Le gouvernement s’attribue les mérites d’une reprise incertaine
Le FMI a revu en juillet sa prévision de croissance mondiale à 3,3 %. C’est dans un contexte d’incertitude sur le capitalisme mondial [voir Révolution communiste n° 11] que l’économie française peine à conserver sa position face à ses concurrents.
Pourtant, depuis le début de la présidence Hollande, un certain nombre de mesures ont été prises pour renforcer la compétitivité du capital français au détriment des travailleurs. L’ANI donne au patronat la possibilité de baisser les salaires, les baisses d’impôts et de cotisations sociales sont massives (15 milliards d’euros avec le pacte de compétitivité, 41 milliards avec le pacte de responsabilité, 7 milliards avec le crédit impôt recherche), les tribunaux du travail (conseils des prud’hommes) sont affaiblis et le travail le dimanche ou la nuit est élargi (loi Macron)…
Alors que la population laborieuse des villes et des campagnes voit son niveau de vie stagner, voire diminuer, le gouvernement Hollande-Valls-Macron continue à gâter les capitalistes et à s’en prendre aux travailleurs. Il continue à associer à sa politique le Parti socialiste, qui va le payer chèrement aux prochaines élections régionales, et les directions syndicales qui sont invitées à une « conférence sociale » des 19 et 20 octobre.
La Banque centrale européenne poursuit sa politique monétaire expansive en fournissant un crédit abondant et gratuit aux banques de la zone euro. Le taux de change de l’euro a baissé par rapport aux autres devises, ce qui facilite les exportations de pays comme l’Italie et la France. Le prix du pétrole et du gaz naturel a baissé, diminuant les coûts de l’industrie et de l’agriculture.
Sur l’année 2015, la croissance française devrait être de 1,1 % et le déficit des échanges extérieurs se réduit. Cela suffit au ministre de l’Économie Michel Sapin pour claironner que « la reprise est bel et bien engagée » (Le Monde, 14 août 2015), au Premier ministre pour affirmer à l’université d’été du PS que « nous sommes sur la bonne voie » (La Tribune, 1er septembre 2015). Le gouvernement PS-PRG en tire argument pour s’en prendre plus encore à la classe ouvrière.
Ces chiffres nous encouragent à maintenir le cap et à poursuivre nos efforts… Ce sera le sens de la deuxième loi que prépare Emmanuel Macron… et c’est le sens des réformes qui doivent aussi concerner le marché du travail. (Manuel Valls, La Tribune, 14 août 2015)
La production industrielle n’a augmenté que de 0,7 % depuis un an. L’économie française recule face à ses concurrentes : entre 2006 et 2014, alors que la croissance du commerce mondial était de 6,2 % par an en valeur, les exportations françaises ont augmenté de seulement 3 %.
Le capital bien servi
À l’inverse, les plus riches ont été choyés par les gouvernements de Hollande. Presque un milliard d’euros d’impôts leur a été restitué : 800 millions pour les 3 290 assujettis à l’ISF disposant d’un patrimoine de plus de 10 millions d’euros (un gain de 250 000 euros en moyenne par foyer fiscal), 126 millions pour ceux disposant de 1,3 à 10 millions (10 000 et 30 000 euros chacun). Ainsi les baisses d’impôt accordées aux plus riches ont dépassé de 200 à 300 millions celles du bouclier fiscal de Chirac-Villepin-Sarkozy.
Le taux de marge (la part du profit dans la valeur ajoutée des entreprises, qui donne une idée du taux d’exploitation) est passé à 31,1 % au premier trimestre 2015 (contre 29,4 % en 2014) et se rapproche du niveau record qu’il avait atteint avant la crise de 2008 (33,5 % en 2007). Les profits ont surtout explosé pour le grand capital. Au premier trimestre 2015, le bénéfice cumulé des entreprises du CAC 40 a augmenté en un an de 38 %, pour atteindre 38,5 milliards d’euros, avec un chiffre d’affaires en augmentation de 3 % (à 633,3 milliards de dollars). Ainsi les sommes versées à leurs actionnaires (dividendes et rachat d’actions) ont atteint 56 milliards pour 2014, en hausse de 30 % sur un an, un chiffre proche du record qui avait été atteint avant la crise (57,1 milliards en 2007).
