(Version espagnole / version española)
La grève de masse n’est pas un moyen ingénieux inventé pour renforcer l’effet de la lutte prolétarienne, mais elle est le mouvement même de la masse prolétarienne, la force de manifestation de la lutte prolétarienne au cours de la révolution. (Rosa Luxemburg, Grève de masse, parti et syndicat, 1906)
Depuis l’élection de François Hollande en 2012, le gouvernement Hollande-Ayrault puis le gouvernement Hollande-Valls ont montré la servilité avec laquelle ils servent la classe capitaliste contre la classe ouvrière. Ce dernier a renforcé son offensive depuis fin 2015, en limitant drastiquement les libertés démocratiques et en s’en prenant aux droits des travailleurs. La classe ouvrière et la jeunesse tentent de résister à la nouvelle offensive de précarisation, de vaincre le gouvernement.
Un gouvernement PS qui limite les libertés démocratiques
Les attentats terroristes se sont multipliés au cours de la dernière année au Nigéria, au Kenya, en Tunisie, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Égypte, au Mali, en Libye, en Somalie, au Tchad, en Turquie, en Syrie, en Irak, au Liban, au Pakistan, en Afghanistan, aux États-Unis, en Belgique…
À cause des interventions militaires de la bourgeoisie française (Libye, Mali, Centre-Afrique, Irak, Syrie…), la population française a aussi subi des attaques des fanatiques réactionnaires : enfants israélites dans une cour de récréation, artistes antimilitaristes et antiracistes de Charlie Hebdo, Juifs faisant leurs achats, travailleurs et étudiants se distrayant au stade, en salle de concert, en terrasse de café ou de restaurant… Ceux de 2015 ont servi de prétexte au gouvernement Hollande-Valls pour réaliser une union nationale avec les députés (se levant tous pour entonner La Marseillaise en janvier et en novembre), avec les « partenaires sociaux » en janvier (des Sud au Medef), avec tous les partis (des sociaux-patriotes du Pcf jusqu’aux néofascistes du Fn). L’union sacrée a servi à s’en prendre violemment aux libertés démocratiques en instaurant un État policier – l’état d’urgence – en cherchant à rendre possible la privation de nationalité, puisée dans le programme du Fn. Qu’il n’ait pas réussi à constitutionnaliser ces offensives relève plus de manœuvres que d’un désaccord sur la restriction des libertés et le renforcement de l’appareil répressif de l’État bourgeois (armée, services secrets, police…).
Il n’en reste pas moins que l’état d’urgence, mis en oeuvre grâce aux voix de la quasi-totalité des parlementaires du Ps, du Pcf et du Pdg, est toujours en application ; il a été prolongé pour trois mois début février. Cela signifie que des perquisitions administratives sont pratiquées (sans même l’aval d’un juge), que des personnes sont obligées de pointer à la police trois fois par jour (assignations à résidence), que les préfets ont le droit s’ils le souhaitent d’interdire des manifestations, de fermer des salles de spectacle, d’interdire des réunions…
L’objectif du gouvernement est de faire peur aux travailleurs et aux jeunes, de diviser en stigmatisant les étrangers… C’est dans le même but que huit anciens salariés de Goodyear ont été condamnés à neuf mois de prison ferme – sur demande du gouvernement, la direction de l’entreprise avait retiré sa plainte – pour avoir défendu leur emploi.
C’est ce même gouvernement Ps-Prg qui soutient le patronat, notamment celui d’Air France, qui occupe de fait le Mali, qui bombarde la Syrie et l’Irak, qui frappe les lycéens et qui assassine Rémi Fraisse, qui est doux avec les riches (les fraudeurs fiscaux ne sont guère inquiétés) et dur avec les pauvres.
