Depuis le début d’octobre, des manifestations de policiers se déroulent sans autorisation. Bien que le nombre de manifestants soit faible (environ 3 000 sur l’ensemble du pays), ce que les médias ont appelé la « grogne des policiers » est grosse de dangers pour la classe ouvrière.
L’armée permanente et la police sont les principaux instruments de la force du pouvoir d’État. (Lénine, L’État et la Révolution, août 1917)
Des pas vers le militarisme et l’État policier
Le président PS et le gouvernement PS-PRG-PE auront considérablement renforcé l’État au détriment des libertés. Après les attentats, ils ont organisé l’union nationale, du Medef à Solidaires et la CGT, du PCF au FN, ce qui a justifié l’état d’urgence. La République française mène plusieurs guerres. Elle autorise l’espionnage de la population. Elle procède à des assassinats secrets à l’étranger. L’armée patrouille dans les villes. Le gouvernement fait matraquer par les policiers les migrants, les manifestants salariés et étudiants.
Pour la santé publique, l’austérité ; pour les espions et les policiers, la prodigalité. Le budget de la seule Police nationale s’élève pour cette année 2016 à plus de 19 milliards d’euros (Assemblée nationale, Loi de finance de 2016, 8 octobre 2015), auquel il faut ajouter les différentes rallonges allouées par le gouvernement : 865 millions d’euros supplémentaires pour la rémunération des policiers et des gendarmes sur la période 2016-2020 octroyé par le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve en avril, ainsi que 250 millions supplémentaires annoncés en octobre en partie sous la forme d’une hausse de 15 % du budget de la Police prévu dans le budget 2017.
Une politique globale et résolue en faveur de la sécurité des Français menée par ce Gouvernement depuis 2012 nous a d’abord conduit à recréer 9 000 postes de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat. Elle nous a permis de conclure au printemps dernier avec les organisations syndicales et les instances de concertation de la gendarmerie, à l’issue d’une négociation extrêmement dense, une feuille de route sociale d’un montant de 865 millions d’euros sur la période 2012-2020 pour la revalorisation des carrières des forces de sécurité. Elle nous a enfin permis d’amorcer l’indispensable remise à niveau des équipements de ces forces, qui avaient été gravement laissés en déshérence par le passé. Il était normal que, dans le contexte de menace terroriste extrêmement élevée auquel notre pays est confronté, nous ayons privilégié dans un premier temps la reconstruction des moyens de notre renseignement intérieur, dans lequel près de 2 000 postes auront été créés, dans le cadre de plusieurs plans antiterroristes, et l’équipement des primo-intervenants, particulièrement exposés lors des attaques terroristes. C’est pourquoi nous avons mis en œuvre le plan pour la modernisation des moyens des policiers des BAC et des gendarmes des PSIG. (Ministère de l’Intérieur, 26 octobre)
La justice n’a jamais autant condamné, ni emprisonné : entre 2001 et 2012, le nombre de détenus a augmenté de 35 %. Depuis décembre 2015, les policiers ont le droit de porter leur arme en permanence. La loi du 3 juin 2016 a élargi les conditions d’ouverture du feu. En octobre, le gouvernement a recréé une garde nationale. Le budget 2017 prévoit 2 milliards d’euros supplémentaires à la défense, la justice et la police.
L’ingratitude des policiers
Ce gouvernement de collaboration de classes est à bout de souffle et les défenseurs de la bourgeoisie ne lui savent pas gré des services rendus. Le 17 octobre, 400 policiers, en armes et à bord de leurs véhicules de service, sirènes hurlantes, ne craignent pas de perturber la circulation aux Champs-Élysées, sans autorisation préfectorale. Le prétexte est l’agression violente, commise par des trafiquants de drogue, de policiers à Viry-Châtillon (Essonne) le 8 octobre.
Les chefs de file des députés LR et UDI, Jacob et Vigier, estiment que la manifestation est un signe de « ras-le-bol » et de « désespoir ». Ciotti, secrétaire général adjoint des Républicains, apporte son soutien aux policiers « exprimant une nouvelle fois leur ras-le-bol face au manque de considération persistant de l’exécutif ». Le parti politique de la famille Le Pen n’est pas en reste.