Il n’en reste pas moins que les grands groupes du capitalisme français sont affaiblis : Alstom a vendu une partie de ses activités à General Electric, Alcatel a été racheté par Nokia, Lafarge a été pénalisé par son alliance avec Holcim… Aujourd’hui, 31 entreprises françaises font partie des 500 plus grandes entreprises mondiales, contre 37 dix ans plus tôt – en sont sortis Alcatel, Alstom, Areva, Arcelor, Lafarge, Suez. Toutefois la vente d’armes, notamment de Rafale, à l’Inde, au Qatar, à l’Arabie saoudite… est une raison de se réjouir pour le capital français.
Le gouvernement Hollande-Valls est en phase avec le capital, petit et grand. Lorsque Pierre Gattaz estime que « le sac à dos des entreprises françaises est encore beaucoup trop lourd », qu’il faut aller « beaucoup plus loin sur le social, le fiscal et les dépenses publiques… baisse des charges, réforme du contrat de travail, simplification, réforme fiscale » (La Tribune, 26 août 2015), le gouvernement répond présent. La loi Macron a facilité les licenciements, limité les sanctions des patrons ne respectant pas le code du travail, diminué les droits des représentants du personnel, affaibli les prud’hommes, flexibilisé le temps de travail. Les mesures récentes ont permis au patronat, pour un salarié payé au SMIC dans une entreprise de plus de vingt salariés, de diminuer de près de 80 % le taux de cotisation patronale :
Le taux de cotisation patronale serait, en l’absence des allégements généraux et de CICE, de 45,64 % au 1er janvier 2015… Les nouvelles dispositions… vont permettre de passer le taux net effectif de cotisations patronales à 9,49 %. (Les Comptes de la Sécurité sociale, septembre 2014, p. 142)
Le taux du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) passera de 6 % à 9 % de la masse salariale pour les salaires inférieurs à 2,5 Smic en 2016 ; dans le même temps le taux des cotisations familiales patronales passera de 5,25 % à 3,45 % sur les salaires allant jusqu’à 3,5 SMIC ; la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) – elle finance la protection sociale des artisans, commerçants, petits agriculteurs… – sera supprimée en 2017 ; le taux de l’impôt sur les sociétés (actuellement à 33,3 %) sera réduit à 28 % d’ici 2020 ; la surtaxe de 10,7 % sur l’impôt, instaurée par le gouvernement Fillon sur les entreprises de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, sera supprimée dès 2016.
Sur le dos des travailleurs
Malgré la reprise, le taux de chômage reste de 10,3 %, dans son calcul le plus strict, celui du ministère de l’économie (INSEE), avec 2,9 millions de chômeurs mi-2015. Ce taux est plus élevé de 3,2 % que celui d’avant la précédente crise mondiale (début 2008), alors qu’il a baissé pour l’Allemagne (4,7 % contre 7,8 %) et qu’il est revenu à peu près au niveau d’avant la crise pour le Royaume-Uni (5,4 % contre 5,1 %). Le ministère du travail (Dares) dénombre 5,7 millions de demandeurs d’emploi à la fin août en comptant toutes les catégories. Sur un an, cette population en hausse de 6,7 %.
Ce gonflement de l’armée de réserve facilite la précarisation et la hausse de l’exploitation : baisse de la part des emplois en CDI, hausse de la proportion des CDD, hausse de la durée du travail (41 heures par semaine en moyenne pour les emplois à temps plein), un milliard d’heures supplémentaires impayées (l’équivalent de 600 000 emplois), un dépassement de plus en plus fréquent de la durée maximale légale du travail… Il est également associé à une faible augmentation des salaires, à 1,2 % en moyenne sur les douze derniers mois pour les entreprises non agricoles de dix salariés et plus (moindre qu’en Allemagne et au Royaume-Uni) et une « individualisation croissante des rémunérations » (Ministère du travail, La négociation collective en 2013, p. 80), affaiblissant ainsi la négociation collective et aggravant la division au sein des entreprises.
Non seulement la hausse des inégalités engagée au cours des années 1980 se poursuit, mais elle s’accompagne – fait inédit sur la période – d’une baisse du niveau de vie des plus pauvres. Entre 2008 et 2012, le revenu annuel moyen des 10 % des plus pauvres a baissé de 6,3 %, soit une perte de 45 euros par mois, et le niveau de vie de la moitié la plus pauvre de la population a diminué.