C’est ce même gouvernement qui divise les travailleurs et persécute la fraction la plus exploitée du prolétariat en expulsant à tour de bras les étrangers – en 2015, 17 000 personnes ont été éloignées par la force, contre 12 000 en 2011 (sur un total de 27 000 expulsions en 2014, un chiffre équivalent à ceux de Sarkozy) –, qui valide le contrôle au faciès, qui complexifie la vie des travailleurs étrangers en dématérialisant les demandes et renouvellements de titre de séjour, qui parque les réfugiés dans les camps avant de les démanteler – l’exemple de Calais est emblématique, un juge ayant même conclu à « une atteinte grave et manifestement illégale » au droit de la population du camp « à ne pas subir de traitements inhumains et dégradants » (Mediapart, 9 novembre 2015) –, qui limite encore la circulation des travailleurs en rétablissant les contrôles aux frontières dans l’espace Schengen, qui envoie les réfugiés dans les bras du gouvernement islamiste et de l’État policier turc d’Erdogan…
Un gouvernement PS qui veut augmenter l’exploitation
Depuis le 22 février, les organisations syndicales ont accepté de se mettre à table avec les organisations patronales pour négocier une nouvelle convention de l’assurance-chômage, qui est une offensive supplémentaire contre les travailleurs privés d’emploi. Elle a été précédée d’un rapport de la Cour des comptes, préconisant une baisse des allocations chômage et une réduction de la durée d’indemnisation. Ces propositions ont été reprises par le gouvernement et Hollande les a même établies comme axe de la négociation « je leur fais confiance pour aboutir à la signature d’une nouvelle convention sur ces bases » (La Tribune, 22 janvier 2016). Cela n’a pas empêché toutes les directions syndicales d’envoyer leurs représentants.
Pour les capitalistes, le Code du travail, malgré 35 ans de lois favorables aux patrons, contient encore trop de dispositions issues des poussées révolutionnaires de 1944 et 1968 qui pèsent sur le taux de profit. Dès le 11 janvier, plusieurs organisations patronales demandaient au gouvernement d’« assouplir » (c’est-à-dire précariser) le contrat de travail, de limiter les indemnités pour licenciement abusif, de réduire encore les cotisations patronales… c’est-à-dire de faciliter les licenciements et de réduire le salaire différé. S’appuyant sur le rapport commandé par Valls au Conseiller d’État Jean-Yves Combrexelle, qui avait d’ailleurs reçu les directions syndicales avant de remettre son rapport en septembre 2015, le gouvernement a répondu le 25 janvier par le rapport Badinter dont l’article premier énonce que « des limitations aux libertés et droits fondamentaux de la personne sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ».
C’était le prélude au projet de loi El Khomri que toutes les directions syndicales ont négocié durant des semaines avec le gouvernement. Son axe est l’accroissement de l’exploitation, par la flexibilité de l’emploi, du temps de travail et des salaires ; par l’inversion de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire la possibilité pour des accords d’entreprise de primer sur la loi et sur les conventions collectives même s’ils sont plus défavorables aux salariés.
L’avant-projet de loi, qui vise à utiliser « le dialogue social pour rendre les entreprises plus compétitives » (Myriam El Khomri, Le Monde, 18 février 2016), proposait de réduire la majoration des heures supplémentaires de 25 à 10 %, d’augmenter la durée quotidienne du travail jusqu’à douze heures, de plafonner à quinze mois – contre trente actuellement – les indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié, de rendre possible une consultation des salariés par referendum pour un accord ayant obtenu l’approbation d’organisations ne représentant que 30 % du personnel, d’augmenter la durée du travail et de baisser les salaires…
La classe ouvrière et la jeunesse résistent
Le patronat exprimait la satisfaction de voir le gouvernement se plier, une fois de plus, à ses exigences.
Les directions syndicales, réunies en intersyndicale le 24 février, ne demandaient pas le retrait du projet. Pour éviter la grève générale qui balaierait le projet et menacerait le gouvernement, les directions de l’Unef, de la Cgt, de Fo, de la Fsu, de Solidaires ont recouru, avec le soutien du Pdg, du Pcf, de Lo, du Npa, du Poid, du Poi, etc. à l’exutoire d’une « journée d’action » le 9 mars. En même temps, elles se rendaient aux convocations du gouvernement pour discuter de nouveau du projet.
