cette lutte de classe est mené pour le moment unilatéralement, de haut en bas, c’est une lutte de classe des patrons contre les salariés, des riches contre les pauvres, qui est menée sur tous les fronts.
Le SPÖ a perdu, au cours de décennies de subordination ouverte aux intérêts du système capitaliste, par sa volonté d’agir dans situations critiques comme agent de l’État bourgeois au service des capitalistes, le contact étroit avec les couches de base du prolétariat. Sa politique de privatisation a rendu impossible de poursuivre un « clientélisme réformiste » : le SPÖ n’a plus rien à répartir entre ses partisans. Comme défenseurs et gérants du capitalisme, les dirigeants sociaux-démocrates ont initié et soutenu des mesures d’austérité qui ont aggravé la situation des travailleurs de façon drastique. Défenseurs de l’Union européenne capitaliste, les bureaucrates du Parti « socialiste » cautionnent la libre circulation des marchandises et du capital, mais pas des êtres humains, comme ils l’ont montré avec la « crise des réfugies ». Le prix que le SPÖ paye pour ses politiques est élevé. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire d’après la 2e Guerre mondiale, son candidat à l’élection présidentielle, un ancien président de la Fédération des syndicats ÖGB, a obtenu seulement 11,28 % des votes au premier tour et n’était même pas éligible au second tour. Par conséquent, le PS c’est rallié au candidat écologiste, au nom de la démocratie.
Le FPÖ est proche du FN français : il a été fondé par des fascistes et des nantis, il prétend respecter la démocratie et il conquiert une base populaire parmi les victimes du capitalisme tout en privilégiant les PME. Il a joué au cours de la campagne électorale (10 mois en fait !) plusieurs cartes simultanément : d’une part, la carte de « parti social de la patrie », défenseur des « couches subalternes » contre « ceux en haut »; la carte du nationalisme, de la xénophobie et l’anti-islamisme ; et, de façon permanente la « lutte contre le système », contre les « élites ». Dans le passé, les confrontations électorales étaient dur; mais cette fois, le FPÖ a mené une campagne vraiment agressive, spécialement dans les « réseaux sociaux », avec ses partisans déchaînés, allant jusqu’à des menaces de mort contre les « rouges » et les « verts ». Même si le président a peu de prérogatives, contrairement à la France, le FPÖ voulait préparer la prise du pouvoir. Hofer a menacé de dissoudre le gouvernement une fois élu (ce que le président peut faire) parce qu’il ne représentait les « intérêts du peuple » et de convoquer des élections anticipées. Ce plan a échoué.
Par contre, le candidat des Grünen a montré un visage moderne, urbain, pro-EU. En fait, son programme est compatible avec le capitalisme autrichien et européen. Ancien professeur d’économie aux universités d’Innsbruck et Vienne, il est représentant d’une idéologie capitaliste démocratique, libéral au sens politique.
La défaite de Hofer n’est pas une raison pour les travailleurs avancés de se réjouir. Entre deux candidats bourgeois, la classe ouvrière n’avait pas un vrai choix. Cependant, il montre que certains électeurs des zones populaires qui ont dans les deux tours antérieurs voté pour le candidat FPÖ pour protester contre « le système » ont, à la dernière minute, reculé quand le candidat « bleu » a laissé tomber son masque amical et a montré son visage haineux. C’est encore une grande différence pour beaucoup de « donner une leçon » aux dirigeants sociaux-démocrates et de donner un marchepied vers le pouvoir au parti fascisant.
Les succès du FPÖ sont un avertissement des risques qui accompagnent la putréfaction du capitalisme et de l’aggravation de la crise de direction du prolétariat mondial. Le SPÖ, parti dominant au sein du mouvement ouvrier, a trahi les travailleurs, la jeunesse, les femmes. Maintenant, le pendule retourne vers les forces démagogues qui donnent des réponses fausses et réactionnaires au chômage, à la précarité, à l’internationalisation du capital.
Nous GKK devons maintenant expliquer avec patience et dans une manière compréhensible dans les discussions, dans les syndicats, dans les tracts et dans notre bulletin Klassenkampf les contradictions fondamentales du système capitaliste et formuler des réponses révolutionnaires aux questions brûlantes des ouvriers, des employés, des chômeurs, des étudiants, un programme qui s’en prenne à la propriété privée des moyens de production et qui ouvre la voie des États-Unis socialistes d’Europe. Que la bourgeoisie n’est pas sûre de sa cause, on peut le vérifier dans le fait que lors cette campagne électorale, pour la première depuis longtemps, fois un anticommunisme massif était déclenché.
Les masses, fragmentées, politiquement désorientées par leurs directions bourgeoises et petites-bourgeoises, cherchent une alternative. Cette alternative doit être communiste. Donc, avec nos forces très modestes, nous devrons quand même nous efforcer de regrouper tous les éléments d’avant-garde et propager la nécessité de la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire et d’une internationale ouvrière révolutionnaire. L’impérialisme est une époque de tournants brusques. Il serait fatal de tomber dans la passivité, parce qu’en ce moment la réaction est à l’offensive.