Le capital, pour redresser le taux de profit, s’acharne à anéantir les conquêtes antérieures et toute entrave à l’exploitation. C’est le sens des exigences émises par sept organisations patronales le 11 janvier, auxquelles Hollande a répondu favorablement une semaine plus tard, et auxquelles le rapport remis le 25 janvier par l’ancien ministre Badinter cédait en affirmant que « des limitations aux libertés et les droits fondamentaux de la personne peuvent être justifiées par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise » (article 1er).
Le 18 février, Myriam El Khomri, ministre du travail, présentait un avant-projet de loi dit « sur la négociation collective, l’emploi et le travail », dans l’objectif de « rendre les entreprises plus compétitives. » Le texte répond favorablement à toutes les demandes du patronat. Il inverse la hiérarchie des normes, ce qui signifie que des accords d’entreprise, presque toujours signés dans un rapport de force beaucoup plus favorable au patronat, pourront avoir priorité sur la loi.
Le patronat veut augmenter la durée de travail ? Le texte propose d’augmenter la durée hebdomadaire maximale à 60 heures.
Le patronat veut diminuer les indemnités prud’homales ? Le texte propose de diviser par deux le maximum d’indemnités pouvant être versées.
Le patronat veut que des accords minoritaires soient validés par référendum ? Le texte permet de soumettre à référendum des accords signés par des organisations ne représentant que 30 % du personnel.
Le patronat veut augmenter la durée du travail et baisser les salaires ? Il en avait déjà le pouvoir avec les « accords de maintien dans l’emploi », le projet en élargit le champ.
Le patronat veut faire travailler des apprentis mineurs plus de 8 heures par jour ? Le projet l’y autorise.
Le patronat souhaite pouvoir licencier encore plus facilement ? Grâce au gouvernement PS-PRG de Hollande-Valls, il n’aura plus qu’à se justifier en invoquant la sauvegarde de sa compétitivité.
La direction de la Cfdt juge le texte « déséquilibré » et celle de la Cgt parle d’une « loi du XIXe siècle ». Pourtant, les conquêtes ouvrières ne viennent pas d’un souci de « l’équilibre », mais de la lutte de classe contre la bourgeoisie (lutte de la 2e Internationale pour limiter la journée de travail à 8 heures, grève générale de 1936, armement du peuple en 1944, grève générale de 1968…). Pourtant, ce gouvernement ne préserve pas « l’équilibre » antérieur entre capital et travail, mais le modifie systématiquement au profit du capital. Pourtant, toutes les bureaucraties syndicales se sont associées à l’élaboration de ce « projet du XIXe siècle ». Philippe Martinez juge ne l’avoir pas été assez ; il se plaint de n’avoir « vu la ministre que deux heures » comme si trois heures d’entretien poli, sur convocation du gouvernement, auraient changé la politique que le gouvernement mène avec constance et avec la caution toujours renouvelée de tous les chefs syndicaux.
Depuis le 22 février, les « partenaires sociaux » se penchent sur le déficit du régime d’assurance-chômage (Unedic). Celui-ci découle des licenciements des patrons et non du goût pour « l’assistanat » des travailleurs comme les en accusent le FN et LR. Puisque toutes les directions syndicales sont d’accord pour ne pas pénaliser le capitalisme français en exigeant l’augmentation des cotisations patronales (qui serait une forme d’augmentation des salaires), la « négociation » sera forcément au détriment des chômeurs.
Sur le papier, ce sont les syndicats et le patronat qui gèrent l’Unedic… mais rien ne peut se faire sans l’aval de l’État… Le président de la République a invité, le 18 janvier, les organisations d’employeurs et de salariés à mettre au point une nouvelle convention en rappelant qu’en France, la durée d’indemnisation est la plus longue d’Europe… (Le Monde, 23 février)
Ce gouvernement est l’ennemi des travailleurs, qu’ils soient du camp de Calais, de Goodyear, d’Air France ou d’ailleurs, qu’ils aient un emploi ou qu’ils en cherchent un. De même que l’état d’urgence, imposé en janvier avec le soutien de toutes les bureaucraties syndicales et de tous les partis politiques d’origine ouvrière (PS, PdG, PCF), est en fait une violation des libertés démocratiques et une discrimination sur une base religieuse et ethnique, la diminution des allocations-chômage et le projet de loi Hollande-Valls- El Khomri sont une offensive de grande ampleur contre les droits des travailleurs. Aucune direction syndicale ne doit accepter de poursuivre la négociation de ce projet ou le plan du gouvernement contre les chômeurs. Dire comme les directions syndicales le font « que ce texte n’est pas acceptable en l’état », c’est indiquer par avance qu’elles se disposent à le négocier à la marge, comme Hollande le souhaite.
Ni négociable, ni amendable, retrait pur et simple du projet de loi ! Aucune diminution des droits des chômeurs !
Alors que Valls vient, le 23 février, de déclarer qu’il irait jusqu’au bout pour faire passer la loi, les directions syndicales, réunies le même jour, n’exigent même pas son retrait :
Les organisations signataires ne sont pas satisfaites de ce projet… Les organisations signataires, conscientes des enjeux et des responsabilités du mouvement syndical sont porteuses de propositions et sont disponibles pour engager le dialogue… (CGT, CFDT, Solidaires, FSU, UNSA, 23 février)
Dans les syndicats, dans les assemblées générales, les travailleuses et les travailleurs doivent s’organiser pour imposer leur volonté contre tous les bureaucrates corrompus, pour préparer la grève générale jusqu’au retrait du projet Hollande-Valls- El Khomri.