Les numéros un des syndicats CFTC, FO, CGT, CFDT, et côté patronal CGPME, se sont succédés à Matignon pour des entretiens avec le chef du gouvernement, entouré des ministres Myriam El Khomri (Travail) et Emmanuel Macron (Économie). Les concertations se poursuivront mardi avec la CFE-CGC (cadres) et le Medef, et mercredi avec l’UPA (artisans) et l’Unsa, avant une réunion plénière le 14 mars. (Les Échos, 7 mars)
Devant la mobilisation des travailleurs et des jeunes, le pouvoir a opéré un repli tactique en retirant certains aspects du projet (notamment, sur le caractère obligatoire du barème prud’homal) tout en laissant intact l’essentiel du texte. Cela lui a permis d’utiliser l’opportune division syndicale– « Ce n’est pas un front syndical uni qui appelle à manifester aujourd’hui » (Myriam El Khomri, Bfm tv, 31 mars 2016) –, puisque la direction de la Cfdt (aux côtés de celle de l’Unsa) s’estimait satisfaite, alors que la direction de la Cgt, de Fo, de Solidaires et de l’Unef organisaient la diversion en appelant à une succession de journées d’action (le 17 mars, le 24 mars, le 31 mars). En réalité, ces directions cherchent toutes à défendre le gouvernement, soit en soutenant ouvertement le projet, soit en misant sur l’essoufflement par la tactique des journées d’action.
Comme les bureaucraties syndicales empêchent la grève générale et se déclarent prêtes « à remettre tout à plat », le gouvernement cherche à effrayer la jeunesse – les directions d’organisations de jeunesse ont une influence assez faible et risquent de se faire facilement déborder – pour entraver la mobilisation, en empêchant les assemblées générales étudiantes de se tenir, en exerçant la plus grande violence contre les jeunes qui occupent des lycées, des universités. Les manifestations du 31 mars (plus de 250) ont réuni plus d’un million de manifestants, avec de multiples grèves dans le secteur privé comme dans le public.
Dans leur communiqué commun au soir des manifestations, les directions Cgt, Fo, Fsu, Solidaires, Unef, Unl et Fidl… présentent « leur disponibilité pour rencontrer le gouvernement et faire des propositions « et appellent à de nouvelles journées d’action le 5 avril, le 9 avril, etc., toujours avec le soutien du Pdg, du Pcf, d’Ensemble, du Poid, du Npa, de Lo…
Cependant, des journées d’action, des grèves d’un jour, y compris reconductibles, n’ont jamais fait reculer aucun gouvernement, précisément parce qu’elles s’opposent à la grève générale.
Pour contrer ces manoeuvres, il faut tracer la voie pour les travailleurs et pour les jeunes, en imposant aux directions le mot d’ordre de grève générale pour faire céder le gouvernement.
- Retrait du projet de loi El Khomri ! Assemblées générales démocratiques partout ! Grève générale ! Coordination des comités de grève élus !
- Fin de l’état d’urgence ! Défense des grèves, des manifestations, des réfugiés contre la police et les fascistes !
- Retrait des sanctions contre tous les travailleurs qui défendent leurs droits, notamment ceux de Goodyear et d’Air France !
- Boycott de la négociation de la convention d’assurance-chômage !
- Interdiction des licenciements ! Diminution du temps de travail et embauche des chômeurs ! Échelle mobile des salaires et des heures de travail !
- Libre entrée des réfugiés ! Libre circulation de tous les travailleurs !
- Contrôle des travailleurs sur la production, la distribution et la finance !
Ce n’est qu’en posant la question du pouvoir que la classe ouvrière pourra faire aboutir ces mots d’ordre, qu’elle pourra poser les jalons vers l’établissement d’un gouvernement ouvrier. Tel est le programme qu’un parti ouvrier révolutionnaire, section d’une internationale ouvrière révolutionnaire, défendrait s’il existait. Sa création est plus que jamais nécessaire.