Le Front National apporte son total soutien aux policiers. Leur colère est légitime devant le laxisme inouï des gouvernements successifs avec les délinquants et les criminels qui pourrissent la vie des Français et transforment les forces de l’ordre en cibles à abattre. La société française a besoin d’ordre républicain et d’autorité pour retrouver l’apaisement… Les policiers doivent en outre bénéficier de la présomption de légitime défense… et pouvoir compter sur le soutien moral et politique de leur hiérarchie. (FN, Communiqué, 18 octobre)
Ce n’est pas la première fois que les policiers manifestent en se moquant de la légalité qui est invoquée par tous les « républicains » pour cadenasser la classe ouvrière et la jeunesse.
- Peu avant le coup d’État qui donne le pouvoir au général De Gaulle, le 13 mars 1958, 7 000 policiers marchent à l’Assemblée nationale pour réclamer « une prime de danger ». Le député Jean-Marie Le Pen tente de les y faire entrer…
- Après l’élection d’un président PS en 1981 et la constitution d’un gouvernement PCF-PS-MRG (dont Badinter, ministre de la Justice), 2 500 policiers se dirigent le 13 juin 1983 vers l’Élysée et le ministère de l’Intérieur place Beauvau aux cris de « Badinter assassin ! ».
- En octobre et décembre 2001, plusieurs manifestations de policiers (et de femmes de gendarmes, qui relèvent de l’armée) ont lieu contre le gouvernement PCF-PS-Verts.
- Entre les deux-tours de l’élection présidentielle de 2012, un policier est mis en examen après avoir tué un prévenu d’une balle dans le dos. En armes, gyrophares allumés, sur les Champs-Élysées, ses collègues réclament « l’assouplissement des règles de légitime défense ».
Ceux qui voient la « révolution » débuter dans les commissariats
9 jours après les faits, il ne s’agit plus de la spontanéité initiale des collègues du commissariat d’Évry. Les principaux syndicats de policiers sont débordés par le parti fascisant et des groupes fascistes qui y sont politiquement majoritaires : si le syndicat dirigé par le FN (FPIP) avait obtenu en 2014 moins de 4 % des votes aux élections professionnelles, aujourd’hui 56,2 % des policiers et militaires se disent prêts à voter Le Pen à la présidentielle de 2017 (CEVIPOF, mai 2016).
Pourtant, dans le mouvement ouvrier, des opportunistes congénitaux considèrent les policiers comme des salariés ordinaires et se réjouissent d’une prétendue lutte contre l’austérité qui annoncerait même la révolution.
Le FN n’est pas en mesure de prendre la tête de l’actuelle fronde des policiers dont la plupart n’entendent pas être « récupérés » par quelques partis que ce soit et sont conduits, de fait, à se heurter avec la politique de réduction des dépenses de l’Etat. Comble de cet Etat policier qui ne peut entretenir décemment …la police !… Ainsi, le policier du rang se voit subitement réduit à la condition de simple salarié à laquelle il pensait se soustraire. Il subit la même misère salariale que tout fonctionnaire de catégorie C… Cette fronde va à l’encontre de la rigueur budgétaire et …à l’encontre de l’Etat d’urgence… Nous y voyons un des signes avant-coureur de la crise révolutionnaire qui couve dans ce pays… (GlC, Tout commence à s’effondrer, 23 octobre)
Il est vrai que le groupe La Commune considère que le référendum du Brexit – c’est-à-dire le choix du repli sur une Grande-Bretagne capitaliste plutôt que le maintien dans l’UE capitaliste – est une victoire et un encouragement [voir Révolution communiste n° 18, 19]. Bizarre « crise révolutionnaire » qui sans émergence d’un parti ouvrier révolutionnaire, après la défaite du mouvement contre la loi travail, avec la montée électorale ininterrompue du FN et l’insoumission policière animée par ce dernier… En quoi « la fronde » des policiers va-t-elle « à l’encontre de l’état d’urgence » ? Elle s’inscrit au contraire dans la marche au militarisme et à l’État policier dont l’état d’urgence est un aspect.
Le lambertisme n’avait pas vu venir la crise révolutionnaire de 1968, malgré la situation mondiale et de multiples signes annonciateurs en France ; depuis cinquante ans, quelle que soit la conjoncture, ses successeurs (PdG, POID, POI, GlC…) prédisent l’apocalypse à la 5e République [voir Cahier révolution communiste n° 9]. Preuve que ce radicalisme n’est que de façade, les lambertistes ne déduisent nullement qu’il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire. Ils se donnent pour but, au contraire, un vague « parti des travailleurs » ou « parti ouvrier indépendant ».
Les fascistes à la manœuvre
Qui peut croire que « l’extrême-droite » est simple spectatrice de l’insoumission présente ? Même le premier secrétaire du PS sait à quoi s’en tenir.
