Le gouvernement Hollande/Valls avance sur tous les fronts pour remettre la bourgeoisie française en état de conserver ses positions et de récupérer celles perdues sur le marché mondial. Surfant sur la peur consécutive aux attentats du 7 janvier 2015 il a prôné l’union nationale portée par le mot d’ordre « on est tous Charlie ».
La loi Cazeneuve « sur le renseignement », adoptée définitivement le 24 juin par le Parlement, est une pièce maîtresse du dispositif visant à permettre à la bourgeoisie de s’ordonner et de s’armer pour les combats de classe qui sont devant elle puisque pour reprendre ses parts de marché perdues et plus généralement reprendre sa place dans les rapports inter-impérialistes, il lui faudra affronter ouvertement la classe ouvrière à un moment ou à un autre.
Le prétexte du renforcement du militarisme et de l’État policier est la lutte contre le terrorisme djihadiste. Il est prouvé depuis des années, aux États-Unis comme en France, que la restriction des libertés démocratiques n’empêche pas les attentats.
La violation des principes fondamentaux n’a pas produit de résultats très convaincants en termes de sécurité, c’est le moins que l’on puisse dire. (Mireille Delmas-Marty, professeure de droit au Collège de France et membre du PS, Le Monde, 6 juin)
Plus encore, l’État bourgeois américain et l’État bourgeois français suscitent les attentats sur leur territoire et le djihad contre d’autres musulmans au Proche-Orient. Indirectement, par leur complicité avec les monarchies wahhabites du Proche-Orient (Arabie saoudite, Qatar, etc.) qui répandent dans le monde la version plus anti-chiite et la plus rétrograde de l’islam (le salafisme), voire financent les bandes islamo-fascistes (Daech, Al-Qaida…). Directement, par la discrimination envers les Arabes et les musulmans sur leur territoire, par les interventions militaires dans les pays dominés.
Sur ce volet du renseignement, de nombreux dispositifs étaient déjà à sa disposition, l’un des objectifs de cette loi est de donner une existence légale aux dispositifs déjà conséquents mis en œuvre en toute illégalité par les services de renseignement : pose de micros et de caméras de surveillance, pose de logiciels espions pour les machines situées à l’étranger, fausses antennes relais destinées à espionner les téléphones portables dites IMSI-Catchers (utilisées notamment pour l’interception des communications passées dans les prisons), etc.
Ils seront complétés par la possibilité donnée au Premier ministre d’imposer l’installation de « boîtes noires » sur les réseaux des fournisseurs d’accès à Internet et des hébergeurs de données. Pilotées par des algorithmes dont on ne connait pas le degré de sophistication, ces boîtes auront pour mission de « détecter une menace terroriste sur la base de traitements automatisés des informations » (article L.851-4). Si les services chargés du renseignement estiment qu’une menace terroriste est confirmée par l’analyse des données, ils auront la possibilité d’obtenir l’identité de l’internaute.
Ces boîtes noires auront deux fonctions principales : savoir qui communique avec des cibles connues du renseignement et détecter ceux qui utilisent des techniques de dissimulation empruntées par les terroristes : cryptage et techniques similaires. Les données collectées seront centralisées, puis détruites à l’issue de durées prévues pour chaque technique, sauf exception… puisque ce projet de loi multiplie les exceptions en cas d’urgence ou de suspicion de menaces terroristes.
L’article L.811-3 étend considérablement le champ d’action de la police politique (DGSI) et éventuellement d’autres services (DGSE, DRM, DPSD, DN-RED, Tracfin…) selon des modalités qui seront précisées par un décret du Conseil d’Etat. Les prétextes à espionnage sont nombreux et amples : « l’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale », « les intérêts majeurs de la politique étrangère et l’exécution des engagements internationaux de la France et les intérêts économiques et scientifiques nationaux », « la prévention du terrorisme », « la prévention de la criminalité »,« la prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale ou de la reconstitution ou d’actions tendant au maintien de groupements dissous », « la prolifération des armes de destructions massives ». L’étendue des motifs ouvre la voie à la surveillance de masse, ce que justifie le ministre de l’Intérieur.
Si nous sommes confrontés au risque de violences extrêmement graves, il est normal que nous puissions prendre toutes les précautions nécessaires pour les prévenir, en vertu des pouvoirs de police administrative dont nous disposons. C’est dans des cas tout à fait exceptionnels, lorsque ces violences collectives peuvent porter atteinte à l’intégrité physique de personnes ou de groupes, que l’État, dont c’est le rôle, se chargera de le faire. (Bernard Cazeneuve, Examen du projet de loi à l’Assemblée nationale séance du 1er avril 2015 – compte rendu n°59)
En conséquence, cette loi est un outil de combat contre les masses pour permettre à l’État bourgeois français d’avoir les moyens de les contrôler individuellement ainsi que leurs organisations et de mettre en route l’appareil répressif contre les grèves, les luttes sociales et plus encore la révolution sociale !
Un mouvement de contestation a bien été initié par l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN), le syndicat national des journalistes (SNJ), le Syndicat des avocats de France (SAF), le Centre d’études sur la citoyenneté, l’informatisation et les libertés (CECIL), le Syndicat de la magistrature (SM), l’Association française des victimes du terrorisme (AFVT)… qui ont appelé à un rassemblement le 4 mai. Pour autant, aucun parti ouvrier, aucune confédération n’a organisé le combat contre ce projet de loi liberticide, n’a appelé à une manifestation centrale à l’Assemblée nationale le jour du vote du texte pour en exiger le retrait.
Toutes les bureaucraties syndicales (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, UNSA…) ont appelé à l’union nationale avec le gouvernement et le Medef en janvier. Le syndicat CGT-Police ne remet pas en cause le principe d’une loi d’espionnage de la population et encore moins l’existence d’officines de l’impérialisme, il se contente de demander « un texte recentré sur le terrorisme et doté de garde-fous plus importants qu’une simple commission administrative sans moyens ». Le syndicat FO-Police approuve carrément le gouvernement : « pour Unité SGP Police-FO, les dispositions prévues dans le projet de loi sont globalement de nature à répondre aux besoins des services de renseignement au quotidien, dans un contexte terroriste très actif ».
Tous les partis d’origine ouvrière (PS, PCF, PdG) ont participé à l’union nationale avec les partis bourgeois (MoDem, UDI, UMP-LR, FN) et les représentants des États islamistes du Golfe arabo-persique en janvier. Aujourd’hui, ils prétendent concilier espionnage de la population avec la démocratie, sans mettre en cause l’impérialisme français, ses interventions militaires, ses relations diplomatiques, ses ventes d’armes, ses discriminations xénophobes.
Autant dire que le gouvernement Valls/Hollande avait les mains libres. Les députés du PS ne défendent même plus les libertés démocratiques et, avec ceux des partis bourgeois, préparent une société à la Big Brother. De même, l’Assemblée a adopté à la demande du gouvernement Hollande-Valls une rectification du budget pour augmenter de 4 milliards d’euros les moyens de la guerre et de l’espionnage. En même temps, Touraine, Hirsch et les directeurs d’hôpitaux cherchent à économiser 3 milliards dans la santé publique.
Au nom de la défense de la démocratie, il y a toujours moins de libertés démocratiques. Au nom de l’union nationale, de la patrie en danger et du nécessaire rassemblement patriotique relayé par les organisations ouvrières, le gouvernement Hollande-Valls renforce l’appareil répressif d’État avec la rallonge budgétaire pour l’armée et les services secrets, avec la loi d’espionnage systématique de la population.
Les travailleurs vont devoir s’unir et s’organiser contre la classe dominante et son État policier.