En outre, en 2012 et en 2013, les salaires ont diminué en euros constants (hors inflation), respectivement de 0,4 et de 0,3 % (Insee Première, septembre 2015). Les ouvriers les plus exploités étaient plus touchés car le salaire net moyen des ouvriers intérimaires baissait de 2 % en 2013, celui des ouvriers non qualifiés de 1,3 %, et le premier décile (les 10 % des salaires les plus faibles) est en baisse de 0,6 %. 2,3 millions de personnes ont un revenu inférieur à 600 euros.
La nouvelle offensive contre le droit du travail
Curieuse époque où le FN parle de laïcité pour s’en prendre aux Arabes et aux Noirs, où les gouvernements prennent des mesures contre les droits des salariés en les appelant des « réformes », où les réactionnaires s’affichent comme des « modernisateurs », où les licenciements par l’employeur sont devenus des « ruptures conventionnelles », où les exploiteurs affirment la main sur le cœur que le rapport salarial n’est pas un « rapport de subordination », comme le reconnait la jurisprudence, mais une simple « soumission librement consentie ».
Le Code du travail avalise l’exploitation, l’oppression, la précarité, la discrimination (voir comment la SNCF a surexploité les ouvriers marocains durant des décennies, sans que les bureaucraties syndicales se mobilisent), mais il contient certaines dispositions juridiques les limitant. Non seulement il est plus léger que le code des impôts mais son alourdissement tient, comme pour la fiscalité, à des dérogations et des exonérations favorables au patronat. Pour les organisations patronales et les partis bourgeois, le droit du travail, aussi souvent contourné soit-il par les capitalistes, est trop protecteur des salariés.
M. Sarkozy veut aussi « repenser tout notre Code du travail » et propose « une règle simple : ne garder que les droits fondamentaux des salariés dans le Code du travail et renvoyer le reste à la négociation d’entreprise ». (Challenges, 2 mars 2015)
Il faut simplifier notre code du travail et favoriser l’accord d’entreprise ou de branche par l’inversion de la hiérarchie des normes… Je suis d’ailleurs heureux de constater qu’un certain consensus est en train d’apparaitre. (Pierre Gattaz, La Tribune, 26 août 2015)
Comme d’habitude, le gouvernement au service du capital obtempère.
Il faut adapter le droit du travail à la réalité des entreprises et donner toute sa place à la négociation d’entreprise et aux accords d’entreprise. (François Hollande, Conférence de presse, 7 septembre 2015)
À la fin de la 2e Guerre mondiale, le patronat était discrédité par sa collaboration avec le nazisme et les travailleurs étaient armés. Pour rétablir l’ordre bourgeois, il a fallu à De Gaulle non seulement la collaboration du PCF, du PS-SFIO et de la direction de la CGT, mais aussi accorder des concessions importantes à la classe ouvrière : libertés politiques, droit de grève, liberté syndicale, sécurité sociale, enseignement professionnel pris en charge par l’État, congés payés, limitation du temps de travail quotidien et hebdomadaire, etc.
Depuis, la hiérarchie des sources du droit du travail était la suivante : Constitution, loi, accord interprofessionnel, convention collective de branche, accord de groupe, accord d’entreprise, accord de site, contrat individuel de travail. Un texte de niveau inférieur devait être conforme aux textes de niveau supérieur et, lorsque deux textes existaient sur un même sujet, s’appliquait celui qui était le plus favorable au salarié. Un tel dispositif juridique protégeait les travailleurs, en particulier ceux des petites entreprises. Mais les gouvernements bourgeois le vident peu à peu de son sens :
- les lois Mitterrand-Auroux de 1982 prévoient que les conventions collectives fixent des règles moins favorables que celles de la loi dans le domaine de la durée de travail ;
- la loi Chirac-Fillon de 2004 permet qu’un accord d’entreprise fixe des règles moins favorables que la convention de branche.
L’étape suivante est préparée par les rapports officieux et convergents des groupes de réflexion « de droite » Institut Montaigne et « de gauche » Terra Nova, puis le rapport officiel de Combrexelle. Un accord d’entreprise pourrait avoir supériorité sur les conventions collectives et une convention collective de branche pourrait être moins favorable que la loi (seuls le salaire minimum, la durée maximale de travail hebdomadaire, la santé dépendraient toujours de la loi). Par exemple, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pourrait être repoussé. La négociation à un niveau inférieur ne sert plus à améliorer ce qui a déjà été obtenu à un niveau supérieur, mais à l’abaisser, le contourner.