Nous avons vu la patte du FN dans les manifestations hors la loi qui se sont déroulées avec les forces de l’ordre hier. (Jean-Christophe Cambadélis, point-presse du PS, 19 octobre)
Dans un premier temps, le gouvernement PS-PRG-PE qui est la tête de l’État qu’est censée servir la police tente de rappeler les règles en vigueur. Le 18 octobre, le ministre de l’Intérieur Cazeneuve déclare : « Défiler avec des voitures de police et des gyrophares n’est pas conforme à ce qu’est la déontologie de la police dans la République ». L’IGPN est chargée d’enquêter sur ces indisciplines par le directeur général de la police nationale.
Ces modalités de l’expression publique des policiers étaient contraires à leurs obligations statutaires. Par ce comportement, ils fragilisent la police nationale et fragilisent aussi chaque policier. (Jean-Marc Falcone, Note de service, 18 octobre)
La réponse est de nouvelles manifestations le 18 octobre dans toute la France (Paris, Marseille, Toulouse, Nice, Clermont-Ferrand, etc.) malgré l’état d’urgence et l’interdiction par la loi de manifester. 400 policiers chahutent Falcone, le directeur de la police nationale, au commissariat d’Évry en chantant La Marseillaise. Le 19 octobre, le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve annonce une concertation dans chaque département. Le président en personne annonce le 20 octobre qu’il recevra prochainement les syndicalistes de la police.
Rien n’y fait, les manifestations se poursuivent, se généralisent, réclament la démission du ministre PS Cazeneuve. LR et le FN continuent à souffler sur les braises.
Donnant chaque année un lourd tribu pour la sécurité de nos concitoyens, les policiers comme les militaires de la gendarmerie ne sont plus en mesure d’assurer pleinement leurs missions. Comment pourrait-il en être autrement quand une politique pénale dévitalisée de toute forme de sanction, a libéré des multirécidivistes et accentué l’inexécution des peines ? Force est de constater que jamais l’autorité de l’État n’avait autant reculé que sous le quinquennat de François Hollande, au grand avantage de la « voyoucratie ». (LR, Communiqué, 20 octobre)
Symboles de l’engagement au service des autres, et cela bien souvent au prix de sacrifices personnels et familiaux, nos policiers sont confrontés à des restrictions budgétaires constantes. Face à cette situation intenable, face au mépris de leur hiérarchie mais surtout face à l’inaptitude d’un ministre de l’Intérieur ajoutant désormais l’arrogance à l’incompétence, de nombreux rassemblements de policiers ont eu lieu partout en France. Le Front National les soutient infailliblement et tient à rappeler que seule la tolérance zéro, dont notre police sera le fer de lance avec l’entier soutien de la nation, permettra d’éviter que la loi de la jungle s’abatte sur notre pays. (FN, Communiqué, 21 octobre)
Un métier moins dangereux que ceux du bâtiment
« Lourd tribu » dit LR, « cibles à abattre », dit le FN. Si l’agression de Viry-Châtillon choque légitimement, le métier de policier ne compte pas parmi les plus dangereux. En 2015, selon l’Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), six policiers ont trouvé la mort en exerçant leur profession. En 2014, deux. Sur 6 714 policiers blessés en 2015, l’ONDRP comptabilise 3 317 blessures par accident, dont 1 583 liées à l’entraînement.
La profession la plus dangereuse est la pêche : 20 marins meurent en moyenne par an. Selon les dernières statistiques disponibles, il y a eu 87 décès d’ouvriers agricoles en 2014 (Mutualité sociale agricole, 2016) ; il y a eu 20 morts dans la chimie en 2013, 43 dans l’industrie agro-alimentaire, 50 dans la métallurgie, 115 dans le transport, 145 dans le bâtiment et les travaux publics (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, 2014). Certes, les salariés du BTP restent, au moins pour l’instant, heureusement plus nombreux (environ 1,5 million) que les policiers et les gendarmes (environ 250 000), mais cela fait 9,66 décès par an pour 100 000 travailleurs du bâtiment contre une moyenne de 4 décès par an pour 100 000 policiers.
Bien que leur métier soit moins dangereux que celui des marins-pêcheurs, des ouvriers agricoles et des ouvriers du bâtiment, les policiers sont mieux payés, à qualification égale. En ce qui concerne le temps de travail, l’écrasante majorité relève d’horaires appelés « régimes cycliques » dont le temps de travail moyen annuel est bien inférieur à celui imposé à l’ensemble des fonctionnaires (1 607 heures) : par exemple 1 536 h 38 mn pour le cycle 4/2 de jour et 1 416 h 38 mn pour le cycle 4/2 de nuit. Alors que la loi El Khomri, entre autres dispositions, réduit le paiement des heures supplémentaires, celles effectuées par les policiers leurs sont compensées selon un ratio allant de 100 % à 300 %.
