(Version espagnole/Versión española)
Comme on pouvait s’y attendre de la part d’un gouvernement de la bourgeoisie, le 14 octobre, Kuczynski [président élu en juillet, du PKK, un parti bourgeois récent dont le sigle correspond à se ses initiales] s’offrait son premier mort parmi la population : un paysan du département d’Apurimac, Quintin Cereceda. Il matérialisait ainsi, de façon criminelle, la démagogie délirante de son discours inaugural concernant la construction d’un pays « juste, équitable et solidaire » grâce à une « révolution sociale ».
Toutefois, son Premier ministre Zavala, en définissant sa mission devant le Congrès [la chambre parlementaire unique], a été très clair. Il promettait d’engager les « réformes structurelles » nécessaires à la croissance, comme la « réforme du travail et son adaptation aux besoins de l’économie » afin de « favoriser l’accès à l’emploi ». Il projetait de « débloquer de grands projets d’investissements » pour 18 milliards de sols, incluant des investissements privés dans la distribution de l’eau potable et l’assainissement. Il prévoyait de « élargir la base fiscale » et de porter le prélèvement à hauteur de 17 %. Il envisageait également de « financer des associations public-privés avec les excédents de l’État » comme l’avait déclaré le ministre de l’Économie. Tout ce qui, dans un bon roman capitaliste, signifie moins de droits pour les travailleurs – spécialement pour les jeunes -, davantage de licenciements par « l’assouplissement du travail », davantage de privatisations, davantage de cadeaux de nos ressources aux multinationales et davantage de prélèvements fiscaux. Sans plaisir, Zavala avait fait l’éloge de tous les gouvernements qui l’avaient précédé depuis 1990, tous privatiseurs et violemment antipopulaires, tandis qu’il proposait aux bancs fujimoristes [parti FP de Keiko Fujumori, candidate ayant eu plus de 32 % des voix au premier tour de la présidentielle, voir Révolution communiste n° 17] de « travailler ensemble ».
Que pouvait-il sortir d’autre d’un gouvernement qui concentre en son sein tout ce qu’ont supporté les classes exploitées durant le dernier quart de siècle : un gouvernement de patrons, dont le Président, le Premier ministre et les ministres de l’Intérieur, de l’Énergie et des Femmes ; un gouvernement du tolédisme, avec le chancelier et les ministres du Commerce, de la Santé, de l’Environnement, du Développement et de l’Insertion sociale, de la Défense ; un gouvernement de l’APRA [vieux parti nationaliste bourgeois dont Alan Garcia, président de 1985 à 1990 et de 2006 à 2011], du fujimorisme [Fujimori père a été président de 1990 à 2000] et de l’humalisme [le colonel Ollanta Humala a été président de 2011 à 2016] avec les dirigeants de la Banque mondiale, des brasseries Backus et autres multinationales, avec la confédération patronale Confiep à la tête du ministère du Travail. Kuczynki lui-même s’est ainsi immédiatement rendu à Pékin pour faire la promotion de nos ports, de nos gisements miniers, de nos projets ferroviaires à l’impérialisme chinois, ainsi que pour négocier de juteux bénéfices pour la bourgeoisie péruvienne de l’agro-industrie et du tourisme, laquelle, comme l’ensemble de la classe dominante, exulte avec son nouveau gouvernement, constitué non plus de technocrates du système, mais directement de ploutocrates.
Pour le peuple travailleur, en revanche, les conditions économiques ne peuvent que s’aggraver. C’est le cas des prix qui continuent de monter lentement mais inexorablement. L’inflation en terme annuel est de 3,5 % soit plus de 15 % en cinq ans. L’électricité, par exemple, a augmenté de 37 % pendant le gouvernement de Humala. Dans la santé les prix ont crû de 2,5 % cette année. Dans l’éducation, ils ont progressé de 3,6 %, à cause de la hausse des droits d’inscription dans l’enseignement public et privé. Certains produits de base augmentent constamment, tels le lait et l’huile. Par contre, le salaire de l’écrasante majorité ne progresse jamais. Ce qui est très différent de ce qui se passe avec les soldes policières et militaires. Un policier peut gagner le double d’un enseignant. Au Pérou, il vaut mieux être un mercenaire qui roue de coups les ouvriers que celui qui les forme dans les salles de classe.