D’ores et déjà, « une concertation approfondie » (Le Figaro, 9 septembre 2015) pour affaiblir les droits des salariés a lieu entre la nouvelle ministre du Travail Myriam El Khomri et les directions confédérales. La direction de FO dit avoir été « entendue » (Les Échos, 11 septembre 2015). En outre, le gouvernement prépare une « conférence sociale » les 19 et 20 octobre pour faire cautionner sa politique antisociale. Pour la CFDT, « la conférence sociale, c’est un vrai moment de travail » (L’Express, 28 août 2015). Des précédentes conférences sociales, sont sorties la diminution des retraites, la flexibilité du temps de travail et des salaires, la baisse des cotisations patronales. Ce sont les travailleurs qui encaissent à chaque fois les coups facilités par la collaboration de classe. Les syndicats de salariés doivent boycotter toute concertation contre le droit du travail, la « conférence sociale » des 19 et 20 octobre.
Pour la rupture avec la bourgeoisie et le gouvernement à son service
Contre les droits des salariés des entreprises, contre les fonctionnaires, contre le droit à la santé, contre le droit à la formation, contre les migrants, par ses interventions militaires multiples, par l’espionnage généralisé de la population et la présence de l’armée dans les villes, Hollande poursuit son œuvre au service de la minorité bourgeoise française, engagée dès son entrée en fonction. Elle est d’autant plus nécessaire que l’impérialisme français décline et que son rival allemand affirme sa suprématie dans l’Union européenne. La politique extérieure et intérieure du gouvernement s’appuie sur la coopération du PS, mais aussi du PCF et des directions syndicales.
Certaines directions syndicales appellent à une journée d’action le 8 octobre, listant des vœux pieux. Sans annoncer leur boycott de la conférence sociale contre le droit du travail ; sans réclamer le retrait des mesures contre les travailleurs de l’enseignement, contre les travailleurs de la santé, les réfugiés ; sans réclamer l’abrogation des lois Macron, ANI, LRU, des attaques contre la retraite, l’assurance maladie…
Pour mettre fin aux politiques d’austérité, augmenter les rémunérations, créer des emplois, réduire le temps de travail, défendre et améliorer le Code du travail, reconquérir la protection sociale, développer les investissements en assurant la nécessaire transition écologique, développer les services publics, les salariés, les privés d’emploi, les retraités sont appelés à manifester le 8 octobre 2015 par les organisations syndicales CGT, FSU, Solidaires, l’UNEF et la FIDL. (Collectif 3A, Appel, 21 septembre 2015)
L’une des organisations signataires (la FSU) a même paraphé, le 30 septembre, avec la CFDT et l’UNSA le protocole gouvernemental contre les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations dans la fonction publique (PPCR). La CGT, FO et Solidaires, après avoir accepté de négocier de bout en bout cette nouvelle attaque, ont refusé au final de signer. Pour que la FSU, la plus grosse fédération de la fonction publique, prenne la décision de signer, il a fallu le bloc en son sein de tout ce que la presse appelle « la gauche radicale » : PCF, PdG, Ensemble, NPA… Le PCF (courant U&A) et le NPA (courant EE) permettent au gouvernement Hollande-Valls-Macron de poursuivre son offensive contre les travailleurs de la fonction publique.
Tout cela montre que les travailleurs doivent s’organiser dans les syndicats, dans des comités d’action, pour obliger les organisations syndicales à rompre la collaboration de classe :
- Non à tout projet de loi limitant les droits des travailleurs ! Boycott de la conférence sociale, boycott du Conseil d’orientation des retraites !
- Hausse des salaires et des prestations sociales ! Interdiction des licenciements ! Baisse du temps de travail jusqu’à l’embauche de tous les chômeurs !
- Remboursement intégral des frais de santé ! Rétablissement du droit à la retraite à 60 ans à taux plein avec 37,5 annuités de cotisation !
- Expropriation des grands groupes capitalistes ! Gouvernement des travailleurs ! États-Unis socialistes d’Europe !