Ainsi, dans les services chargés de la sécurité publique, une heure récupérable correspond en moyenne à 38 minutes de travail effectif. (Cour des comptes, Police et gendarmerie nationales : dépenses de rémunération et temps de travail, mars 2013)
Les « réformistes » compatissent
Depuis des décennies, les policiers (et les douaniers) persécutent les migrants, détruisent les camps de ceux qui s’organisent eux-mêmes (Roms, réfugiés)… Au cours du premier semestre, les policiers ont agressé les travailleurs et les étudiants qui manifestaient ou bloquaient des raffineries et, en prime, plus d’un(e) journaliste. Pourtant, ils reçoivent l’appui des chefs de la CGT (Martinez) et de FO (Mailly).
« Bien sûr que oui, nous condamnons toutes les violences », a déclaré le numéro un de la CGT sur France 2, invité à dire s’il condamnait celles visant les forces de l’ordre… « En même temps, il y a eu des violences policières », a-t-il souligné, tout en ajoutant qu’elles « peuvent s’expliquer ». Il a évoqué l’absence d’ordres donnés aux policiers pour contenir les débordements et les sous-effectifs. « C’est pour cela que la CGT police manifestera aussi mercredi » avec les gardiens de la paix, appelés par l’ensemble de leurs organisations à se rassembler à Paris pour dénoncer la haine anti-flic. (AFP, 12 mai)
« Moi je ne remets pas en cause les policiers », a déclaré Mailly sur RTL, rappelant qu’il avait condamné l’affiche controversée d’un syndicat… « ils font un métier pas facile avec parfois ordres, contre-ordres pas faciles à suivre sur le terrain », a expliqué le leader de FO. « Ils sont un peu en burn-out, faut bien comprendre aussi, entre l’état d’urgence, les manifs aujourd’hui, l’Euro 2016 demain », a-t-il ajouté… « Donc je n’incrimine pas les policiers », a insisté M. Mailly, assurant que des membres de FO participeraient à la manifestation prévue mercredi à l’appel notamment d’Alliance (syndicat majoritaire) contre la haine anti-flic. (AFP, 16 mai)
Au printemps, seule la confédération Solidaires a dénoncé la répression policière et tenté de protéger les cortèges des jeunes. Aujourd’hui, face aux manœuvres réactionnaires et fascistes, tous les partis réformistes et légalistes plaignent les flics.
Le PCF condamne l’agression des policiers et soutient les rassemblements. (PCF, Communiqué, 10 octobre 2016)
Les policiers de base subissent certaines des conditions que connaissent trop bien tous les travailleurs. (L’Étincelle, Mais que fait la police ?, 24 octobre)
Les policiers du rang ne sont pas mieux traités que le personnel des hôpitaux ou de l’Éducation nationale, en particulier ceux qui travaillent dans les quartiers populaires. (LO, Policiers mécontents : l’impasse du tout-répressif, 26 octobre 2016)
La dégradation de la situation que dénoncent les policiers est celle subie dans toutes les cités, dans tous les quartiers… Ils sont en première ligne pour constater la dégradation sociale et, au sens propre comme au sens figuré, la prendre en pleine figure. (LO, Manifestations de policiers : société violente, 19 octobre)
Les policiers se prennent toute la violence de la société dans la figure, l’État les maltraite et les envoie au casse-pipe. (Nathalie Arthaud, La Dépêche, 28 octobre)
Les policiers seraient assimilables aux enseignants et aux soignants. Ce ne seraient pas les sans-abri, les sans-papiers, les chômeurs non indemnisés, les femmes à temps partiel contraint, les travailleurs précaires… qui prendraient les premiers, en pleine figure, les effets du capitalisme.
Coupée du peuple, constituant une caste professionnelle fermée d’hommes dressés à sévir contre les pauvres, d’hommes relativement bien payés, la police demeure infailliblement, dans toutes les républiques démocratiques où règne la bourgeoisie, l’instrument, le rempart, le bouclier le plus sûr de cette dernière. Des réformes sérieuses, radicales, en faveur des masses laborieuses ne peuvent pas être effectuées avec son aide. C’est objectivement impossible. (Vladimir Lénine, Ils ont oublié l’essentiel, mai 1917)
Les partis issus de la classe ouvrière qui gouvernent (PS), qui ont gouverné (PCF) ou qui veulent gouverner dans le cadre du capitalisme (PdG) capitulent tous, une fois au pouvoir, devant les exigences des groupes capitalistes et des grandes fortunes. Si bien que le chômage, la précarité, l’inégalité, la pauvreté et la discrimination ravagent les quartiers les plus pauvres des grandes agglomérations. Tous les partis sociaux-impérialistes sont d’accord sur un point : il faut plus de police.