Ce gouvernement est le produit des élections les plus anti-démocratiques depuis la chute de la dictature fujimoriste. Tous les candidats et tous les parlementaires du Congrès ont été complices de leur déroulement et de leurs résultats. La gauche du système, la gauche pro-capitaliste, d’un côté les partis pseudo-communistes PCP [issu du parti stalinien pro-Moscou] et Patria Roja [issu du parti stalinien pro_Pékin] et de l’autre le Frente Amplio anti-marxiste [un mini front populaire] ainsi que Democracia Directa, ont rendu possible l’élection frauduleuse et ont apporté leur appui réactionnaire à Kuczynski, en avalisant le ppkisme. Le PKK [parti du président] et Fuerza Popular [parti de sa rivale Fujimori] ont mis les institutions sous tutelle. Dans le Parlement, une alliance virtuelle PKK-FP fonctionne. Veronika Mendoza a déclaré dès le mois de juin que le Frente Amplio « ne fera pas obstacle » au gouvernement. Le « soutien consistera en un calendrier d’accords que nous proposerons au Parlement ». Face à tout cela, 1,2 million de votes nuls au second tour ont sauvegardé l’honneur et la conscience de classe d’une partie du peuple.
Dans les prochains jours vont avoir lieu, quasi simultanément dans le pays, deux événements importants mais d’origine opposée. L’un concerne le camp de la bourgeoisie impérialiste mondiale et l’autre celui de la classe ouvrière péruvienne.
Du 17 au 20 novembre se tiendra le Forum de la coopération économique Asie-Pacifique (APEC). Dans cet organisme, les États-Unis, le Canada, la Russie, la Chine, le Japon et l’Australie utilisent quatorze pays dominés dont le Pérou pour consolider leur pouvoir économique mondial. Durant sa tenue, 1 300 grandes entreprises des pays membres concluront des affaires de plusieurs millions au prix d’un plus grand appauvrissement des peuples asiatiques et américains. Ces sommets doivent être dénoncés par une mobilisation décidée du mouvement ouvrier et populaire, mais, pour que cela soit possible, certains changements politiques positifs devront se produire dans un événement simultané.
Du 16 au 18 novembre aura lieu le XIVe Congrès de la CGTP [principale confédération syndicale]. Il aurait dû se tenir l’an passé, mais la bureaucratie syndicale opportuniste qui domine la centrale l’a été retardé pour mieux se consacrer à soutenir officiellement la candidature petite-bourgeoise du Frente Amplio d’abord, puis celle de la grande-bourgeoisie de Kuczynski ensuite. Cette traîtresse et scandaleuse politique de soutien à l’ennemi de classe a été appliquée pour la première fois avec Humala et aujourd’hui, les bureaucrates en ont fait une règle fatale pour le prolétariat. La direction de la CGTP, soumise au PCP et à Patria Roja, s’était rendue devant le gouvernement humaliste et avait ainsi garanti toutes les défaites du mouvement des masses pendant cinq ans. C’est pourquoi, tant que la CGTP restera prisonnière et manipulée par des dirigeants qui non seulement abandonnent et trahissent les luttes mais se transforment en valet de l’ennemi, les travailleurs de la ville et des champs ne pourront pas se mobiliser radicalement en front unique contre l’Accord de partenariat transpacifique ou contre d’autres événements comme l’APEC. Ils ne pourront pas défendre avec succès leurs acquis ni assumer les combats pour de nouvelles conquêtes.
Parce que jamais cette bureaucratie qui soutient des programmes néo-libéraux ne conduira les masses à la grève illimitée avec des mots d’ordre qui reflètent les revendications historiques, ni ne combattra pour constituer un organisme de pouvoir prolétarien comme l’Assemblée nationale populaire. Seuls les militants syndicaux de base combatifs pourront donner à la CGTP une nouvelle direction de classe.
- Santé et éducation publiques, gratuites et de qualité, sous contrôle des organisations populaires.
- Contrat de travail unique avec pleins droits syndicaux et totale sécurité du travail. Titularisation de tous les précaires. Respect strict de la journée de 8 heures. Disparition des agences de travail temporaire.
- Salaire minimum de 2 000 sols.
- Nationalisation sans indemnité des transnationales et des grandes entreprises, sous contrôle de leurs travailleurs.
- Contrôle direct de toutes les entreprises publiques par leurs travailleurs.
- Étatisation de tout le commerce extérieur du pays.
- Annulation des traités de libre-échange.
- Dénonciation de la dette extérieure.
- Rupture avec les gouvernements impérialistes, avec le FMI, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, l’OMC, l’APEC.
- Pour la débureaucratisation de la CGTP et une direction de lutte de classe.
- Pour un parti ouvrier révolutionnaire.
Revolución Permanente / Pérou