L’épuisement trouve ses sources dans le rythme terrible qui est imposé aux effectifs de Police… D’abord, il faut embaucher, renforcer le nombre et la présence quotidienne de la Police Nationale dans tous les territoires… (PCF, Communiqué, 24 octobre)
Il faut que le ras-le-bol au sein de la police ait atteint un point critique pour que des policiers se risquent à des manifestations en service qui pourraient leur coûter cher disciplinairement. Sans parler de l’ample mouvement de sympathie en interne de la police nationale dont bénéficie le mouvement… Le Parti de Gauche est convaincu qu’un renforcement significatif des effectifs de police dédiés à la sécurité publique et un investissement massif sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail des policiers et l’accueil du public. Une fois de plus, l’austérité est l’ennemi de la Police et de sa mission d’intérêt général.(PdG, Communiqué, 23 octobre)
France insoumise ou État policier ? L’ancien cacique du PS et ministre de Jospin, candidat à l’élection présidentielle d’avril 2017 (avec le soutien du PdG, d’une fraction du PCF, de la GR, du secrétaire de la CGT Police…) chiffre même à 10 000 le recrutement.
Policiers, militaires, juges, nombre d’entre nous ont compris que les « pareil au même », les « pire en pire » que sont les siamois du Paris socialiste et des Républicains ont amené l’État à ce point de décomposition, ont gesticulé et utilisé si irresponsablement votre autorité, au point que la majorité d’entre vous n’a plus confiance en eux. (Jean-Luc Mélenchon, 11 novembre)
Les corps de répression, de toujours, rejettent le PS. La nouveauté est ailleurs : la majorité bascule de LR au FN.
Le gouvernement obtempère
Le 23 octobre, Falcone annonce la restriction des missions, de nouveaux équipements et la rénovation des commissariats. L’une des revendications des policiers est la fin des gardes de personnalités, de lieux, de prévenus à l’hôpital, de transport de prévenus… Ces tâches devraient revenir, moyennant argent public, aux sociétés de sécurité privées dont l’effectif a explosé. Il s’agit d’un terrain de profits, d’entraînement et de recrutement pour des fascistes comme Halvard Couasnon patron de Colisée Sécurité, ou Axel Loustau, gérant de Vendôme Sécurité, tous deux proches de Marine Le Pen et anciens du GUD.
Les syndicats Alliance, Synergie & UNSA essaient de reprendre la main en convoquant des manifestations le 25 octobre, mais c’est peine perdue.
Alors que les rassemblements nocturnes, qui ont pour particularité de ne pas être pilotés par les organisations représentatives, continuent de réunir quotidiennement entre 1 500 et 2 000 personnes en France, mardi, le rendez-vous donné devant les palais de justice par une intersyndicale n’a que peu mobilisé : les policiers étaient environ 150 à Paris, une centaine à Bobigny et à Bordeaux, et quelques dizaines dans d’autres villes comme Lille, Toulouse, Marseille, Lyon, Rennes, Nice ou encore Carcassonne. (Le Monde, 27 octobre)
FO obtient à peine plus de succès le lendemain, en faisant entonner la même Marseillaise et demander aussi la mise en place d’un État policier.
Plusieurs centaines de policiers ont défilé ce mercredi 26 octobre à la mi-journée dans plusieurs villes de France en revendiquant plus de moyens, des peines plus sévères et une révision des règles de la légitime défense… Si ces manifestations ne revendiquaient officiellement aucune affiliation syndicale, elles correspondent à l’appel lancé pour une « marche de la colère policière et citoyenne » à midi par le syndicat Unité SGP police-FO… À Toulouse, les 150 manifestants ont été rejoints par le maire (LR) Jean-Luc Moudenc. (Huffington Post, 26 octobre)
Le 26 octobre, le président en personne reçoit les syndicalistes de la police au palais de l’Élysée. Le gouvernement de collaboration de classes cède, comme il l’a fait précédemment devant le grand capital, les petits patrons bretons du transport routier, les paysans, les médecins libéraux… ce qui contraste avec son intransigeance envers les salariés et avec sa violence (exercée précisément par l’intermédiaire de la police) à l’égard des migrants, des squatteurs et des manifestants (en particulier lors du mouvement contre le projet de loi Hollande-El Khomri).
À l’issue d’une rencontre de François Hollande avec les syndicats policiers, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a rendu public un plan budgété à 250 millions destiné à éteindre le mouvement de colère des policiers. Le ministre a ouvert la voie à une nouvelle réforme de la légitime défense pour les policiers et gendarmes (après celle de juin 2016 leur permettant déjà de tirer en cas de « périple meurtrier » d’un tueur ne les menaçant pas directement), indiquant que le Parlement sera saisi dès fin novembre de propositions « pour un examen rapide ». (Mediapart, 26 octobre)
Les manifestations se poursuivent, prenant une coloration toujours plus réactionnaire.
C’est la sixième manifestation des policiers lyonnais… Les policiers, principalement en civil vendredi soir, maintiennent la pression sur le gouvernement en demandant des mesures sécuritaires plus fortes que celles annoncées la semaine dernière… Les slogans entendus dans le cortège étaient d’ailleurs plus empruntés au Front National ou aux nationalistes qu’à Alliance Police ou Unité SGP, avec notamment « Hollande démission, la racaille en prison » et « Français, réveillez-vous, on est chez nous ». (Lyon Mag, 5 novembre)
Les fascistes qui veulent détruire la démocratie et le mouvement ouvrier, instaurer le totalitarisme, sont toujours et partout appuyés par les officiers et des policiers.
Un pilier de l’État bourgeois
Les « réformistes » des bureaucraties syndicales et des partis sociaux-impérialistes se font les avocats de la police parce qu’ils sont liés à l’État bourgeois qui est la garantie des rapports d’exploitation capitalistes et de la domination impérialiste. Le fait de syndiquer les mercenaires de la bourgeoisie affaiblit les travailleurs et renforce la minorité exploiteuse. Le message clair envoyé par les partis réformistes et les chefs syndicaux actuels à la classe dominante est : nous nous plions aux limites que vous fixez aux luttes.
Un mouvement de colère bien légitime au regard des conditions de travail indignes d’une démocratie saine. (SUD Intérieur, Policiers en colère : ne pas se tromper de combat !, 24 octobre)
La CGT-Police souhaite« des renforts de personnels de tous corps » et « le matériel en adéquation avec nos missions ». Elle aboie même avec les fascistes : « réforme de la légitime défense pour éviter que ce soit la loterie au tribunal et qu’elle soit applicable dans la réalité et pas seulement en théorie ». (CGT Police, À quelle manifestation la CGT Police apporte son soutien ?, 25 octobre).
Les bureaucrates syndicaux baptisent « revendications » les réclamations de moyens supplémentaires pour réprimer. Ils blanchissent les exécutants de la violence étatique contre le prolétariat et les opprimés.
Ceux que nous montrons du doigt, ce sont ceux qui donnent l’ordre de frapper sur les manifestants, et non pas ceux qui appliquent les ordres. (Philippe Martinez, CGT, 19 avril)
Le gouvernement et la police sont deux faces du même État bourgeois. S’il n’y avait pas d’appareil répressif de l’État (tribunaux, prisons, polices, armées), tout gouvernement serait impuissant.
L’énorme parasite gouvernemental, qui enserre le corps social comme un boa constrictor dans les mailles universelles de sa bureaucratie, de sa police, de son armée permanente, de son clergé et de sa magistrature. (Karl Marx, 2e brouillon de l’Adresse de l’AIT sur la Commune de Paris, 1871)
D’ailleurs, les gouvernements bourgeois passent ; la police bourgeoise demeure.
C’est l’existence qui détermine la conscience. L’ouvrier, devenu policier au service de l’État capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier. Au cours des dernières années, ces policiers ont dû affronter beaucoup plus souvent les ouvriers révolutionnaires que les étudiants nazis. Une telle école n’est pas sans laisser de trace. Et l’essentiel est que tout policier sait que les gouvernements changent, mais que la police reste. (Lev Trotsky, La Révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, janvier 1932)
Ainsi, la police, la gendarmerie et l’armée françaises ont traversé, avec une belle continuité, tous les régimes politiques du 20e siècle :
- la 3e République (née de l’écrasement de la Commune de Paris en 1871) massacrant par milliers les indigènes des colonies françaises, tuant 5 manifestants ouvriers sous le Front populaire à Clichy en avril 1937 ; emprisonnant par milliers les réfugiés fuyant les régimes fascistes d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne… ;
- le régime fasciste de Pétain (mis au pouvoir en 1940 par la chambre du Front populaire, dont la majorité des députés PS-SFIO) emprisonnant des milliers de militants du mouvement ouvrier, les livrant par centaines aux nazis, déportant des dizaines de milliers de Juifs (y compris les enfants que ne demandaient pas les nazis) ;
- la 4e République (installée par les États-Unis, le général De Gaulle et le PCF), assassinant des centaines d’Algériens en 1945 (sur l’ordre direct de De Gaulle), de Malgaches en 1947, des milliers d’Indochinois de 1945 à 1954, agressant les travailleurs lors de la grève générale de 1947, torturant des milliers d’Algériens, en tuant des centaines de milliers de 1954 à 1958… ;
- la 5e République (née d’un coup d’État militaire organisé par De Gaulle) tuant 3 manifestants en Martinique en décembre 1959, sous De Gaulle ; arrêtant et torturant les ouvriers algériens, en assassinant plus d’une centaine en octobre 1961, sous De Gaulle ; assassinant 120 personnes après une grève du bâtiment en Guadeloupe en 1967, sous De Gaulle ; matraquant les jeunes en mai 1968 et les grévistes en juin, causant 5 morts, sous De Gaulle ; liquidant des indépendantistes kanaks en janvier 1985, sous Mitterrand & Chirac ; matraquant les étudiants en novembre-décembre 1986 et assassinant l’un d’entre eux, toujours sous Mitterrand & Chirac ; en janvier 2003, un Argentin et un Éthiopien expulsés meurent aux mains de la police des frontières ; en octobre 2014, un écologiste est tué par la gendarmerie à Sivens.
Tous les défenseurs de la police et de l’État bourgeois au sein de la classe ouvrière (partis sociaux-impérialistes, bureaucraties syndicales) expliquent que les acquis sociaux de 1944-1945 sont dus à la bienveillance du Conseil national de la résistance, l’organe délibératif qui rassemblait tous les opposants au maréchal Pétain (des staliniens aux fascistes antiallemands, sous hégémonie de la fraction de la bourgeoisie qui avait choisi de maintenir l’alliance avec la Grande-Bretagne).
Ils mentent. D’une part, le CNR ne décidait pas, c’est le Comité français de la libération nationale dirigé par le général De Gaulle, s’appuyant sur une fraction de l’armée française et reconnu par les gouvernements britannique et américain, qui décidait. D’autre part, le but essentiel du CNR comme du CFLN était de sauver le capitalisme français, de reconstruire l’État bourgeois et de maintenir sous la botte les colonies françaises (dans un empire malmené par l’Italie, l’Allemagne, le Japon, menacé par les États-Unis).
Le gouvernement MRP-SFIO-PCF présidé par De Gaulle (1944-1947) y est parvenu en recyclant de nombreux hauts fonctionnaires de Vichy et en conservant sa police. Non sans mal : l’armement de la population en France, la révolution commencée en Italie en 1943 et en Grèce en 1944, la crainte de la révolution dans toute l’Europe ont arraché des conquêtes politiques et sociales considérables en France et dans toute Europe occidentale.
Gouverner par l’intermédiaire des partis réformistes et staliniens ou par des coalitions qui s’appuyaient principalement sur ceux-ci, tel fut le prix que la bourgeoisie a dû payer pour arrêter la première vague révolutionnaire. Ce prix implique le maintien des grandes organisations politiques et syndicales du prolétariat, le maintien d’une certaine possibilité de lutte directe (grèves), le maintien d’un appareil « démocratique »… Mais la bourgeoisie a réussi reconstituer, derrière le rideau de la « légalité parlementaire » et de la « paix sociale », un appareil militaire et policier qu’elle tient fortement en main. (4e Internationale, Résolution sur la « paix » impérialiste, mars 1946)
Le programme oublié
Toute révolution repose sur l’armement du peuple qui affronte, paralyse, rallie, disperse les forces de répression de l’ancien régime. Toute révolution prolétarienne, comme celle de 1871 à Paris, démantèle la police bourgeoise.
La police fut immédiatement dépouillée de ses attributs politiques et transformée en un instrument de la Commune de Paris… Il importait d’amputer les organes purement répressifs de l’ancien pouvoir gouvernemental… (1re Internationale, Adresse sur la Commune de Paris, 1871)
Pas plus que les militaires de métier, les policiers ne sont des travailleurs comme les autres. Quand ils obtiennent gain de cause, c’est moins de libertés démocratiques, plus de moyens pour réprimer les luttes des salariés, des étudiants et des migrants. Par conséquent, toutes les confédérations syndicales de salariés (FO, UNSA, CFDT, CGT, CFTC, Solidaires, FSU) jouent contre la classe ouvrière, contre l’ensemble des travailleurs, en syndiquant les policiers sur la même base que les syndicats autonomes, de manière conforme à leur essence politique, c’est-à-dire la défense de l’ordre bourgeois.
Le seul cas où les travailleurs peuvent se féliciter de l’insubordination des mercenaires de la classe dominante et doivent les soutenir, c’est quand ceux-ci pactisent avec les exploités et les opprimés, refusent de les réprimer malgré l’exigence de leur hiérarchie et du pouvoir, passent à leurs côtés avec leurs informations, leurs équipements et leurs armes. Cette situation exceptionnelle se produit quand la classe dominante est affaiblie et quand les travailleurs montrent leur force.
Par exemple, le 29 novembre 1947, 30 000 travailleurs des mines, du transport ferroviaire, du textile manifestent à Saint-Étienne. Armés de barres de fer, ils affrontent les compagnies républicaines de sécurité (CRS) nouvellement créés par le ministre de l’Intérieur, Moch (PS-SFIO), qui fait aussi appel à l’armée pour briser les grèves. Les manifestants prennent l’avantage. Ils montent sur trois automitrailleuses dont les conscrits ont refusé de tirer, confisquent les armes et obligent les gendarmes à évacuer la gare. Les bureaucrates syndicaux CGT rendront discrètement les armes le lendemain.
Pour préparer ce moment et le transformer en révolution victorieuse, il faut aux travailleurs d’autres équipes syndicales que les bureaucraties actuelles qui défendent la police, il faut un autre parti que ceux des agents de la bourgeoisie française qui veulent plus de flics (PS, PdG, PCF) et des petits-bourgeois pacifistes qui refusent d’appeler les travailleurs, les migrants, les habitants des quartiers populaires à se défendre contre la police et les fascistes (NPA, LO, POID…).
Le programme des communistes internationalistes s’oppose, sur cette question comme les autres, au social-patriotisme et au centrisme qui soumettent les travailleurs aux autres classes, soit la bourgeoisie, soit la petite-bourgeoisie.
Abolition des armées permanentes et armement général du peuple. La commune maîtresse de son administration et de sa police. (Parti ouvrier, Programme, 1880)
La conquête du pouvoir politique par le prolétariat signifie l’anéantissement du pouvoir politique de la bourgeoisie. L’appareil gouvernemental avec son armée capitaliste, placée sous le commandement d’un corps d’officiers bourgeois et de junkers, avec sa police et sa gendarmerie, ses geôliers et ses juges. (Internationale communiste, Plateforme, 1919)
Toute la police exécutrice des volontés du capitalisme, de l’État bourgeois et de ses clans politiciens corrompus doit être licenciée. Exécution des fonctions de police par la milice des travailleurs. (Ligue communiste, Programme d’action, 1934)
Pour se défendre, le prolétariat doit mettre à l’ordre du jour l’organisation de ses milices prolétariennes, de son armement. (Parti ouvrier internationaliste, section française de la 4e Internationale, Que veut le POI ?, 1937)
Les réformistes inculquent systématiquement aux travailleurs l’idée que la sacro-sainte démocratie est assurée au mieux lorsque la bourgeoisie est armée jusqu’aux dents et les ouvriers désarmés. (Quatrième internationale, Programme, 1938)
Tous les groupements du mouvement ouvrier, tous les travailleurs et tous les jeunes qui partagent ce programme qui est d’une actualité brulante doivent se rassembler avec les communistes internationalistes pour orienter les syndicats vers la rupture avec la bourgeoisie et son État, vers la lutte des classes et construire le parti ouvrier révolutionnaire qui fait tant défaut.
- Défense unie des grèves, des manifestations de salariés et d’étudiants, des locaux de toutes les organisations ouvrières, féministes, LGBT !
- Front unique pour la défense des migrants expulsés et chassés par la police et la douane ! Pour le droit d’installation et de circulation de tous les migrants en France et ailleurs !
- Interdiction aux fascistes de diffuser leur propagande de racisme et de division des travailleurs aux portes des entreprises, dans les quartiers populaires par tous les syndicats et tous les partis ouvriers !
- Dissolution des corps de répression et de l’armée de métier !
- Armement du peuple !